Fiche 51 Description des fongicides unisites et à risque de résistance

Dernière mise à jour le 1 mars 2024
 

Fiche 51

Vincent Philion, Yvon Morin et Robert Maheux

 

Cette fiche présente une description sommaire et une liste non exhaustive des fongicides unisites et à risque de résistance qui sont homologués pour les vergers de pommiers au Canada.

NOTE : Pour une information complète et à jour sur les pesticides, visitez le service en ligne d’information sur les pesticides du gouvernement du Québec (https://www.sagepesticides.qc.ca/) et du Canada (https://pr-rp.hc-sc.gc.ca/ls-re/index-fra.php).

En comparaison aux autres familles de produits, les produits classés comme « unisites » sont généralement plus récents et moins toxiques. Presque tous les produits jugés à « risques réduits » par l’ARLA sont dans ce groupe. En principe, trois propriétés agronomiques majeures les démarquent des autres produits : la résistance au lessivage, l’efficacité en post infection pour la tavelure et le risque de résistance.

Tous les fongicides unisites sont absorbées par la plante à des degrés divers et résident soit dans la cuticule ou sont systémiques dans la feuille. Conséquemment, tous les produits classés parmi les unisites sont en principe à l’épreuve du lessivage par la pluie et ont une certaine efficacité en post infection pour la tavelure du pommier. En pratique, la résistance au lessivage n’est pas si différente des autres produits et la redistribution au feuillage déployé après l’application est faible. Les différentes familles se distinguent par le spectre des maladies qu’elles peuvent contrôler et leur site d’action sur les champignons visés.

Comme leur nom l’indique, les produits à mode d’action unisite agissent seulement sur un aspect du métabolisme des agents pathogènes (mode d’action) et sont plus sujets au développement de la résistance. La résistance se propage parce que des individus naturellement présents dans la population ont un métabolisme différent qui contourne l’effet fongicide. À chaque mode d’action correspond un mécanisme de résistance qui est généralement indépendant des autres. Les populations devenues résistantes à une famille de produit sont sensibles aux autres familles. Par contre, les populations peuvent éventuellement devenir résistantes à plusieurs familles de produits.

Pour simplifier le choix des produits, les matières fongicides sont classées par le FRAC (Fungicide Resistance Action Committee) et c’est cette classification qui est utilisée dans le Guide. Les populations résistantes à un produit sont résistantes à tous les autres produits de la même famille.

Les problèmes de résistance ont un impact concret sur la gestion de la tavelure et le même principe s’applique au blanc du pommier et éventuellement aux autres maladies, notamment le complexe suie-moucheture. Les individus résistants peuvent soit remplacer rapidement toute la population (résistance qualitative), soit s’accumuler graduellement dans la population (résistance quantitative). En cas de résistance qualitative, la perte d’efficacité est brutale (ex. : benzimidazole, QoI) alors que la perte d’efficacité est graduelle quand la résistance est quantitative (ex. : dodine, IBS). Le type de résistance rencontré pour la tavelure est indiqué pour chaque classe de produit lorsque connu. La progression de la résistance est irréversible pour toutes les catégories de produits. Les individus résistants persistent dans la population même en absence de traitement.

Pour éviter l’accumulation des individus résistants, il est recommandé d’éviter les traitements de secours, de traiter dans les meilleures conditions en maintenant la dose recommandée, de limiter le nombre d’applications par saison pour une même famille et de faire la rotation entre les familles de produits unisites. Les mélanges de produits peuvent aussi ralentir la résistance et la fiche 52 leur est consacrée. Il est possible d’éviter d’avoir à gérer la résistance en utilisant seulement des produits multisites efficaces contre la maladie visée.

 

Traitements de secours

Les produits sujets à la résistance ne devraient jamais être appliqués dans les vergers où des symptômes de la maladie sont déjà apparents. Les traitements sur taches de tavelure déclarées, ou dans les vergers envahis de blanc dans le but de « brûler » les symptômes sont efficaces à court terme, mais accélèrent invariablement la sélection des individus tolérants ou résistants. Les traitements de secours ont conduit à la résistance de la tavelure envers la dodine (SYLLIT) et la résistance du blanc aux IBS. En présence de symptômes, il est toujours préférable de recourir à des traitements avec des produits multisites.

