Fiche 74 La tordeuse à bandes obliques

Dernière mise à jour le 1 mars 2024
 

Fiche 74

Yvon Morin, Gérald Chouinard et Daniel Cormier

 

Cet ennemi du pommier est règlementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

 

Voyez la TBO sur Youtube à https://www.youtube.com/watch?v=BEqAKSeOGJU
La capsule vidéo de 7 minutes dresse un portrait du ravageur, montre ses caractères distinctifs, identifie les conditions qui influencent son développement, et vous plonge dans l’action du dépistage et des méthodes d’intervention recommandées en production fruitière intégrée.

 

Description et comportement

La tordeuse à bandes obliques (Choristoneura rosaceana) (TBO) est un ravageur primaire en PFI. Elle est présente dans la majorité des vergers au Québec. C’est un ravageur qui a développé de la résistance aux insecticides de la famille des organophosphorés et des pyréthrinoïdes dans plusieurs régions pomicoles.

Il y a deux générations de tordeuse à bandes obliques par an : la génération hibernante et la génération d’été. Ce sont les larves de la génération d’été qui endommagent le plus la récolte.

Génération hibernante (larves du printemps)

Les premières larves du printemps sont visibles à partir du stade débourrement. La majorité des larves apparaît cependant entre le bouton rose et la nouaison et les plus tardives, après la nouaison. Elles sortent d’hibernation sous forme de 2e ou 3e stade larvaire et mesurent environ 4 mm de long. Elles sont distinguables des autres chenilles présentes à cette période par leur tête brun-noir et leur corps verdâtre. De plus, contrairement aux noctuelles présentes aussi à cette période, les tordeuses à bandes obliques s’enroulent dans les feuilles.

Ces larves du printemps se nourrissent de feuilles, de bourgeons et de fleurs de pommiers, mais aussi de petites pommes, avant de se transformer en nymphes, puis en adultes de la génération d’été. Des photographies du papillon, de la larve et des dommages sont présentées dans le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels.

Larve de tordeuse à bandes obliques enroulée dans une feuille– photo IRDA

Larve de tordeuse à bandes obliques enroulée dans une feuille (la feuille a été déroulée afin de rendre la larve visible) – photo IRDA

 

 

Larve de tordeuse à bandes obliques – photo J. Moisan-De Serres, MAPAQ

Nymphe de tordeuse à bandes obliques – photo J. Moisan-De Serres, MAPAQ

Génération d’été

L’adulte (14 mm) est un papillon de nuit brun pâle avec trois bandes obliques foncées sur les ailes antérieures. Il émerge et s’accouple au mois de juin. La femelle pond ses œufs par masse de 50 à 600 individus sur les feuilles. La ponte commence quelques jours après l’accouplement et se termine vers la fin juillet. Sur une période de sept à huit jours, elle peut pondre jusqu’à 900 œufs.

Adulte de tordeuse à bandes obliques – photo J. Moisan-De Serres, MAPAQ

tordeuse à bandes obliques (masse d'oeufs)

Masse d’œufs de tordeuse à bandes obliques

La taille de la masse d’œufs diminue à chaque ponte. Fraîchement pondue, la masse est de couleur vert pâle. À l’occasion, elle peut devenir jaune, jusqu’au moment où il est possible d’apercevoir un petit point noir dans chaque œuf. Ce point noir est la tête de la future larve à naître.

L’éclosion survient généralement de 7 à 15 jours après la ponte. Le corps de la jeune chenille est vert pâle et mesure 2 mm de long. Sa tête noire ou brune la différencie de la tordeuse à bandes rouges, qui a la tête verte comme le reste de son corps. Les dernières feuilles de la pousse annuelle encore enroulées sont un abri idéal pour les premiers stades, qui se nourrissent de jeunes feuilles ou de pommes. Lorsqu’elles sont nombreuses, il est possible de les observer aussi sous les feuilles attachées par des fils qu’elles tissent à la nervure centrale.

