Les mauvaises herbes
Auteurs de la première édition : Daniel Cormier, Robert Maheux, Danielle Bernier, Gérald Chouinard et Yvon Morin
Auteurs de la mise à jour 2023 : Marc-André Chaurette, Lauréline Boyer, Élyse Pelletier, Denis Giroux, Mathieu Gourdes-Vachon et Gaëlle Charpentier
Dernière mise à jour par les auteurs : 24 février 2023
Les mauvaises herbes sont en compétition avec les pommiers pour l’eau et les éléments nutritifs. Elles peuvent affecter le rendement, ralentir la croissance des arbres et nuire à l’accumulation de leurs réserves énergétiques, lesquelles assurent normalement une meilleure résistance au froid hivernal. Elles peuvent aussi retarder la productivité d’une parcelle en implantation et ainsi compromettre sa rentabilité. De plus, elles peuvent servir de plantes hôtes à certains ravageurs du pommier (punaise terne, cérèse buffle, nématodes) qui sont ensuite en bonne position pour s’attaquer à cette culture. Une mauvaise gestion des mauvaises herbes peut aussi favoriser la présence d’insectes s’attaquant au bois du pommier, comme la saperde du pommier et la sésie du cornouiller. Enfin, les mauvaises herbes peuvent servir d’abris aux rongeurs comme les campagnols. Pour contrer les effets indésirables des mauvaises herbes, des mesures de répression de la végétation à la base des pommiers doivent être mises en place.
Dépistage
Le dépistage des mauvaises herbes est très rentable, car il permet de les identifier et, au besoin, d’intervenir localement, bien avant qu’elles ne se reproduisent (montée en graines). Il permet aussi d’identifier les stades de vulnérabilité des mauvaises herbes aux herbicides et ainsi améliorer l’efficacité des traitements. Le dépistage permet aussi d’identifier les mauvaises herbes problématiques et d’utiliser un produit adéquat (voir la fiche Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec et la fiche Efficacité potentielle des herbicides homologués en pomiculture au Québec, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec).
Il permet également de détecter une nouvelle espèce avant qu’elle ne se propage dans le verger. Pour les nouvelles plantations, le dépistage doit être effectué dès la plantation et jusqu’à la fin juillet. Pour les parcelles en production, il doit être fait du débourrement du pommier jusqu’à 30 jours après la floraison et complété par un suivi à la fin juillet.
Les espèces exotiques envahissantes:
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont des plantes qui ont été introduites à l’extérieur de leur milieu naturel accidentellement par transport ou volontairement pour l’horticulture. Elles causent diverses problématiques pour l’environnement, l’économie ou la société comme la perte de biodiversité et la diminution des rendements agricoles. Souvent, elles sont capables de se propager rapidement et privent ainsi les autres plantes de leurs ressources en nourriture et en eau, ainsi que de leur espace. Plus souvent retrouvées en pourtour du verger dans les boisées et les champs, celles-ci risquent de s’introduire entre les pommiers.
Voici une liste des principales EEE présentes en agriculture :
- Amarante tuberculée;
- Berce du caucase / Berce commune;
- Égilope cylindrique;
- Ériochloé velue;
- Galéga officinal;
- Nerprun bourdaine / Nerprun cathartique;
- Renouée japonaise;
- Roseau commun;
- Salicaire.
Pour plus d’informations, consultez :
- Le Guide des plantes envahissantes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments;
- IRIIS phytoprotection;
- Sentinelle, un outil de détection des EEE du gouvernement du Québec.
Stratégies de lutte
La lutte aux mauvaises herbes doit s’effectuer pendant la période critique de croissance du pommier, entre le mois de mai à la mi-juillet. Durant cette période, le pommier en production traverse quatre stades importants, soit la floraison, la nouaison, le grossissement des fruits et l’initiation des boutons floraux pour l’année suivante. La présence des mauvaises herbes doit être réduite pendant ces quatre stades afin d’éviter des pertes significatives à la récolte (baisse de rendement et diminution du calibre des fruits, entre autres). Pour de jeunes pommiers non en production, la mise à fruit sera retardée et la productivité de du verger sera mise en péril.
