Description et efficacité des prédateurs de pucerons
Auteurs de la première édition : Gérald Chouinard, Yvon Morin et Robert Maheux
Auteurs de la mise à jour 2023 : Francine Pelletier et Daniel Cormier
Dernière mise à jour par les auteurs : 4 mars 2024
Les prédateurs de pucerons sont très communs dans les vergers et ils peuvent maintenir efficacement les populations de pucerons présentes en dessous des seuils de nuisibilité. L’utilisation de pesticides à faible risque pour ces espèces utiles favorise leur présence dans le verger. Plusieurs de ces espèces se nourrissent aussi d’acariens, ce qui n’est pas sans intérêt (voir la fiche sur la Description et efficacité des prédateurs d’acariens).
Consultez le calendrier d’apparition des principaux ravageurs et espèces utiles (Fiche sur les Grilles de dépistage pour les vergers pour visualiser les périodes d’activité des différentes espèces décrites dans cette fiche.
Pour vous aider à reconnaître ces prédateurs, consultez également le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.
Cécidomyies prédatrices
La cécidomyie du puceron (Aphidoletes aphidimyza), à ne pas confondre avec la cécidomyie du pommier est l’un des plus importants prédateurs de pucerons verts sous les conditions prévalant au Québec. Elle se nourrit également de pucerons lanigères et de pucerons roses. Les cécidomyies passent l’hiver dans un cocon enfoui à environ 1 cm sous le couvre-sol du verger. L’adulte ressemble à un petit moustique (3 mm) d’apparence banale et difficile à observer, apparaissant en juin. Chaque femelle pond jusqu’à 300 œufs, dont plusieurs sur les feuilles de pommiers, près des colonies de pucerons. Les larves (asticots) sont orange vif et ont l’apparence de petits vers (2 mm) sans tête ni pattes. Les premières larves sont présentes au début de juin et il y a, en général, deux générations par année. Seules les larves sont prédatrices. Celles-ci paralysent leur proie par une piqûre et les ponctionnent ensuite pour se nourrir de leur contenu. Une larve de cécidomyie peut consommer jusqu’à 50 pucerons par jour. D’autres espèces de cécidomyies (Feltiella spp) sont prédatrices d’acariens.
Adulte et larve de cécidomyie prédatrice de pucerons (source : Francine Pelletier).
En utilisant des pesticides qui vont leur être moins nocifs (se référer au tableau de la fiche sur Les espèces utiles, une ressource à protéger sur la toxicité), les larves de cette espèce sont généralement suffisamment abondantes pour réprimer efficacement les pucerons verts sans besoin d’intervention. Il est estimé que les populations de pucerons verts peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsque 25 % des pousses affectées par les pucerons contiennent des cécidomyies prédatrices ou qu’il y a présence d’au moins une larve de cécidomyie par 20 à 40 pucerons.
Chrysopes
Chez ce groupe d’insecte bénéfique, c’est uniquement la larve qui est prédatrice (8 mm). Elle ressemble à un petit crocodile à l’abdomen effilé, munie de pinces à l’avant. L’adulte (10-20 mm) est d’apparence délicate. Il est reconnu par sa couleur verte ou parfois brune (dans ce cas, ce sont plus précisément des hémérobes), à ses longues antennes fines et à ses grandes ailes translucides parcourues d’un réseau de nervures et posées, au repos, tel un toit en pente au-dessus de son corps allongé. Ses œufs blancs (1 mm) sont dressés un à un au bout de longs fils de soie (1 cm) et sont facilement observables sur la face inférieure des feuilles ou parfois à la surface des fruits.
Œufs de chrysope (source : Catherine Pouchet, IRDA).
Larve et adulte de chrysope (source : IRDA et Franz Vanoosthuyse).
Environ trois générations de chrysopes sont dénombrées par année au Québec. Les larves sont présentes à partir de la mi-juin et vont fluctuer en nombre selon l’abondance des pucerons jusqu’à la mi-octobre. Elles peuvent consommer jusqu’à 50 pucerons par jour. Il est estimé que les populations de pucerons verts peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a une larve de chrysope pour 70 pucerons. Ce prédateur peut aussi être utile pour maintenir sous un seuil acceptable les populations de certains ravageurs tels que cochenilles, acariens, cicadelles et jeunes stades larvaires de papillons (chenilles) ou d’autres insectes, mais peu de données existent pour quantifier cette utilité.
