Compatibilité des mélanges de pesticides
Auteurs de la première édition : Robert Maheux, Yvon Morin, Gérald Chouinard, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Karine Bergeron
Dernière mise à jour par l’auteure : 18 février 2024
Pourquoi faire des mélanges en cuve1?
Mélanger des produits antiparasitaires entre eux ou avec des engrais foliaires dans le réservoir du pulvérisateur est une pratique utile afin de réduire le nombre de passages de la machinerie dans le verger, ce qui se traduit en gain de temps, de carburant et d’argent pour les producteurs, tout en augmentant l’efficacité des produits appliqués (effet synergique : 1+1 = 3 !). Mais attention, plus on ajoute de produits au mélange, plus les risques d’incompatibilité augmentent.
Des produits physiquement incompatibles peuvent épaissir la bouillie ou provoquer la formation de mousse. Les ingrédients risquent aussi de se séparer ou de se déposer, ce qui nuit à l’uniformité de la pulvérisation. Il peut aussi y avoir de la déposition du produit sur le feuillage ou des risques de bloquer ou endommager le pulvérisateur. L’incompatibilité chimique peut réduire l’efficacité des pesticides et causer des dommages aux cultures dans des délais variables après la pulvérisation.
Consultez les étiquettes ou communiquez avec les fabricants ou les distributeurs pour des informations sur la compatibilité des produits que vous souhaitez mélanger. Ne prenez pas de décision sur les mélanges en cuve dans le pic des activités de traitement, mais plutôt prévoyez quelques scénarios possibles de mélanges lorsque vous aurez le temps pour bien analyser s’ils sont permis et valider leur compatibilité.
Exemple de la section compatibilité sur l’étiquette du Sharda captan 48SC.
Permis ou non les mélanges en cuves ?
Depuis 2009 jusqu’au nouveau document d’orientation pour les mélanges en cuve de Santé Canada en 2024, les mélanges de pesticides, même ceux non-inscrits sur l’étiquette des produits antiparasitaires, étaient utilisables légalement aux conditions suivantes :
- Il devait s’agir de produits homologués pour la culture et pour l’usage visé.
- Toutes les conditions d’application mentionnées sur l’étiquette des produits devaient être respectées (stade de la culture, mode d’emploi, mises en garde, zones tampons, etc.). Dans les cas où les renseignements inscrits sur les étiquettes des substances mélangées divergeaient, les directives les plus restrictives devaient être suivies, par exemple le délai de réentrée le plus long devait être respecté.
- Le mélange ne devait pas être contre-indiqué sur l’étiquette des produits concernés.
Les étiquettes des produits homologués au Canada peuvent être consultées et téléchargées à la page suivante : Recherche dans les étiquettes de pesticides – Santé Canada.
L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada indiquait toutefois que quiconque recommandait ou appliquait un mélange en cuve qui n’était pas sur l’étiquette le faisait à ses propres risques et responsabilités, puisque le mélange n’avait pas été examiné par cette dernière. De plus, les mélanges devaient apporter une valeur ajoutée à l’utilisateur, par exemple une augmentation du nombre d’organismes nuisibles ciblés, une contribution à la gestion de la résistance ou la lutte intégrée et des économies de coût et de temps.
Le 20 décembre 2022, Santé Canada a publié un document d’orientation pour les mélanges en cuve afin de clarifier l’étiquetage des produits de mélanges en cuve pour tous les intervenants.
Selon l’alinéa 6(5)b de la Loi sur les produits antiparasitaires, il est interdit d’utiliser un produit antiparasitaire d’une manière non conforme au mode d’emploi de l’étiquette. Il est donc interdit d’avoir recours à un mélange en cuve si l’étiquette ne contient aucune instruction à ce sujet.
Ainsi, pour que le mélange en cuve soit autorisé, l’étiquette du produit doit contenir un énoncé qui permet expressément le mélange en cuve. La mention peut être faite de deux façons :
- Une mention explicite des produits entrant dans la composition du mélange en cuve : le produit X peut être mélangé en cuve avec le produit Y. Ex. Captan 80DF.
- Un énoncé général qui permet le mélange en cuve : Ce produit peut être mélangé avec des produits antiparasitaires homologués dont les étiquettes permettent aussi les mélanges en cuve, à la condition que la totalité de chacune des étiquettes soit suivie pour chaque produit. Ex. Allegro.
Les agronomes sont autorisés à recommander, à promouvoir, à annoncer les mélanges en cuve qui figurent explicitement sur une ou plusieurs étiquettes de produits entrant dans la composition de mélanges en cuve, ainsi que les mélanges en cuve de produits dont l’étiquette comporte l’énoncé général relatif au mélange en cuve à la condition que TOUTES les étiquettes des produits entrant dans la composition du mélange en cuve comportent cet énoncé.
Exemple de situations concernant des énoncés de mélanges en cuve et leurs effets sur l’admissibilité du mélange en cuve de deux produits antiparasitaires homologués. Tableau provenant du document d’orientation de l’ARLA, Étiquetage des mélanges en cuve.
Les compagnies titulaires avaient jusqu’au 20 décembre 2024 pour mettre à jour leurs étiquettes de produits et les documents publicitaires les promouvant.
Si les étiquettes permettent les mélanges, vérifiez la compatibilité des produits par un essai de floculation, lequel est décrit plus loin dans le texte.
