Fiche 98

Gérald Chouinard, Yvon Morin et Daniel Cormier

 

Consultez le Guide chronologique du dépistage (fiche 65) pour visualiser les périodes d’activité des différents organismes décrits dans cette fiche.

 

Mouches tachinaires (tachinides)

Ces mouches ont l’apparence d’une mouche domestique, mais sont recouvertes de poils raides. Elles pondent leurs œufs sur le dos des stades immatures de plusieurs espèces de chenilles, dont celles de la tordeuse à bandes obliques (un taux de parasitisme allant jusqu’à 65% a été observé dans les vergers Du Québec). Leurs œufs donnent naissance à des asticots qui se nourrissent à même la chenille, impuissante à se libérer de ses agresseurs. Leur présence est variable d’année en année selon les conditions météo.

mouche tachinaire (tachinide)

 

Guêpes braconides

Les braconides sont de très petites guêpes (1-3 mm) brunes ou noires, plus petites que les moustiques, qui pondent leurs œufs dans le corps de leur hôte, qui n’y survit pas. Plusieurs espèces peuvent se trouver dans un verger, parasitant des insectes comme le puceron lanigère, le puceron vert et la mineuse marbrée. Ascogaster carpocapsae s’attaque notamment au carpocapse et Macrocentrus linearis à la tordeuse à bandes obliques. Les braconides sont d’efficaces agents de lutte biologique.

guêpe braconide

Pholetesor ornigis est un braconide très commun des vergers (photo), particulièrement efficace pour la lutte biologique contre la mineuse marbrée. Il est observé surtout sur la face inférieure des feuilles, à la recherche de larves de mineuses. Il est présent à partir du stade bouton rose, mais il atteint souvent son pic d’activité vers le stade calice. Ce parasitoïde est très efficace pour réprimer la mineuse (souvent plus efficace qu’un traitement insecticide!) Il est cependant sensible aux insecticides de la famille des organophosphorés et des pyréthrinoïdes. Si vous êtes aux prises avec d’importants problèmes de mineuses, effectuez uniquement un traitement de bordure au stade calice, de façon à conserver vos braconides. Pour vérifier si ce parasitoïde travaille pour vous, ouvrez les mines lors de la deuxième génération d’adultes de mineuse (vers la fin juin) pour voir si des cocons du parasitoïde s’y trouvent. Ce cocon est blanc-gris alors que la chrysalide de la mineuse est brune.

Pholetesor ornigis (guêpe braconide)

D’autres braconides parasitent les pucerons verts, notamment vers la fin juillet. Les pucerons parasités prennent une teinte différente, souvent dorée, et sont la plupart du temps observés seuls à l’extérieur des colonies.

 

Guêpes chalcides

Pareillement aux braconides, les chalcides (Chalcidoidea) sont de très petites guêpes (1-3 mm) ressemblant à de petits moustiques. La larve se nourrit du contenu de l’œuf de l’insecte qu’elle parasite pour ressortir sous forme adulte lorsque son développement est complété. Les adultes peuvent aussi se nourrir de larves d’insectes.

guêpe chalcide

Régulièrement, il est possible d’observer des masses d’œufs de tordeuses à bandes obliques parasitées par des chalcides; ce phénomène est révélé par la présence d’une ouverture à la surface des œufs du papillon. Les chalcides rencontrées dans les vergers, telles Agathis sp., Polynema sp. et Sympiesis sp., parasitent respectivement le pique-bouton, la cérèse buffle et les larves de la mineuse marbrée, de même que plusieurs autres espèces.

Aphelinus mali est un chalcide qui parasite très efficacement le puceron lanigère. Habituellement, le puceron lanigère ne cause pas de problème dans les vergers tant que le parasitoïde, et les autres agents de lutte biologique, ne sont pas décimés par les pyréthrinoïdes, les carbamates ou d’autres produits à large spectre (fiche 95).

Aphelinus mali (guêpe chalcide)

 

Trichogrammes et autres guêpes parasites

De nombreuses autres espèces (trichogrammes, ichneumons, mymarides, scélionides, eulophides, etc.) peuvent être présentes dans les vergers recevant un minimum d’applications insecticides pendant l’été. Elles parasitent les œufs d’insectes variés comme les tordeuses, les mineuses, les punaises, les noctuelles et les cicadelles. Par exemple, l’eulophide du nom de Colpoclypeus florus est un parasitoïde commun des chenilles de la tordeuse à bandes obliques certaines années, et le scélionide Telenomus parasite fréquemment les œufs des punaises pentatomides (punaise brune et autres).

trichogramme

Les trichogrammes (Trichogramma minutum) ont fait l’objet de nombreuses recherches en Amérique du Nord et sont même disponibles commercialement au Québec pour lutter contre le carpocapse de la pomme et la tordeuse à bandes obliques (TRICHO-FRUITS). La grande sensibilité de ces insectes aux pesticides et leur coût d’achat limitent actuellement l’utilisation des trichogrammes, mais la protection des populations de parasitoïdes indigènes est fortement recommandée et profitable, comme démontré ci-après.

 

Abondance et efficacité des parasitoïdes au Québec

Pour la mineuse marbrée, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de parasites (cocons blanchâtres) dans 30 % des mines de première génération (en juin), et qu’elles peuvent être ainsi maintenues pour le reste de la saison si les parasitoïdes ne sont pas décimés par les pesticides utilisés pendant l’été.

Pour le puceron lanigère, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs (voir la fiche 97) ou de parasitoïdes dans les colonies au début août (un seuil précis n’est pas disponible).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 99

Vincent Philion

 

Contrairement aux ravageurs comme les insectes, qui sont habituellement visibles au moment d’endommager la culture, les maladies des plantes sont causées par des microorganismes invisibles à l’œil nu. Au moment où les symptômes apparaissent, il est généralement trop tard pour intervenir. Une gestion efficace des maladies est donc toujours préventive. Cette particularité des maladies a un impact majeur dans un contexte de gestion intégrée des cultures, puisque les concepts de dépistage et d’utilisation de seuils d’intervention ne sont pas applicables directement et leur application est plus abstraite. Par contre, des applications préventives n’impliquent pas un éloignement de la lutte raisonnée. En effet, les stratégies de traitement de type « calendrier », qui sont sans égard à l’épidémiologie des maladies et qui ne tiennent pas compte des risques et des conséquences réels, ne sont pas rentables. Il est donc important de bien connaître les maladies pour optimiser vos interventions. Les modèles prévisionnels et différents indices de risque décrits dans ce manuel peuvent être utilisés à cette fin.

Les différentes maladies du pommier sont causées principalement par des champignons (ex. : tavelure), des bactéries (ex. : brûlure bactérienne) et parfois d’autres organismes comme les virus (ex. : mosaïque) et les phytoplasmes (ex. : prolifération). Les guides américains énumèrent pas moins de 48 maladies qui attaquent les pommiers et/ou les poiriers. Dans notre contexte de production, plusieurs maladies du pommier sont absentes, mais les changements rapides dans l’architecture de nos vergers, les choix de porte-greffes et de cultivars, ainsi que les conditions climatiques récentes ont permis le développement de maladies autrefois anecdotiques sous nos latitudes (ex. : le feu bactérien et le blanc du pommier). À l’inverse, d’autres maladies demeurent des curiosités même pour nos voisins du sud. La disparité à l’échelle continentale se reflète aussi à l’échelle régionale. Ainsi, les problèmes liés aux maladies sont généralement plus importants en Montérégie que dans la région de Québec. Les moyens requis pour gérer les maladies doivent tenir compte de ces différences.

On pourrait dire de plusieurs maladies qu’elles possèdent de multiples visages, car elles sont causées par le même microorganisme. Pour des raisons historiques, les maladies portent parfois un nom différent selon les symptômes produits. Par exemple, la pourriture noire sur bois (chancre), sur fruits et la tache ocellée sur feuillage sont toutes causées par le même champignon : Botryosphaeria obtusa. Pour compliquer le tout, plusieurs champignons portent plusieurs noms selon la période de leur cycle et certains ont même changé de nom lors des refontes de la nomenclature. Même si les taxonomistes prônent une uniformisation des noms des espèces, certains synonymes, noms plus anciens et leurs traductions en anglais ont été maintenus dans le guide dans un souci de continuité et pour faciliter la compréhension. Finalement, seules les maladies d’importance économique, ou en voie de le devenir au Québec et pour lesquelles des interventions sont possibles en verger, seront traitées dans ce guide. Ainsi, les problèmes circonscrits à la propagation des arbres en pépinière (ex. : virus), n’étant pas d’intérêt général, ne seront pas décrits ici. Les désordres physiologiques qui ne sont pas en lien avec un microorganisme (maladies abiotiques) sont traités principalement aux fiches 37, 119 et 120.

 

Les maladies d’importance économique

Dans les vergers du Québec, la tavelure du pommier, causée par le champignon Venturia inaequalis, est la seule maladie fongique réellement incontournable qui requiert des interventions à chaque année. Ironiquement, cette maladie n’était même pas mentionnée dans le “Verger Canadien”, le premier guide de production à l’intention des producteurs du Québec, alors que le feu bactérien était mentionné.

verger_canadien

Premier guide de “culture raisonnée”, publié en 1862 par l’abbé Provancher

 

Bien que la tolérance pour la tavelure soit quasiment nulle pour le marché des fruits frais, elle peut être considérable pour la transformation, incluant la production de cidre. Les différences de sensibilité variétales ont également un impact majeur sur le nombre d’intervention requises pour l’atteinte des résultats visés. La gestion de cette maladie sera donc plus ou moins agressive en fonction de différents facteurs autres que le climat. Or la fréquence des interventions contre la tavelure du pommier a aussi un impact direct sur l’apparition des autres maladies fongiques et les stratégies d’intervention incluant le choix des produits doivent en tenir compte. Une bonne répression de la tavelure n’implique pas nécessairement une bonne répression des maladies secondaires. Une gestion optimale des traitements fongicides foliaires au printemps doit d’abord être dirigée contre la tavelure et, au besoin, supplée d’interventions spécifiques contre le blanc du pommier (Podosphaera leucotricha) et la pourriture du cœur (Alternaria sp.). Comme les spores de rouille sont normalement produites pendant la saison des infections primaires de la tavelure, la gestion de cette maladie dans les rares vergers atteints s’en trouve facilitée à condition que les produits employés puissent aussi réprimer la rouille.

Jusqu’à récemment, le Québec était l’un des rares endroits dans le monde où il était possible de produire des pommes sans traitement fongicide après juin, à la seule condition que la tavelure ait été bien réprimée. Or depuis quelques années, le complexe moucheture/suie a pris de l’ampleur au point de justifier des traitements dans quelques vergers. Finalement, des traitements sont parfois requis pour la pourriture des racines (Phytophthora sp.). Actuellement, aucune autre maladie fongique du pommier ne justifie des traitements foliaires spécifiques dans les vergers PFI. Les étiquettes canadiennes des manufacturiers de fongicide énumèrent d’autres maladies (ex. : rouille, tache de Brooks), mais cela n’implique pas que ces maladies seraient présentes à des niveaux dommageables en absence de traitement.

La seule autre maladie qui requiert une attention particulière et parfois des traitements spécifiques est le feu bactérien (brûlure bactérienne). Contrairement aux maladies fongiques dont les conséquences se limitent habituellement à la récolte de l’année, le feu bactérien peut rapidement tuer les arbres et il est donc essentiel de prendre toutes les mesures pour l’éviter.

 

Les types d’intervention

Au cours des dernières décennies, la très grande efficacité des fongicides et des bactéricides disponibles dans le commerce, de concert avec la généralisation de l’utilisation des pulvérisateurs à jet porté pour leur application, a eu pour effet de reléguer au second plan différentes pratiques culturales reconnues pour leur efficacité, mais parfois jugées trop contraignantes ou coûteuses par rapport aux pulvérisations classiques. Or l’aggravation constante des problèmes de maladies, de résistance des agents pathogènes, du retrait de certaines molécules pour des raisons commerciales ou suite à une réévaluation des risques par les autorités gouvernementales mettent en lumière les limites d’une stratégie unique basée exclusivement sur les traitements chimiques.

Pour la plupart des cultures, la résistance aux maladies et les mélanges de cultivars résistants constituent la première ligne de défense et la première alternative aux pesticides pour la gestion des maladies. Or en pomiculture le fruit est vendu selon le cultivar, ce qui entraîne une diversité variétale relativement faible changeant peu dans le temps. Conséquemment, les vergers commerciaux sont d’excellents systèmes pour faciliter la sélection des agents pathogènes les plus agressifs et augmenter la pression des maladies. Les gains associés à la réduction des traitements au moment de choisir un cultivar résistant peuvent être facilement annulés par la difficulté de vendre les fruits en absence de marché pour ledit cultivar, ou par son incapacité éventuelle à résister aux attaques d’une population d’agents pathogènes devenue trop agressive. Par exemple, la mise en marché du cultivar résistant à la tavelure Liberty a surtout été limitée aux kiosques et au cidre; des cas de tavelure sur ce cultivar ont toutefois été rapportés depuis déjà quelques années au Québec. L’intégration en PFI des cultivars résistants doit donc tenir compte de ses contraintes et risques.