Lorsqu’elle atteint des stades plus avancés, la chenille laisse son premier abri pour en trouver un deuxième et continue à se développer. Grâce à des fils de soie, elle enroule les feuilles autour d’elle pour fabriquer cet abri. Elle peut aussi s’abriter entre des pommes et s’en nourrir.

Larve de tordeuse à bandes obliques abritée entre une feuille et une pomme
photo A. Charbonneau, IRDA

Les larves se développent normalement pendant tout le mois de juillet. À leur sixième et dernier stade de développement, elles peuvent mesurer jusqu’à 25 mm de long. Il arrive parfois que de jeunes larves cessent leur développement au troisième stade larvaire (juillet-août) et entrent en diapause (hibernation) jusqu’au printemps prochain.

Génération hibernante (larves d’automne)

Les adultes qui donneront naissance aux larves de la génération hibernante apparaissent graduellement entre la mi-août et le mois d’octobre. Les larves se nourrissent principalement de feuilles, mais peuvent également se nourrir de fruits. Lorsqu’elles atteignent le 3e stade larvaire, elles s’abritent sous l’écorce du pommier ou dans les bourgeons pour hiberner.

Comportement

Lorsqu’elle sort de l’œuf, la larve tisse un fil de soie au bout duquel elle se laisse emporter par le vent, parfois plusieurs dizaines de mètres plus loin, afin de se disperser. Le même phénomène est observable lorsqu’elle est dérangée; il faut être rapide pour l’apercevoir, car aussitôt que l’on déroule les feuilles, elle se laisse rapidement tomber vers le sol.

Survie des larves

Il n’y a qu’un certain pourcentage de larves qui survivent à leur sortie des œufs. Plusieurs tombent au sol ou ne se trouvent pas d’abri ou de nourriture. Cela dépend des conditions climatiques lors de l’éclosion. De fortes pluies durant cette période – particulièrement durant le pic d’éclosion – entraînent une proportion plus importante de jeunes larves vers le sol, ce qui compromet leur survie.

Cycle de vie de la tordeuse à bandes obliques – illustration J. Veilleux / IRDA

 

Dommages

Les larves printanières de la génération hibernante endommagent peu la récolte. La majorité des pommes attaquées tombent lors de la chute physiologique de juin. Les quelques dommages qui peuvent être visibles au moment de la récolte sont liégeux et profonds et ressemblent à ceux qui sont faits par la noctuelle du fruit vert.

Les larves de la génération d’été endommagent considérablement la récolte. Lorsqu’elles sont petites, leurs pièces buccales leur permettent de faire seulement des petits trous dans la pelure. Plus grosses, leurs grandes bouchées forment des sillons larges et peu profonds sur la pelure et dans la chair des fruits, mais sans les déformer.

Dans des régions où les populations sont abondantes et lorsque l’été est long, les larves de la génération hibernante peuvent aussi endommager les fruits à l’automne. Les dommages se trouvent souvent entre deux pommes ou sous une feuille attachée à une pomme par des fils de soie.

tordeuse à bandes obliques (larve et dégâts)

Dommage de tordeuse à bandes obliques à la récolte

 

Estimation du risque

La méthode de dépistage de ce ravageur est décrite au tableau-synthèse Dépistage par observation des fruits ou du feuillage de la fiche 65. Il est très difficile de prévoir avec précision la quantité de dommage que la tordeuse à bandes obliques peut infliger à une récolte à partir des observations de larves au printemps. C’est la raison pour laquelle le seuil d’intervention varie de 0,5 à 3 %. Si l’été est chaud et sec, il y aura une forte augmentation de la population et donc des dommages. Si généralement vous traitez contre le carpocapse et faites des applications de RIMON, ALTACOR ou DELEGATE en été, vous allez réduire la population de TBO et vous pouvez alors tolérer plus de larves au printemps.