 

Conditions de traitement

Comme tous les produits unisites sont absorbés par la plante, leur efficacité ne dépend pas seulement de la dose appliquée, mais aussi de la dose réellement absorbée par la plante. L’absorption dépend des conditions de séchage. Pour maximiser l’efficacité des traitements, toutes les conditions doivent être réunies pour favoriser l’absorption. En outre, les traitements unisites ne doivent jamais être réalisés pendant la pluie. D’autres restrictions existent selon la catégorie de produit et leur sensibilité aux conditions d’absorption. Les traitements réalisés avec des produits unisites dans de mauvaises conditions (pluie, froid) sont généralement beaucoup moins efficaces que les traitements avec des produits multisites appliqués dans des conditions similaires. En plus des pertes directes liées à un mauvais traitement, les traitements inefficaces entraînent invariablement une pression de sélection accrue pour la résistance. Cette sélection est d’autant plus rapide quand les doses appliquées sont coupées.

 

Guanidines (FRAC U12)

La dodine est le seul fongicide de la famille des guanidines (FRAC U12) homologué dans la pomme (depuis 1957) et n’est efficace sur le pommier que pour réprimer la tavelure. Il est encore largement utilisé dans la plupart des pays européens. Initialement commercialisé sous le nom de CYPREX, c’est à la fois un fongicide de contact et un fongicide systémique local. La dodine est efficace en protection et en post infection jusqu’à 300 degrés-heures après le début de l’infection, soit environ 36 h après le début de la pluie. L’absorption de la dodine est rapide et le produit peut être appliqué sur du feuillage mouillé ou à basse température. Cependant, la dodine est parfois sujette à causer une phytotoxicité sur fruits quand le séchage est très lent ou quand la température est près du point de congélation. Comme tous les produits sujets à la phytotoxicité, il est recommandé d’éviter de l’utiliser pendant la période de sensibilité critique des fruits juste après la floraison (voir la fiche 108). Pour réduire davantage les risques, il faut le pulvériser lors de bonnes conditions de séchage assez rapide. La dodine est compatible en mélange avec l’huile.

Les guanidines modifient la perméabilité sélective des membranes cellulaires des champignons pathogènes. Malgré ce mode d’action assez complexe, un usage répété a démontré qu’elles sont sujettes à la propagation de souches résistantes de tavelure, notamment lorsqu’utilisées après l’apparition des symptômes. Pour cette raison, les guanidines sont classées dans la catégorie « à risque » parmi les autres produits unisites. La résistance à la dodine est relativement fréquente depuis plusieurs décennies1, mais comme son développement est plus lent que pour les autres produits et que la perte d’efficacité est graduelle (résistance quantitative), la dodine peut s’avérer une alternative utile à d’autres familles de produits devenus inefficaces. Même si le produit a perdu son efficacité moins de 10 ans après l’homologation dans certains vergers1, dans les vergers où l’usage a été moins intensif, le produit est resté efficace. C’est le cas dans la plupart des vergers en Europe et dans une forte proportion de vergers au Québec2.

EQUAL 65 WP, CYPREX : Produits retirés. Ces produits étaient des poudres mouillables, plus phytotoxiques que les formulations modernes. Les données d’efficacité de ces produits restent pertinentes, mais pas les rapports sur la phytotoxicité qui sont en partie liées à la formulation.

SYLLIT 400 FL (dodine) : Formulation moderne de la dodine. L’étiquette canadienne stipule une dose minimale de 700 g/ha de matière active (1,75 L/ha) alors qu’en France, la dose maximale autorisée de 680 g/ha de matière active est jugée très efficace.