Heureusement, il existe des avenues autres que le choix des cultivars pour limiter l’impact des maladies. Sans se substituer aux traitements conventionnels, l’intégration de méthodes de lutte alternatives comme l’élimination des hôtes porteurs de maladie dans les abords de vergers ou des sources de contamination dans les vergers peuvent grandement faciliter la gestion des maladies. Par exemple, l’élimination des genévriers prévient efficacement la rouille. Les méthodes éprouvées et jugées rentables dans un contexte de PFI ont été intégrées dans ce guide comme une partie intégrante de la gestion des maladies. S’en tenir seulement aux traitements foliaires risque d’entraîner des traitements additionnels et des risques inutiles à votre récolte.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 100

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

La tavelure est la maladie du pommier la plus importante dans toutes les régions de production du monde où le climat est frais et humide pendant la période de développement des nouvelles feuilles. Dans la plupart des cas, la tavelure est endémique, c’est-à-dire que le champignon qui en est responsable (Venturia inaequalis) est habituellement présent dans l’environnement et que la maladie peut apparaître si les conditions lui sont favorables. La tavelure du poirier (Venturia pyrina) est semblable, mais chaque maladie a ses particularités. Ces maladies sont spécifiques à leur hôte : la tavelure du poirier ne peut pas s’attaquer au pommier et réciproquement1. Les outils développés pour la tavelure du pommier ont tendance à surestimer les infections sur poirier. On trouve un seul autre champignon du genre Venturia sur les pommiers (V. asperata)2, mais les dommages associés à cette espèce sont mineurs3.

Malgré toutes les connaissances et tous les outils de lutte disponibles, la tavelure reste une préoccupation majeure qui a le potentiel de causer de lourdes pertes selon le marché visé. En PFI, la tolérance pour la tavelure est très faible et le moindre symptôme de tavelure sur fruits provoque un déclassement et donc une perte de valeur importante de ceux-ci. La tolérance pour la tavelure est plus grande dans certains marchés de vente directe et pour les fruits destinés à la transformation. Néanmoins, la gestion de la tavelure est inévitable et peut être ajustée selon le niveau de tolérance à la maladie.

Dans cette fiche, le développement de la maladie est expliqué en lien avec les différentes interventions possibles, qui, elles, sont décrites dans les fiches portant sur les stratégies générales de lutte (fiche 101), la répression des infections primaires (fiche 102) et les infections en été (fiche 103).

 

Développement général de la maladie

Pendant la saison de croissance, le champignon qui cause la tavelure est un parasite qui se propage et infecte le pommier. Durant la saison morte, il survit comme saprophyte soit passivement et sans propagation. La phase saprophyte a lieu au sol, dans les feuilles mortes de la litière, où le champignon survit en produisant de petites structures quasi sphériques, nommées pseudothèces, qui serviront à sa reproduction et à la production de l’inoculum primaire. Au printemps, l’intérieur des pseudothèces se tapisse de poches, nommées asques, qui sont le lieu de production et de maturation des ascospores ainsi que de leur stockage. Une fois à maturité, les ascospores sont projetées pendant les pluies, au gré des conditions d’éjection, et sont entraînées par les courants aériens qui assurent le transport des ascospores. Les spores flottent jusqu’à ce qu’elles entrent en contact avec une surface dure qui force la déposition des ascospores. Lorsque les conditions de température et de durée d’humectation sont suffisantes, il y a germination et pénétration qui peuvent culminer jusqu’à l’infection primaire. Les éjections peuvent mener à une infection à partir du stade du débourrement des pommiers et se terminent quand l’inventaire des spores est épuisé ou quand les pseudothèces sont dégradés, soit après la nouaison. Les étapes de maturation des ascospores, l’éjection, la germination et l’infection sont illustrées dans le loficiel RIMpro, disponible sur le Réseau-pommier.

Les infections réussies deviennent visibles après une période d’incubation lors de l’apparition des symptômes. Ces taches assurent la propagation de la maladie en produisant des spores appelées conidies qui sont éclaboussées pendant les pluies sur des feuilles ou des fruits à proximité des sites d’infections primaires. Encore une fois, si les conditions d’infection sont rencontrées, ces conidies s’attaquent au feuillage et aux fruits et sont à l’origine des infections dites secondaires et de la tavelure sur fruits. Contrairement aux infections primaires, les infections secondaires continuent tout l’été au gré du temps frais et humide et jusqu’à la récolte. Dans les vergers très tavelés, les conidies peuvent parfois coloniser les bourgeons en formation et cette tavelure sur bois peut survivre à l’hiver et contribuer aux infections tôt au printemps. Au moment de la mortalité et de la chute des feuilles, la tavelure cesse la propagation par les conidies et produit des filaments mycéliens qui envahissent l’intérieur des feuilles. Le croisement entre ces filaments marque le début de la reproduction sexuée, qui culmine à nouveau par la production des pseudothèces.

cycle de la tavelure

Le cycle de la tavelure du pommier. Traduit et adapté avec la permission des détenteurs de droits.

 

Phase saprophyte
Production de l’inoculum primaire

Dans les semaines suivant la chute des feuilles, les conditions météorologiques influencent la production des pseudothèces dans les feuilles de la litière. Le temps frais et humide favorise la production des pseudothèces alors que les automnes secs y sont défavorables. Lorsque les conditions sont propices et que le feuillage est très tavelé, on peut facilement trouver des centaines de pseudothèces par feuille tavelée au sol. À la fin de l’hiver et au printemps, chaque pseudothèce produit en continu jusqu’à 150 asques contenant toujours huit ascospores chacun, soit un potentiel d’environ 1200 ascospores par pseudothèce. La production de nouveaux asques culmine par l’éjection des spores. La quantité totale d’ascospores réellement produite est tributaire des périodes humides et donc variable à chaque année. En absence de neige ou lorsque le printemps est sec, le potentiel éjectable est réduit. À l’échelle d’un verger, le nombre d’ascospores qui peuvent être éjectées peut donc varier grandement selon l’incidence de la tavelure l’année précédente, les conditions météo en automne, en hiver et au printemps. Quand les conditions sont favorables au champignon, la production peut atteindre des millions d’ascospores par m2 de litière. À l’inverse, quand l’incidence de la tavelure est faible, que des mesures sont prises pour détruire les feuilles de la litière et que la météo n’est pas favorable à la production d’ascospores, la production d’inoculum est fortement atténuée. Dans les vergers très propres, la production d’inoculum peut être inférieure à 100 ascospores par m2 de litière, soit un facteur de 100 000 fois moindre par rapport aux vergers où la tavelure est un problème. La quantité de spores produites est un facteur déterminant pour la gestion de la maladie qui doit servir de guide pour établir votre programme de lutte. La gestion de la tavelure dans les vergers propres est toujours plus simple que dans les vergers à fort inoculum (voir méthodes de lutte pour la réduction de l’inoculum).

pseudothèces de tavelure

Maturation des ascospores

Les ascospores produites dans les pseudothèces arrivent à maturité graduellement et s’accumulent tout au long du printemps. Quand la période entre la fonte de la neige et le débourrement est très courte et/ou que la litière reste humide, les premières ascospores arrivent à maturité avant la période du débourrement du pommier. Inversement, la maturation est retardée et les premières spores matures ne sont visibles qu’après le débourrement des pommiers lors de printemps secs. Le décalage entre la date de maturation des premières spores et le débourrement peut être jusqu’à deux semaines. Bien que le nombre de spores produites varie d’un cultivar à l’autre, la vitesse de maturation des ascospores n’est généralement pas influencée par le cultivar4,5. Il est probable que les différences de vitesse de maturation observées dans certaines études6 soit liée à un grand décalage dans la date de chute des feuilles entre les cultivars.

Dans tous les cas, l’accumulation des spores débute lentement et s’accélère pour atteindre son maximum, habituellement au moment de la floraison. Cependant, le champignon n’est pas toujours synchronisé avec la phénologie de l’arbre et le pic d’éjection peut arriver bien avant ou après la floraison. Lors de printemps plus secs, la maturation des spores est retardée et peut culminer après la floraison. L’accumulation des spores matures diminue par la suite à mesure que la réserve de spores s’épuise. Tant que de nouvelles ascospores arrivent à maturité, les risques d’éjection et d’infection demeurent à chaque nouvelle pluie. Les différents patrons de maturation ont un impact sur la gestion des traitements, notamment pour établir la date du premier traitement et la fréquence des traitements à mesure que le risque progresse.

ascospores de tavelure

 

Phase parasite
Conditions d’éjection

Les éjections sont possibles dès que des spores sont à maturité, qu’un film d’eau est présent sur les feuilles de la litière et qu’il y a présence de lumière. En présence d’eau libre, les pseudothèces sont graduellement imbibés par osmose et les asques à maturité gonflent jusqu’à déborder par une ouverture du pseudothèce nommée ostiole. La pression osmotique de cet apport d’eau finit par faire rompre l’asque et les ascospores sont projetées une par une par l’ostiole. Par la suite, d’autres asques à maturité débordent à leur tour dans l’ouverture et les éjections continuent jusqu’à l’épuisement de la réserve de spores à maturité ou dès que le film d’eau à la surface de la litière disparaît.

La nuit, un mécanisme biologique inhibe presqu’entièrement l’éjection des spores. La plupart des éjections sont donc provoquées par des pluies de jour. Une faible quantité de pluie (ex. : 0,1 mm) peut suffire pour débuter les éjections. Les rosées importantes qui persistent après la levée du soleil peuvent aussi suffire pour provoquer une éjection. Seule une petite fraction des spores est éjectée à la noirceur. Le mécanisme d’inhibition nocturne est fonctionnel jusqu’à ce qu’environ 80 % des spores soient éjectées ou que plus d’un tiers des ascospores de la saison soient accumulées dans le pseudothèce. Quand ces conditions sont rencontrées, l’intensité des éjections la nuit est similaire à celle observée pour les éjections durant le jour. Néanmoins, les éjections nocturnes représentent sur toute la saison moins de 10 % du total.

Il est possible que le mécanisme qui empêche l’éjection la nuit permette principalement aux spores enfouies dans les couches inférieures de la litière d’arriver à maturité sans qu’elles soient à risque d’être éjectées et interceptées par la litière. Ainsi, le déplacement par le vent des feuilles au sol expose d’autres feuilles où des spores à maturité ont pu s’accumuler et les rend disponibles à l’éjection.

L’intensité des éjections dépend du nombre de spores à maturité et de la température. La neige ne permet pas les mécanismes osmotiques et/ou bloque le passage des spores, mais l’eau à 0 °C permet en principe l’éjection. Cependant, la vitesse d’éjection est quasiment nulle près du point de congélation (0 à 2 °C)7 et augmente ensuite graduellement jusqu’à environ 8 °C. Quand la température n’est pas limitative, les spores matures au début de la pluie sont généralement éjectées au cours des trois premières heures d’une pluie continue. Comme les éjections sont fortement influencées par la pluie, la lumière et la température, il est possible d’interférer avec les éjections naturelles, mais cette stratégie n’est pas sans risque.

cycle de la tavelure (éjection)

Transport des ascospores

La rupture des asques par la pression osmotique éjecte les ascospores sur une distance de quelques millimètres à l’extérieur de l’ostiole des pseudothèces. Après l’éjection, les ascospores sont portées sur plusieurs mètres par les vents et différents courants d’air souvent imperceptibles. L’action mécanique (ou l’impact) des gouttes de pluie n’a pas d’effet sur l’éjection ou la distance parcourue par les spores. La longueur du gazon n’a pas non plus d’effet sur l’éjection et n’intercepte qu’une infime fraction des spores éjectées8. La distance que peut parcourir une spore est très difficile à prévoir et est fonction de plusieurs facteurs. Elle dépend, entre autres, de l’intensité du vent et de la quantité de spores éjectées. Plus le vent est intense et plus le nombre de spores éjectées est élevé, plus la probabilité que ces spores voyagent sur de grandes distances augmente. Par exemple, en aval d’un verger abandonné, des ascospores peuvent être capturées en quantités mesurables à plus de 150 m de la source. Dans la plupart des cas cependant, la distance parcourue dépasse rarement 50 m. La propagation sur de très grandes distances est possible, mais n’a pas d’impact mesurable dans les vergers commerciaux puisque la quantité de spores produites localement est toujours beaucoup plus importante que l’apport éventuel par des vergers à plusieurs kilomètres de distance. Les efforts déployés pour réduire l’inoculum à l’intérieur et dans les abords immédiats des vergers ne sont donc pas annulés par l’arrivée de spores extérieures et plusieurs stratégies sont proposées en ce sens (voir réduction de l’inoculum).

