Taille et conduite pour un développement et une mise à fruit optimaux
Auteur de la première édition : Paul-Émile Yelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Monique Audette
Dernière mise à jour par les auteurs : 10 janvier 2023
Les techniques suivantes favorisent le développement optimal du pommier ainsi que sa mise à fruit : le tuteurage, le positionnement des branches, la taille d’hiver (en dormance), la taille d’été (en vert) et l’enlèvement des fruits lors de l’implantation des arbres. Une fois que le pommier a atteint sa taille optimale et que la production des fruits est établie, les techniques suivantes permettent de maintenir l’arbre en équilibre vigueur/mise à fruit : la taille d’hiver et l’éclaircissage.
L’équilibre entre la mise à fruit et la vigueur de l’arbre assurent que les arbres qui atteignent le gabarit propice à un plein rendement possèdent une végétation assez vigoureuse pour favoriser le développement des fruits et la formation de bourgeons floraux. Cet équilibre atteint et maintenu, évite une vigueur excessive qui favorise la production de bois et de pousses au détriment de la production fruitière. Le choix du porte-greffe influence cet équilibre et doit être pris en compte dans la stratégie de conduite.
Différentes méthodes ont été créées à travers le monde afin de guider le producteur dans sa pratique vers une production efficace de fruits de qualité. Ces méthodes s’appellent « modes de conduite du pommier » et elles incluent toutes les techniques qui ont pour but de maintenir l’équilibre entre la mise à fruit et la vigueur du pommier. Les modes de conduite actuels ont été mis au point grâce à la recherche et validés par des essais en vergers. Ces modes de conduite ont évolué au fil des soixante dernières années de pratique de la culture intensive du pommier.
Il est recommandé d’adopter un mode de conduite dès la plantation des pommiers et ce, pour toute la durée de vie de la parcelle, afin d’assurer la cohérence des interventions de taille, de tuteurage et de positionnement des branches. Étant donné que plusieurs modes de conduite existent, il faut faire un choix. Ce choix doit précéder celui du porte-greffe, du tuteurage et de la densité de plantation, car tous ces facteurs découlent du mode de conduite embrassé. Dans un contexte économique ou le coût de la main-d’œuvre et de l’énergie sont à la hausse, choisir un mode de conduite qui permet la mécanisation des opérations est un incontournable.
Des informations détaillées sur les modes de conduite, la formation des arbres et le tuteurage des pommiers se trouvent au chapitre 7 « Modes de conduite et espacement », au chapitre 10 « Formation des pommiers » et au chapitre 9 « Tuteurage » du guide L’implantation d’un verger de pommiers, 2ième édition.
Le tuteurage
Le tuteurage facilite une croissance verticale du pommier, en réduisant le stress dû à l’exposition au vent. L’arbre atteint ainsi plus rapidement la hauteur nécessaire pour optimiser les rendements. Le tuteurage favorise l’équilibre entre la mise à fruit et la croissance végétative en maintenant plus facilement une hiérarchie structurale et hormonale dans l’arbre. Enfin, le tuteurage fournit un support physique indispensable aux pommiers nains et semi-nains, qui ne pourraient soutenir le poids d’une pleine récolte. Pour certains porte-greffes avec un point de greffe fragile, le tuteur est un incontournable dès la plantation.
Nouvelle implantation et poteaux de cèdre (source : Monique Audette).
Le positionnement des branches
Des branches dont l’angle avec l’axe principal est fermé (plutôt à la verticale) tendent à pousser vigoureusement, impliquant plusieurs conséquences négatives. De telles branches ont tendance à supplanter l’axe principal et à empêcher l’arbre d’atteindre la hauteur souhaitée pour des rendements optimaux. Elles sont aussi moins fructifères et présentent un plus grand risque de cassure. De plus, ces rameaux vigoureux causent des étranglements sur le tronc à cause de leur grosseur excessive et ils limitent le développement de ramifications plus intéressantes.
Le positionnement consiste donc à attacher ou à écarter ces branches dont l’angle est inadéquat et de les ramener plus à l’horizontale. En effet, le positionnement à l’horizontale favorise la précocité de la mise à fruit, composante essentielle de la rentabilité des jeunes parcelles. Différents matériaux peuvent être utilisés à cette fin. Certains matériaux d’usage commun (élastiques, cordes, broches rigides, bâtons, poids) peuvent suffire. Par contre, des produits spécialisés sont aussi disponibles auprès des fournisseurs. Certains ont l’avantage de se dégrader d’eux-mêmes avec le temps, éliminant l’étape de repasser pour les enlever afin d’empêcher leur incrustation dans l’écorce et d’autres sont élastiques permettant ainsi d’éviter un étranglement de la branche.
