Le campagnol des champs

Auteurs de la première édition : Daniel Cormier, Robert Maheux, Yvon Morin et Gérald Chouinard
Auteure de la mise à jour 2023 : Gaëlle Charpentier
Dernière mise à jour par l’auteure : 20 décembre 2022

 

Le campagnol des champs est une menace pour les jeunes pommiers, surtout lorsque les populations atteignent des densités élevées. Les populations de ce rongeur sont cycliques et atteignent un pic environ à tous les deux ans. Il se nourrit généralement de plantes herbacées, mais durant l’hiver, lorsque celles-ci se font rares, il peut se nourrir d’écorce et de racines. C’est donc durant la saison hivernale qu’il endommage les pommiers en grugeant l’écorce des troncs et des branches sous la couche de neige. L’écorce grugée laisse voir des marques de formes irrégulières et à angles variés, plus petites que celles causées par le lièvre ou la marmotte.

Dommages causés par un campagnol des champs (source: Gaëlle Charpentier, Agropomme et Animaux du Québec).

Le terme « mulot », en général, ne signifie pas toujours « campagnol », il est donc sage de dépister les petits mammifères à l’aide de trappes pour bien les identifier et intervenir au besoin. Parmi les autres petits mammifères présents dans le verger, il y a la taupe et la musaraigne qui causent peu ou pas de dégâts aux pommiers. Ils sont relativement faciles à différencier des campagnols par leur long museau étroit et leurs très petits yeux, parfois presque complètement dissimulés dans leur fourrure.

Photo de musaraigne (source : Animaux du Québec).

Dépistage

Le dépistage des campagnols est très peu réalisé et les interventions se basent sur l’historique du verger et l’observation d’indices dans le verger de la présence de campagnols (dommages sur le tronc au printemps, galeries présentes à la suite de la fonte des neiges, etc.). Étant donné le risque de mortalité pour les jeunes plantations, les protections et mesures de prévention contre les campagnols devraient être mises en place dès la première année de plantation, peu importe l’historique du verger. Pour les arbres plus âgés, une surveillance des dommages au printemps et l’observation de la population durant l’été et l’automne vous permettra de juger la nécessité d’implanter des méthodes de lutte. Soyez attentifs lors de vos différents travaux dans le verger, y compris le fauchage, vous pourriez observer des campagnols courir et ils vous permettront de déterminer vos secteurs à risque.

Galeries et dommage au tronc causé par des campagnols (Source : IRDA (gauche) et Agropomme (centre et droite)).

Stratégie de lutte

La stratégie de lutte contre le campagnol des champs consiste à éliminer les sites propices à l’établissement ou à la construction de terriers, à exposer les campagnols aux prédateurs et à empêcher qu’ils se nourrissent des pommiers. Si ces moyens de lutte (décrits ci-après) sont utilisés simultanément et que de l’activité ou de nouveaux dommages demeurent visibles, il est alors possible d’ajouter, aux moyens déjà mis en œuvre, l’utilisation de rodenticides afin d’abaisser la densité des populations. Avant d’appliquer ces produits, il est cependant important de s’assurer que les densités de population sont assez élevées pour justifier un tel traitement.

Il faut bien comprendre que l’utilisation de poisons pose un risque élevé pour plusieurs mammifères – incluant les humains – et que de nombreux animaux (rapaces, renards, belettes, mouffettes, chats, chiens, etc.) peuvent mourir d’avoir mangé des rongeurs, morts ou vivants, ayant ingéré des rodenticides. De plus, cette forme de lutte ne constitue pas un moyen de lutte durable contre les campagnols, puisque tout espace vide laissé par la mort de quelques-uns d’entre eux sera vite compensé par les femelles prolifiques qui peuvent se reproduire avant d’atteindre l’âge de deux mois. L’utilisation de stratégies comme la modification de l’habitat ou le recours au treillis est donc indispensable.

Modification de l’habitat

Lorsque le problème est identifié, il suffit souvent de modifier l’environnement du verger pour réduire les populations de campagnols des champs. Pour ce faire, il faut s’inspirer du comportement du campagnol pour mieux éliminer ses cachettes et ses sources de nourriture. Les campagnols se nourrissent généralement de plantes herbacées et détestent rester à découvert, devenant alors trop vulnérables à tous les prédateurs imaginables. Les producteurs et productrices veilleront donc à :

  • Éliminer tout fagot de branches issues de la taille des arbres, les murs de pierres situés à proximité des vergers ou tout amas de détritus.
  • Maintenir de façon régulière, et plus particulièrement à l’automne, le couvre-sol à une faible hauteur par un fauchage sur le rang et entre les rangs de pommiers. Attention lors de la fauche que votre équipement ne laisse pas de touffes de foin qui deviendraient alors des cachettes pour les campagnols. Idéalement pour les jeunes plantations, contrôlez toute végétation durant la saison complète par de l’herbicide ou autres méthodes. Consulter la fiche sur Les mauvaises herbes sur la lutte aux mauvaises herbes.
  • Ramassez les pommes au sol, lesquelles attirent fortement les campagnols.

Sur le long terme, éliminer les habitats et les sources de nourriture est la solution la plus efficace pour réduire les populations de campagnols dans les vergers.

Protection du tronc : utilisation de treillis

Utilisé de concert avec l’élimination des abris préférés du campagnol des champs, le treillis métallique ou de plastique constitue une autre technique pouvant offrir une bonne efficacité de lutte contre ce petit mammifère. Cette technique d’exclusion est particulièrement recommandée lorsque le verger se trouve à proximité d’un environnement favorable à la prolifération des rongeurs. Il s’agit de couvrir la base du tronc d’un treillis suffisamment haut pour qu’il s’élève à environ 10 cm au-dessus de la couverture de neige anticipée. Généralement une hauteur d’au moins 45 cm est visée. Le treillis doit être inséré dans le sol, idéalement à une profondeur d’au moins 5 cm, et être bien refermé pour ne pas laisser place à l’intrusion. Le maillage du treillis devra mesurer 0,6 cm tout au plus. Assurez-vous qu’il reste suffisamment d’espace au tronc pour son développement pendant la saison de croissance.