Déposition des ascospores

Pour provoquer la maladie, les ascospores transportées par le vent doivent entrer en contact avec des parties vertes nouvellement formées du pommier. Lors de l’impact, les ascospores adhèrent rapidement aux surfaces, qu’elles soient sèches ou mouillées, et sont très difficiles à déloger. En absence d’eau sur la surface, une forte proportion d’ascospores peut survivre plusieurs heures, voire quelques jours. La proportion des spores qui survit en fonction de la durée d’exposition à des conditions sèches n’est pas complètement connue, mais dépend probablement du niveau d’exposition au soleil et de la température. Les traitements de fongicides appliqués avant les pluies forment une couche qui vise à réduire la surface où les spores pourront survivre après déposition, mais cette protection doit être renouvelée en fonction de la croissance, qui est souvent rapide pendant cette période. Les traitements de protection constituent souvent la première ligne de défense contre la tavelure.

ascospore de tavelure

cycle de la tavelure (ascospore)

Germination et pénétration

En présence d’eau libre, les spores germent rapidement et forment des filaments nommés mycélium. À cette étape, le champignon peut profiter de lixiviats sucrés présents naturellement à la surface des feuilles, mais la spore ne dépend pas de la plante; elle utilise ses réserves pour permettre la croissance du mycélium en surface et, assez fréquemment, pour produire une cellule spécialisée appelée appressorium qui va faciliter la pénétration du mycélium au travers de la cuticule de la plante. Quand la surface sèche avant que la cuticule soit percée, le processus est interrompu et les spores meurent graduellement. Selon la durée du séchage, une portion des spores peut survivre jusqu’à la prochaine période d’humectation. Le cumul des périodes d’humectation interrompues par des périodes sèches peuvent entraîner des infections inattendues dont il faut tenir compte dans la gestion de la maladie. Les simulateurs comme RIMpro sont conçus pour comptabiliser les périodes d’humectation interrompues. La période de germination des spores est une cible privilégiée pour tuer le champignon, puisque c’est le dernier stade pendant lequel les spores sont exposées et vulnérables. La stratégie des traitements de germination est décrite dans la fiche 102.

germination d'un ascospore

germination d'un ascospore

cycle de la tavelure (germination et pénétration)

Infection

Le passage du mycélium sous la cuticule marque le moment où le champignon a infecté la plante et devient indépendant des conditions extérieures. Le champignon commence alors à dépendre des ressources de la plante. Le temps requis par la spore pour germer et ensuite passer au travers de la cuticule est la durée d’infection. La durée d’infection est variable selon l’âge de la feuille, la température, mais est aussi variable dans la population du champignon. Le temps minimum d’infection, soit le temps requis par la spore la plus rapide et dans les meilleures conditions (20 °C) sur les feuilles les plus jeunes, est d’environ 5 h9–12.

Le temps d’infection minimum augmente avec l’âge des feuilles12, au point où les feuilles les plus vieilles sont quasiment impossibles à infecter. Cette résistance naturelle liée à l’âge est dite ontogénique et n’est pas contournable par le champignon. C’est pour cette raison que les spores qui atterrissent sur des feuilles plus vieilles ne produisent que très rarement des taches.

Près du point de congélation, la durée minimale d’infection est de 32 h à 2 °C13. La température maximale pour l’infection est de 28 °C, mais est le champignon est complètement arrêtée si la température grimpe à 30 °C pendant plus de deux heures pendant l’infection9. Les spores déposées au même moment sur les feuilles n’infectent pas toutes en même temps, le temps d’infection est variable dans la population12. La durée de la période d’humectation est donc un facteur aggravant. Plus la période d’humectation est longue, plus la proportion des individus qui traversent la cuticule augmente et plus l’infection est sévère. La compilation des durées d’humectation requises pour provoquer une infection et leur sévérité a donné naissance à la « table de Mills », qui a été maintes fois ajustée au cours des années. La nature des interventions requises pour arrêter la tavelure change radicalement après l’infection (postinfection) puisque le mycélium est alors protégé par la cuticule cireuse de la plante et donc inatteignable par plusieurs fongicides (voir la fiche 102).

Incubation

La période entre l’infection et l’apparition des premiers symptômes (taches) est nommée période d’incubation. Pendant cette période, le mycélium du champignon envahit discrètement l’espace sous la cuticule et prépare la production des conidies. L’incubation progresse en trois étapes.

La première étape de cette invasion consiste à former une agglomération de mycélium, nommée stroma primaire, à partir de laquelle les filaments mycéliens se multiplient et partent dans toutes les directions. La formation du stroma primaire est assez rapide et s’observe environ 24 h après l’infection. La formation du stroma primaire est intimement liée à l’épidémiologie de la tavelure. C’est au moment de sa formation que la plante réagit à l’arrivée du champignon.

Les cultivars dotés des gènes de résistance appropriés bloquent le champignon à cette étape (voir la fiche 101), alors que la production du stroma et l’invasion subséquente sont plus ou moins freinés selon la robustesse des cultivars sensibles et l’agressivité des souches de tavelure. Quand un cultivar est prédominant dans un verger ou une région, c’est à ce stade que le mycélium le mieux adapté est favorisé. Il est possible de contrer cette spécialisation de la tavelure en favorisant la mixité des cultivars.

Finalement, les fongicides avec une efficacité restreinte en postinfection perdent graduellement leur efficacité à mesure que le stroma primaire s’établit.

La deuxième étape de l’invasion commence à mesure que les filaments mycéliens issus du stroma primaire progressent et forment à leur tour des stromas secondaires. Les premiers stromas secondaires se forment environ 72 h après l’infection. À ce stade, seuls certains fongicides très spécialisés peuvent encore freiner la progression du champignon (voir AP et IBS). Comme le champignon est alors bien établi, les fongicides utilisés à cette étape du développement ne tuent pas le champignon mais le ralentissent jusqu’à ce que la résistance ontogénique de la feuille qui vieillit l’arrête, parfois juste avant la production de nouvelles spores. Cette survie discrète du champignon a des conséquences en matière de résistance aux fongicides et de progression de la tavelure d’automne. Ces éléments jouent contre une stratégie basée exclusivement sur des traitements de postinfection.

À la troisième étape, les stromas primaires et secondaires débutent la production des conidiophores, qui sont les sites de production des conidies.

Tout au long de l’invasion, le mycélium de la tavelure reste contraint à l’espace entre la cuticule (couche cireuse) et l’épiderme. Le champignon ne passe jamais la barrière de l’épiderme et n’entre donc jamais dans la plante tant que la feuille ou le fruit restent attachés à l’arbre. Tous les dommages causés par la tavelure sur feuillage et la tavelure sur fruits sont donc très superficiels et liés seulement à l’invasion sous-cuticulaire.

cycle de la tavelure (invasion sous cuticulaire et infection)

Apparition des symptômes

L’apparition des symptômes de tavelure révèle de façon visible la progression du mycélium depuis le moment de l’infection. Les symptômes de tavelure deviennent visibles à l’œil nu au moment où les conidiophores percent la cuticule et que les premières conidies sont produites. Tous les organes, incluant les feuilles (limbe et pétiole), les sépales des fleurs et les fruits (incluant pédoncule), peuvent être infectés et ensuite présenter des symptômes.

cycle de la tavelure (apparition des symptômes)

cycle de la tavelure (lésions sur feuilles)

cycle de la tavelure (lésions sur fruits)

Les premiers symptômes se présentent sous la forme de petites taches circulaires de couleur olive ou légèrement brunâtre. Le velouté des taches ou l’aspect « tache de cendre » très caractéristique des lésions de tavelure provient de la myriade de conidies à la surface des taches. Les lésions perdent leur aspect juvénile au cours de l’été et deviennent plus foncées.

lésion de tavelure sur feuille

lésion de tavelure sur feuille

On observe les symptômes liés aux infections primaires principalement sur les feuilles du bouquet floral et sur les premières feuilles des pousses végétatives issues de ces bouquets, selon les feuilles jeunes exposées au moment de l’infection. Le plus souvent, les taches apparaissent sur la face supérieure des feuilles, mais des taches peuvent se manifester sur les deux faces, selon l’angle de la feuille exposée au moment de l’infection.

Quand les conditions sont favorables à la tavelure, les premiers symptômes peuvent apparaître une semaine après l’infection. Inversement, les symptômes peuvent être retardés et n’apparaître que plusieurs semaines après l’infection quand les conditions sont froides ou très sèches. De plus, comme les symptômes sont aussi retardés sur les feuilles plus âgées, la période d’apparition des symptômes issus d’une même infection peut être très étalée.

L’apparition des symptômes de tavelure à grande échelle marque un échec dans la gestion raisonnée de la maladie et entraîne une fréquence de traitement en été beaucoup plus élevée et des coûts appréciables (voir la fiche 103).

Propagation de la tavelure

Les conidies constituent la deuxième source de contamination à apparaître durant la saison. Elles causent donc des infections dites secondaires. Les infections secondaires peuvent débuter dès l’apparition des taches et se terminent à la chute des feuilles. Comme les premiers symptômes de la saison apparaissent avant que la réserve d’ascospore ne soit épuisée, les infections primaires et secondaires peuvent se chevaucher un certain temps. Mais comme les conidies sont toujours plus nombreuses que les ascospores, la gestion de la tavelure est faite en fonction des infections secondaires. Celles-ci procèdent exactement comme les infections primaires, à l’exception que les conidies ne sont pas éjectées, mais simplement éclaboussées et ne sont donc pas soumises aux mécanismes d’inhibition la nuit. La germination et la pénétration des conidies, l’infection et la période d’incubation sont quasiment identiques.

Chaque nouvelle tache produit des conidies pendant deux mois environ. Par la suite, la production diminue fortement. Les conidies sont libérées sous l’effet de la pluie et sont éclaboussées sur les feuilles environnantes. Elles ne voyagent que sur une courte distance (quelques mètres), ne pouvant atteindre par conséquent que les arbres immédiatement à proximité. C’est pourquoi les foyers de tavelure sur les arbres infectés accidentellement à la suite d’une erreur de pulvérisation (bout de rangées, ouverture des buses, etc.) resteront localisés et, dans la plupart des cas, ne causeront pas de dommages à plus de 5 m du foyer initial. Les lésions secondaires se trouvent principalement au niveau des pousses végétatives, sur les feuilles en croissance au moment de l’infection. Elles sont généralement plus nombreuses sur les organes portant déjà des lésions primaires, car les conidies à l’origine de ces taches sont produites par les lésions et elles voyagent peu.

La photo suivante illustre la propagation de la tavelure sur une pousse végétative. On peut observer la présence de taches d’âges différents et des taches multiples selon l’âge des feuilles.

lésions de tavelure sur pousse végétative

Lorsqu’elles sont très nombreuses, les lésions entraînent la chute prématurée des feuilles et des fruits. En effet, ces lésions donnent lieu à un étranglement par le champignon de la structure retenant les feuilles et les fruits à l’arbre (pétiole et pédoncule, respectivement). Plus généralement toutefois, cette chute prématurée est la conséquence d’une baisse de la photosynthèse. Les arbres très atteints peuvent être affaiblis au cours des années, mais ne sont jamais tués par la tavelure. Les arbres affaiblis poussent de moins en moins à chaque année et sont donc graduellement moins infectés.

Différents facteurs limitent la propagation de la tavelure sur le feuillage en été. D’abord, le nombre de périodes d’infection est généralement plus faible durant l’été, notamment pendant les mois de canicule. De plus, les infections n’ont habituellement lieu que sur le feuillage en pleine croissance ou sur les feuilles sénescentes, alors que les feuilles matures sont résistantes. Finalement, les taches les plus vieilles cessent graduellement de produire des conidies et cessent de contribuer à la progression de la maladie.

Tavelure sur bois

Dans les vergers très tavelés, il arrive que le bois soit infecté. La tavelure sur bois est très fréquente sur le poirier, mais les pommiers peuvent aussi être affectés. Des conidies en lien avec les écailles des bourgeons peuvent survivre à l’hiver et deviennent une source d’inoculum primaire lors des premières infections au printemps. Cette source d’inoculum n’a jamais été rapportée au Québec, mais est parfois rapportée au sud de l’état de New York14. Dans les pays où la survie des conidies est fréquente, leur impact en généralement mineur. Dans les vergers commerciaux, on reconnaît les infections primaires liées aux conidies par l’abondance de taches sur quelques fruits en formation, alors que le reste du verger est exempt de symptômes.