 

Benzimidazoles (FRAC 1)

Cette famille de fongicides génériques a vu le jour dans les années 1960 et a été popularisée dans la pomme avec l’arrivée du benomyl (BENLATE), disparu depuis 2001. Les benzimidazoles bloquent la division cellulaire et nucléaire (mitose) des pathogènes visés. Ils sont très sujets au développement de la résistance, au point où tout le système de classification de la résistance (FRAC) débute avec eux (groupe 1). La perte d’efficacité due à la résistance est aussi soudaine que brutale pour toutes les maladies visées (résistance dite qualitative). Le thiophanate-méthyl originellement vendu sous le nom « EASOUT », TOPSIN-M aux USA et maintenant SENATOR au Canada, est le seul produit de cette famille encore homologué pour des traitements en verger. Le MERTEC (thiabendazole) est issu de la même famille et est encore homologué pour les traitements post-récolte, malgré la résistance généralisée des maladies qu’il est sensé réprimer. Les benzimidazoles sont très toxiques aux vers de terre, mais également toxiques aux abeilles, aux oiseaux et d’autres organismes3 et leur usage est parfois interdit pour cette raison. L’usage répété des benzimidazoles est aussi néfaste aux prédateurs d’acariens.

SENATOR 70WP (thiophanate-méthyl) : Le SENATOR est homologué pour la tavelure et le blanc du pommier. La résistance de la tavelure aux benzimidazoles est généralisée et son usage n’est plus recommandé pour cette maladie depuis plusieurs années. Les mélanges ne peuvent pas rétablir l’efficacité du SENATOR et reviennent à compter seulement sur le produit en mélange. Il est possible que le thiophanate-méthyl soit encore efficace pour réprimer le blanc (fiche 109), mais les risques de développement de la résistance sont élevés. Par contre, SENATOR est très efficace contre la suie-moucheture même si cette maladie n’apparait pas sur l’étiquette. Le SENATOR est incompatible avec la bouillie soufrée et toutes les bouillies alcalines. Délai d’application avant récolte de 1 jour.

 

IBS (FRAC 3)

Ces fongicides sont également appelés IBE (pour inhibiteurs de la biosynthèse des ergostérols) ou SI ou SBI (pour inhibiteurs de la biosynthèse des stérols en anglais). Ils forment un grand groupe de fongicides comprenant différentes classes et familles. Les IBS provoquent l’inhibition d’enzymes impliqués dans la synthèse des stérols, entraînant une perturbation du fonctionnement et de la formation des membranes cellulaires des champignons. En pomiculture, tous les IBS homologués se trouvent dans le groupe « G1 », DMI (SBI : classe 1, inhibiteurs de déméthylation) et sont tous sujets à une résistance croisée (code FRAC 3). Cependant, la résistance n’est pas parfaitement corrélée et des variations importantes sont observées. Différents IBS ont été homologués au cours des années. Au Canada, le fenarimol (pyrimidine, RUBIGAN ou VINTAGE aux États-Unis), le triforine (piperazines, FUNGINEX) et les triazoles, soit le bitertanol (BAYCOR), le myclobutanil (NOVA), le flusilazole (Nustar), le flutriafol (FULLBACK), le difenoconazole (INSPIRE) et finalement le mefentrifluconazole (CEVYA) ont été commercialisés. L’efficacité des IBS pour réprimer la tavelure a été augmentée avec chaque nouvelle génération de produits jusqu’au difenoconazole. Par contre, la résistance naturellement présente des champignons s’est aussi graduellement accumulée avec l’usage et l’efficacité générale de chaque IBS a diminué progressivement. Une longue période d’utilisation du myclobutanil (NOVA), souvent à des doses faibles a accéléré la perte d’efficacité des IBS. Le difenoconazole (INSPIRE) et le mefentrifluconazole (CEVYA) sont les seuls IBS encore recommandables pour réprimer la tavelure dans les vergers où le NOVA a été utilisé.

Les IBS ont une activité systémique locale translaminaire. Ils sont absorbés par la cuticule et redistribués au sein des feuilles traitées. La répartition ou redistribution du fongicide est limitée à une certaine surface autour de son point de contact. Une fois déposé sur la surface foliaire, le produit est absorbé en une heure. Les IBS sont néanmoins très sensibles aux conditions d’absorption. L’absorption des IBS est limitée à basse température et aucun traitement IBS n’est recommandé quand la température est inférieure à 12 °C.