En PFI, la lutte aux mauvaises herbes ne signifie pas leur éradication complète. Ainsi, un verger avec un bon programme de fertilisation et d’irrigation (fertigation) obtenant d’excellents rendements et des pommes de qualité pourra tolérer une plus grande compétition de la part des mauvaises herbes comparativement à un verger sans irrigation qui a des lacunes en fertilisation et de faibles rendements.
L’année avant l’implantation
L’utilisation d’un engrais vert associé à un désherbage chimique un an avant la plantation sur une future parcelle permet de limiter la croissance des mauvaises herbes vivaces. L’utilisation d’un herbicide systémique est efficace pour lutter contre les vivaces et permettra de préparer le terrain pour un engrais vert. Cependant, il faut éviter d’appliquer des herbicides dont les résidus seront encore présents durant l’année de la plantation. Consultez la fiche Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec et la fiche Efficacité potentielle des herbicides homologués en pomiculture au Québec, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec.
L’utilisation d’un outil à dents (un cultivateur) ou d’un outil à disque (une herse) peut représenter une alternative aux herbicides pour les entreprises en régie biologique. Ces méthodes sont cependant moins efficaces et il peut être nécessaire de les répéter pendant deux années pour obtenir un contrôle satisfaisant.
L’utilisation d’un engrais vert comme le millet perlé augmente le taux de matière organique et améliore la structure du sol en plus d’avoir une action nématicide. Une densité adéquate va limiter l’arrivée de mauvaises herbes. On utilise habituellement un taux de semis d’environ 10 kg/ha pour le millet perlé.
Millet perlé (source : Agropomme).
En fin de saison, l’engrais vert sera enfoui afin d’incorporer la matière organique au sol avec un outil à disque (hersage).
Après enfouissement de l’engrais vert, la future parcelle peut être engazonnée l’automne précédant la plantation ou très tôt au printemps. L’objectif de l’engazonnement est de limiter le potentiel d’introduction et de propagation des mauvaises herbes dans le verger. De plus, cette méthode peut prévenir l’érosion causée par le vent et l’eau. Plusieurs mélanges sont disponibles commercialement et sont essentiellement constitués de graminées comme l’ivraie, la fétuque rouge, la fléole des prés et le pâturin du Kentucky. Certaines feuilles larges comme le trèfle sont aussi parfois utilisées. À noter que certaines sources mentionnent que le trèfle peut contribuer au cycle d’activité de la punaise terne.
Un herbicide pourra ensuite être utilisé sur le rang afin de créer une bande dénudée.
Futur rang dénudé (source: Agropomme).
Une bonne préparation du site évitera beaucoup de problèmes, surtout dans le cas des mauvaises herbes vivaces. Ceci contribuera à une bonne croissance du pommier, absolument essentielle pendant les premières années de sa vie.
L’année après la plantation
Après avoir effectué la plantation des arbres en avril, un herbicide résiduel spécialement conçu pour une jeune plantation peut être utilisé si aucun paillis n’a été mis en place (voir les méthodes culturales ci-après). En juillet, l’apparition de mauvaises herbes doit être surveillée et une intervention locale, au besoin, permettra de maintenir les rangs de pommiers libres de mauvaises herbes jusqu’en août.
Dans le verger en implantation
Durant les trois années suivant la plantation d’un verger standard, semi-nain ou nain, une bonne gestion des mauvaises herbes favorisera la croissance des pommiers et le développement d’une bonne structure des arbres.
Verger standard en production
Dans ce type de plantation, il peut être essentiel d’utiliser localement des herbicides pour lutter contre des mauvaises herbes vivaces très envahissantes. Le fauchage à l’aide d’un taille-bordure ainsi que le sarclage manuel peuvent aussi remplacer l’utilisation des herbicides.
Verger semi-nain et nain en production
Les porte-greffes utilisés dans ces plantations sont très sensibles à la compétition par les mauvaises herbes. Les méthodes de lutte décrites ci-après peuvent être utilisées en PFI.
Méthodes culturales
Application d’un paillis
Les paillis de plastique ou de matériaux organiques comme les copeaux de bois, sont efficaces pour enrayer à court terme (1-3 ans) et à moyen terme (3-5 ans) la croissance des mauvaises herbes de manière non sélective.
Pour le paillis de plastique, on utilise habituellement une épaisseur de 2.3 mil que ce soit en verger ou en pépinière. Bien installé et entretenu, il peut avoir une durée de 5 années. Des épaisseurs plus fines sont disponibles pour les pépinières mais les risques de déchirures sont plus élevés lors de l’installation de même que les bris par le passage de chevreuils.