Tavelure sur fruits

Les lésions apparaissant sur les fruits font parfois suite à une infection primaire très grave (ex. : RIM > 1000) à partir du stade du bouton rose, mais la plupart des taches sur les pommes sont issues d’infections secondaires et sont causées par des conidies produites par des taches déjà établies sur le feuillage. La propagation de la tavelure sur fruits est donc surtout tributaire de la tavelure déjà présente sur le feuillage et par la suite de la météo en été. Quelques taches à peine décelables sur feuilles et réparties sur chaque arbre peuvent se multiplier et infecter les fruits quand les conditions sont propices à la tavelure. Plus la tavelure au point de départ de l’été est importante, plus le risque de tavelure sur fruits augmente. Ce risque doit être géré avant les infections, puisqu’il n’existe pas de traitement pour éradiquer les symptômes de tavelure sur fruits.

Lorsque les infections sur fruits ont lieu tôt en saison, les symptômes entraînent une déformation telle que montrée sur la photo suivante. Un nombre élevé de taches est habituellement un signe que des conidies sont responsables des infections.

lésions de tavelure sur fruit

Les infections sur fruits tôt en saison entraînent une baisse de calibre ou même la chute prématurée des fruits. L’apparition des taches sur fruits s’opère comme sur les feuilles et débute par des lésions souvent d’allure juvénile, telles qu’illustrées sur les photos suivantes.

lésions de tavelure sur fruit

lésion de tavelure sur fruit

Comme pour les feuilles, la résistance des fruits augmente au cours de la saison, mais cette résistance est transitoire et n’est pas étanche. Quand les conditions sont propices, les infections sur fruits peuvent survenir sur des fruits de n’importe quel calibre. L’apparition des symptômes est parfois retardée sur les fruits plus résistants et est accélérée en fin de saison. On peut voir sur la photo suivante des taches âgées sur fruits matures, mais une absence de déformation.

lésions de tavelure sur fruits

Les infections sur fruits sont favorisées en fin de saison, au moment où les températures plus fraîches et les précipitations plus abondantes favorisent une recrudescence de la tavelure et que la résistance des fruits baisse à nouveau. La tavelure dite d’automne (pin-point, en anglais) désigne justement le type de lésion qui se développe sur les fruits peu avant ou au moment de la récolte. Sur ces pommes, les taches secondaires sont souvent très petites (1 mm) et ne sont pas toujours visibles à la cueillette, mais elles peuvent se développer plus tard en entrepôt. Les fruits atteints sont alors systématiquement déclassés. La tavelure n’est pas transmissible en entrepôt. Toutes les taches observées après entreposage sont issues des infections qui ont eu lieu au champ. L’entreposage en atmosphère contrôlée (AC) retarde la sortie des taches, mais ne les inhibe pas. Dans les lots de fruits infectés juste avant récolte, on observe souvent une sortie des symptômes au moment de la sortie des chambres AC, alors que les fruits étaient exempts de taches durant l’entreposage. Il est parfois possible de gérer le risque en fonction de la durée d’entreposage.

Tavelure d’automne

Les symptômes qui apparaissent à la fin de l’été et à l’automne sont souvent moins typiques et diffèrent des symptômes printaniers. À cette période, la résistance liée à la maturité des feuilles (ontogénique) cesse graduellement d’opérer et on observe une recrudescence de nouvelles infections, notamment sur les feuilles plus vieilles et sur la face inférieure des feuilles. De plus, le mycélium arrêté au printemps par la résistance ontogénique reprend sa progression et des taches apparaissent sans lien apparent avec un épisode de pluie.

lésion de tavelure sur feuille (automne)

Les lésions se développant à l’automne peuvent être très diffuses et rougeâtres et se rencontrent souvent le long des nervures. Il est parfois difficile de les identifier, puisque la coloration des feuilles change et les taches peuvent être confondues avec des dommages d’autres ravageurs, comme la mineuse. L’évaluation de la tavelure à l’automne, dans le but de prédire les risques pour l’année suivante, est donc compliquée à la fois par l’apparition de nouveaux symptômes et la difficulté de les observer. La propagation de la tavelure cesse entièrement au moment où la feuille meurt.

Mortalité et chute des feuilles

La physiologie du champignon change au moment où la feuille meurt, alors que les mécanismes de défense de la plante cessent de fonctionner. À ce moment, le mycélium peut franchir la barrière de l’épiderme et envahir toute l’épaisseur de la feuille. L’invasion translaminaire commence d’habitude une fois que les feuilles sont tombées au sol, puisque les feuilles mortes accrochées dans l’arbre ne sont pas assez humides pour favoriser la croissance du champignon. C’est à ce moment que le champignon débute sa reproduction sexuée pour pouvoir survivre à l’hiver. Selon le moment de la chute des feuilles, il est possible d’interférer avec la survie hivernale du champignon (voir méthodes de réduction de l’inoculum).

cycle de la tavelure (mortalité, chute des feuilles et invasion du limbe de la feuille)

 

Références
  1. González-Domínguez E, Armengol J, Rossi V. Biology and epidemiology of Venturia species affecting fruit crops: a review. Front Plant Sci Internet 2017;8. Disponible sur : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2017.01496/full.
  2. Samuels GJ, Sivanesan A. Venturia asperata sp. nov. and its Fusicladium state on apple leaves. New Zealand Journal of Botany Taylor & Francis, 1975;13:645‑52.
  3. Caffier V, Le Cam B, Expert P, et al. A new scab-like disease on apple caused by the formerly saprotrophic fungus Venturia asperata. Plant Pathology 2012;61:915‑24.
  4. Cruz M. Producción de pseudotecios y ascos de Venturia inaequalis (cooke) en tres cultivares de manzano. Agricultura técnica (chile) 1999;59:196‑204.
  5. Meszka B. Study of Venturia inaequalis pseudothecia development and apple scab severity under Polish conditions. Folia Horticulturae 2015;27:107‑14.
  6. Jeger MJ, Swait AJ, Butt DJ. Overwintering of Venturia inaequalis, the causal agent of apple scab, on different cultivars. Ann appl Biol 1982;100:91‑8.
  7. Stensvand A, Gadoury DM, Amundsen Terje, Semb L, Seem RC. Ascospore release and infection of apple leaves by conidia and ascospores of Venturia inaequalis at low temperatures. Phytopathology 1997;87:1046‑53.
  8. Aylor DE. The aerobiology of apple scab. Plant Disease 1998;82:838‑49.
  9. Sys S, Soenen A. Investigations on the infection criteria of scab (Venturia inaequalis Cooke. Wint.) on apples with respect to the table of Mills and Laplante. Agricultura, Louvain 1970;18:3‑8.
  10. Moore MH. Glasshouse experiments on apple scab I. Foliage infection in relation to wet and dry periods. Ann Appl Biol 1964;53:423‑35.
  11. Schwabe WFS. Wetting and temperature requirements for apple leaf infection by Venturia inaequalis in South Africa. Phytophylactica 1980;12:69‑80.
  12. Philion V, Joubert V, Trapman M, Hjelkrem A-GR, Stensvand A. Distribution of the Infection Time of Ascospores of Venturia inaequalis Plant Disease 2020;104:465‑73.
  13. Stensvand A, Amundsen T. Investigations on the potential ascospore dose of Venturia inaequalis in Norwegian apple orchards. IOBC-WPRS Bull 1997;Bulletin 20 (9):209‑16.
  14. Rosenberger D. Apple scab and quince rust now showing in Hudson valley. Scaffolds fruits journal 2016;25.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 101

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

En 1862, le premier guide de production à l’intention des producteurs du Québec1 ne faisait même pas mention de la tavelure du pommier. Au début du siècle dernier (années 1900), environ trois traitements fongicides appliqués pendant la période des infections primaires avec des produits moins efficaces que ceux disponibles aujourd’hui suffisaient pour réprimer efficacement la tavelure du pommier. Dans les années 1980, un traitement par semaine suffisait toujours pour réprimer les infections.

Ces stratégies de traitement très allégées conduiraient actuellement à des résultats inacceptables dans la plupart des vergers commerciaux. Différents facteurs expliquent l’augmentation des problèmes de tavelure et leur compréhension est la clef pour intégrer autant que possible des stratégies pour mieux gérer la tavelure à l’avenir. La présente fiche a pour but d’expliquer brièvement l’historique de la situation actuelle et comment modifier les pratiques pour assurer une meilleure gestion de la maladie.

La gestion de la tavelure ne se résume pas aux traitements fongicides. Une bonne compréhension de la biologie de la tavelure et l’intégration de plusieurs stratégies de lutte décrites dans cette fiche sont nécessaires pour gérer cette maladie de façon optimale et à moindre coût. Les stratégies de traitements fongicides au printemps et en été sont traitées aux fiches 102 et 103.

 

Choix des cultivars

La production intensive popularisée au cours du dernier siècle a mené le plus souvent à des blocs monovariétaux qui facilitent une sélection des races de tavelure les mieux adaptées à ces cultivars2. Par exemple, les blocs de vergers de McIntosh au Québec contribuent à produire des souches de tavelure parfaitement adaptées à ce cultivar et conséquemment à des épidémies graves de la maladie, alors que la McIntosh semble presque résistante ou du moins tolérante dans les pays où ce cultivar n’est pas produit en masse. À l’inverse, la Golden Delicious est très sensible à la tavelure européenne, mais elle est beaucoup moins sensible aux races de tavelure produites au Québec, simplement parce que ce cultivar n’est pas planté à grande échelle ici. Les cultivars anciens qui sont tolérants aux races de tavelure présentes actuellement pourraient devenir tout aussi sensibles que la McIntosh si leur culture était intensifiée. La règle est universelle : chaque introduction d’un cultivar et son adoption massive mène inévitablement à une spécialisation de la tavelure pour ce cultivar.

Il est difficile de prévoir jusqu’à quel point un cultivar est assez robuste pour limiter cette spécialisation. Il est possible que des cultivars comme Spartan et Honeycrisp3, qui sont actuellement moins affectés par la tavelure demeurent relativement « tolérants » à long terme. Mais ils pourraient au cours du temps devenir aussi sensibles que la McIntosh si l’intensification de leur production continue. Néanmoins, la fréquence des traitements souvent adaptée aux cultivars les plus sensibles pourrait être réduite selon les cultivars puisque l’augmentation de la sensibilité dans le temps peut prendre des décennies.

Tel qu’indiqué en introduction générale, le mode de production PFI et la commercialisation axée sur des cultivars connus du public limite les possibilités pour contrer le phénomène de la spécialisation des races. Sans revenir à une production extensive ou choisir des cultivars tolérants qui ne correspondent pas au marché souhaité, la première ligne de défense pour limiter la sévérité des attaques de tavelure consiste à augmenter la diversité variétale dans les vergers. Augmenter la diversité des cultivars empêche la spécialisation des races de tavelure et donc diminue directement l’apparition des symptômes (voir incubation), et indirectement la propagation et l’apparition de tavelure sur fruits. La diversité des cultivars n’empêche pas la production d’inoculum, mais l’inoculum produit sera graduellement moins dommageable au pommier parce que moins apte à produire des symptômes.

Résistance

Recourir seulement à des cultivars résistants pour contrer la tavelure va actuellement à l’encontre de la stratégie de la diversité. Tous les cultivars résistants disponibles sont issus d’un ancêtre appelé Malus floribunda 821 et sont porteurs d’un seul gène de résistance appelé le gène Vf (ex. : Liberty, Belmac) dans le cas des descendants de Malus floribunda 821, ou alors du gène Vm (ex. : Murray) pour les descendants de Malus micromalus4. Or les races de tavelure locales ont déjà commencé à contourner ces gènes5. Dès qu’une souche de tavelure compatible apparaît dans un bloc avec un seul gène de résistance, elle peut rapidement occuper toute la place, ce qui revient à une spécialisation des races. Dans les blocs de pommiers Vf où la résistance a été contournée, la tavelure est souvent pire que dans les blocs de cultivars conventionnels, et ce, malgré des traitements. L’utilisation simultanée de plusieurs gènes de résistance dans un même cultivar (pyramidage des gènes) fait l’objet de plusieurs travaux6. Elle permettrait d’atteindre la diversité requise pour atténuer la tavelure, mais de tels cultivars n’existent pas encore et l’acceptabilité sociale des cultivars multi résistants qui seraient obtenus par génie génétique n’est pas acquise.

Mixité des cultivars

À l’inverse des blocs mono-variétaux, les blocs de pommiers entièrement mélangés ne sont pas adaptés aux opérations culturales, qui varient souvent d’un cultivar à l’autre (ex. : taille, éclaircissage), obligent à des traitements sur l’ensemble de la surface du verger et nuisent aux opérations de récolte. Même si le mélange des cultivars peut contribuer à réduire la sévérité des attaques, la mixité des cultivars ne suffit pas à maintenir la tavelure à des niveaux acceptables, et ce, même dans les blocs de pommiers où tous les pommiers seraient différents. Pour cette raison, cette pratique n’a jamais été popularisée.