De par leur mode d’action, les IBS sont peu efficaces en protection puisqu’ils agissent seulement après la germination du champignon4. Ils sont par contre très efficaces après la pluie en post infection et peuvent arrêter la progression du champignon sous la cuticule des feuilles plusieurs jours après la pluie. En absence de résistance, ils peuvent être utilisés jusqu’à 1000 degrés-heures après le début de l’infection, soit environ 96 h après le début d’une pluie. Passé ce délai, leur efficacité diminue, mais reste mesurable quoique insuffisante. Les IBS ne tuent pas le champignon en croissance, mais le freinent. Ils sont donc techniquement « fongistatiques » et non « fongicides ». Conséquemment, une certaine résurgence a lieu en fin de saison et le champignon peut survivre d’une année à l’autre.

En absence de résistance dans les populations de champignons, les IBS sont efficaces contre une gamme variée de champignons incluant plusieurs maladies usuelles du pommier (tavelure, blanc), mais aussi des maladies pour lesquelles des traitements ne sont habituellement pas requis en PFI (ex. : rouille). L’efficacité contre chacune des maladies est variable selon le produit. Les IBS très efficaces contre la tavelure sont généralement moins efficaces contre le blanc et réciproquement. Par ailleurs, les premiers IBS n’avaient à peu près aucune efficacité contre la suie-moucheture (SBFS) alors que le difénoconazole est très efficace contre cette maladie.

Dans les vergers où les IBS sont encore efficaces contre la tavelure, leur utilisation en mélange est à considérer pour les traitements en post infection, en tenant compte du mode d’action. Voir la fiche 52. L’utilisation du FULLBACK (ou du NOVA) pour lutter contre le blanc pourrait potentiellement accélérer la résistance de la tavelure et mettre en péril l’efficacité des IBS encore efficaces contre cette maladie. Outre leur efficacité comme fongicides, les IBS ont souvent un effet hormonal sur le pommier. Cet effet est variable selon les molécules.

CEVYA (mefentrifluconazole) : Aussi connu comme Revysol (BAS-750-07F, BAS-752). Homologué au Canada en 2019 pour la saison de croissance 2020. Efficacité contre la tavelure équivalente ou légèrement moindre que INSPIRE5,6. La compagnie allègue que le produit est efficace contre les souches tolérantes aux IBS, mais les données ne sont pas publiées.

FULLBACK (flutriafol) : Homologué au Canada en 2014, ce produit est connu aux États-Unis sous le nom TOPGUARD ou RHYME. Cet IBS est très efficace contre le blanc du pommier. Par contre, son efficacité pour réprimer la tavelure est moindre5,6, notamment dans les vergers où la tavelure est tolérante au NOVA. Le produit n’est d’ailleurs pas recommandé seul pour réprimer la tavelure.

FUNGINEX (triforine) : Homologué au Canada seulement sur les pommiers non en production. Le triforine inhibe en partie la mise à fruit7.

NOVA 40W (myclobutanil) : Ce fongicide a été initialement commercialisé par Dow Chemicals. Son efficacité pour la tavelure est compromise par la résistance et le produit n’est plus recommandé dans la plupart des vergers. Les résultats d’essais récents illustrent que ce produit est moins efficace que les nouveaux IBS pour réprimer la tavelure6. Ce fongicide doit être utilisé en mélange avec un fongicide de contact à partir de la floraison car il est peu efficace pour empêcher la tavelure sur les fruits. Il s’avère toutefois un excellent fongicide pour réprimer le blanc.

NUSTAR (flusilazole) : Fongicide jadis commercialisé par la compagnie Dupont. À la dose homologuée, le flusilazole pouvait réprimer efficacement les populations de champignons devenues tolérantes au myclobutanil. Retiré du marché après la saison 2011 même si l’homologation est restée valide jusqu’en 2018.

INSPIRE (difénoconazole) : IBS homologué par la compagnie Syngenta. Le difénoconazole est la molécule de cette famille la plus efficace contre la tavelure du pommier. Néanmoins, des souches tolérantes au difénoconazole sont fréquemment trouvées. Dans les vergers où la résistance au NOVA est bien installée, INSPIRE peut être utile si la pression de la maladie n’est pas trop forte, par exemple sur des cultivars moins sensibles que McIntosh. Par ailleurs, l’efficacité du INSPIRE est limitée pour réprimer le blanc. Efficace contre la suie-moucheture. Le INSPIRE est graduellement remplacé par le mélange INSPIRE SUPER.

INSPIRE SUPER : Voir la fiche 52.