Parmi les matériaux organiques testés comme paillis en Amérique du Nord, les copeaux de bois (essences d’arbres mixtes) sont ceux qui ont été les plus étudiés et qui se démarquent que ce soit pour leur effet de contrôle des mauvaises herbes ou pour leurs effets bénéfiques sur les propriétés du sol. Les paillis de copeaux de bois n’offrent pas un contrôle parfait des mauvaises herbes durant toute la saison. Toutefois, s’ils sont bien appliqués et de taille assez grosse (pas de la sciure), ils permettent de contrôler adéquatement les mauvaises herbes lors la période critique pour les pommiers, soit de mai à juillet. Leur utilisation est principalement recommandée dans les jeunes plantations.
Il est recommandé d’appliquer des copeaux de bois sur le rang de pommiers tôt au printemps et de manière à obtenir une couche de 10 à 15 cm d’épaisseur et d’environ 1 m de largeur. Pour un contrôle optimal des mauvaises herbes, le sol doit en être exempt avant d’appliquer le paillis. De plus, celui-ci devra être renouvelé chaque année ou chaque deux ans selon la rapidité de sa décomposition et selon la pression des mauvaises herbes dans la parcelle. Avec l’utilisation de paillis, en plus de la gestion des mauvaises herbes, d’autres bénéfices pourront être obtenus :
- Contrôle de l’évaporation de l’eau du sol menant à la diminution des besoins en irrigation;
- Enrichissement du sol en matière organique et bénéfice pour la santé du sol en général, lorsqu’il s’agit de paillis organiques (voir la fiche sur la Gestion du sol et du sous-sol);
- Diminution de la température du sol en été et protection partielle contre le gel en hiver lorsqu’il s’agit de paillis organiques;
- Croissance supérieure des pommiers en présence de paillis organiques en comparaison à ceux dans un rang désherbé à l’herbicide.
Cependant, les paillis peuvent avoir des inconvénients qui méritent d’être soulignés :
- Avec l’utilisation de paillis, la population de campagnols des champs doit être surveillée étroitement, car les petits mammifères peuvent en profiter pour se multiplier sous le paillis, à l’abri des prédateurs;
- Avec l’utilisation de paillis de plastique, il faut penser à l’irrigation. Au moment de la plantation, on peut passer le tuyau de goutte-à-goutte sous le paillis mais en cas de bris, l’accès peut être difficile. Si le tuyau est installé au-dessus, les apports en eau peuvent être limités par la barrière que représente ce paillis;
- Lors de l’installation du paillis de plastique, si on veut limiter le temps de main d’œuvre, de l’équipement mécanique sera nécessaire;
- Les paillis de copeaux de bois ont une faible efficacité contre les mauvaises herbes vivaces déjà établies;
- Le coût des paillis organiques peut être élevé surtout en raison du transport. Trouver une source locale est la meilleure solution;
- Pour les paillis organiques, leur application requiert un épandeur latéral adapté si on veut limiter le temps de main d’œuvre.
Paillis organique sur le rang (source : Lauréline Boyer).
Le contrôle mécanique des mauvaises herbes
Les mauvaises herbes compétitionnent les pommiers pour le prélèvement d’eau et d’éléments minéraux. Le désherbage est une opération nécessaire et il peut être basé sur l’utilisation d’herbicides combinée à certains outils mécaniques ou être basé sur le contrôle mécanique exclusivement. Le contrôle basé uniquement sur les outils mécaniques nécessite un suivi plus serré du verger et demande des passages plus fréquents que la méthode utilisant aussi des herbicides. Le producteur devra de plus envisager se procurer plus d’un outil pour effectuer le travail afin de miser sur les forces de chacun d’eux.
L’objectif du désherbage est de maintenir les zones situées sur le rang et de chaque côté du rang exemptes de mauvaises herbes pouvant nuire à la croissance des arbres. Les outils choisis doivent répondre à cet objectif pour s’assurer de l’atteinte des résultats voulus, ce qui représente un défi non négligeable pour persévérer dans cette régie. Avant de faire le choix des outils, il faut d’abord évaluer les particularités du verger : superficie en culture, espace entre les rangs, temps disponible pour faire cette opération durant la saison, impact financier de l’achat de ces équipements, etc.
