Fiche 104 Le feu bactérien : biologie

Dernière mise à jour le 1 mars 2024
 

Fiche 104

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

 

Voyez le feu bactérien sur YouTube à https://www.youtube.com/watch?v=4kk7HjBtLkc!
La capsule vidéo de 8 minutes dresse un portrait du ravageur, montre ses caractères distinctifs, identifie les conditions qui influencent son développement, et vous plonge dans l’action du dépistage et des méthodes d’intervention recommandées en production fruitière intégrée.

La seule maladie bactérienne d’importance dans les vergers au Québec est la brûlure bactérienne, aussi appelée feu bactérien (France). D’autres maladies bactériennes s’attaquent aux pommiers et aux poiriers (voir : tache vésiculeuse, flétrissement bactérien) et aux racines (voir : tumeur du collet), mais ces maladies ont des conséquences mineures. Le feu bactérien est sporadique, mais les épidémies peuvent détruire un verger en une saison. Des cas isolés de feu bactérien sont rapportés à chaque année au Québec, mais des épidémies majeures à l’échelle régionale sont possibles (ex. : 2002, 2012, 2016). Le feu bactérien a toujours été présent dans les vergers et a été rapporté dans les manuels de culture du Québec avant même que la tavelure soit identifiée1.

Les épidémies importantes de feu bactérien surviennent quand des foyers de maladie issus des années précédentes sont présents dans le voisinage, que les conditions préflorales favorisent la dissémination de la bactérie et lorsque les conditions météorologiques durant la floraison sont favorables à la maladie. Toutes ces conditions doivent être présentes pour l’infection des fleurs. La nécessité des traitements pendant la floraison est fonction de l’importance de chacun de ces facteurs. Selon les facteurs de risque décrits ci-après, des interventions spécifiques peuvent être indiquées seulement dans certains vergers et dans certains cultivars très sensible (ex. : Cortland, Gala), ou alors à l’échelle d’une région entière certaines années. Quand toutes les conditions de risque sont rencontrées avant la floraison mais que le climat pendant la floraison n’est pas favorable à la maladie, la maladie subsiste mais sans gravité. Il arrive que la maladie puisse néanmoins apparaître en été à la faveur d’épisodes de temps violent. Dans tous les cas, l’apparition de symptômes de feu bactérien est un événement majeur qui ne doit pas être pris à la légère.

 

Origine de la maladie

La bactérie Erwinia amylovora, responsable du feu bactérien, est originaire de l’Amérique du Nord, mais la maladie s’est étendue graduellement à presque tous les pays du monde. La maladie s’attaque à une gamme assez restreinte de plantes hôtes de la famille des rosacées, soit seulement une partie des espèces de la sous-famille où sont classés les pommiers (Amygdaloideae, Maleae). Le classement de ce groupe a changé au cours des années. Le groupe visé comprend toutes espèces de la tribu des Maleae, incluant le pommier et le poirier. Exceptionnellement, certaines espèces des tribus voisines (Amygdaleae et Spiraeeae) sont atteintes lorsqu’elles sont à proximité de foyers importants de la maladie (ex. : spirée, cerisier, prunier). Ces hôtes secondaires ne servent généralement pas de réservoir pour la maladie et il n’est donc pas nécessaire de s’en préoccuper. Parfois, certaines plantes en dehors de cette gamme d’hôtes sont atteintes, mais c’est rare2. Ces hôtes secondaires ne servent généralement pas de réservoir pour la maladie et il n’est donc pas nécessaire de s’en préoccuper. À l’inverse, les hôtes-réservoir doivent être identifiés puisqu’ils sont la source des infections annuelles. Au total, c’est tout de même de 129 à 180 espèces couvrant 37-39 genres3 qui peuvent être atteintes à des degrés divers. En pratique, l’élimination de ces plantes est facilitée tôt au printemps puisque leur floraison est très évidente.