Syrphes
Plusieurs espèces de syrphes peuvent être présentes dans les vergers. Près de 18 espèces différentes ont été répertoriées au Québec. Bien qu’il s’agisse d’une mouche, l’adulte ressemble, de par sa coloration, à une abeille. Il se différencie toutefois facilement par son habitude à faire du vol stationnaire. Sa tête et ses yeux de mouche sont aussi plus gros que ceux d’une abeille. La larve (6 mm) est un asticot sans pattes, qui ressemble à une petite limace (figure). Selon les espèces, elle est de couleur variable : gris, jaune, orange, vert ou une combinaison de ces couleurs, celles-ci formant généralement une série de lignes sur le dos. Les œufs de syrphe sont blancs et peuvent être facilement observés à travers les colonies de pucerons.
Syrphe adulte du genre Toxomerus sp. (source : Catherine Pouchet, IRDA).
Larve et œuf de syrphe (source : Catherine Pouchet et Francine Pelletier).
Ce groupe d’insectes est utile de deux façons. Adultes, ils agissent comme pollinisateurs, se nourrissant de pollen et de nectar. Au stade larvaire, la plupart des syrphes rencontrés en vergers sont d’excellents prédateurs de pucerons verts et roses : certaines espèces peuvent en consommer entre 400 et 900 pendant les 3 à 4 semaines de leur développement. Toutes peuvent se nourrir de cochenilles, de chenilles et d’autres petits insectes. Les syrphes sont actifs dès l’ouverture des bourgeons, les différentes espèces se succédant pendant toute la saison. Les plus efficaces sont retrouvées avant la fin de juillet et peuvent, jusqu’à ce moment, maintenir les populations de pucerons à de faibles densités.
Des larves très semblables aux syrphes appartiennent à une autre famille de mouche (Chamaemyiidae). Le genre Leucopis sp. est commun en verger. Chez Leucopis sp., les deux appendices situés à l’extrémité postérieure de la larve sont séparés alors que chez les syrphes, ils sont accolés. Les œufs sont très semblables à ceux des syrphes. Les adultes sont de petites mouches gris argenté.
Larve et adulte de Leucopis sp. (source : Francine Pelletier).
Coccinelles
Les coccinelles sont facilement reconnaissables avec leur forme arrondie et leur couleur vive (souvent rouge, parfois orangée, jaune ou noire), ornée de points noirs ou de marbrures. Une dizaine d’espèces peuvent être retrouvées dans les vergers. Elles se nourrissent de pucerons, d’acariens, de cochenilles ainsi que d’œufs de toutes sortes d’insectes. Les adultes et les larves sont prédatrices. Elles peuvent se nourrir d’une centaine de pucerons par jour. Au Québec, les coccinelles complètent une génération par année.
Les principales espèces rencontrées en vergers au Québec sont :
Coccinelle à deux points : L’adulte (5mm) est rouge avec un point noir au centre de chaque aile. Il s’agit d’une espèce indigène au Québec mais, avec l’arrivée de coccinelles exotiques, elle est aujourd’hui beaucoup moins fréquemment observée.
Deux morphes de coccinelles à deux points (source : Daniel Coderre et Catherine Pouchet, IRDA).
Coccinelle à sept points : L’adulte (7 mm) est rouge avec sept points bien comptés et porte deux marques pâles sur les côtés du thorax et à la jonction des ailes. Il s’agit d’une espèce exotique. On l’observe principalement au printemps, puis à la mi-septembre.
Coccinelle à sept points (source : IRDA).
Coccinelle à quatorze points : Il s’agit également d’une espèce d’origine exotique. L’adulte (3-5 mm) est jaune et porte un motif noir ressemblant à un damier. Ne cherchez pas trop à trouver le nombre exact de points!
Coccinelle à quatorze points (source : Ginette Laplante).