Le choix des outils sera basé sur ces aspects de l’entreprise mais aussi sur les spécifications techniques des outils disponibles. Certains critères de base devront être pris en compte lors de la sélection des outils :
- Vitesse de travail : importance relative selon la superficie à entretenir mais on doit viser des outils qui puissent opérer à bonne vitesse. Par exemple, un verger qui a un espacement entre les rangs de 5 mètres compte 2000 mètres de rangs par hectare; un outil qui travaillerait à 2 km/h nécessitera alors plus de 2 heures par hectare considérant le temps nécessaire pour retourner à chaque extrémité de rang.
- Force de moteur nécessaire : l’outil peut-il être utilisé par les tracteurs de l’entreprise?
- Précision du travail : nécessité d’avoir des outils qui vont bien travailler la zone entre les arbres sur le rang et autour de l’arbre (outils interceps).
- Complémentarité des outils : miser sur la force de chacun des outils. Par exemple, certains outils plus agressifs vont être efficaces sur les vivaces fortement implantées mais peu précis pour travailler près de l’arbre. D’autres vont pouvoir être précis autour de l’arbre mais seront moins agressifs. La tondeuse travaille à une certaine distance du sol alors qu’un outil à fouet de nylon descend jusqu’au sol.
- Méthode de contournement de l’arbre pour éviter les bris du tronc : 1) appui direct sur l’arbre; 2) bras senseur qui permet à l’outil de contourner l’arbre sans qu’il ne s’appuie directement dessus.
- Envisager l’utilisation d’outils moins communs en verger : le pyrodésherbage basé sur l’utilisation d’un brûleur au propane, est éprouvé dans le secteur maraîcher et permet une méthode de contrôle différente des outils mécaniques, mais complémentaire en touchant les mauvaises herbes au sol ou près de l’arbre, difficilement accessibles mécaniquement.
- Coût d’opération de l’outil : certains outils demandent l’utilisation d’intrants pour travailler. Les outils à fouet qui nécessitent l’ajout du fouet en nylon et le pyrodésherbeur qui demande l’utilisation de propane.
De façon générale, les outils qui travaillent le sol superficiellement ne sont pas recommandés en verger pour différentes raisons : risque de bris aux racines, éclaboussures de sol, particules de sol qui collent sur les fruits tombés, risque d’érosion dans les vergers en pente, etc.
Les outils possibles:
- Tondeuse munie d’une extension latérale en forme d’assiette : outil présent dans plusieurs vergers, il complète bien le désherbage obtenu par les herbicides. La méthode de contournement de l’arbre par l’assiette est réalisée soit à l’aide d’un bras senseur qui s’appuie sur le tronc, soit par l’appui de l’assiette directement sur le tronc. Dans ce dernier cas, un ressort assure une pression de l’assiette vers l’avant.
- Tondeuse à 3 lobes : cette tondeuse, baptisée Bypass, se compose de trois lames rotatives disposées en triangle. Jumelé à un tracteur, cet appareil pivote librement sur lui-même au gré du terrain de manière à tondre l’herbe à moins d’un quart de pouce de chaque obstacle. Autre avantage de la tondeuse Bypass : elle déchiquette les résidus plutôt que de les projeter dans l’allée. Elle crée ainsi un compost bénéfique pour les arbres, tout en réduisant en poussière les feuilles porteuses de maladie.
- Tondeuse latérale à fouet : outil développé plus récemment mais qui démontre une bonne efficacité et une bonne complémentarité à la tondeuse rotative ou à fléaux. La rotation des fouets se fait à la verticale et non à l’horizontale. L’outil passe entre les arbres et est muni d’un bras senseur qui sert d’appui pour le contournement du tronc. Les fouets passent au ras du sol et font ainsi un fauchage plus ras que la tondeuse rotative ou à fléaux.
- Pyrodésherbeur : méthode peu utilisée en verger mais qui gagne en popularité dans le secteur maraîcher. Différentes technologies sont utilisées pour assurer une bonne efficacité de l’outil : brûleur au propane liquide (comme les chariots élévateurs) plus performant que ceux utilisant le propane vapeur (comme les BBQ); allumeur automatique, contrôle du débit à partir du tracteur; tôle de protection de la flamme pour augmenter l’efficacité du feu; certains modèles ont deux brûleurs montés l’un derrière l’autre pour permettre une vitesse de travail plus élevée, etc.