Sous familles des rosacées (et tribus) Exemple : Feu bactérien
Amygdaloideae (Maleae) Pommier, poirier OUI, toutes les espèces
Amygdaloideae (Amygdaleae)
(synonyme Prunoideae)
Prunier, cerisier Rarement
Amygdaloideae (Spiraeeae)
(synonyme Spiraeoideae)
Spirée Rarement
Rosoideae Rosier Framboisier seulement

Les espèces hôtes les plus connues sous nos latitudes servant de réservoir à la maladie incluent des plantes cultivées, ornementales et forestières. Elles sont toutes membres de la tribu Maleae :

  • amélanchier (Amelanchier) (Saskatoon, serviceberry); (voir photos)
  • aubépine (Crataegus) (azerole, senellier (cenellier), nèfle) (hawthorn); photo de l’aubépine du Canada4 (Crataegus canadensis Sargent)
  • aronie noire (Aronia) (black chokeberry);
  • buisson ardent (Pyracantha) (firethorn);
  • cognassier (Cydonia) (coing) (quince);
  • cotonéaster (Cotoneaster) (cotoneaster);
  • pommier (Malus) (apple);
  • poirier (Pyrus) (pear);
  • sorbier ou cormier (Sorbus) (mountain ash) – un hôte fréquent. Ne pas confondre avec le Cornus (cornouiller) (dogwood) qui n’est pas un rosacé et n’est pas un hôte du feu bactérien (voir photos)

Amélanchier au stade débourrement.

Amélanchier à la floraison.

Amélanchier à la récolte. Notez la présence de chancres sur le bois.

Aubépine au stade préfloral.

Aubépine à la floraison (notez la présence d’une momie potentiellement porteuse de bactéries et d’un insecte qui facilite la contamination).

Fruits de l’aubépine.

Sorbier (floraison)

fruits de sorbier (cormier)

Sorbier (fruits).

Le feu bactérien sur framboisier (Rubus sp.) est causé par la même espèce de bactérie que sur le pommier et le poirier. Cependant, la sous-espèce (forma specialis) trouvée sur le framboisier n’est pas pathogène sur pommier. Par contre, les souches du pommier peuvent attaquer le framboisier. Autrement dit, le feu sur pommier peut infecter les framboisiers, mais le feu sur framboisier ne peut pas infecter les pommiers. Le framboisier n’est donc pas un réservoir pour l’infection des pommiers. Le framboisier est la seule espèce de la sous-famille des Rosoideae qui est régulièrement atteinte par la maladie. Le rosier (Rosa sp.) n’est donc pas touché par cette maladie.

D’autres plantes avec des floraisons un peu similaires à celle des hôtes du feu bactérien fleurissent dans la même période. Par exemple, le cornouiller et le pimbina (aubier, obier, viorne) ne sont pas des rosacées et ne sont pas des hôtes du feu bactérien. La maladie ne peut pas survivre à l’hiver sur ces plantes.

Le cornouiller n’est pas un hôte du feu bactérien.

La viorne n’est pas un hôte du feu bactérien.

 

Survie hivernale

Les bactéries survivent à l’hiver sur différents hôtes dans les tissus vivants de l’écorce, aux abords des chancres qui servent de source d’inoculum le printemps suivant. Les tissus morts eux-mêmes ne contiennent pas de bactéries vivantes. Cependant, les fruits momifiés accrochés aux arbres peuvent être infectés et contribuer à la survie hivernale5. Dès que le temps se réchauffe, la multiplication bactérienne s’accélère à la bordure des chancres et un exsudat spectaculaire nous rappelle parfois leur présence.

Exsudat bactérien à la surface d’un chancre de feu bactérien. Stade débourrement du pommier. Crédit photo : Véronique Decelles Dura-club (10 avril 2021)

Le rythme de multiplication des bactéries est lié à la température du bois. Lorsque les conditions sont ensoleillées, la température de l’écorce des arbres est supérieure à celle de l’air6,7 et cet effet est amplifié quand le bois du chancre est noirci. La pluie et les insectes transportent les bactéries présentes à la surface de ces chancres sur les pommiers avoisinants. La population résidente augmente ainsi graduellement entre le stade débourrement et la floraison, sans réelle possibilité d’infecter les arbres avant la floraison.