Néanmoins, diminuer au minimum le nombre de rangées contiguës avec le même cultivar a pour effet d’atténuer légèrement les problèmes de tavelure sans nuire aux autres aspects de la production. Pour que la stratégie soit efficace, les cultivars alternés doivent être de parents éloignés et/ou de sensibilité différente à la tavelure. De plus, la largeur du bloc doit être de moins de 30 m pour permettre l’arrivée des ascospores des blocs adjacents qui pourront constamment diluer le pool génétique de la tavelure produite dans chaque bloc de cultivar. Par exemple, six rangées de 3,65 m de Spartan (McIntosh × inconnu) en alternance avec six rangées de Gala (Golden Delicious × Kidd’s Orange Red) permettrait d’atténuer la tavelure par rapport à des blocs de Spartan ou de Gala plus grands dans lesquels les spores ne se mélangeraient pas.

 

Réduction de l’inoculum (assainissement)

L’utilité de réduire la quantité d’ascospores qui atteignent l’arbre pour augmenter l’efficacité des traitements fongicides du printemps a été reconnue dès 1937. À l’époque, les fongicides disponibles étaient moins efficaces et les stratégies de traitement n’étaient souvent acceptables que dans les vergers où la pression de la tavelure était faible ou dans les vergers où les feuilles de la litière étaient traitées à l’automne pour détruire la tavelure en place. La réduction systématique de la pression de la tavelure par la destruction de l’inoculum dans les feuilles de la litière n’a pas connu d’essor à ce moment parce que l’arrivée graduelle de fongicides de plus en plus efficace en a diminué le besoin. Actuellement, la réduction de l’efficacité des fongicides (résistance) et l’homologation de fongicides de moindre efficacité rend incontournable l’intégration de la gestion de la quantité de spores avant le début des traitements du printemps. La réduction de l’inoculum a un impact direct sur l’apparition des symptômes de tavelure en diminuant les probabilités d’infection, mais a également un effet indirect positif sur presque tous les aspects de la gestion de la maladie. Les mesures prises pour réduire l’inoculum en verger peuvent aider à compenser pour les erreurs de traitement, diminuent la sélection des spores résistantes aux fongicides, facilitent l’utilisation de produits de moindre efficacité et réduisent la nécessité des traitements d’été.

Dans les vergers où l’incidence de la tavelure est en apparence faible, les stratégies d’assainissement n’ont pas toujours d’impact mesurable ou rentable dans la gestion de la tavelure. Par contre, comme la tavelure peut progresser discrètement à l’automne (voir tavelure d’automne) et que les conditions hivernales peuvent amplifier la production d’inoculum même dans les vergers peu tavelés (production de l’inoculum primaire), les mesures d’assainissement sont recommandées à titre préventif comme une habitude à intégrer.

Différentes approches sont possibles pour réduire le nombre de spores qui atteignent l’arbre. Certaines techniques peuvent être indifféremment utilisées à l’automne ou au printemps, mais certaines ne sont possibles qu’à un moment précis. Comme la chute des feuilles est souvent très étalée et n’est complétée souvent qu’à la fin novembre ou même plus tard, les techniques qui requièrent d’atteindre toutes les feuilles au sol ne sont habituellement pas praticables au Québec en automne. De même, les traitements sur l’arbre sont possibles seulement entre le 15 octobre et le 1er novembre environ, soit après la récolte et avant le remisage des équipements pour l’hiver. Il est possible d’accélérer la chute des feuilles, mais cette pratique fréquente chez les pépiniéristes n’est pas usuelle dans les vergers commerciaux.

La fenêtre d’intervention privilégiée pour interférer avec l’inoculum est donc au printemps, après la fonte des neiges mais avant le débourrement. Comme les éjections à risque peuvent parfois commencer dès le stade débourrement, les interventions les plus hâtives sont les plus rentables. Une seule stratégie (épuisement) est conçue pour être utilisée pendant la saison des éjections, mais cette technique inusitée n’est pas en usage.

Les approches visent un ou plusieurs objectifs à la fois : affecter directement le champignon pour limiter la production des spores, provoquer une décomposition de la litière où réside le champignon et finalement, interférer directement avec l’éjection des spores au printemps. La liste des stratégies présentée ici n’est pas exhaustive mais donne un bon aperçu des possibilités. Les méthodes décrites peuvent être combinées pour augmenter leur efficacité. Des mesures non spécifiques qui favorisent indirectement la réduction de l’inoculum, tel qu’éviter les fongicides comme le cuivre et les benzimidazoles qui nuisent aux populations de vers de terre, sont couvertes ailleurs. Certaines approches ont également des conséquences néfastes qu’il importe de souligner. Le tableau qui suit présente un aperçu des méthodes décrites en détail par la suite.

Stratégies de réduction d’inoculum (en ordre décroissant d’intérêt en PFI) Effet direct sur le champignon Décomposition de la litière Interfère avec l’éjection Mise en place Problèmes engendrés ou limites
Urée Oui Oui Non Automne/printemps Gestion de l’azote
Déchiquetage Faible Oui Oui Automne/printemps
Balayage/soufflage Non Non Oui Automne/printemps
Élimination des pommiers sauvages ou abandonnés Non Non Oui Printemps Portée limitée
Ramassage des feuilles Non Parfois Oui Automne/printemps Gestion des résidus
Chaulage Oui Oui Non Automne Automne seulement
Rebouche ornières Non Oui Oui Printemps
Labour Non Oui Oui Automne/printemps Abîme le terrain
Paillage/couvre-sols Non Oui Oui Printemps Pas au point
Épuisement des éjections Non Indirect Oui Printemps Risques d’infection
Autres traitements Oui Oui Non Automne/printemps Problèmes variés
Urée

Très peu d’articles portant sur la tavelure du pommier ont eu le privilège d’avoir été publiés par la prestigieuse revue scientifique Nature7. Le plus connu traite de l’efficacité de l’urée pour lutter contre la maladie. L’article a été publié en 1965, et depuis lors les travaux sur l’urée et la tavelure se sont multipliés. L’engouement des scientifiques ne s’est pas transposé dans les vergers et encore très peu de producteurs intègrent l’urée dans leur arsenal contre la tavelure.

L’urée n’est pas perçue comme un fongicide très efficace, mais a un mode d’action complexe qui garantit que l’un ou l’autre de ses mécanismes sera actif et que le champignon ne pourra pas devenir résistant. D’abord, l’urée s’attaque directement au champignon et interfère avec la production des pseudothèces. De plus, l’urée stimule l’activité microbienne qui dégrade les feuilles au sol et rend celles-ci plus appétissantes pour les vers de terre.

Différentes études ont porté sur les alternatives à l’urée pour combattre la tavelure, incluant d’autres formes d’azote. Les études montrent que l’azote sous forme ammoniacale a une certaine efficacité à l’automne quand le pH est bas (ex. : sulfate d’ammonium), mais pas les nitrates.

La stratégie d’application de l’urée est flexible. Le traitement peut être fait à l’automne ou au printemps. Malheureusement, l’urée de source industrielle n’est pas admise en production biologique mais si une source est disponible (ex. : élevage à proximité), cette approche est envisageable.

Fait peu connu, l’urée n’est pas seulement efficace sur les feuilles mortes. Des applications foliaires d’urée sont aussi possibles pendant la saison des infections primaires8 (voir la fiche sur les infections primaires).

Traitement foliaire ou de litière. Le traitement d’urée peut être appliqué directement sur l’arbre avant la chute des feuilles à l’automne, ce qui assure une meilleure couverture9 que lorsque le traitement est appliqué au sol. Cet apport d’azote automnal n’a pas de conséquence sur l’arbre et peut même être bénéfique. Cependant, l’apport nutritionnel sera négligeable si les feuilles contiennent déjà beaucoup d’azote10. Par ailleurs, un apport d’urée automnal sur des jeunes arbres pas encore productifs pourrait être néfaste9 et dépasser 50 kg/ha à l’automne peut mener à une mortalité partielle des bourgeons11. Finalement, les applications d’urée à l’automne sont associées à une augmentation des problèmes de chancre européen12 et il n’est pas exclu que l’urée qui atteint le bois au printemps puisse aussi causer des problèmes en facilitant l’infection au niveau des blessures de taille d’hiver.

Quand l’application d’automne a lieu trop longtemps avant la chute des feuilles, l’urée est métabolisée et son action contre la tavelure est moindre. L’urée foliaire à l’automne appliquée sur du feuillage encore fonctionnel est absorbée par l’arbre en 48 h13. Pour maximiser l’effet contre la tavelure il faut donc retarder autant que possible le traitement et/ou accélérer la défoliation (voir cette section). Le traitement au sol doit être fait après la chute des feuilles et est donc souvent retardé au printemps, avant le stade du débourrement, ou le plus tôt possible après le débourrement. À mesure que les spores arrivent à maturité, l’effet de l’urée est amoindri et cet azote appliqué au sol peut mener à des effets néfastes au moment où il deviendra disponible à l’arbre (voir la fiche La fertilisation sans nuire à la phytoprotection).

Recette. Appliquez 50 kg d’urée par hectare dans un volume suffisant pour dissoudre l’urée. Les américains préconisent près de 1000 litres d’eau par hectare (40 lbs d’urée dans 100 gallons par acre14), mais il n’est pas nécessaire d’utiliser un volume aussi élevé. En fait, les résultats sont probablement meilleurs quand l’urée est appliqué dans un volume plus faible de bouillie9. Le volume minimal requis pour dissoudre 50 kg d’urée est 75 L d’eau à 0 °C15, mais c’est plus facile avec les volumes usuels (ex. : 250 L/ha). Il n’y a donc pas de problème de préparation, même par temps froid. L’efficacité est proportionnelle à la quantité d’urée appliquée et donc diminuer la quantité d’urée par hectare diminue l’efficacité16.

Pour les traitements au sol, vous pouvez l’appliquer avec votre pulvérisateur conventionnel de deux manières : soit en utilisant seulement les jets du bas, ou mieux encore en branchant une simple rampe horizontale (style herbicide) avec des buses qui couvrent au mieux la largeur de la rangée. Il est également possible d’utiliser votre pulvérisateur d’herbicide conventionnel et de le modifier pour couvrir plus large. Cette dernière solution est moins intéressante à cause des volumes d’eau importants à transporter. L’objectif est de bien mouiller la zone où on trouve les feuilles de litière, souvent le long du rang. Il est aussi préférable d’éviter d’atteindre le bois dans les vergers avec des problèmes de chancres. Utilisez 200-400 L/ha au maximum pour éviter le ruissellement. L’urée après le déchiquetage donne les meilleurs résultats. Évitez d’appliquer l’urée juste avant une pluie. Comme l’urée est très soluble, il serait alors rapidement éliminé par ruissellement. Cependant, le temps de contact requis entre l’urée et les feuilles de litières pour maximiser l’efficacité n’a pas été étudié spécifiquement. L’urée appliquée à la volée en granules n’est pas absorbée également par la litière et n’est donc pas aussi efficace.

L’urée de grade « foliaire » a une faible teneur en « biuret », un composé azoté phytotoxique. Ce grade de qualité n’est évidemment pas nécessaire pour des traitements au sol, mais c’est ce qui est proposé pour éviter de confondre les deux grades et abîmer le feuillage lors des traitements d’engrais à base d’urée foliaire.

Fertilisation en prime. Les apports d’urée pour réprimer la tavelure doivent être comptabilisés. L’apport de 50 kg d’urée (46 % N) représente 23 kg d’azote par hectare. Cet apport est modeste, mais il faut en tenir compte avant d’intégrer cette approche à vos pratiques. Consultez le bulletin sur la fertilisation et la phytoprotection.

Déchiquetage

L’objectif du déchiquetage est de détruire mécaniquement les feuilles et de les laisser au sol. Même si le déchiquetage n’attaque pas directement le champignon, la réduction de la taille des fragments foliaires accélère grandement leur décomposition. De plus, inverser l’orientation des fragments de feuilles au sol peut nuire à l’éjection des ascospores.

Selon l’équipement disponible, cette opération peut être assez facile et peu coûteuse. Par exemple, l’utilisation d’une faucheuse « à fléau » conventionnelle permet aussi d’éliminer une partie de la litière. Il faut régler l’appareil assez bas pour bien rejoindre les feuilles collées au sol et les déchiqueter. Une faucheuse rotative ne permet pas cette opération9.

faucheuse à fléau (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: déchiquetage)

Idéalement, toute la surface du verger doit être travaillée mécaniquement en déportant l’appareil le plus près possible des rangées d’arbres.

