Pendant des décennies il était possible de prévoir un dernier traitement fongicide avant la Saint-Jean-Baptiste, avec le seul souci d’avoir laissé passer quelques taches de tavelure. Les traitements contre la tavelure en été étaient un peu comme les cours de rattrapage au lieu de passer du temps sur la plage: Une leçon dont il fallait se rappeler pour mieux traiter au lieu de sécher. Malheureusement, une gestion serrée de la tavelure primaire n’est plus une garantie de vacances dans les vergers où les maladies d’été causent des ennuis.
Qui sont les trouble-fêtes?
L’essor des maladies secondaires comme le blanc, la suie-moucheture, la pourriture amère et Diplocarpon (Marssonina) forcent pour plusieurs un changement des habitudes de traitement. Différents cas de figure sont possibles. Dans les vergers où la tavelure primaire a été bien réprimée et où on a jamais observé de maladies secondaires, les traitements fongicides en été demeurent inutiles. Ces vergers existent! Les vergers isolés qui ne jouxtent pas les forêts ou des cultures qui peuvent abriter les maladies d’été peuvent se passer entièrement de traitements fongicides. Pour tous les autres, c’est du cas par cas.
Le blanc est très fréquent sur certains cultivars sensibles (ex: Ginger Gold, Cortland). Dans les vergers où cette maladie est présente les traitements doivent commencer avant la fleur, parfois au stade pré bouton rose. Sortir l’artillerie en juillet est une stratégie couteuse et d’efficacité douteuse. Vaut mieux prendre son mal en patience et y penser l’an prochain. Dans les vergers où les traitements contre le blanc ont débuté, les risques de propagation continuent jusqu’à l’apparition du bourgeon terminal. Dans ces vergers, ne ratez pas les fenêtres favorables au blanc. RIMpro peut vous guider.
La suie-moucheture est une maladie assez fréquente, surtout problématique dans les cultivars tardifs qui donnent du temps aux champignons pour s’installer à la surface des fruits. Diplocarpon (Marssonina) est encore rare, mais cette maladie peut rapidement défolier les vergers atteints. Les cas spectaculaires sont limités aux vergers en production biologique, mais la maladie est occasionnellement présente dans les vergers où les stratégies fongicides sont allégées. Finalement, la pourriture amère est encore rare au Québec, mais peut exploser subitement lors des canicules, notamment dans les vergers où le feu bactérien est historiquement présent.
La modération a bien meilleur coût
Pour éviter de multiplier les traitements, différentes stratégies sont possibles. Pour la tavelure d’été, la pression de la maladie ne justifie pas toujours de traiter à chaque nouvelle infection. Selon l’intensité des traitements requis pour la tavelure, les autres maladies seront réprimées en même temps. En absence de tavelure, les traitements spécifiques contre les maladies secondaires ne sont justifiés que dans les vergers avec un historique. Pour la suie-moucheture et Diplocarpon, des modèles RIMpro peuvent vous aider à déterminer les périodes critiques d’intervention et de viser seulement les infections les plus graves. Il n’existe pas de modèle spécifique pour la pourriture amère, mais des stratégies de prévention incluant des traitements fongicides sont décrites dans la fiche.
Quel cocktail servir?
À une époque pas si lointaine, différentes options abordables étaient disponibles pendant la saison estivale pour protéger les fruits contre la tavelure. La disparition du metiram (Polyram), les restrictions du délai avant récolte pour les traitements de mancozèbe (ex: Dithane) et pour le nombre d’applications permises de captan (ex: Maestro) et de soufre (ex: Kumulus) ont sérieusement compliqué la gestion des traitements d’été. En parallèle aux contraintes règlementaires, la résistance généralisée de la tavelure face au groupe 1 (ex: Senator) et les nombreux cas de résistance à la dodine (Syllit) qui étaient liés dans ce cas aux applications sur taches en été nous rappellent que le choix des produits peut avoir des conséquences à long terme sur la gestion des maladies. Dans un billet précédant les fongicides les plus utiles (coûts/bénéfices) et homologués après la floraison ont été présentés. En été, on peut ajouter à cette liste le cuivre. Comme le cuivre est phytotoxique sur fruits, ce fongicide est difficilement recommandable pendant la période de floraison et de la multiplication cellulaire des fruits. La période critique varie beaucoup, mais elle se termine entre 4 et 7 semaines après la pleine floraison. Par la suite, le cuivre redevient un outil à considérer en été. Les modifications récentes à l’étiquette de l’oxychlorure de cuivre permettent en été une alternative au Cueva. À la dose équivalente sous forme de cuivre métallique, les deux produits ont une efficacité égale et un risque de phytotoxicité similaire, mais l’oxychlorure est moins cher. L’effet du cuivre sur le ‘fini’ sur fruits rend cette option plus risquée, mais néanmoins acceptable pour plusieurs cultivars et quand les volumes de bouillie sont faible (ex: 250 L/ha). Les traitements de cuivre demeurent controversés puisqu’ils s’accumulent dans l’environnement et qu’ils sont nocifs aux vers de terre.