Au cours de cette période, différents insectes sont attirés par l’exsudat bactérien liquide présent sur les chancres et ensuite par les fleurs ouvertes qu’ils contaminent en les visitant. La variété des insectes impliqués est très grande en début de saison et comprend notamment des diptères (mouches)8. Une fois contaminés, les insectes demeurent des vecteurs de la maladie pendant plusieurs semaines. Les bactéries peuvent survivre sur et dans les insectes pendant une longue période9. Les insectes porteurs de la bactérie peuvent contaminer les fleurs d’une grande variété d’espèces5,10. Les bactéries peuvent sans problème se multiplier sur les fleurs de plusieurs plantes qui ne seront jamais infectées (ex. : dactyle, fraises, pâquerette, pissenlit, trèfle, etc.) mais aussi sur les fleurs des arbres non hôtes (ex. : érable).

Importance des sources de bactérie au printemps

Au moment de la floraison des pommiers, les sources de contaminations sont multiples : les chancres suintants de toutes les plantes hôtes et les fleurs de toutes les plantes visitées par des insectes contaminés peuvent contribuer à disséminer la bactérie dans les vergers. Les abeilles et différents insectes peuvent couvrir plusieurs kilomètres et répandre la bactérie dans des vergers jusque-là exempts. Il est toujours possible qu’une source de bactéries surgisse dans votre entourage à votre insu (nouvelle plantation, aménagement paysager, etc.). Il est très difficile d’estimer l’importance des sources de bactéries. Des efforts d’échantillonnage des insectes porteurs ou des fleurs de pommiers contaminées existent dans certains pays11, mais sont difficiles à mettre en place12 compte tenu de la dissémination rapide des bactéries et le temps restreint pour mener à bien l’échantillonnage lors des années à risque.

 

Brûlure des fleurs

Au début de la floraison des pommiers, la contamination des fleurs est assez rare, mais progresse rapidement. Les abeilles et les autres insectes pollinisateurs propagent les bactéries de fleur en fleur et une floraison abondante permet une dissémination efficace. La contamination des fleurs ouvertes par les bactéries n’entraîne pas nécessairement une infection et la maladie.

Les étapes nécessaires à l’infection des fleurs procèdent toujours dans l’ordre : éclosion, contamination, colonisation, infection.

Éclosion : Aucune bactérie n’est présente lors de l’ouverture de la fleur. La contamination des fleurs n’est possible que lorsque les pétales sont assez ouverts pour permettre la visite des insectes.

Contamination : Les insectes porteurs de la bactérie touchent aux stigmates (organe femelle) des fleurs ouvertes et les bactéries y sont déposées. Quand les sources de bactéries sont abondantes, la contamination a souvent lieu le même jour que l’éclosion ou le jour suivant, selon l’activité des pollinisateurs. Plus la contamination des fleurs est tardive après l’éclosion, moins elle est efficace. La pollinisation est également un frein à la contamination13. Lorsque la contamination a lieu tardivement après l’éclosion (ex. : 4 jours à 19 °C) sur des fleurs pollinisées, la multiplication bactérienne n’est plus possible.

Colonisation (multiplication) : Les stigmates des pommiers et des poiriers sont maintenus humides naturellement et les éléments nutritifs présents (ex. : glucose et fructose)14 permettent la germination du pollen, mais aussi la multiplication des bactéries15. Les bactéries sont concentrées à la surface des stigmates mais peuvent aussi se multiplier à proximité, sur la rainure (sillon) du style16. Sur les poiriers, la multiplication bactérienne peut également avoir lieu dans les nectaires qui sont humides, alors que les nectaires des pommiers ne sont habituellement pas favorables à la multiplication de la bactérie3. Quand le volume de nectar est important, le sucre dilué (sucrose)14 permet la multiplication des bactéries.

La vitesse de multiplication des bactéries est surtout liée à la température. Les seuils de population dangereux ne sont habituellement atteints que si la température dépasse 18 °C pendant la floraison. La température optimale pour la bactérie est de 28 °C. L’humidité de l’air n’a pas d’effet notable sur la vitesse de colonisation15,17. Cependant, la multiplication bactérienne est ralentie à mesure que les fleurs vieillissent et qu’elles sont pollinisées13. L’infection sur pommiers se produit seulement lorsque la population bactérienne des stigmates est suffisamment importante (plus de 10 000 voire 100 000 bactéries par fleur) pour permettre une migration d’un nombre suffisant de bactéries dans les nectaires qui sont le site principal d’infection.