Tronc d’arbre protégé par un treillis métallique (source : MAPAQ).

Les spirales de plastique ne sont pas recommandées :

  • Elles fournissent un milieu favorable à l’établissement de certains insectes nuisibles telles la sésie du cornouiller et la cochenille de San José.
  • Elles deviennent inefficaces contre les rongeurs avec le grossissement du tronc, les languettes de la spirale s’écartant et des parties de tronc n’étant plus protégées.
  • Elles peuvent aussi favoriser certaines pourritures opportunistes si l’arbre est déjà affaibli.

Utilisation de rodenticides

Les rodenticides homologués en pomiculture consistent en des appâts empoisonnés à l’aide de produits anticoagulants (ex : diphacinone et chlorophacinone) ou des produits toxiques (ex : phosphure de zinc) pouvant être dangereux pour presque toutes les formes de vie. Ils doivent être appliqués avec la plus grande prudence afin d’éviter :

  • Que les animaux domestiques ou les jeunes enfants ingurgitent le produit et s’empoisonnent.
  • Que les prédateurs naturels des campagnols ingurgitent le produit et s’empoisonnent.

Un campagnol qui a survécu à un appât empoisonné après en avoir été malade évitera ensuite le premier appât venu. Il faut donc prendre toutes les précautions requises pour que le premier appât soit mortel! D’où l’importance d’utiliser le rodenticide en quantité suffisante pour provoquer un empoisonnement fatal (voir ci-après), tout en évitant d’exposer le produit de façon dangereuse aux autres mammifères. Dans ce but, il est fortement recommandé de regrouper les appâts dans des mangeoires permanentes.

Mangeoires permanentes : Plusieurs méthodes de distribution d’appâts empoisonnés peuvent être employées dans les vergers, mais l’utilisation de mangeoires permanentes est la seule recommandée en PFI en raison de son efficacité et de son plus haut niveau de sécurité. De plus, les mangeoires permanentes offrent une solution à long terme pour lutter contre les populations. La mangeoire en forme de T inversé est composée d’un tuyau vertical recevant les appâts empoisonnés et d’un tuyau horizontal reposant sur le sol, par lequel les campagnols pénètrent pour se nourrir des appâts. Ce type de mangeoire permet de protéger les appâts des intempéries et de conserver l’efficacité du produit plus longtemps. De plus, il est sécuritaire car il garde le poison hors de portée des humains, des gros mammifères et des oiseaux. Pour installer et utiliser des mangeoires permanentes, procédez comme suit :

mangeoire permanente pour campagnol

Schéma d’une mangeoire permanente (source : Marc Légaré, IQDHO).

  • Placez les mangeoires sur le sol non enneigé dans les rangées, entre deux pommiers. L’utilisation de 12 mangeoires par hectare, en doublant ce taux dans les secteurs à risque, permet de lutter efficacement contre les campagnols et d’éviter des dommages aux pommiers. Les secteurs à risques sont les rangs avec un historique de dommages et/ou avec des signes de présence de campagnols, et ceux situés à proximité d’endroits susceptibles d’en abriter (ex : les fossés, les amoncellements de pierres ou les terrains vacants). N’oubliez pas non plus vos jeunes plantations qui sont plus à risque de mortalité en cas de dommages.
  • Fixez la partie supérieure de la mangeoire à un tuteur en bois traité de 35 cm de longueur enfoncé à une profondeur de 15 cm dans le sol ou encore, attachez la mangeoire au tronc du pommier.
  • Remplissez le tuyau vertical de la mangeoire à l’aide d’appâts empoisonnés recommandés contre le campagnol des champs et fermez l’extrémité supérieure avec un capuchon.
  • En été et surtout à l’automne, vérifiez à quelques reprises le niveau de la réserve d’appâts empoisonnés dans le tuyau vertical des mangeoires et, au besoin, remplissez à nouveau. Ce suivi est particulièrement important dans les secteurs à risque du verger. À chaque automne, videz le contenu de la mangeoire et remplissez-la à nouveau avec du produit frais.

Seuls les rodenticides de première génération sont recommandés en PFI :

  • Phosphure de zinc (ex : RODENT BAIT ou RODENT PELLETS) : à utiliser avec toutes les précautions d’usage, en été ou de préférence après la récolte.
  • Chlorophacinone (ROZOL GRANULÉS À LA PARAFFINE) et diphacinone (RAMIK BRUN) : ces anticoagulants doivent être utilisés après la récolte, mais avant la première neige pour être directement et facilement accessibles aux campagnols pendant l’hiver.

Voir la fiche sur les Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec pour la liste des rodenticides homologués en vergers.

Quelques précautions essentielles pour obtenir de bons résultats avec les rodenticides :

  • Utilisez ces produits de concert avec les autres méthodes et uniquement lorsque ces dernières ne permettent pas de maintenir les densités de population à des niveaux acceptables.
  • Ramassez toutes les pommes tombées avant d’utiliser un rodenticide contre les campagnols. En l’absence de pommes, l’animal s’intéressera davantage aux appâts.
  • Pour mieux protéger les autres espèces animales, évitez autant que possible les formulations cirées et les appâts à base de maïs, car ces types de produits les attirent davantage.
  • Intervenez avant les premières chutes importantes de neige car celles-ci procurent aux campagnols une protection additionnelle.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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