Coccinelle asiatique : Depuis son arrivée au Québec en 1994, cette espèce exotique est maintenant la coccinelle la plus commune dans la majorité des vergers. C’est aussi la plus vorace, et une des plus grosses (7 mm). Elle se nourrit principalement de pucerons et d’acariens, mais aussi de larves de tordeuses et de plusieurs autres petits insectes. Sa coloration varie de jaune à noir, en passant par le rouge et l’orangé. Le nombre de points peut aussi varier de 0 à 20.
Coccinelle asiatique (source : Audrey Charbonneau, IRDA).
Coccinelle maculée : Il s’agit d’une espèce indigène au Québec observée occasionnellement en verger. Son corps est ovale de forme allongée (5-7mm). Elle est de couleur rouge ou rosé et porte douze points noirs sur ses ailes et son thorax.
Coccinelle maculée (source : Franz Vanoosthuyse).
Stethorus sp. : La plus petite de toutes les coccinelles (1 mm). Contrairement aux autres espèces, celle-ci s’attaque principalement aux acariens. L’adulte, parfois appelé « tête d’épingle » est complètement noir. La larve est grise et de forme allongée (2 mm). Elle est recouverte de poils courts et ressemble à un minuscule porc-épic. Elle peut dévorer jusqu’à 75 tétranyques de tous les stades chaque jour. Très vorace, elle est par contre relativement peu fréquente dans nos vergers et présente principalement dans le sud du Québec.
Adulte et larve de la coccinelle Stethorus sp. (source : Francine Pelletier).
En plus des stades adultes, la présence des coccinelles en verger est visible par :
- des amas de 10 à 50 œufs jaune-orangé, en forme de fuseaux, sous les feuilles, souvent près des colonies de pucerons.
- des larves à l’allure de minuscules crocodiles se déplaçant sur le feuillage. Les premiers stades larvaires sont uniformément foncés. Les stades subséquents peuvent développer une coloration gris-bleu foncé, souvent ornée de points jaunes, oranges ou rouges, et portent des verrues pourvues de poils.
- des nymphes (stade immobile) de couleur jaune ou orange attachées aux feuilles lors de la transformation au stade adulte. Des adultes jaune clair, sans point ni tache peuvent parfois être observés lorsqu’ils viennent d’émerger de la nymphe.
Œufs de coccinelle (source : Ginette Laplante).
Jeune larve de coccinelle s’attaquant à un puceron (source : Francine Pelletier).
Larve de coccinelle au dernier stade avant la nymphe (source : Francine Pelletier).
Nymphe de coccinelle (source : Francine Pelletier).
Perce-oreille (forficules)
Souvent perçu comme un ravageur des cultures, le perce-oreille est un prédateur généraliste très utile en verger de pommier. Il se nourrit des pucerons y compris le puceron lanigère ainsi que d’acariens, de psylles et de larves de lépidoptères (ex : carpocapse de la pomme). L’adulte (1-2 mm) est brun foncé, de forme allongée et muni de pinces à l’extrémité de l’abdomen. Ses ailes antérieures sont courtes sous lesquelles sont repliées ses ailes postérieures mais il vole rarement. Les larves, ressemblent aux adultes mais sans les ailes. Il n’y a qu’une seule génération par année. Cet insecte est surtout actif la nuit et se réfugie pendant la journée sous des abris au sol ou caché dans les feuilles enroulées. Étant omnivore, il se nourrit également de végétaux et de matière en décomposition. Il consomme donc parfois les feuilles ou les fruits endommagés ce qui peut l’amener à être considéré comme un ravageur. En verger de pommier, le perce-oreille est davantage un prédateur précieux contribuant à maintenir les populations de pucerons sous les seuils de nuisibilité (voir la fiche sur Le perce-oreille européen, un ravageur bénéfique?).
Perce-oreille pourchassé par une jeune larve de punaise soldat (source : IRDA).