- Brûleur à l’eau chaude ou à la vapeur : encore peu utilisé peu importe la culture. Les données d’essais sont peu disponibles et la quantité d’énergie nécessaire pour générer la vapeur requise au bon fonctionnement de l’outil est plus élevée que celle requise pour l’utilisation simple des torches au propane. Le principal avantage en est un de sécurité, il n’y a pas de flamme directement en contact avec la culture et son utilisation est possible dans les vergers ayant un paillis organique en surface.
Tondeuse latérale à fouet (source : Agropomme).
Une capsule vidéo sur le désherbage mécanique a été produite en 2022 dans le cadre du projet Vitrines régionales de régies à moindres risques dans la pomme. Vous pouvez la visionner sur la chaîne YouTube de l’IRDA: https://www.youtube.com/watch?v=b8FV7PIzgRU&t.
Herbicides
L’utilisation d’herbicides demeure la méthode la plus courante et la plus simple pour empêcher la croissance de la végétation sur le rang. Les herbicides doivent cependant être utilisés de manière restreinte afin de limiter les risques qu’ils comportent :
- Risque de phytotoxicité pour les pommiers et de toxicité pour l’applicateur en cas de dérive;
- Risque de dommages aux organismes bénéfiques du sol, notamment les vers de terre;
- Risque de pollution de la nappe phréatique et des cours d’eau.
Rang de pommier ayant reçu un traitement herbicide (source : Agropomme).
L’emploi de doses supérieures à l’étiquette est évidemment proscrit. Des doses élevées augmentent dramatiquement ces risques et peuvent aussi provoquer un déséquilibre physiologique préjudiciable aux pommiers. Dans des sols légers, des effets phytotoxiques peuvent se manifester.
Le choix des herbicides doit donc se faire selon les résultats du dépistage. En d’autres mots, les espèces à réprimer, leur stade de développement ainsi que leur localisation dans le verger doivent être considérés lors du choix de l’herbicide.
En présence d’infestations localisées ou de foyers de mauvaises herbes récalcitrantes, il faut traiter la zone infestée seulement. Un applicateur à dos ou une application manuelle à l’aide d’un humecteur à mèche sont des méthodes efficaces pour traiter près des arbres avec un herbicide systémique homologué à cette fin.
Humecteur à mèche (source : OMAFRA).
Dans les plantations de pommiers nains et semi-nains, les applications en bandes doivent être limitées à une largeur maximale. Cette largeur désherbée doit correspondre à moins du tiers de la superficie totale du verger, sans jamais dépasser 1,2 m de chaque côté du rang. Il est judicieux de limiter les applications à la largeur du rang de pommiers qui a été déterminée au moment de l’établissement de la parcelle.
Il n’est pas nécessaire de réprimer complètement les mauvaises herbes sur le rang au-delà de la période critique de croissance du pommier. Il est préférable de privilégier les traitements printaniers et d’éviter les traitements herbicides à l’automne afin de conserver de la végétation en fin de saison. Un couvert végétal pourra maintenir la neige autour des racines du pommier et assurer une meilleure protection hivernale. Il favorisera également l’hibernation des acariens prédateurs. Cependant, la hauteur du couvre-sol devra être minimale afin de ne pas favoriser l’établissement du campagnol des champs.
Certains herbicides peuvent être utilisés durant l’année de l’implantation du verger, avant ou après la plantation des pommiers. Dans les vergers établis, ils sont utilisés en fonction de l’apparition des mauvaises herbes : en prélevée ou en postlevée. Pour plus de détails sur les herbicides homologués en pomiculture au Québec, consultez la fiche Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec et la fiche Efficacité potentielle des herbicides homologués en pomiculture au Québec, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec.
Herbicides de préplantation
Ces herbicides, appliqués avant l’implantation d’un verger, sont absorbés par les mauvaises herbes au moment de leur germination. L’application de ces herbicides doit donc se faire avant la levée des mauvaises herbes. Les conditions d’application (dose, % de matière organique, volume d’eau, etc.) de ces herbicides sont très variables d’un produit à l’autre. Assurez-vous de lire l’étiquette pour bien les utiliser.