Dans les vergers qui ont eu peu ou pas de dommages la saison précédente, seul le dépistage des larves permet de savoir s’il est nécessaire de traiter. Dans les vergers qui possèdent un historique de dommages, un traitement préventif au stade calice ou nouaison est généralement requis au moins une année sur deux pour lutter contre les populations de larves du printemps. Ce traitement aura aussi un impact sur les populations de la génération estivale qui seront plus faibles qu’en absence de traitement. Même s’il est prévu de traiter, il est préférable de dépister les larves pour évaluer leur population avant.

En juillet, on retrouve les chenilles à la fois sur les pousses en croissance et sur les bouquets de fruits. Lorsque le nombre de pousses en croissance diminue, vers la deuxième semaine de juillet, on doit observer uniquement les bouquets de fruits. Il faut porter une attention particulière aux pommiers hâtifs et à ceux au feuillage abondant. De plus, les tordeuses se retrouvent souvent sur les pommes du cultivar Cortland, abritées entre deux fruits.

 

Stratégie d’intervention
Prévention

La TBO est un insecte difficile à combattre par des pulvérisations; il faut appliquer une régie qui réduit la capacité des larves à faire des dommages. Les pratiques suivantes permettent l’exposition des pommes au vent et au soleil et diminuent le nombre d’endroits où peuvent s’abriter les larves :

  • Une taille d’hiver et une taille d’été appropriées (voir la fiche 41);
  • L’enlèvement des gourmands en été;
  • L’éclaircissage (chimique et/ou manuel) de tous les cultivars;
  • Une fertilisation adéquate (limitée) en azote.

Ces pratiques ont deux autres énormes avantages en PFI :

  • Les pesticides utilisés lorsque requis atteindront mieux la cible.
  • Les fruits seront de meilleure qualité (grosseur et couleur).
Lutte naturelle

Il existe des prédateurs et parasitoïdes qui s’attaquent aux œufs ou aux larves de tordeuses à bandes obliques. Les trichogrammes sont des petites guêpes qui pondent dans les œufs et les tuent. Il existe aussi une guêpe du nom de Macrocentrus iridescens et des mouches tachinides, qui sont des parasitoïdes des larves.

Comme ces insectes utiles sont sensibles aux insecticides, ils se retrouvent seulement dans les vergers où des insecticides peu toxiques sont utilisés. Cette lutte biologique n’est pas parfaite, mais elle est naturelle et gratuite, alors pourquoi s’en priver?

Répression

Si vous devez intervenir contre la TBO, retenez les conseils suivants :

  • Limitez le recours aux insecticides. Les niveaux de résistance aux pesticides cessent d’augmenter et même chutent naturellement lorsque ces pesticides ne sont pas appliqués pendant quelques années. Afin de limiter l’utilisation des pesticides, effectuez le dépistage des adultes et des chenilles et n’intervenez que si les seuils sont atteints.
  • N’intervenez pas si de nombreuses chenilles se sont déjà transformées en chrysalides (ce qui est normalement le cas à la nouaison), car les interventions à ce stade sont inefficaces. Vous aurez l’opportunité d’intervenir à nouveau en juillet, si les populations de la prochaine génération dépassent les seuils.
  • Si des pulvérisations sont nécessaires, faites une rotation des produits suggérés, en utilisant une famille chimique différente lors de chaque intervention.
  • Lors de l’application d’un produit, utilisez la dose minimale efficace. Toute application inutile de pesticides augmente vos coûts et la pression de sélection. Toute application d’une dose insuffisante pourra vous forcer à intervenir une seconde fois, ce qui revient un peu au même! Ceci signifie aussi d’éviter les produits qui ne sont pas efficaces à la dose homologuée.
  • Si les conditions météorologiques ne se prêtent pas à une intervention chimique pendant la période idéale, il n’y a pas de solution magique. Cependant, rappelez-vous que les méthodes physiques de lutte (taille et éclaircissement manuel) pourront être utilisées en cours de saison, peu importe la température.