Infection : Une courte période d’humectation par la pluie et/ou une rosée suffit pour la formation d’un film d’eau entre les stigmates au sommet des fleurs de pommiers et les glandes nectarifères (nectaires) qui sont situées au fond de la corolle15. La bactérie ne suit pas la voie empruntée par le pollen et ne pénètre pas dans l’arbre par le style16. La plupart des bactéries descendent le long du style en suivant une rainure naturelle16. Comme les bactéries entrent dans l’arbre par l’ouverture des nectaires, une période minimale d’humectation est requise pour que les bactéries migrent ou soient transportées jusqu’au site d’infection. Sans le film d’eau, les infections sont assez marginales voire inexistantes15. Quand la température au moment de l’infection est entre 20 °C et 28 °C, les bactéries peuvent nager dans le film d’eau en suivant la concentration des sucres du nectar (chimiotaxie). Lorsque la température est plus basse, le mouvement coordonné des bactéries est interrompu et les infections procèdent plus lentement. Le risque d’infection des nectaires diminue à mesure que la fleur vieillie18.

La quantité d’eau requise et/ou la durée d’humectation requise pour l’infection ne sont pas bien définies. Dans l’ouest américain, une période minimale de 2 heures d’humectation est jugée nécessaire pour provoquer une infection importante, alors qu’ailleurs des périodes plus courtes (quelques minutes) suffisent. Dans les tests en laboratoire à la température pièce, une humectation de moins d’une heure (52 min) suffit pour infecter 77 % des fleurs quand la population bactérienne sur les stigmate est élevée (> 106 CFU)17. Sur poiriers, le principe est semblable et la durée d’infection n’est pas non plus un facteur majeur19.

Les pulvérisations pendant la floraison peuvent provoquer une infection de feu bactérien quand les populations bactériennes sont suffisamment élevées et que le volume de bouillie est important (> 500 L/ha).

Les différences régionales peuvent être expliquées en partie par la pression osmotique. La quantité de bactéries qui pénètrent dans l’arbre est fonction de la pression osmotique au niveau des ovaires. Quand la pression osmotique est élevée (eau dans le sol abondante, ex. : -1 MPa), la progression des bactéries est facilitée. À l’inverse, quand la pression osmotique est faible, (temps très sec, déficit hydrique, ex. : -4 Mpa) l’infection est quasiment impossible17. Il est donc possible que le temps d’infection plus long rapporté dans les régions plus sèches soit dû à la plus grande difficulté d’infection.

Les variations au cours de la journée de la pression osmotique jouent aussi sur le moment d’infection. Les infections sont plus faciles tard la nuit ou tôt le matin quand le potentiel hydrique de la plante est à son maximum8.

De l’éclosion à l’infection en 48 heures

Lorsque la température est optimale pour la multiplication bactérienne, le temps requis entre l’éclosion des fleurs et l’infection est court. Le temps minimum entre la visite des fleurs par un insecte porteur de la bactérie (contamination) et l’atteinte d’une population bactérienne suffisante pour provoquer une infection significative est d’environ 36 h. Il est très rare que la séquence d’éclosion, contamination, multiplication et infection ait lieu en moins de 48 h et c’est pour cette raison que des traitements aux 48 h suffisent pour réprimer les infections. Voir la fiche sur les méthodes de lutte.