Herbicides de prélevée
Les herbicides de prélevée, aussi appelé herbicides résiduels, sont appliqués avant la levée des mauvaises herbes. Ces produits agissent en nuisant à leur germination ou en créant à la surface ou sous la surface du sol une zone toxique pour les graines ou les plantules des mauvaises herbes visées. L’indaziflam (ALION), le flumioxazine (CHATEAU), la simazine (PRINCEP, SIMAZINE, SIMADEX), le dichlobénil (CASORON) et le terbacile (SINBAR) sont des exemples d’herbicides de prélevée. Pour la plupart, ces herbicides s’activent pleinement à la suite d’un apport d’eau minimum de 12 mm. Ces produits ont donc besoin d’humidité, soit par la pluie ou par irrigation, pour pouvoir être pleinement efficaces.
ATTENTION : Les risques de phytotoxicité de ces herbicides sont plus élevés sur des sols légers ayant moins de 2 % de matière organique. Pour diminuer ces risques, il est préférable d’éviter que les racines de pommiers de remplacement nouvellement plantés ne viennent en contact avec un sol traité depuis moins de trois ans avec un herbicide de prélevée.
Herbicides de postlevée
Les herbicides de postlevée s’utilisent après la levée des mauvaises herbes. Ces produits peuvent être systémiques ou de contact. Ces herbicides seront habituellement plus efficaces si les mauvaises herbes sont jeunes et en croissance active. Bref, ils ne doivent pas être utilisés trop tardivement en saison. Certains de ces herbicides seront plus efficaces sur les graminées et/ou sur les mauvaises herbes à feuilles larges. D’autres vont aussi permettre de cibler les vivaces ou seulement les annuelles. Il convient donc de dépister son verger pour cibler le moment d’application mais aussi afin de choisir le ou les produits adéquats (voir la fiche Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec et la fiche Efficacité potentielle des herbicides homologués en pomiculture au Québec, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec.)
Herbicides systémiques
Les herbicides systémiques sont absorbés et transportés à l’intérieur de la plante. Ils sont donc habituellement efficaces pour traiter les vivaces. En circulant dans la plante, ils perturbent différents processus comme la photosynthèse, la synthèse des acides aminés et le développement cellulaire. La croissance et le développement de la plante sont alors déréglés ou même arrêtés, ce qui la fait mourir. Le glyphosate (ROUNDUP, GLYFOS) fait partie de ce type d’herbicides et ne doit pas être appliqué après la mi-juillet puisque, selon certaines études, il pourrait contribuer au brunissement interne des fruits pour les cultivars sensibles comme Empire, entreposés à long terme (voir la fiche sur les Désordres physiologiques et maladies d’entrepôt). Lors de l’application de ces herbicides, il est important d’éviter que l’herbicide touche les feuilles du pommier, l’écorce récente et les drageons à la base du tronc. Ces parties peuvent absorber l’herbicide, développer des symptômes de phytotoxicité et être endommagées. Conséquemment, avant de traiter avec des herbicides systémiques, il est conseillé de couper les drageons des pommiers.
Exemple de phytotoxicité causé par des herbicides (source : OMAFRA).
Herbicides de contact
Au contraire des herbicides systémiques, les herbicides de contact ne sont pas transportés dans la plante. Ils détruisent seulement le feuillage avec lequel ils entrent en contact. Ils sont l’équivalent de réaliser une tonte chimique. Leur effet sur les vivaces est donc plus limité que les herbicides systémiques. Ils n’ont aucun effet sur les parties souterraines des mauvaises herbes. Avec ce type de produit, il est important de couvrir uniformément le feuillage des plantes à éliminer. Le carfentrazone-éthyle (AIM), le glufosinate d’ammonium (IGNITE) et le diquat (DESSICASH) font partie de ce groupe. Les herbicides biologiques, comme ceux à base d’acide acétique (SERENE) ou d’acide caprique/caprylique (BIOLINK), font aussi partie de ce groupe.
Application des herbicides
Les appareils servant à la pulvérisation des herbicides sont les suivants :
- Pulvérisateur conventionnel (aussi appelé rampe à herbicides);
- Pulvérisateur à application contrôlée de gouttelettes, avec couvercle protecteur (aussi appelé CDA);
- Humecteur à mèche pour application manuelle localisée;
- Applicateur portatif manuel avec une buse simple pour application localisée.