Quand l’opération est faite au printemps, il est possible de déchiqueter le bois de la taille hivernale et de réduire l’inoculum de la tavelure simultanément. Il est même possible que cette opération combinée permette de réprimer d’autres maladies, comme la pourriture noire, le chancre européen et le feu bactérien, qui sont présents sur le bois de taille. Par contre, cette opération ne doit pas être réalisée dans les sites où le sol laissé à nu risque de créer des conditions boueuses qui risquent de nuire ensuite au passage des équipements.

Balayage/soufflage

Le balayage des feuilles avec des brosses rotatives ou des souffleries puissantes peut être utilisé pour mieux décoller les feuilles du sol, incluant celles qui sont inaccessibles par le déchiquetage, et les andainer dans le centre des rangées où elles pourront être fauchées ou déchiquetées. Cette stratégie est notamment très utile dans les vergers de pommiers nains, puisque les feuilles de litière s’accumulent sur la bande désherbée. Comme pour le déchiquetage, le simple déplacement des fragments de feuilles au sol peut aussi nuire à l’éjection des ascospores.

soufflerie (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage)

brosses rotatives (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage)

Le balayage/soufflage peut être fait séparément du déchiquetage ou avec un appareil combiné. L’intégration d’une brosse horizontale à un broyeur conventionnel améliore à faible coût l’efficacité des broyeurs conventionnels. L’appareil modifié en ce sens, baptisé Eliminae, peut être fabriqué directement par les producteurs à partir de plans publics ou sur commande. Un document d’accompagnement pour la modifications des broyeurs est disponible en ligne17.

plan de l'appareil Eliminae (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage/déchiquetage)

Élimination des pommiers sauvages ou abandonnés

Les pommiers en bordure des vergers peuvent constituer une source non négligeable d’inoculum de tavelure et d’autres ravageurs du pommier. L’élimination des arbres dans un périmètre de 50 m autour du verger devrait suffire à éliminer la plupart des sources d’ascospores extérieures au verger. Les pommiers abandonnés des propriétés voisines peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures si la situation ne peut être réglée à l’amiable (voir la fiche 15).

Ramassage des feuilles

Le ramassage des feuilles a pour but d’interférer avec les éjections en verger en retirant la source de contamination du verger pour en disposer dans un site éloigné. La méthode est jugée plus efficace que le seul déchiquetage pour réduire l’inoculum. Même si le volume de feuilles à déplacer n’est pas très important et peut être comprimé, cette approche entraîne un problème de gestion des résidus ramassés. Soit les résidus sont enlevés de façon permanente, ce qui réduit la matière organique des vergers, soit les résidus sont retournés au verger après la période des risques (ou après compostage), ce qui entraîne des coûts additionnels. De plus, les appareils disponibles, comme le Combi-Trailer (photo suivante) utilisé en Europe pour le broyage et le ramassage des feuilles de litière a été brièvement testé au Québec et s’est avéré pas assez robuste pour broyer le bois de taille hivernal. Pour ces raisons, le ramassage n’est pas recommandé en PFI.

Combi-Trailer (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: broyage/ramassage)

Chaulage

Le chaulage d’automne, réalisé dans le but d’augmenter le pH du sol, inhibe aussi la formation des pseudothèces et peut être une alternative à l’urée, quoique moins efficace. Le chaulage au printemps est possible, mais la contribution à la réduction de l’inoculum est encore moindre. L’apport de 5 tonnes de chaux ou plus par ha (200$/ha) ne doit pas être considéré comme un substitut équivalent aux autres méthodes de réduction de l’inoculum.

Accélération de la chute des feuilles

Le cuivre chélaté (EDTA de cuivre) est fréquemment utilisé par les pépiniéristes pour accélérer la chute des feuilles. En production commerciale, cette pratique pourrait augmenter l’efficacité de l’urée foliaire à l’automne (voir cette section), faciliter l’élimination des feuilles de la litière et réduire les infections foliaires de chancre européen à l’automne12. Un seul traitement de 14 L/ha (chélaté à 14 %, soit 2 kg/ha de cuivre métal) est efficace, mais le fractionnement (2 applications de 7 L/ha) est encore mieux (Fanny Le Berre, comm. pers). Une dose plus élevée (20 L/ha) a été testé avec succès à l’IRDA.

Épuisement des éjections

La technique de l’épuisement des éjections vise à profiter de périodes sèches au printemps pour accélérer la maturation et l’éjection des spores. Un système d’irrigation par aspersion près du niveau du sol est utilisé pour mouiller la litière, sans pour autant permettre la germination et l’infection des spores déposées sur l’arbre qui reste sec. L’objectif de l’épuisement est de diminuer le nombre d’ascospores éjectées durant les pluies d’infection. Une heure ou deux d’irrigation à tous les deux ou trois jours pendant les périodes sèches suffisent en théorie à épuiser le potentiel d’éjection des spores et à réduire les risques d’infection lors des pluies.

En pratique, l’apport continu d’eau aux pseudothèces peut favoriser la production d’asques qui seraient autrement avortés pendant les périodes sèches prolongées. De plus, l’irrigation ne doit pas être faite moins de 24 heures avant une pluie, pour éviter que les ascospores éjectées pendant l’irrigation puissent survivre et infecter les arbres durant la pluie. La technique de l’épuisement des éjections est utilisée dans certains vergers en Europe, mais est de portée limitée. De plus, les risques d’accroître l’infection en cas d’utilisation trop près d’une pluie font en sorte que cette stratégie n’est pas actuellement recommandée en PFI.

Rebouche ornière

Les passages fréquents du tracteur compactent le sol et forment des ornières dans les rangées. Si la réparation des ornières est faite tôt au printemps, cette opération peut contribuer à ensevelir les feuilles de la litière et accélérer leur dégradation.

Labour

L’incorporation dans le sol des feuilles de la litière par un labour superficiel est pratiquée dans certains pays pour favoriser la décomposition des feuilles et interférer avec les éjections au printemps. Cette pratique n’est pas envisageable dans les vergers pierreux et peut nuire au passage des équipements en créant des conditions boueuses. Conséquemment, cette stratégie n’est pas recommandée en PFI.

Paillage et couvre-sols

Certains chercheurs ont imaginé qu’il pourrait être possible d’intercepter les spores au moment de l’éjection avec des paillis naturels ou artificiels installés par-dessus la litière avant les éjections au printemps. De même, des plantes couvre-sol à croissance rapide qui couvriraient les feuilles de la litière avant la période des éjections ont également été testées mais ne sont pas prometteuses18. Ces approches ne sont pas au point et ne sont donc pas actuellement recommandées en PFI.

Autres traitements pendant la saison morte

Certains traitements fongicides d’automne appliqués directement sur l’arbre après la récolte ou au sol sur la litière peuvent pénétrer les feuilles et interférer directement avec la survie du champignon. Les traitements de litière au printemps avec différents produits sont aussi rapportés19. Ces stratégies sont parmi les plus anciennes répertoriées. Or les fongicides utilisables à l’époque étaient très toxiques ou ont des effets adverses sur la faune auxiliaire et seraient aujourd’hui inadmissibles en PFI. Les fongicides disponibles actuellement qui sont efficaces pour cet usage20 sont pour la plupart sujets à la résistance. Le Captan20 serait efficace et non sujet à la résistance, mais les restrictions d’usage limitent l’utilité de cette option. Au global, la stratégie d’utiliser des fongicides après la récolte n’est pas reconnue utile en PFI. D’autres substances, incluant des herbicides9 ont un effet reconnu pour la réduction de l’inoculum mais ces pratiques ne sont pas homologuées.

Des antagonistes microbiens ont aussi été suggérés comme stratégie de lutte biologique à l’automne pour réprimer la production d’inoculum21. Malheureusement, aucun projet n’a abouti à un produit homologué. Les antagonistes sont souvent efficaces au laboratoire, mais perdent leur efficacité en vergers22. Néanmoins, certains projets sont toujours actifs et pourraient mener à des solutions viables au cours des prochaines années. Par exemple, des extraits de levures de brassage appliquées à la litière ont un effet inhibiteur reconnu sur la tavelure23 et leur application augmente indirectement l’activité des vers de terre. D’autres produits à forte teneur en acides aminées (caséine dégradée) ont le même effet24.

Comme ces extraits sont parfois des déchets de l’industrie alimentaire (ex. : production brassicole) et certifiables en production biologique24, leur disponibilité à bon marché pourrait être utile à l’industrie pomicole.

Finalement, l’utilisation de brûleurs au propane, d’appareils générateurs de vapeur, ou d’eau chaude a été proposée pour détruire l’inoculum à l’automne ou au printemps. Aucune de ces solutions n’a connu de suite et n’est utilisée.

 

Gestion de la croissance estivale

Les infections secondaires sur feuillage ont surtout lieu sur les pousses en croissance et parfois en fin de saison sur les feuilles qui ont perdu leur résistance naturelle (voir la fiche sur la biologie). Toutes les interventions visant à diminuer la quantité de feuillage sensible ont donc un impact direct sur la propagation de la tavelure en été et indirectement sur l’infection des fruits. Réduire la croissance et un programme de taille estivale sont donc des éléments importants pour la gestion de la tavelure.

Réduction de la vigueur

Dans les limites de ce qui est acceptable d’un point de vue horticole, toutes les interventions favorisant une fin de croissance plus hâtive diminuent la vitesse de propagation en été. En Allemagne, la fin des programmes visant à garder les arbres « verts » jusqu’après la récolte ont eu un impact majeur sur les besoins de traitements fongicides en été. Ainsi, la fertilisation, le contrôle de charge et les hormones de croissance peuvent jouer un rôle. Par exemple, les traitements à l’Apogee (voir la fiche sur les traitements d’été), la taille des racines et des coupes dans le phloème « scoring » sont à considérer.

Taille estivale

La taille permet d’aérer les arbres, et donc accélère le séchage des feuilles. Comme la durée d’humectation est un facteur aggravant (voir infection), toute mesure qui réduit le temps de séchage aura un impact sur la propagation de la tavelure et l’incidence de la tavelure sur fruits. Par contre, l’effet de la taille est beaucoup moins prononcé sur les infections primaires, parce que la quantité de feuillage à cette période n’est habituellement pas suffisante pour influencer de façon notable la durée de séchage, même dans les vergers mal entretenus. La taille a donc peu d’effet sur l’apparition des symptômes d’infection primaire. De même, comme la tavelure primaire n’est pas diminuée par la taille, la production d’inoculum à l’automne suivant n’est pas affecté. Néanmoins, la taille d’été a un impact sur l’apparition d’autres maladies estivales, comme le complexe suie–moucheture et est donc une mesure utile pour la gestion des maladies. Un bon émondage facilite la pénétration de la bouillie fongicide pendant les pulvérisations.

 