Mortes de vieillesse

Les fleurs sont au maximum de leur sensibilité au feu bactérien pendant 45 degrés-jours (base 4 °C) suivant l’éclosion et leur sensibilité décline graduellement avec l’âge20. La chute des pétales débute souvent pendant la période de sensibilité et n’est donc pas un bon indicateur de l’âge des fleurs20. Le vent peut aussi facilement faire tomber les pétales prématurément.

coupe transversale de fleur de pommier

La pousse annuelle préformée qui est issue du bourgeon floral est infectée au moment où la bactérie pénètre dans l’arbre, et cette propagation est à toute fin pratique indissociable des infections primaires sur fleurs. Ces pousses présentent les symptômes les plus caractéristiques de la maladie. L’apparition de ces symptômes a lieu de 5 à 30 jours après l’infection, mais la période d’incubation est variable selon la température et probablement la pression osmotique. Les températures plus chaudes et le temps humide favorisent une apparition plus rapide des symptômes.

 

Brûlure autre que florale

Bien que les infections florales constituent la principale porte d’entrée des bactéries dans l’arbre, certains types d’infection peuvent avoir lieu en l’absence de conditions favorables durant la floraison. La bactérie peut passer directement des chancres aux pousses à proximité. Le feu peut aussi être propagé aux autres pousses ou arbres environnants par des insectes et par le vent. Finalement, il peut envahir le porte-greffe.

Invasion systémique par les chancres

La brûlure par les chancres (canker blight) consiste en un mouvement systémique des bactéries des abords des chancres dans les nouvelles pousses immédiatement à proximité. Cette phase de la maladie débute avec la croissance végétative au printemps et a lieu indépendamment de la production d’exsudat externe. Cette phase de la maladie n’est jamais très grave, mais permet de maintenir des foyers de la maladie qui pourront se propager d’année en année.

Infection directe des pousses

La brûlure des pousses (shoot blight), et dans les cas graves, la brûlure dite de traumatisme (trauma blight) est possible dès le début de la saison tôt au printemps, à condition que la température ait permis à la population bactérienne de se multiplier. Elle peut commencer dès l’apparition d’exsudat à la surface des chancres et prend beaucoup d’ampleur lors de l’apparition des premiers symptômes des infections annuelles. Selon le modèle Maryblyt, l’exsudat commence à apparaître au stade pré-bouton rose, lorsque 52 degrés-jours sont accumulés en base 12,7 °C depuis la fin de l’hiver.

Les gouttelettes colorées d’exsudat sont souvent visibles sur les pousses récemment infectées et sont un excellent outil de diagnostic (voir fiche 105). Elles apparaissent suite à l’éclatement des tissus de la plante provoquée par la pression due à la présence d’un nombre élevé de bactéries21. Les gouttelettes fraîches sont visqueuses, mais leur consistance varie selon les conditions. Ces gouttelettes sont attirantes pour les insectes qui sont responsables de la propagation sur des distances assez courtes. Les mouches et les cicadelles, notamment la cicadelle de la pomme de terre, figurent parmi les insectes susceptibles d’être à l’origine d’une partie de ces infections. Les pucerons, qui sont peu mobiles, n’ont probablement pas de rôle important dans la dissémination de la maladie, surtout lorsqu’ils sont aptères.

Les bactéries peuvent aussi sortir de la plante sous forme « solide », en forme de filaments. Contrairement aux gouttes d’exsudat, les filaments sont extrudés21 par les ouvertures naturelles (ex. : stomates). L’extrudat est fréquemment produit en verger mais est peu visible parce que les filaments sont facilement confondus avec les poils (trichomes)22 et qu’ils sont instables quand l’humidité est élevée23. Les filaments sont entraînés par la turbulence et les vents d’intensité moyenne à forte21 et peuvent parcourir des distances importantes.

L’exsudat liquide et les filaments bactériens extrudés sont conjointement responsables des infections sur pousses en été.

Infection par traumatisme

En présence de symptômes actifs et pendant la saison de croissance, la pluie, le vent, la grêle et le temps violent en général peuvent à la fois déplacer les bactéries et générer des micro-blessures imperceptibles à l’œil nu, qui permettent temporairement aux bactéries d’envahir les pousses. Cependant, quand les arbres sont mouillés les bactéries peuvent aussi entrer directement dans la plante, en passant par les orifices naturels au pourtour des feuilles, les hydathodes. Parfois, un gel (température inférieure à -2 °C) peut provoquer le même genre d’infection. Dans les cas graves où les bactéries sont abondantes et où le temps est violent, l’arbre au complet peut y passer. Dans les cas de brûlure de traumatisme, tous les cultivars peuvent être affectés. De même, si aucune précaution n’est prise, toutes les opérations culturales, incluant l’éclaircissage, la taille et les pulvérisations peuvent contribuer à la propagation de la maladie.