Précautions à prendre avant tout traitement herbicide
Observations des conditions météorologiques
Il est possible de réduire la dérive lors des applications en prenant soin d’observer les conditions météorologiques suivantes : la vitesse du vent, la température pendant l’application et le taux d’humidité relative.
Dans le cas d’une application d’herbicide avec un pulvérisateur à rampe, les paramètres suivants sont recommandés : vitesse maximale du vent de 7-13 km/h avec une température inférieure à 25 °C et une humidité relative supérieure à 50 %. L’ensemble de ces conditions est souvent retrouvé en fin de journée (pour plus d’informations sur la dérive des pesticides, consultez la fiche sur Réduire la dérive de pesticides.
Vérification de l’état de votre pulvérisateur
Les applications d’herbicides doivent toujours être faites avec un pulvérisateur réservé à cette fin et les précautions suivantes doivent être prises :
- Les pulvérisateurs sont des outils de précision, assurez-vous de les garder en bon état de fonctionnement et de les étalonner régulièrement. L’étalonnage doit être effectué une fois par année en respectant les paramètres suivants : la rampe doit être à une hauteur de 0,3 m par rapport au sol et la vitesse maximale du tracteur doit être réglée à moins de 6 km/h.
- Les pulvérisateurs atomiseurs, portatifs ou non, ne doivent jamais servir pour l’application d’herbicides. Ce type d’appareil produit de très fines gouttelettes qui dérivent facilement et peuvent causer de la phytotoxicité sur vos pommiers ou sur toute autre plante non visée par le traitement.
- Le pulvérisateur à herbicides doit être nettoyé avec soin. Il est préférable d’effectuer un triple rinçage du réservoir avant de remiser le pulvérisateur. De plus, il est recommandé d’utiliser des produits commerciaux destinés à cet usage et de vérifier les particularités du nettoyage sur l’étiquette du produit. Pour certains herbicides, une eau savonneuse et un rinçage à l’eau claire ne sont pas suffisants.
Le pulvérisateur CDA, un bon choix?
Présent au Québec depuis 2004, le pulvérisateur CDA offre plusieurs avantages comparativement à l’utilisation de la rampe à herbicides :
- La dérive étant fortement réduite, il peut être utilisé lors de journées venteuses sans risque de dégâts aux feuilles et aux jeunes troncs.
- Il permet d’appliquer les herbicides de contact en concentré et donc de traiter une plus grande superficie avec une même quantité d’eau.
- En utilisant moins d’eau dans le rétservoir lors de l’arrosage, la compaction des allées du verger et le temps de remplissage sont réduits.
- Les coûts d’application des herbicides sont bien moindres avec ce système qu’avec une rampe à herbicides classique.
Ses inconvénients sont les suivants :
- Les problèmes d’application sont plus difficiles à détecter car l’arrosage en concentré laisse peu de traces de gouttelettes comparativement au traitement effectué avec une rampe.
- L’appareil est délicat, particulièrement la buse qui ne doit pas entrer en contact avec des roches ou autres débris sur le parcours de l’arrosage.
- Son coût d’achat est élevé par rapport à un pulvérisateur conventionnel.
Pour en savoir davantage
Pourquoi les espèces exotiques envahissantes sont nuisibles – Canada.ca
Lutte contre les mauvaises herbes dans les vergers | ontario.ca
Gestion du sol des vergers dans les nouveaux vergers de pommiers
La tondeuse ByPass pour réduire l’utilisation d’herbicides – Le magazine de l’équipement au Canada
Broyeur entre rangée ECOSPRINT EASY
Oeliatec : désherbage à eau chaude
Références
Aller, D., Zeppetella, D. & Veraldi, S. Orchard floor management under maritime climate conditions. Fruit Quaterly, 30 (3), 14-18. (2022).
Boyer, L. Revue de littérature systématique sur le potentiel d’utilisation des paillis organiques à améliorer la qualité du sol et la durabilité des vergers de pommes du Québec. Département des sols et de génie agroalimentaire de l’Université Laval. (2021).
Giroux, D. Le désherbage mécanique dans les productions maraîchères et de petits fruits. Agri-Réseau. (2019).
Leblanc, M. Lutte mécanique, thermique et produits désherbants. Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. (2017).
Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.
Question: pourquoi ne pas ensemencer en trèfle ou autre couvre sol bas au lieu d’utiliser toujours des herbicides? Est-ce une question de coût?