Punaises prédatrices
Les punaises prédatrices regroupent un nombre très varié d’espèces qui s’attaquent à différents types de proies., La punaise de la molène et la punaise translucide peuvent se nourrir de pucerons en quantité non négligeable, en plus de se nourrir d’acariens. Une description détaillée de ces deux espèces se trouve dans la fiche sur la Description et efficacité des prédateurs d’acariens qui traite des prédateurs d’acariens. D’autres punaises s’attaquant à des proies variées de petite taille (acariens, cochenilles, thrips, œufs et larves de lépidoptères) peuvent aussi être couramment observées au sein des colonies de pucerons. On retrouve notamment les punaises anthocorides du genre Orius sp. qui sont de petites punaises à la tête allongée et au corps plat portant des marques blanches et noires, l’espèce Pilophorus perplexus ressemblant à une fourmi mais avec une bande argentée sur le corps ou la punaise brune du pommier Atractotomus mali, reconnaissable par la forme caractéristique de ses antennes.
Punaise anthocoride du genre Orius sp. (gauche) et du genre Pilophorus sp. (à droite) (source : IRDA).
Larve de la punaise brune du pommier Atractotomus mali (source : Francine Pelletier).
Les punaises réduves et nabides comprennent plusieurs espèces de punaises prédatrices généralistes. Elles sont généralement de plus grande taille (10-20 mm) et possèdent de longues pattes qu’elles utilisent pour capturer leur proie ce qui leur permet de s’attaquer également à de plus gros insectes. Ce sont de redoutables prédateurs. Plusieurs espèces chassent à l’affût et attendent que leur proie soit à proximité pour la saisir.
Larve de punaise réduve (source : Franz Vanoosthuyse).
Adultes de punaise réduve Zelus luridus mâle et femelle (source : Catherine Pouchet, IRDA).
Certaines espèces de punaises pentatomides (punaise à bouclier) sont prédatrices, la plus commune en verger étant la punaise soldat Podisus maculiventris. Les adultes ont un corps en forme de bouclier et les larves ont une forme plutôt différente, leur coloration changeant également d’un stade à l’autre. La plupart des espèces de pentatomides prédatrices sont un peu plus petites (8,5-13 mm) que celles qui sont phytophages (10-14 mm), On les distingue également par l’extrémité de leurs ailes qui est membraneuse et porte habituellement une ligne noire et par la bordure de leurs « épaules » qui est généralement pointue et non arrondie. Les œufs des espèces prédatrices sont également plus foncés que celles des espèces phytophages (blanc ou vert pâle) et portent une rangée de longs cils au pourtour de l’opercule. Les larves et les adultes sont des prédateurs très polyphages. En verger, elles vont s’attaquer entre autres aux chenilles de tordeuses et d’autres lépidoptères, à la punaise terne, à d’autres espèces de punaises (dont les pentatomides phytophages) et à des coléoptères comme le scarabée japonais.
Adultes de la punaise pentatomide Podisus sp. s’attaquant à un scarabée japonais (gauche) ou se disputant une larve de spongieuse (droite)(source : Vicky Filion et Francine Pelletier).
Masse d’œufs et jeunes larves de punaises pentatomides prédatrices (source : Bernard Drouin).
Abondance et efficacité des prédateurs de pucerons au Québec
Pour les pucerons verts, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs de pucerons (syrphes, cécidomyies, coccinelles, chrysopes ou punaise de la molène) dans 90 % des colonies, et que les colonies sont de densités faibles à modérées.
Pour le puceron lanigère, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs (perce-oreilles et autres listés au tableau ci-après) ou de parasitoïdes dans les colonies au début août (un seuil précis n’est pas disponible).
Nom | Abondance1 | Proie préférée | Efficacité | Intérêt en PFI |
---|---|---|---|---|
Cécidomyies | ++++ | Pucerons | ++++ | ++++ |
Syrphes | ++++ | Pucerons | +++ | ++++ |
Punaises prédatrices2 | ++++ | Acariens | +++ | ++++ |
Pucerons | Variable | + | ||
Chenilles | + | + | ||
Coccinelles | ++ à +++ | Pucerons | ++ | ++ |
Chrysopes | + | Pucerons | ++ | + |
Légende : + =faible; ; ++++ = élevé.
1. L’abondance peut varier d’une saison à l’autre; par exemple, il peut arriver certaines saisons que les coccinelles soient plus abondantes que les cécidomyies et les syrphes.
2. Punaise de la molène, pentatomides, réduves, nabides, anthocorides,
Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.
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