Références
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  2. MacHardy WE, Gadoury DM, Gessler C. Parasitic and biological fitness of Venturia inaequalis: relationship to disease management strategies. Plant Dis 2001;85:1036–1051.
  3. Clark MD, Bus VG, Luby JJ, Bradeen JM. Characterization of the defence response to Venturia inaequalis in ‘Honeycrisp’ apple, its ancestors, and progeny. Eur J Plant Pathol 2014;1–13.
  4. Parisi L, Lespinasse Y. Pathogenicity of Venturia inaequalis strains of race 6 on apple clones (Malus sp.). Plant Dis 1996;80:1179–1183.
  5. Papp D, Singh J, Gadoury D, Khan A. New North American isolates of Venturia inaequalis can overcome apple scab resistance of Malus floribunda 821. Plant Dis Am Phytopath Society, 2020;104:649–655.
  6. Patocchi A, Wehrli A, Dubuis P-H, et al. Ten years of VINQUEST: first insight for breeding new apple cultivars with durable apple scab resistance. Plant Dis Internet Scientific Societies, 2020; Disponible sur : https://apsjournals.apsnet.org/doi/10.1094/PDIS-11-19-2473-SR.
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  8. Stoddard EM. Fungicidal synergism between urea and sulfur. Phytopathology Internet 1950;40. Disponible sur : https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/19500300712.
  9. Rosenberger D. A stitch in time …? Fall treatments for reducing scab inoculum for 1997. Scaffolds fruits journal 1996;5.
  10. Cheng L, Dong S, Fuchigami LH. Urea uptake and nitrogen mobilization by apple leaves in relation to tree nitrogen status in autumn. J Hortic Sci Biotechnol 2002;77:13–18.
  11. Wood PN, Beresford RM. Avoiding apple bud damage from autumn-applied urea for black spot (Venturia inaequalis) control. Proc NZ Plant Prot Conf 2000;382–386.
  12. Dryden GH, Nelson MA, Smith JT, Walter M. Postharvest foliar nitrogen applications increase Neonectria ditissima leaf scar infection in apple trees. N Z Plant Prot 2016;69:230–237.
  13. Dong S, Cheng L, Scagel CF, Fuchigami LH. Nitrogen absorption, translocation and distribution from urea applied in autumn to leaves of young potted apple (Malus domestica) trees. Tree Physiol 2002;22:1305–1310.
  14. Sutton DK, MacHardy WE, Lord WG. Effects of shredding or treating apple leaf litter with urea on ascospore dose of Venturia inaequalis and disease buildup. Plant Dis 2000;84:1319–1326.
  15. Urée. Wikipédia. 2018. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ur%C3%A9e&oldid=153562049.
  16. Beresford RM, Horner IJ, Wood PN, Zydenbos SM. Autumn-applied urea and other compounds to suppress Venturia inaequalis ascospore production. Proc NZ Plant Prot Conf 2000;387–392.
  17. Guide pour le montage et l’utilisation du broyeur de litière EliminaeTM. 2013. Disponible sur : https://www.agrireseau.net/reseaupommier/documents/87338/guide-pour-le-montage-et-l_utilisation-du-broyeur-de-litiere-eliminae%E2%84%A2.
  18. Aylor DE. The aerobiology of apple scab. Plant Dis 1998;82:838‑49.
  19. Curtis KM. Black-spot of apple and pear: experiments in possible methods of reducing infection. N Z J Agric 1924;21‑8.
  20. Wood PN, Beresford RM, Taylor TJ. Suppression of Venturia inaequalis (apple scab) ascospore production using autumn-applied fungicides. N Z Plant Prot 2008;61:54–58.
  21. Young CS, Andrews JH. Inhibition of pseudothecial development of Venturia inaequalis by the basidiomycete Athelia bombacina in apple leaf litter. Phytopathology 1990;80:536‑42.
  22. Stadler M, Tiedemann A von. Biocontrol potential of Microsphaeropsis ochracea on microsclerotia of Verticillium longisporum in environments differing in microbial complexity. BioControl 2014;59:449‑60.
  23. Pfeiffer, B., Alt, S, Häfner, C., Hein, B., Schulz, C., Kollar, A. Investigations on alternative substances for control of apple scab – results from sanitation trials. In: Ecofruit Internet Fördergemeinschaft Ökologischer Obstbau eV (FÖKO), 2004.79–84. Disponible sur : http://orgprints.org/id/eprint/14078.
  24. Porsche FM, Pfeiffer B, Kollar A. A new phytosanitary method to reduce the ascospore potential of Venturia inaequalis. Plant Dis 2017;101:414‑20.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 102

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

Les risques d’infection de la tavelure peuvent débuter dès l’apparition des premiers tissus verts au stade débourrement, être présents à chaque pluie et se terminer seulement à la récolte (voir la fiche 100 sur la biologie). Conséquemment, la gestion efficace de cette maladie passe inévitablement par des interventions ciblées qui ont pour but de casser son cycle et d’éliminer à moindre coût les pertes liées à cette maladie. La meilleure stratégie pour y arriver consiste d’abord à prévenir l’apparition de la maladie en réprimant les infections primaires et au besoin, compléter la protection des fruits par des traitements d’été.

Une excellente gestion des infections primaires est donc la clef d’une stratégie efficace de la tavelure. Pendant la période des infections primaires (environ 7 semaines), le moment précis des interventions peut faire toute la différence et va décider du nombre de traitements qui seront nécessaires pour protéger les fruits jusqu’à la récolte (14-16 semaines). La gestion du risque doit donc être très conservatrice pendant le premier tiers de la saison pour pouvoir ensuite minimiser à la fois les coûts, les risques environnementaux et les résidus sur fruits. La gestion des infections primaires sera facilitée dans les vergers propres où l’inoculum est faible par rapport à ceux dont l’inoculum est élevé. Il est également possible d’y réduire le nombre d’interventions, notamment quand les infections sont à risque faible.

L’objectif de cette fiche est de couvrir les stratégies de traitements pendant les infections primaires et selon l’apparition des symptômes, orienter les interventions en été.

 

Stratégies d’intervention contre les infections primaires

Il existe trois stratégies de traitements fongicides foliaires pour empêcher directement le champignon de causer des symptômes et une stratégie indirecte qui vise à activer les mécanismes de défense de la plante (éliciteurs). La figure ci-après donne une représentation graphique des quatre stratégies de traitement en lien avec une infection primaire simulée par le logiciel RIMpro.

stratégies de traitement de la tavelure en lien avec une infection primaire simulée par RIMpro

Les éliciteurs doivent être appliqués avant les pluies, alors que les fongicides peuvent agir à différents moments. Les éliciteurs sont décrits à la fiche 49. Les traitements qui visent le champignon sont les traitements préventifs appliqués en PROTECTION avant les pluies, les traitements pendant la pluie ou juste après la pluie visent à enrayer la GERMINATION des ascospores sur le feuillage, alors que les traitements en POSTINFECTION sont appliqués une fois que le champignon a pu traverser la cuticule de la plante.

Les trois stratégies d’application de fongicides comportent des avantages et des inconvénients et peuvent être utilisées conjointement lorsque le risque le justifie.

Stratégie de protection

La protection (approche préventive) vise à maintenir à la surface du feuillage une couche protectrice de fongicide avant les pluies et l’arrivée des spores. La stratégie des traitements en protection est à la base de tout programme de lutte contre la tavelure. Par contre, les traitements en place perdent rapidement leur efficacité à mesure que de nouvelles feuilles apparaissent et que la pluie lessive certains produits. Comme la sortie des nouvelles feuilles peut-être très rapide pendant la période des infections primaires et que parfois le lessivage peut survenir avant même l’arrivée des spores, les traitements en protection ne suffisent pas toujours à prévenir les infections. De plus, comme la couverture fongicide n’est pas parfaite, des taches peuvent apparaître même quand la fréquence des traitements de protection est ajustée pour ne laisser aucune feuille à découvert. Les failles dans les stratégies de protection sont aggravées par l’abondance d’inoculum.

La fréquence des traitements de protection peut être ajustée selon les prévisions de pluie. Lors des périodes sans pluie, les traitements peuvent être espacés. Cependant, des traitements répétés à intervalles plus ou moins réguliers permettent d’assurer une couverture plus uniforme. De plus, les périodes sans pluie sont favorables au blanc du pommier et des fongicides efficaces contre le blanc peuvent être nécessaires selon le cultivar (voir la fiche 109).

En période de croissance active, entre deux et quatre nouvelles feuilles peuvent faire leur apparition en l’espace de cinq jours. Les traitements de protection doivent donc être appliqués le plus près possible de la pluie pour minimiser les surfaces laissées à découvert par la croissance entre le traitement et la pluie. Lors de conditions particulièrement à risque (abondance de l’inoculum, surface foliaire laissée à découvert et risque de l’infection) des traitements complémentaires pendant la fenêtre de germination ou en postinfection peuvent s’avérer essentiels pour éviter l’apparition des symptômes.

Comme les prévisions météorologiques ne sont pas toujours fiables et que les surfaces de vergers à couvrir sont parfois trop grandes pour le temps disponible avant la pluie, il est possible de gérer le risque en ne couvrant qu’une partie des surfaces. Par exemple, il est possible de traiter en protection les rangées alternes (un rang sur deux) et décider pendant la pluie de s’ajuster au risque avec un traitement pendant la fenêtre de germination, ou éventuellement en postinfection.

Fongicides de protection. Les fongicides les plus efficaces en protection empêchent la germination des spores, sont peu sujets au lessivage par la pluie et peuvent être redistribués partiellement aux endroits non couverts au moment du traitement ou à mesure que de nouvelles feuilles apparaissent et que les feuilles et fruits prennent de l’expansion. Presque tous les fongicides ont une certaine efficacité lorsqu’appliqués préventivement en protection (voir le tableau d’efficacité des fongicides, fiche 48). Les produits non recommandés en protection sont soient inefficaces pour réprimer la germination des spores (ex. : IBS) et/ou trop facilement lessivables (ex. : bicarbonate). Les fongicides de protection sont conçus pour plus ou moins coller à la surface des feuilles (voir contacts multisites, fiche 50), ou sont absorbés par la cuticule (voir unisites, fiche 50). Selon le coût du produit, le lessivage des produits par la pluie peut être compensé par des applications répétées pour maintenir une couche de protection (ex. : contacts multisites). Les fongicides unisites (guanidines, AP, QoI, SDHI) ne sont pas sujets au lessivage, mais leur efficacité est tributaire du niveau de résistance présente dans la population du champignon. Les fongicides appliqués en protection sont tous partiellement redistribués. Le lessivage permet aux fongicides de contact d’être éclaboussés sur d’autres feuilles alors que différents mécanismes assurent la redistribution des fongicides absorbés. Les fongicides absorbés sont habituellement mieux redistribués au sein des feuilles déjà traitées, alors que les produits non absorbés peuvent plus souvent atteindre les feuilles apparues depuis le traitement. Certains produits ont des propriétés mixtes. Néanmoins, aucun fongicide ne peut assurer une bonne protection des feuilles apparues après le traitement. La protection sur les feuilles qui se déroulent après le traitement est toujours déficiente, peu importe le produit utilisé ou la dose appliquée.

Stratégie de germination

Les traitements pendant la fenêtre de germination des ascospores sont conçus pour profiter des patrons d’éjection des spores et sont appliqués lorsque les éjections du jour sont terminées, idéalement avant que les premières spores n’aient le temps de pénétrer la cuticule. Ces traitements aussi appelés « stop » sont généralement plus efficaces que les traitements préventifs. Contrairement aux traitements de protection, ils couvrent toute la surface foliaire à risque, puisqu’ils sont appliqués tout juste après la déposition des spores. De plus, ils ne sont pas affectés par le lessivage parce qu’ils tuent les spores dès l’instant où ils sont appliqués. Finalement, l’intensité de la pluie au moment du traitement n’est pas déterminante pour l’efficacité, tant que les spores sont déjà déposées sur le feuillage. Par contre, comme le moment optimum d’intervention est souvent court, il est difficile de couvrir l’ensemble du verger pendant la fenêtre d’intervention. De plus, il arrive que la fenêtre de germination surviennent pendant la nuit, ce qui rend la logistique de traitement très ardue. Finalement, ils n’ont souvent aucune efficacité résiduelle après le traitement. Conséquemment, une stratégie basée exclusivement sur des traitements de germination repose sur des applications répétées pour chaque période d’éjection. Quand la pluie débute en soirée par temps frais et provoque un lessivage des traitements de protection avant l’éjection des spores, les traitements de germination ont un avantage indéniable. Par contre, quand la température est assez élevée, les pluies en soirée mènent à une infection avant les éjections importantes du jour suivant. Dans ces cas, la fenêtre de germination disparaît puisque les premières spores ont traversé la cuticule avant l’éjection principale et l’infection débute avant que toutes les spores ne soient sur le feuillage. Néanmoins, il est toujours préférable de traiter en germination, quitte à ce que ce traitement laisse une partie des spores pénétrer le feuillage, que de dépendre entièrement sur un traitement de postinfection.

Fongicides de germination. Les produits les plus efficaces pendant la période de germination empêchent ou arrêtent la germination des spores. Comme ces traitements sont prévus pour tuer seulement les spores déjà sur le feuillage et non de coller en attendant les éjections, leur résistance au lessivage n’est pas un facteur important. Par contre, les produits préconisés doivent être abordables, puisqu’ils ne sont efficaces qu’un très court laps de temps. Pour cet usage, de très faibles doses de fongicides de contact multisites (demi-dose) ou de soufre (4 kg/ha de matière active) peuvent être utilisées.

Stratégie de postinfection

L’objectif des traitements de postinfection est d’arrêter la croissance du mycélium après l’invasion sous la cuticule. L’avantage de cette stratégie est qu’elle n’est pas affectée par la qualité des prévisions d’infection, puisque les traitements sont faits après les pluies. Cette stratégie repose sur l’utilisation de produits capable d’arrêter la progression du mycélium sous la cuticule et de conditions météorologiques qui permettent l’application et l’absorption du produit avant que ne s’écoule leur période d’efficacité. Comme les traitements de postinfection doivent atteindre directement leur cible et qu’ils ne sont pas redistribués avant d’agir, une bonne couverture et de bonnes conditions d’absorption sont nécessaires lors de l’application.

Pour pallier à une mauvaise couverture, certains manufacturiers (ex: Inspire Super, Syngenta) recommandent une seconde application après 7 jours (applications “back to back”. Cette recommandation n’est pas nécessaire si les traitements sont faits dans de bonnes conditions et que l’infection a d’abord été réprimée par un traitement de protection.