Propagation du feu dans l’arbre

Suite à l’infection, les bactéries se multiplient rapidement et causent une mort rapide des tissus atteints. À la marge des tissus morts, l’affaissement des tissus encore vivants constitue un chancre. L’apparence du chancre diffère selon le moment de l’infection et la vitesse de propagation dans l’arbre. La concentration bactérienne est maximale aux abords des chancres, mais les bactéries restent détectables dans le tissu en apparence sain, beaucoup plus loin sur la branche. La distance parcourue par les bactéries et leur concentration est liée à la croissance de l’arbre. La méthode de migration des bactéries dans l’arbre est assez mal connue24. La voie principale de migration serait le mouvement entre les cellules de l’écorce, mais les bactéries descendent aussi à l’intérieur de l’arbre par les vaisseaux du xylème. Quand les bactéries atteignent le xylème, elles sont aspirées vers le bas de l’arbre8 par la pression osmotique. Les bactéries peuvent résider et se multiplier dans le xylème pendant des mois, sans provoquer de symptômes extérieurs8. C’est pour cette raison que du bois en apparence sain peut contaminer d’autres arbres lors des opérations de greffage.

Croissance et feu bactérien

L’invasion systémique des bactéries est fortement liée à la croissance. Les pousses verticales en forte croissance sont beaucoup plus à risque que les pousses plus horizontales. De même, les vergers trop fortement fertilisés ou en déséquilibre de production sont plus gravement atteints. L’eau dans le sol a une influence majeure sur la propagation du feu2,25,26. Dans les sols secs, la propagation du feu est beaucoup moins grave que dans les sols irrigués. Le feu bactérien est aussi en général moins grave dans les vergers drainés.

Les changements physiologiques associés à la fin de la croissance de l’arbre ont un effet immense sur le feu bactérien. À chaque année, les risques de brûlure des pousses et de traumatisme s’arrêtent quand la croissance annuelle est ralentie27 et que la physiologie de l’arbre change. Avec la fin de la croissance et la formation du bourgeon terminal, les parois cellulaires épaississent et l’écorce commence à se former à la base des pousses. Les pousses acquièrent une résistance dite « ontogénique » (liée à la maturation de la pousse).

Par ailleurs, les bactéries disparaissent graduellement des tissus vasculaires des pousses à maturité et ne se retrouvent qu’aux abords des chancres. Ainsi, un orage de grêle en juin est beaucoup plus à risque qu’un ouragan à la fin août, et ce, même si on observe encore de l’exsudat en fin d’été et à l’automne, notamment sur les porte-greffes et en lien avec les chancres. Ce sont les chancres « de dormance » qui permettront la survie à l’hiver de la maladie.

Invasion des porte-greffes

L’infection du porte-greffe est possible dès l’apparition des premiers symptômes de feu. Elle peut être liée à l’infection des drageons, comme la brûlure des pousses, mais elle est surtout causée par l’invasion par l’intérieur des arbres jusqu’au porte-greffe à mesure que la bactérie progresse de façon systémique à partir des points d’infection extérieurs. Cette invasion rapide ne provoque pas nécessairement la mort du porte-greffe. Des populations élevées de bactéries peuvent être présentes au niveau des racines sans que la maladie ne se déclare nécessairement. Certains porte-greffes (ex. : B9) résistent mieux que d’autres (ex. : M9).

Récolte des fruits

À la récolte, les arbres ne sont pas sensibles aux nouvelles infections et les risques de propagation du feu sont nuls, même si on observe parfois de l’exsudat liquide au niveau du porte-greffe et à la surface des chancres. Les populations bactériennes qui restent à la surface des feuilles et fruits sont très faibles et ne peuvent survivre longtemps. Par ailleurs, différentes études ont conclu qu’il est virtuellement impossible de propager le feu bactérien par les fruits en transit.

 

Références
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Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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