Cependant, l’arcure, soit la pratique consistant à attacher les branches alors qu’elles sont en première feuille est préférable à une tentative de correction en forçant un écartement de branches devenues plus grosses. Il est possible ainsi de prévenir plus tôt les conséquences négatives déjà mentionnées, en plus d’économiser de la main-d’œuvre et de diminuer les risques de bris.
Arcure (source : Serge Mantha).
Quelles branches faut-il positionner? Il est possible d’y aller de façon systématique en attachant toutes les jeunes branches qui ont poussé l’année de la plantation (première feuille). C’est un procédé inutilement laborieux. Les branches beaucoup plus grosses que les autres et avec le pire angle doivent être enlevées tout simplement et celles qui ont un angle presque horizontal avec l’axe principal ne doivent pas être touchées.
Quel angle viser? De manière générale, il suffit de ramener les branches un peu sous l’horizontale, avec un angle d’environ 110°, en courbant le bout davantage au besoin. Cependant, des ajustements sont nécessaires selon le type d’arbre des différents cultivars. Certaines variétés au port plus retombant (par exemple, la « Cortland ») ont moins besoin de positionnement, alors que la pomme « Empire », au port plus dressé, présentera normalement plus de branches problématiques. Les arbres avec de nombreuses ramifications positionnées autour de l’axe principal nécessitent moins d’interventions. En effet, la répartition de la vigueur sur plusieurs ramifications ralentit leur croissance et réduit la compétition de celles-ci avec l’axe principal. Il est souhaitable d’obtenir des arbres ramifiés en pépinière et de les planter à l’automne ou très tôt au printemps. Ainsi, les racines s’établissent au tout début de la saison et cela permet la croissance de plusieurs branches durant la première année en verger.
Quand faire le positionnement? Normalement en juillet, une fois la période de croissance printanière terminée. Ceci permet d’éviter que la nouvelle croissance au bout des branches positionnées cherche à se dresser vers le haut. En plus, cela laisse suffisamment de temps d’exposition à la lumière de fin d’été pour encourager la formation de bourgeons à fruit.
Une fois en production, le poids des fruits suffit à positionner les branches. Il s’agit donc d’une opération particulièrement opportune sur les arbres plus jeunes encore en développement. Il faut la répéter tout de même au besoin les deux ou trois années suivant l’implantation sur la prolongation du tronc.
La taille d’hiver (en dormance)
- La taille d’hiver est pratiquée de janvier à mai alors que les arbres sont en dormance ou qu’ils débutent leur croissance annuelle. Cette opération permet d’atteindre et de maintenir la forme d’arbre prescrite par le mode de conduite choisi et à réduire le nombre de bourgeons à fruits.
Essentiellement, cette taille consiste à :
- Éliminer ou réduire les branches plus hautes qui surplombent et ombragent les branches plus basses dans l’arbre.
- Enlever les branches trop dressées et vigoureuses, telles que décrites à la section « Positionnement des branches» plus haut et qui par indécision, ont été laissées en place et ont pris de l’envergure.
- Raccourcir ou enlever les branches fruitières âgées, mal placées ou endommagées afin de réduire le nombre de bourgeons fruitiers et en favoriser le renouvellement.
- Enlever les ramifications qui partent vers le bas ou l’intérieur et se retrouvent sous une branche productive ou celles qui entravent le rang ce qui causera des meurtrissures aux pommes par le passage de la machinerie.
Taille d’hiver (source : Monique Audette).
Taille mécanique d’hiver (source : Monique Audette).
Pour ce qui est de la distribution de la vigueur sur l’axe, tant que l’arbre est jeune et encore en développement, le maintien d’une bonne vigueur à la tête est prioritaire. La vigueur des branches est déterminée selon leur diamètre et leur angle. De manière générale, il faut se méfier des branches dont le diamètre atteint la moitié du diamètre du tronc à leur point d’attache.
Distribution de la vigueur de l’axe (source : Monique Audette).