 

AP (FRAC 9)

Les fongicides du groupe des anilinopyrimidines (AP) provoquent l’inhibition de la synthèse de la méthionine (acide aminé) chez les pathogènes visés. Dans d’autres cultures, les AP sont surtout utilisés contre les champignons apparentés au Botrytis, mais ils ont aussi une assez bonne activité contre la tavelure du pommier. Cependant, les résultats sont variables. Dans une stratégie en « protection » ils ne sont pas recommandables8. Pour la tavelure, les AP sont efficaces jusqu’à 750 degrés-heures après le début de l’infection, soit environ 76 h après le début de la pluie. Les AP ne sont pas efficaces contre le blanc.

Pour être efficaces, les traitements avec AP doivent être absorbés par le feuillage. Leur systémie est locale (translaminaire). Les AP sont notamment bien absorbés à basse température et sont préconisés en début de saison. Par contre, la période de séchage est critique pour assurer l’efficacité des produits de cette famille. Il faut compter deux heures de séchage pour garantir l’efficacité. Les AP ne répriment pas la tavelure sur fruits et ne sont donc pas recommandés après la floraison. Les lacunes des AP en été sont bien documentées9. Bien que la résistance croisée entre les AP (groupe 9) et les IBS (groupe 3) ne soit pas démontrée, leur efficacité pourrait être réduite dans les vergers où il y résistance aux fongicides de la famille des IBS. Les deux molécules homologuées dans ce groupe sont d’efficacité équivalente lorsqu’utilisées à la dose homologuée.

VANGARD 75WG (cyprodinile) : Premier fongicide de la famille des AP homologué au Canada (1998). Le produit existe aussi dans d’autres pays, notamment en Europe sous le nom de CHORUS.

SCALA (pyriméthanil) : Outre son homologation préflorale, le SCALA peut être utilisé avant la récolte pour réprimer les maladies comme le Botrytis et le Penicillium.

INSPIRE SUPER : Voir la fiche 52.

 

QoI (FRAC 11)

Ce groupe de fongicides est le résultat d’une fusion des strobilurines et d’autres produits fongicides. Les QoI sont des produits relativement récents (1996) qui sont des dérivés d’un extrait de champignon naturellement fongicide. Ils agissent en causant l’inhibition de la respiration mitochondriale des cellules et sont efficaces contre une gamme variée de champignons. Les QoI sont très sujets à la résistance et cette résistance peut prendre différentes formes. Dans certains cas, la première résistance aux QoI qui apparaît est graduelle mais par la suite dans tous les cas une résistance très brutale (résistance qualitative) s’installe et les traitements peuvent soudainement perdre toute efficacité. Dans certains pays, la résistance est apparue après seulement quelques années d’usage modéré9.

En absence de résistance, leur spectre d’activité comprend toutes les maladies usuelles en pomiculture, incluant la tavelure, le blanc et le complexe suie-moucheture.

Ces produits ont une forte affinité pour la cuticule des plantes. Les QoI homologués dans la pomme ne sont pas considérés systémiques, ne sont pas stables dans la feuille et n’ont à peu près pas de mouvement translaminaire4. Ils seraient néanmoins redistribués localement à la surface des feuilles par diffusion dans la cuticule. En principe, les QoI peuvent aussi s’évaporer et protéger des feuilles non touchées par la bouillie pesticide. Cependant, ils sont peu volatiles4 et l’effet est négligeable en conditions normales.

Comme ils inhibent la germination des spores4, ils ont d’excellentes propriétés de protection. Pour la tavelure ils ne sont pas recommandés pour les traitements de germination puisqu’ils doivent être appliqués sur feuillage sec. Leur efficacité en post infection est limitée à 450 degrés-heures, soit environ 48 h depuis le début de la pluie. Cette valeur ne fait pas l’unanimité. Même si ils ont un effet reconnu en post-infection4, les QoI ne sont pas recommandés en post-infection en Europe.

