Fiche 6 Introduction à la production fruitière intégrée

Dernière mise à jour le 1 mars 2024
 

Fiche 6

Gérald Chouinard

 

La production fruitière intégrée (PFI) est une approche qui favorise l’adoption de bonnes pratiques agricoles visant à produire des fruits de qualité dans le respect de l’environnement, de la santé et de la sécurité des citoyens, et aussi de la durabilité des entreprises. La PFI est basée sur les mêmes principes que la lutte intégrée, mais elle est fondée sur une vision plus large, qui englobe tous les aspects de la production, et non pas uniquement la lutte antiparasitaire. La PFI n’est donc ni plus ni moins que la façon de produire des pommes dans le monde et le marché d’aujourd’hui.

Présents en Europe depuis une vingtaine d’années, des programmes de PFI sont actuellement actifs ou en cours de développement dans plusieurs régions du monde, notamment aux États-Unis et au Canada. Les lignes directrices canadiennes pour la PFI ont été publiées par le Conseil canadien de l’horticulture en 2003. De cette publication a découlé la mise en œuvre de programmes de PFI dans plusieurs provinces productrices de pommes, notamment en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

 

Le programme de PFI pour le Québec

Le secteur pomicole du Québec a été l’un des premiers à entreprendre le développement d’un programme de PFI adapté à la réalité nord-américaine. Le premier programme, publié en 2001 dans le Guide de gestion intégrée des ennemis du pommier (CRAAQ), a été graduellement complété et mis à jour par le comité de PFI, un groupe de spécialistes, chercheurs, conseillers et autres représentants de l’industrie pomicole (voir la fiche 7).

Les aspects couverts par le programme de PFI à l’intention des producteurs de pommes du Québec sont les suivants :

  • Implantation de nouvelles parcelles
  • Environnement et entretien du verger
  • Dépistage des insectes et acariens
  • Protection des espèces utiles (prédateurs, parasitoïdes, pollinisateurs)
  • Stratégies de lutte contre les insectes et acariens
  • Stratégies de lutte contre la tavelure et les autres maladies
  • Interventions contre les mauvaises herbes
  • Interventions contre les mammifères nuisibles et les autres ravageurs
  • Formation, recherche, innovation
  • Utilisation des pesticides
  • Plans et registres
  • Impact environnemental des programmes de traitements
  • Conduite, pollinisation et éclaircissage (charge et qualité du fruit)
  • Gestion du sol et du sous-sol
  • Fertilisation
  • Irrigation
  • Récolte
  • Traitements post-récolte
  • Gestion de la pollution et des déchets, recyclage et réutilisation
  • Santé, sécurité et conditions de travail des ouvriers
  • Pratiques liées à l’environnement
Vous vous demandez… pourquoi pratiquer la PFI?
  • Pour répondre à une demande croissante de la population pour des aliments produits selon des méthodes plus écologiques;
  • Pour développer ou conserver des marchés et mieux faire face au développement de la production fruitière intégrée dans plusieurs pays du monde;
  • Pour utiliser un minimum de pesticides avec un maximum d’efficacité et ainsi réduire les risques (pour l’applicateur, le consommateur et l’environnement) liés à l’utilisation de ces produits.

Les données suivantes, recueillies depuis plusieurs années par le Réseau-pommier, montrent l’impact qu’a eu l’application progressive de la lutte intégrée (le précurseur de la PFI) sur la réduction des risques causés par les applications de pesticides dans les vergers du Québec au cours des 30 dernières années. L’implantation de la PFI vise entre autres à poursuivre cette progression.

Impact environnemental moyen (risques pour la santé1 et l’environnement2) des pesticides appliqués par pulvérisation dans les vergers du Québec – 1978 à 2007 (adapté de Chouinard et al. 2007)

impact des pesticides sur l'environnement et la santé

  1. basé sur les composantes « applicateur » et « consommateur » du mQIE (de 1978 à 2001) et sur une pondération comparable de l’indice de risque pour la santé de l’IRPeQ (de 2001 à 2007)
  2. basé sur la composante « environnement » du mQIE (de 1978 à 2001) et sur une pondération comparable de l’indice de risque pour l’environnement de l’IRPeQ (de 2001 à 2007)
Pourquoi réduire l’utilisation des pesticides, si ce sont des produits sécuritaires et approuvés?

Même si tous les pesticides homologués sont sécuritaires, certains ont des effets secondaires qui peuvent être néfastes pour votre entreprise. En fin de compte, le programme de PFI vise à réduire les conséquences néfastes des pesticides tout en conservant la rentabilité à long terme de votre entreprise.

 

À la base de la PFI : la prévention

Comme le dit l’adage : « mieux vaut prévenir que guérir »! En PFI, prévenir signifie « adopter des pratiques qui préviennent le développement des problèmes », mais malgré toute leur efficacité, les méthodes de prévention présentent des limites. C’est pourquoi les interventions phytosanitaires dans les vergers seront encore nécessaires dans plusieurs situations. Le programme de PFI a toutefois été conçu dans une optique d’action préventive, dont les principes sont les suivants :

  • Éliminez les sources d’infestation aux abords du verger, afin de réduire les populations de ravageurs et d’éviter des traitements. La coupe de tous les pommiers sauvages ou abandonnés situés près d’un verger élimine les populations de mouche de la pomme qui s’y développent et qui normalement migreraient ensuite vers les vergers pendant l’été. Appliquer cette mesure peut permettre d’éviter un ou même plusieurs traitements contre la mouche en juillet et en août!
  • Utilisez les outils de prévision, de dépistage et de planification offerts pour éviter les interventions inutiles.
  • Recherchez toujours l’efficacité optimale de chaque produit antiparasitaire de façon à en utiliser le moins possible.
  • Utilisez les pesticides de façon à éviter le développement de résistance chez les ravageurs.
  • Adaptez votre programme de pulvérisation de façon à protéger les espèces utiles et les zones sensibles. Évitez par exemple les applications de pyréthrinoïdes ou de néonicotinoïdes en période estivale afin de ne pas déclencher de problèmes d’acariens, de mineuse ou de pucerons.