Certaines étiquettes peuvent contenir des énoncés qui interdisent ou limitent le mélange en cuve. Exemple de texte pouvant être présent sur une étiquette : Ne pas mélanger ni appliquer ce produit avec un autre additif, pesticide ou engrais.
ATTENTION, depuis quelques années, les compagnies de pesticides offrent des produits contenant des matières actives, des groupes chimiques déjà mélangés. Par exemple, Pristine est un mélange des groupes 7 et 9. Si ces produits sont utilisés aussi en mélange en cuve, les risques d’incompatibilité sont ainsi augmentés.
Plusieurs étiquettes de pesticides indiquent les compatibilités et les incompatibilités avec d’autres pesticides. Cependant tous les mélanges n’ont pas été testés par les compagnies sur toutes les cultures et sur tous les cultivars. Il faut rester à l’affût des mauvaises expériences dans ce domaine ou mieux encore, faire son propre test de compatibilité physique, surtout si on effectue ce mélange pour la première fois.
La section de gauche du tableau suivant présente l’ordre recommandé pour ajouter diverses formulations dans la cuve du réservoir. La section de droite vous informe comment réaliser un test de floculation. Si aucune mention concernant les compatibilités n’est précisée sur les étiquettes, ou qu’un nouveau mélange en cuve est envisagé, effectuez un test de floculation pour vérifier la compatibilité physique des produits. Prenez note que cet essai ne vérifie pas la compatibilité chimique. Les essais de floculation doivent se dérouler dans un endroit sécuritaire et bien ventilé, à l’abri de toute source d’inflammation. Portez toujours de l’équipement de protection individuelle (ÉPI). Assurez-vous de maintenir constamment l’agitation et d’attendre quelques minutes entre chaque ajout.
Laissez reposer le mélange une quinzaine de minutes dans un endroit bien aéré puis observez ce qui se passe.
Si le mélange dégage de la chaleur, s’il se forme un gel, de la mousse ou si des solides se déposent au fond du contenant, ou tout autre symptôme physique, les ingrédients du mélange ne sont pas compatibles (revoir l’ordre d’ajout des produits peut parfois régler l’incompatibilité).
L’ordre dans lequel les produits sont ajoutés, le délai entre l’ajout des produits au mélange, la température des produits, la température de l’eau, sont tous des facteurs qui peuvent influencer la compatibilité des produits.
Si rien n’apparaît, essayez votre mélange sur une petite superficie, sur différents cultivars et recherchez des symptômes de phytotoxicité sur les feuilles et les fruits.
Pensez à conserver des notes sur les résultats obtenus. Ils pourront vous être utiles dans le futur.
ORDRE | PRODUIT, FORMULATION P | TEST DE FLOCULATION
POUR 500 ML D’EAU OU 500 G DE PRODUIT DANS 1 LITRE DE BOUILLIE |
Eau | 50% du volume total | |
1 | Agents de compatibilité | 5 ml (1 c. à thé) |
2 | Sachets solubles
Formulations sèches : WDG, WG, WP, SG · Granulés dispersables dans l’eau (WDG) · Granulés mouillables (WG), · Granules solubles (SG) · Poudres mouillables (WP). |
15 g (1 c. à table) |
3 | Conditionneurs d’eau
Retardateurs de dérive liquides |
5 ml (1 c. à thé) |
4 | Formulations liquides hétérogènes : SC, OD, ME, SE
· Dispersable dans l’huile (OD) · Concentrés solubles, concentrés en suspension (SC) · Suspo-émulsions (SE) · Microémulsions (ME)
|
5 ml (1 c. à thé) |
5 | Formulations liquides homogènes : EC, SL
· Concentrés émulsifiables (EC) · Liquides solubles, concentrés solubles (SL)
|
5 ml (1 c. à thé) |
6 | Concentrés hydrosolubles ou solutions | 5 ml (1 c. à thé) |
7 | Surfactants et adjuvants | 5 ml (1 c. à thé) |
Oligoéléments | ||
Le reste de l’eau |
Types d’incompatibilités :
- Physique : les éléments ne se mélangent pas (immiscibles), coagulent ou précipitent. Souvent observé lors de mélanges qui comportent une poudre mouillable (WP) et un concentré en solution (EC).
- Chimique : les éléments du mélange se dénaturent entre eux, se neutralisent ou décuplent leurs effets. Cette incompatibilité est sournoise, car il n’y a pas nécessairement de signes visuels comme dans le cas d’une incompatibilité physique (mousse, grumeaux, etc.). L’efficacité du traitement pouvant être fortement altérée, voire annulée, on doit toujours consulter l’étiquette pour s’assurer de la compatibilité chimique et en cas de doute, contacter les fabricants des produits.
- Agronomique :Même si deux produits peuvent se mélanger sans réaction physique ou chimique, leur utilisation combinée n’est pas nécessairement une bonne idée. Le mélange de deux insecticides contenant la même matière active en est un bon exemple. En cas de doute sur la compatibilité agronomique, consultez un conseiller en pomiculture.
Ce test ne garantit aucunement la compatibilité chimique ou agronomique. Si après ces étapes vous êtes encore incertain de la compatibilité du mélange, contactez votre fournisseur de pesticides.
Pour vérifier votre mélange et l’ordre d’ajout des produits l’application Mix Tank et le site web de Mix Tank ou Tankmix de Corteva (iphone) pourront vous aider. Attention tout est en anglais (texte et unités) et provient des États-Unis. Certains produits homologués au Canada pourraient ne pas se retrouver dans la liste.
Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.
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