Les QoI ont tendance à provoquer une phytotoxicité soit sur pommiers ou sur vigne. Les produits homologués sur la pomme sont donc souvent phytotoxiques sur la vigne et inversement. En pomiculture, il faut donc user de prudence extrême dans les sites à proximité des vignobles et des autres cultures où des fongicides de type QoI sont utilisés. Une dérive très faible du fongicide azoxystrobine (Quadris, Abound) utilisé dans plusieurs cultures peut provoquer des symptômes graves10 sur pommiers. Le partage d’équipement entre les cultures est impossible puisque même un nettoyage approfondi du pulvérisateur n’est pas suffisant pour éviter la phytotoxicité.

Les dommages varient selon le cultivar touché, et sont importants notamment sur McIntosh, Gala, Spartan et Cortland, mais pas sur la délicieuse rouge. La sévérité des dommages dépend du stade phénologique.

SOVRAN (krésoxim-méthyl) : Commercialisé par BASF, premier QoI homologué dans la pomme au Canada (2000). Selon la dose utilisée, ce produit est moins efficace que FLINT. Il faut au moins 280 g/ha de SOVRAN pour obtenir une efficacité comparable à FLINT à 140 g/ha. De plus, le SOVRAN est plus sujet à la résistance graduelle que le FLINT. Phytotoxique sur cerises.

FLINT (trifloxystrobine) : Commercialisé au Canada par Bayer depuis 2004. La résistance aux QoI est responsable de pertes d’efficacité en Ontario depuis 2011. Homologué jusqu’à 175 g/ha.

MERIVON de BASF (pyraclostrobine + fluxapyroxad) : Voir la fiche 52.

PRISTINE : Voir la fiche 52.

 

SDHI (FRAC 7)

Les SDHI (succinate dehydrogenase inhibitors) du groupe des carboxamides constituent la dernière famille de produits unisites homologués dans la pomme. Différents produits contenant un SDHI sont homologués au Canada. Les SDHI ont une forte affinité pour la cuticule des feuilles et sont en partie absorbés. La portion absorbée est supposée systémique localement (translaminaire). Le premier SDHI (boscalide, contenu dans PRISTINE) n’avait pas d’efficacité reconnue contre la tavelure, mais les SDHI homologués par la suite incluent la tavelure dans leur spectre d’efficacité. Pour la tavelure, les nouveaux SDHI sont efficaces en protection et ont une efficacité en post infection d’environ 450 degrés-heures, soit environ 48 h depuis le début de la pluie. Certaines étiquettes (ex. : Luna Tranquility) qui incluent un SDHI en mélange peuvent indiquer une plus longue période d’activité en post infection, mais l’effet est obtenu par le partenaire de mélange et non le SDHI. Les fongicides SDHI sont également efficaces contre le blanc et d’autres maladies mineures comme la suie-moucheture.

Comme tous les SDHI sont à risque élevé de résistance (FRAC 7), il est important d’adopter une stratégie de gestion de la résistance avant leur utilisation généralisée.

APROVIA (benzovindiflupyr) : Produit homologué par Syngenta et commercialisé à partir de 2016. Cette molécule est la plus efficace du groupe pour réprimer la tavelure du pommier.

APROVIA TOP (benzovindiflupyr + difenoconazole) : Voir la fiche 52.

EXCALIA (Inpyrfluxam (31,25 %)) : Produit homologué (2020) par Valent/Nufarm, la molécule est aussi connue sous le nom de « indiflin ». Le traitement doit être complété au moins une heure avant la pluie, deux heures selon la documentation technique de Valent. La dose prescrite varie entre 146 et 219 mL/ha selon la pression de la maladie. Le produit est efficace en protection, mais également jusqu’à 4 jours en post infection. L’intervalle minimal entre les applications est 10 jours et seulement deux applications sont permises par année. De plus, le délai avant récolte empêche tout usage après la chute des pétales. L’étiquette précise qu’un minimum de 500 L/ha est requis lors de l’application, mais les applications à volume réduit fonctionnent. Un adjuvant (ex. : Xiameter, Silwet) est requis contre le blanc, mais les tensioactifs comme Liberate ou LI-700 peuvent nuire à l’efficacité.

FONTELIS (penthiopyrad) : Le premier « SDHI » à voir le jour au Canada (2012) pour réprimer la tavelure. La formulation de FONTELIS (Dupont) contient de l’huile qui peut engendrer des problèmes lors de l’utlisation conjointe avec le CAPTAN11-13. Le Fontelis ne doit pas être mélangé avec les produits d’éclaircissage13.