Taille d’été (en vert)
De fait, une certaine taille peut s’exercer durant presque toute l’année à l’exclusion des mois d’automne et du début janvier. La taille à ces périodes peut accroître le risque de dommages par le froid durant l’hiver au niveau des coupes. La taille dite « d’hiver » peut se poursuivre après le débourrement sur les variétés particulièrement vigoureuses comme Spartan, car une taille tardive aura un effet stimulant le regain de croissance bien moins fort que si cela est fait plus tôt.
Ce que l’on entend normalement par la taille d’été se fait surtout en juillet et en août et vise principalement à favoriser une bonne coloration des pommes et à éliminer les pousses résultant d’un excès de vigueur. Ce type de taille ne vise évidemment pas les arbres qui manquent de vigueur et est essentiellement inutile sur les arbres en équilibre. Les principales coupes pratiquées lors de la taille d’été sont :
- Les gourmands;
- Les prolongations excédentaires sur les branches fruitières;
- Les prolongations dressées au bout des branches fruitières;
- Toute nouvelle croissance sur ramifications dressées portant des fruits.
Taille d’été. Ce que l’on entend normalement par la taille d’été se fait surtout en juillet et en août et vise principalement à favoriser une bonne coloration des pommes et à éliminer les pousses résultant d’un excès de vigueur. Ce type de taille ne vise évidemment pas les arbres qui manquent de vigueur. Les principales coupes pratiquées lors de la taille d’été sont :
- les gourmands
- les prolongations excédentaires sur les branches fruitières
- les prolongations dressées au bout des branches fruitières
- toute nouvelle croissance sur ramifications dressées portant des fruits
Avant (droite) et après (gauche) la taille d’été (source : Paul-Émile Yelle).
Toutefois il faut éviter d’enlever les nouvelles pousses issues de bouquets floraux portant des fruits, car elles sont la source directe d’énergie pour un bon développement de ces fruits.
NOTE : les traitements avec le régulateur de croissance APOGEE, sans se substituer complètement à la taille d’été, peuvent en réduire le besoin.
L’enlèvement des fruits lors de l’implantation des arbres
Une courte saison de croissance comme au Québec force le producteur à adopter des pratiques pour stimuler le développement des jeunes arbres pendant les années suivant la plantation. Certains porte-greffes ou certains traitements en pépinière peuvent favoriser la présence de fleurs. Le fait de les laisser produire des fruits entraîne une réduction de la croissance. Tel que déjà mentionné, il est essentiel d’amener rapidement les jeunes arbres à la hauteur et au gabarit voulu afin de rentabiliser les nouvelles parcelles. Il est donc nécessaire d’enlever tous les fruits pendant les deux premières années. En plus, tant que l’arbre n’a pas atteint sa hauteur cible, il est souhaitable d’enlever les fruits sur la partie supérieure de la tige principale. Dans certains cas, lorsque la croissance est vigoureuse et que l’arbre se dirige rapidement vers la hauteur désirée au cours de la deuxième année, il est recommandé de laisser quelques fruits dans la partie inférieure pour réduire la vigueur. Ceci est particulièrement judicieux dans le cas de variétés vigoureuses et très sensibles au feu bactérien comme Ginger Gold et Gala. Par ailleurs, il peut s’avérer sage d’enlever tous les fruits pendant trois années dans le cas de variétés à faible croissance telle la Honeycrisp.
Désinfection des outils de taille
Faut-il désinfecter les outils afin d’éviter de propager des maladies lors de la taille? Ce n’est généralement pas nécessaire, sauf dans certaines situations. Lisez la réponse détaillée à la fiche sur Le feu bactérien : stratégies de lutte sur la lutte au feu bactérien.
Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.
Bonjour M Yelle,
Si je comprends bien, je peux continuer la taille d’été (gourmands, branches excédentaires..) jusqu’à la fin du mois d’août sans nuire à l’aoûtement des pommiers. Ai-je raison?
Merci de votre aide
Daniel Guillot
Bonjour M. Guillot,
Vous avez effectivement bien compris.
La taille d’été apporte des bénéfices particulièrement pour la coloration, même jusqu’à la fin du mois. De plus, l’enlèvement des gourmands à ce temps-ci défavorise la repousse additionnelle qu’on aurait si on les enlève à l’hiver.
Pas de stimulation : pas de retard de l’aoûtement.
P.E.Yelle, agronome