 

Lire et écrire : essentiels en PFI

Cela peut sembler évident, mais ce n’est pas toujours facile et ça peut même paraître fastidieux. Les deux clés de votre succès résident pourtant dans ces simples mots : lire et écrire. Soyez des plus informés, et produisez des plans et des registres de vos opérations!

Voici les plans et les registres que vous devez tenir à jour :

Plan du verger

Ce plan doit être détaillé de façon à contenir minimalement les renseignements suivants :

  • Le numéro et la superficie des blocs, déterminés selon leur âge et leur densité de plantation; les cultivars et les porte-greffes; les arbres en production et non en production;
  • Des repères (bâtiments, chemins de ferme, bordures, cours d’eau, boisés, pommiers abandonnés et sources d’infestation avoisinant le verger);
  • L’information relative au pulvérisateur (marque, capacité du réservoir) et à la pulvérisation pour chaque bloc : sens de circulation, vitesse/temps/pression nécessaires, zones sensibles (puits, plans d’eau, habitations voisines) et zones dans lesquelles des pesticides ne peuvent être appliqués (zones tampons).
Pulvérisations antiparasitaires et autres méthodes de lutte

Ce registre doit contenir l’information suivante :

  • Date et heure de début et de fin de la pulvérisation
  • Produit et formulation utilisés (tout produit incluant herbicides, régulateurs de croissance, agents de lutte biologique)
  • Quantité par réservoir et quantité totale de pesticides
  • Nombre de réservoirs
  • Bloc traité, superficie traitée
  • Dose à l’hectare
  • Stade phénologique
  • Ravageur(s) visé(s)
  • Conditions météo (direction et vitesse du vent, températures minimale et maximale lors de l’application, couverture nuageuse ou présence de soleil)
Fertilisation

Ce registre doit contenir l’information suivante :

  • Lieu d’application
  • Date d’application
  • Type d’engrais appliqué
  • Quantité d’engrais appliquée
Dépistage des insectes

Consignez dans ce registre les données de dépistage pour chacune des sections définies dans votre plan de verger. Les renseignements suivants doivent apparaître :

  • Identification des sections
  • Localisation et numérotation des pièges
  • Nom des ravageurs dépistés
  • Date du relevé des pièges
  • Nombre de captures par piège
  • Nom du dépisteur
Suivi de la tavelure

Ce registre permettra de déterminer les risques d’infection, les meilleures périodes de traitement ou les causes d’un échec. Il doit contenir pour chaque parcelle, le niveau de tavelure de l’année précédente et les actions prises pour réduire l’inoculum. De plus, pour chaque journée à risque de la période des infections primaires, consignez les renseignements suivants :

  • Stade de développement du pommier
  • Nombre de feuilles déployées
  • Indice de risque de la tavelure (ex. : RIMpro)
  • Précipitations
Récolte

Des registres de contrôle doivent être utilisés pour améliorer l’organisation de la récolte. Cette organisation vise à augmenter l’efficacité du travail et à préserver la qualité des fruits! Consultez les normes CanadaGAP pour de plus amples renseignements (Fiche 5).

Traitements post-récolte

Ce registre doit être tenu par les entrepositaires et les producteurs possédant des entrepôts à pommes. Il doit contenir ces renseignements :

  • Date d’application
  • Produit utilisé
  • Quantité du produit utilisé
  • Type de traitement
  • Motif de l’application
Pertes à la récolte

Une évaluation des dommages aux fruits doit être effectuée juste avant la récolte et chaque type de dégâts (insectes, maladies, défauts esthétiques, etc.) doit être noté et compilé afin de pouvoir suivre, expliquer et corriger, si nécessaire, les pertes en fonction des différentes sections et de pouvoir bien connaître l’historique du verger.

Au sujet des registres :
  • Pour les vergers possédant un plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) valide, les plans et les registres inclus dans celui-ci peuvent être utilisés en PFI.
  • Tous les registres doivent être conservés pour une durée minimale de deux années, à moins qu’une durée plus longue ne soit exigée.
  • Vos registres et vos plans sont confidentiels, mais en vertu de la loi, les applications de pesticides doivent être mentionnées aux personnes devant entrer dans le verger, idéalement en affichant l’information au moyen d’enseignes facilement visibles (voir la fiche 31).

 

Catégories de pesticides utilisables en PFI

Les programmes de PFI classifient habituellement les pesticides homologués en trois catégories. Le programme de PFI pour la pomme du Québec a défini les catégories suivantes de pesticides en fonction de leurs impacts sur l’environnement, la santé et les espèces bénéfiques à la pomiculture :

  • verts : dont l’utilisation est favorisée en PFI
  • jaunes : dont l’utilisation est acceptable en PFI
  • rouges : dont l’utilisation n’est pas conforme à la PFI

La méthode de classification a été développée par l’IRDA, de concert avec les membres du comité de PFI, et est décrite dans une fiche technique disponible sur le site web de l’IRDA. La classification est effectuée périodiquement avec les dernières données disponibles sur les bases de données de référence. Les noms commerciaux des produits verts (favorisés en PFI) et rouges (non-admissibles en PFI) apparaissent dans ce guide dans la couleur correspondant à leur dernière classification. Les noms apparaissent en noir dans le cas des produits jaunes ou non-classifiés.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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