KENJA (isofetamid) : Peu de données comparatives. Homologué en 2018. Molécule de ISK. Homologué pour la tavelure à la dose de 0,913 L/ha. Pas homologué contre le blanc.

LUNA PRIVILEGE (fluopyram) : La gamme Luna (Bayer) a d’abord été homologuée en mélange (voir Luna Tranquility). En 2016, la molécule active a été homologuée seule. Dans plusieurs tests, cette molécule s’est avérée la moins efficace du groupe, notamment lors d’un sondage sur la résistance au Canada.

LUNA TRANQUILITY (fluopyram + pyrimethanil) : Mélange d’un SDHI avec un AP. Voir la fiche 52.

MERIVON de BASF (pyraclostrobine + fluxapyroxad) : Voir la fiche 52.

MIRAVIS DUO (pydiflumetofen + difenoconazole) : Aussi connu sous le nom de technologie « Adepidyn » Homologation Syngenta. Mélange d’un fongicide du groupe 7 avec un groupe 3. Peu efficace contre le blanc, mais homologué contre la suie-moucheture. Maximum de 2,34 L/ha par saison. Pour une dose non optimisée de 0,585 L/ha, 4 applications sont permises (voir résistance). Délai avant récolte d’un mois. Similaire à Aprovia Top. Voir la fiche 52.

PRISTINE : Voir la fiche 52.

SERCADIS (fluxapyroxad) : Molécule de BASF, aussi connu sous le nom de XEMIUM selon les pays et marchés. Cette molécule est vendue en mélange aux USA sous le nom MERIVON (voir la fiche sur les mélanges). Le mélange n’est pas plus efficace que Sercadis14. L’étiquette mentionne que l’utilisation d’un surfactant non-ionique (0,125 % v/v) est recommandée.

 

Polyoxins (FRAC 19)

Les polyoxins (polyoxorim) tuent les champignons en inhibant la formation de la chitine (chitine synthase) qui est une composante essentielle des parois cellulaires des champignons pathogènes. Cette molécule fongicide d’origine naturelle est fabriquée par une bactérie actinomycète (Streptomyces cacaoi var asoensis). Cependant, la molécule est modifiée pour la rendre moins soluble. Les produits homologués (ex. : Oso (Certis), PH-D (Arysta)) ne sont pas automatiquement admissibles en production biologique (OMRI)15. Vérifiez avec votre organisme de certification. Les polyoxins ont une efficacité limitée contre la tavelure du pommier et ne sont pas utiles contre cette maladie. Un seul produit de ce groupe est homologué au Canada pour la répression partielle du blanc. Cependant, le polyoxin D serait efficace contre la suie-moucheture en été et est homologué aux États-Unis contre une gamme variée de maladies secondaires (ex. : rouille, alternariose, pourriture du cœur, pourriture du calice, pourriture noire, Marssonina).

Le OSO (5 % actif, comme Diplomat) est recommandé aux USA en été à la dose de 19,5 oz/A, soit 1,4 L/ha).

DIPLOMAT 5SC (polyoxin D zinc salt 5 %) : La dose homologuée est comprise entre 259-926 mL/ha. Ajustez la dose selon la dimension des arbres, mais tenez compte que la dose homologuée au Canada est plus faible que celle utilisée dans les essais américains. Compte tenu de son efficacité limitée, ce produit n’est pas jugé utile en PFI pour réprimer le blanc mais son efficacité contre la suie-moucheture est notable même si cette maladie n’apparait pas sur l’étiquette au Canada.

 

QUINOLINES (FRAC 13)

Nouvelle homologation en 2022. Aucune résistance croisée avec les autres familles FRAC.

KINOPROL 20SC (ipflufenoquin 20 %)16 : Données disponibles limitées, mais serait efficace contre la tavelure et le blanc. 355 mL/ha 3 applications maximum par année. Délai de récolte de 14 jours.