Fongicides en été: Si le blanc est un enjeu, gardez à l’esprit que plusieurs fongicides n’ont aucun effet contre cette maladie et peuvent même nuire. Le captan, le cuivre, Allegro ne sont donc pas des options. Après la fin du blanc (bourgeon terminal) ou lorsque cette maladie n’est pas visée, les options sont plus variées. Mais si vous avez épuisé votre quota admissible de Captan et de soufre, les options intéressantes en été pour maintenir les 4 maladies sous contrôle (tavelure, suie-moucheture, Diplocarpon et pourriture amère) ne sont pas toutes intéressantes:
Le cuivre (oxychlorure, 500 g/ha, <10$/ha) appliqué en protection peut ralentir les maladies d’été, mais ne sera pas aussi efficace que le Captan (24$/ha) ou le Folpan (84$/ha) aux doses proposées sur la fiche 48. Avec 8 applications admissibles, l’accumulation de cuivre dans l’environnement reste assez limité (4 kg/ha).
Le bicarbonate de potassium appliqué après les pluies (4 kg/ha, 15$/ha) demeure une option à privilégier, même sans soufre ajouté. Dans la mesure où les traitements sont réalisés rapidement après les pluies, soit 16 h après le début d’une pluie à 22 °C, cette approche est imbattable: abordable, sécuritaire, efficace.
Allegro (0,73 L/ha, 89$/ha) est à la fois systémique (donc mieux réparti lors des traitements), efficace avant et après les pluies et peut aussi contribuer à la gestion des acariens. Ce produit est cependant critiqué pour deux aspects: Le fluazinam est dangereux pour la santé humaine (IRS = 1480) et sujet à la résistance (FRAC 29). Les risques de résistance sont cependant faibles par rapport aux autres groupes. Le délai admissible avant récolte est de 28 jours.
Flint (0,16 kg/ha, 111$/ha) a longtemps été très efficace contre la tavelure. Comme la résistance de cette maladie peut apparaitre soudainement, c’est peut-être une bonne idée de le réserver en été pour le blanc, la suie-moucheture et autres.
Bémols en été:
Groupe 3: Les fongicides du groupe 3 sont efficaces contre plusieurs maladies, mais sont précieux surtout pour réprimer la tavelure primaire. Cevya reste néanmoins une option contre le blanc en début d’été. Les fongicides du groupe 3 “dédiés” au blanc (ex: Fullback) ne sont pas recommandés parce que leur efficacité moindre contre la tavelure pourrait aggraver la résistance. À mesure que l’été avance, il serait préférable d’éviter entièrement le groupe 3 pour préserver leur usage tavelure au printemps.
Groupe 7: Plusieurs fongicides homologués usuels (Aprovia/Sercadis) ne sont pas proposés en été puisque les traitements sur des taches apparentes de tavelure accélère fortement la progression de la résistance. Il est préférable de garder les groupes 3 et 7 pour les traitements contre les infections primaires.
Les fongicides en mélange (Luna, Merivon, Miravis, Aprovia Top) ne sont pas préconisés parce qu’ils ne sont pas nécessaires pour gérer la résistance, compliquent la gestion des restrictions et forcent l’utilisation abusive des fongicides. L’efficacité additionnelle qu’ils apportent est souvent discutable.
Le phosphonate (phostrol) est efficace contre la tavelure et la suie, mais pas contre la pourriture amère. De plus, les résidus de phosphonate s’accumulent dans les arbres pendant des années.
Une version précédente de ce billet n’incluait pas le blanc. La recommendation pour le Flint a aussi changé depuis la première version.