Plusieurs insecticides sont homologués contre la tordeuse à bandes obliques. Les plus efficaces et plus souvent recommandés en PFI sont le SUCCESS et le DELEGATE qui font partie de la même famille d’insecticides, les spinosynes. Les insecticides suivants ont également une bonne efficacité : novaluron (RIMON), chlorantraniliprole (ALTACOR), Bacillus thuringiensis (BIOPROTEC, DIPEL, FORAY) et méthoxyfénozide (INTREPID).

Comme pour la plupart des traitements insecticides, l’application doit être faite à des températures au-dessus de 15 °C (de préférence 20 °C).

Il est primordial d’utiliser une grande quantité de bouillie à l’hectare, comme pour les traitements à l’huile. Il faut aussi diminuer la vitesse d’avancement pour que la bouillie pénètre bien les pommiers. Les applications concentrées sont moins efficaces.

Utilisation du Bt. La bouillie à base de Bacillus thuringiensis (Bt) devrait idéalement ne pas contenir d’autres produits chimiques, car elle contient un mélange de cristaux et de spores de la bactérie, qui est un organisme vivant. Il faut rincer adéquatement le pulvérisateur avant d’y verser le mélange préalablement dilué. L’ajout de lait en poudre à la bouillie augmentera la rémanence du produit en protégeant les bactéries des rayons solaires et en améliorant son adhérence aux feuilles. Un phagostimulant (ex. : PHEAST) peut aussi être ajouté pour augmenter l’appétit des larves. À noter que les plus récentes formulations de Bt (ex BIOPROTEC) sont compatibles avec une grande diversité de produits, la seule limitation connue étant les produits alcalins (pH supérieur à 9) et ne bénéficient pas, du moins clairement,  de l’ajout de produits comme PHEAST.

Moment du traitement

En l’absence de résistance, les traitements faits aux périodes préflorale et postflorale sont suffisants pour bien contrôler la TBO, mais malheureusement, ce n’est souvent plus le cas. Le meilleur moment pour intervenir se situe entre les stades calice et nouaison.

Les traitements au RIMON, INTREPID et au Bt agissent plus lentement que les autres et ils doivent être appliqués plus tôt, soit au plus tard au stade calice

Les traitements au SUCCESS, DELEGATE, ALTACOR ou INTREPID peuvent être appliqués jusqu’au stade de nouaison. Passé ce stade, trop de larves de TBO ont commencé leur transformation en chrysalide.

Des interventions insecticides spécifiques contre la génération estivale de TBO ne sont pas recommandées en PFI, car elles sont peu efficaces.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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4 réponses
  1. La Pommeraie du Suroît dit :

    L’approche pour la lutte aux TBO a changé. Vous préconisez le dépistage des larves au printemps et un traitement au printemps. Est-il alors toujours nécessaire de dépister les papillons? Auparavant, nous devions intervenir au pic de captures dont le nombre n’a jamais été défini. Si j’ai un grand nombre de captures de papillon au pic, est-ce à dire que j’aurai beaucoup de dégâts l’an prochain?

  2. Yvon Morin dit :

    La lutte à la TBO est toujours restée la même soit de traiter les larves qui ont hiberné. On réussi ainsi à mieux synchroniser le traitement. Je n’ai jamais recommandé de traitement en été car à cette période, il y a plusieurs stades (adultes, oeufs et larves) qui se chevauchent ce qui réduit de beaucoup l’efficacité des insecticides. Cependant, les traitements effectués contre le carpocapse en été vont avoir pour effet de réduire la population de TBO, sans toutefois être aussi efficace que le traitement appliqué entre le stade calice et nouaison.

  3. labellestep101 dit :

    Bonjour,
    Quel est le taux de lait en poudre recommandé pour ajouter à la bouillie de Bacillus thuringiensis.

    Merci

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