 

Références
  1. Szkolnik, M. & Gilpatrick, J. D. Apparent resistance of Venturia inaequalis to dodine in New York apple orchards. Plant Dis. Report. 53, 861–864 (1969).
  2. Philion, V. & Joubert, V. Portrait de la résistance aux fongicides utilisés pour lutter contre la tavelure du pommier. 22 Disponible sur : https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Agroenvironnement/1590_Rapport.pdf (2014).
  3. Pest Management Regulatory Agency. Re-evaluation Decision RVD2020-13, Thiophanate-methyl and Its Associated End-use Products. Pest Control Products Act vols RVD2020-13 ISSN: 1925-1025 (2020).
  4. Bartlett, D. W. et al. The strobilurin fungicides. Pest Manag. Sci. Former. Pestic. Sci. 58, 649–662 (2002).
  5. Aćimović, S. G., Meredith, C. L. & Woelfersheim, N. Evaluation of BAS-750-07F (Revysol), DMI and SDHI fungicides with LI 700 for control of apple scab in 2018. Plant Dis. Manag. Rep. 13, PF040 (2019).
  6. Aćimović, S. G. & Meredith, C. L. Evaluation of SDHI and DMI fungicides in mix with surfactants and of new DMI revysol® for control of apple scab in the Hudson valley. N. Y. Fruit Q. 27, (2019).
  7. Latham, A. J., Dozier Jr, W. A., Knowles, J. W. & Hollingsworth, M. H. Suppression of apple bloom by fungicides that inhibit sterol synthesis. Plant Dis. (1985).
  8. Bugiani, R., Franceschelli, F., Bevilacqua, T., Antoniacci, L. & Rossi, R. Efficacy evaluation of some fungicides for the control of apple scab [Malus pumila Mill.; Emilia-Romagna]. Atti Delle Giornate Fitopatol. Italy (2006).
  9. Eihe, M., Rancane, R. & Vilka, L. Different fungicide combinations against apple scab helping to avoid fungus resistance. Sodinink. Ir Daržinink. 28, 57–67 (2009).
  10. Cowgill Jr, W. P., Oudamans, P., Ward, D. & Rosenberger, D. Not understanding phytotoxicity can damage your bottom line. Fruit Notes 78, 15–23 (2013).
  11. Dupont Fontelis fungicide technical information. (2012).
  12. Rosenberger, D. The captan conundrum: scab control vs. phytotoxicity. Scaffolds fruits journal vol. 22 6–8 (2013).
  13. Dupont Fontelis® fungicide. EPA registration vol. No. 352-834 NY-130003 (2014).
  14. Sundin, G. W. & Outwater, C. A. Evaluation of fungicide programs for apple scab control on McIntosh apple, 2016. Plant Dis. Manag. Rep. 11, PF001 (2017).
  15. Polyoxin D Zinc Salt. OMRI Disponible sur : https://www.omri.org/generic-material/polyoxin-d-zinc-salt.
  16. Jeanmart, S., Edmunds, A. J., Lamberth, C., Pouliot, M. & Morris, J. A. Synthetic approaches to the 2015–2018 new agrochemicals. Bioorg. Med. Chem. 116162 (2021).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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3 réponses
  1. lapommeraie@sympatico.ca dit :

    Lorsqu’utilisés en post-infection, les fongicides systémiques ont- ils quand même un effet protectant ou bien est-il nécessaire de les combiner à des fongicides de protection?

  2. Venturia dit :

    Selon le produit, c’est variable.

    Les QoI (Flint) sont bons en protection. À l’inverse, les IBS (Inspire Super) le sont moins (En théorie). Tous les produits auront un effet fongicide en protection, mais c’est un peu dommage d’utiliser des produits plus chers et sujets à la résistance alors que les produits de contact fonctionnent très bien pour cet usage. Le lessivage des produits de contact n’est pas aussi important qu’on pense.
    La contrainte en protection est la croissance entre le moment d’application et la pluie. Cette contrainte s’applique à tous les produits puisque les produits systémiques ne migrent pas dans les nouvelles feuilles.

    Donc, aucune stratégie parfaite… Mais le meilleur compromis =

    1) Protection avec produits de contact un rang sur deux.
    2) Traitement de germination (durant la pluie) pour compléter la protection si la pluie a lieu et que le risque en vaut la peine.
    3) Traitement en post infection si la stratégie en place est jugée insuffisante selon la croissance non protégée et la gravité de l’infection (RIM).

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