Par ailleurs, comme les traitements en postinfection ne font souvent que ralentir la progression du champignon, des infections latentes peuvent survenir, dont les conséquences sont similaires à la stratégie du « cheval de Troie ». D’abord, des symptômes de tavelure issus des infections partiellement réprimés peuvent apparaître plus tard en saison, souvent au moment où la résistance ontogénique du pommier diminue à la fin de l’été. Ces symptômes retardés peuvent alors contribuer à infecter les fruits à la fin de l’été et augmentent l’inoculum pour l’année suivante. Comme les taches les plus résistantes aux fongicides sont favorisées, les symptômes retardés peuvent être plus tolérants aux fongicides et contribuer graduellement à l’accumulation de la résistance dans la population.

Pour toutes ces raisons, la stratégie de postinfection ne devrait jamais être le pilier de votre programme de tavelure mais peut être utile pour compléter au besoin une stratégie de protection et de germination.

Fongicides de postinfection. Les produits efficaces en postinfection pénètrent à des degrés divers sous la cuticule et/ou interagissent avec le mycélium sous la cuticule. La plupart des produits recommandés pour cet usage sont sujets à une perte d’efficacité liée à la résistance du champignon. Contrairement aux recommandations des étiquettes, pour la tavelure mélanger un produit systémique à un fongicide de contact n’est pas une stratégie optimale pour ralentir la résistance. Voir la fiche 52 sur les mélanges.

Les produits de postinfection sont pour la plupart absorbés par la cuticule et ne sont pas affectés par le lessivage (voir fongicides unisites, fiche 50). La bouillie soufrée et le bicarbonate sont les seuls produits efficaces en postinfection qui ne soient pas sujets à la résistance. Par contre, ils sont facilement lessivables et n’offrent aucune efficacité résiduelle.

 

Intégration des facteurs de risque dans la prise de décision

Le tableau ci-après présente l’effet des paramètres qui contribuent le plus au risque sur la prise de décision pour appliquer un traitement additionnel pendant la fenêtre de germination ou en postinfection. Le niveau de l’inoculum dans la parcelle, la surface exposée non traitée lors de la pluie, l’indice de risque (RIM), la mixité des cultivars et la sensibilité variétale du pommier ont tous un effet important sur l’apparition de taches de tavelure. Bien qu’il n’ait jamais fait l’objet d’une validation au Québec et qu’il doive donc être utilisé uniquement à titre informatif, ce tableau reste néanmoins utile pour déterminer le niveau de risque associé à une infection et d’évaluer si la protection fongicide présente est suffisante ou si des traitements complémentaires pendant ou après la pluie sont nécessaires.

Détermination empirique du potentiel d’apparition de la tavelure en fonction de l’inoculum, de la surface non protégée, de l’indice d’infection et la sensibilité du cultivar

Inoculum Surface en croissance non protégée Indice d’infection (RIM) Sensibilité locale du cultivar et dilution des races de tavelure
Peu sensible, mixte Moyennement sensible Très sensible, monovariétale
+ Minime < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 0
> 300 0 0 1
1 feuille par pousse < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 0
> 300 0 1 1
2 feuilles et + < 30 0 0 0
30 à 300 0 1 1
> 300 1 2 2
++ Minime < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 1
> 300 0 1 2
1 feuille par pousse < 30 0 1 1
30 à 300 1 1 1
> 300 1 2 2
2 feuilles et + < 30 1 1 1
30 à 300 1 2 2
> 300 2 2 3
+++ Minime < 30 0 0 1
30 à 300 0 1 1
> 300 1 2 2
1 feuille par pousse < 30 0 1 1
30 à 300 1 2 2
> 300 2 3 3
2 feuilles et + < 30 1 2 2
30 à 300 2 2 3
> 300 2 3 3

Légende :

Niveau d’inoculum : + = très faible : aucune tache observée la saison précédente, mesures d’assainissement; ++ = faible : quelques taches observées; +++ = tavelure abondante.

Indice d’infection : dans ce tableau, la valeur RIM fournie par le logiciel RIMpro.

La méthode intégrée tient compte de l’état de protection fongicide du verger. Cependant, la protection effective dépend de plusieurs variables qui n’apparaissent pas dans le tableau comme le produit utilisé, la dose appliquée, le délavage par la pluie, la qualité de l’application, la redistribution etc.

Dans certains cas, des applications successives de fongicide pourraient être requises à quelques jours d’intervalle pour contrer les infections à risque élevé.

Quelques exemples pour un verger de pommiers très sensibles à la tavelure :

Exemple 1 :

  • Potentiel d’inoculum : très faible, le verger est toujours propre et de l’urée est appliquée à tous les printemps (+).
  • Aucun traitement effectué à date, le verger est au stade du débourrement avancé et a donc une importante surface foliaire sensible exposée.
  • Infection : l’indice d’infection de RIMpro, qui tient compte de la maturité des ascospores, de l’éjection et de la période d’humectation, donne une valeur de RIM de 100.

Selon le tableau, le risque d’apparition de symptômes pour cette pluie est de 0. Donc, même en l’absence de résidus de fongicide, le risque de tavelure est négligeable parce que l’inoculum du verger est très faible et l’indice RIM qui résume les risques d’infection est également faible. C’est un scénario rencontré régulièrement par les producteurs et productrices qui retardent le premier traitement de la saison, sans augmentation de tavelure.

Exemple 2 :

  • Potentiel d’inoculum : élevé, la tavelure était visible l’année précédente et le traitement d’urée n’a pas été fait (+++).
  • Aucun traitement effectué à date, le verger est au stade du débourrement avancé et a donc une importante surface foliaire sensible exposée.
  • Infection : l’indice d’infection de RIMpro, qui tient compte de la maturité des ascospores, de l’éjection et de la période d’humectation, prévoit pour demain une infection, mais avec une valeur de RIM inférieure à 30.

Selon le tableau, le risque d’apparition de symptômes pour cette pluie est de 2. Comme le risque d’apparition de la tavelure est supérieur à 0, un traitement est nécessaire, de préférence en protection avant la pluie.

Cet exemple illustre qu’en présence d’une abondance d’inoculum, même les infections avec un indice d’infection faible mènent à des taches en absence de traitement.

Par ailleurs, entre le débourrement avancé et le pré-bouton rose, les feuilles repliées par-dessus le bourgeon se déplient comme une fleur qui s’ouvre. Par conséquent, une application fongicide effectuée au stade débourrement avancé ne protège pas adéquatement le pommier contre une infection qui survient au stade pré-bouton rose, car la face supérieure des feuilles des bourgeons est alors exempte de résidus de fongicides.

En absence de taches, le modèle RIMpro peut guider vos interventions jusqu’à ce que l’indice d’infection (RIM) des pluies devienne faible, à mesure que les éjections d’ascospores cessent. Le risque lié à l’éjection des dernières ascospores est marginal. L’effet combiné du fauchage, de la litière qui se décompose et du faible inventaire de spores qui subsiste minimisent la probabilité d’infection.

La fin des infections par les ascospores ne veut pas dire la fin des traitements. La fréquence des interventions entre la fin des éjections et la fin de la période d’apparition des symptômes doit dépendre de la qualité de votre dépistage et votre confiance quant à la qualité des traitements réalisés pendant la période des infections primaires. Dans les vergers bien dépistés et où la qualité des traitements est présumée bonne, la fréquence et la dose des traitements peut être diminuée. Par contre, dans les vergers où la qualité des traitements est incertaine, il est possible que des taches passent inaperçues lors du dépistage. Il est donc recommandé de maintenir une stratégie de protection allégée jusqu’à la fin juin.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 103

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

Tel que couvert dans la section biologie, le climat estival a une influence majeure sur la propagation de la tavelure en été. Lors d’étés secs, on observe très peu de progression de la tavelure, alors que les étés légèrement plus frais et pluvieux ont des répercussions immenses sur la progression de la tavelure et l’infection des fruits. La marche à suivre pour maintenir la qualité de la récolte est toujours en fonction d’un équilibre très délicat entre les risques et les coûts. Les choix de traitement réalisés entre juin et septembre doivent être juste assez conservateurs pour éviter des pertes potentielles, sans pour autant engendrer des coûts de traitements trop importants. Selon la clientèle visée, la tolérance vis à vis des taches sur fruits ou des traitements répétés de fongicide sera variable.

 

Dépistage

Pour gérer la tavelure, le dépistage des symptômes aide à classer les parcelles selon des catégories de risque. Il existe différentes approches, mais celle proposée ici (voir le tableau à la fin de cette fiche) a l’avantage d’être simple et rapide : elle prend fin dès que vous avez trouvé une première tache. Le dépistage ne peut en aucun cas être jumelé à une autre activité culturale parce que l’observation de la tavelure requiert beaucoup d’attention. En outre, l’éclaircissage manuel, l’application d’herbicides, la taille d’été et le dépistage des insectes ne devraient pas être réalisés en même temps que le dépistage de la tavelure. Par ailleurs, le dépistage doit toujours être réalisé lorsque le feuillage est sec, parce que le feuillage humide masque les taches. L’échantillonnage doit être représentatif de tout le feuillage et de tout le verger. Autrement dit, ne négligez pas les têtes d’arbres et considérez le bloc dans son ensemble. La tavelure présente dans le haut des arbres reste souvent inaperçue si aucune feuille n’est prélevée à cet endroit lors des échantillonnages. Or, les branches plus élevées sont souvent la source des conidies qui sont éclaboussées par la suite sur les branches les plus basses. Lorsque le bloc de verger est très fructifère, la proportion de bouquets dans votre échantillonnage devrait être plus élevée que dans les blocs plus végétatifs.

Le nombre de pousses à observer par pommier et le nombre total de pommiers observés devraient dépendre de la dimension des arbres. Pour les pommiers nains, observez moins de pousses par arbre mais sur plus d’arbres et réciproquement. Choisissez des arbres au hasard dans le centre des parcelles et observez des pousses représentatives jusqu’à ce que vous trouviez une première tache.

Le nombre de pousses qu’il vous a fallu observer avant de trouver cette tache est la seule information nécessaire pour classer la parcelle en fonction des traitements qui sont nécessaires. Si par « malchance » vous avez trouvé une tache avant d’atteindre 20 pousses, continuer l’échantillonnage et rapporter le nombre de pousses observées pour obtenir 2 pousses tavelées. Un petit compteur manuel comme celui illustré facilite grandement cette tâche et peut être trouvé à peu de frais.

Le temps maximum à consacrer par parcelle est de 30 min à la mi-juin (max. 80 pousses) et de 15 min en août (max. 40 pousses). Si vous n’avez pas trouvé de tache pendant ce laps de temps, vous pouvez arrêter : le tableau vous donnera la marche à suivre pour le prochain mois. À défaut d’un compteur, il est possible de considérer seulement le temps requis pour trouver une tache. La méthode proposée ne requiert que trois observations pendant l’été : une première à la mi-juin, la deuxième à la mi-juillet et la troisième à la mi-août.

compteur

 

Facteurs à considérer dans la prise de décision pour les interventions estivales
Marché visé

Selon que les fruits sont destinés à la transformation, l’autocueillette, le marché frais ou à l’entreposage plus prolongé, la gestion de la tavelure et des autres taches sur fruits sera plus ou moins critique. Par exemple, les traitements d’été sont rarement nécessaires pour des parcelles destinées à l’autocueillette, parce que la clientèle est souvent sensible à l’utilisation des fongicides, potentiellement plus tolérante à la présence de taches et comme les fruits sont consommés rapidement, la tavelure qui apparaît en entrepôt n’est pas un facteur. À l’inverse, les parcelles destinées à l’entreposage prolongé doivent être maintenues plus propres pour éviter tout risque de tavelure sur fruits jusqu’au moment de la récolte.

Cultivars

Selon l’agencement de vos parcelles, il est possible d’ajuster votre stratégie de traitements selon la sensibilité du cultivar. La fréquence, la dose et la date d’arrêt des traitements peuvent être ajustées à la baisse pour des cultivars tolérants comme Paulared ou Spartan, alors que des choix plus conservateurs sont requis pour des cultivars plus à risque comme McIntosh ou Cortland.

Autres facteurs agronomiques

Le potentiel de propagation de la tavelure et des autres maladies peut être influencé par la proximité des boisés, la fertilité de la parcelle, la densité des arbres, la taille et la charge de la récolte. Ces éléments peuvent faire la différence entre une parcelle qui reste toujours sous les seuils acceptables et une autre où les taches sur fruits sont plus fréquentes.

 

Fréquence des traitements d’été

Malgré la pluie, certains producteurs réussissent assez régulièrement à passer toute la saison estivale sans le moindre traitement fongicide après le 15 juin. Ces producteurs minoritaires ont une excellente gestion des infections primaires, peuvent facilement tolérer 1 % de fruits tavelés à la récolte ou alors ont des cultivars moins sensibles que McIntosh (ex. : Spartan). Ces producteurs ne prennent pas non plus le risque d’entreposer des fruits après un été trop pluvieux. À l’inverse, il y a un nombre plus important de producteurs qui ajoutent systématiquement des fongicides lors des traitements d’été, en mélange avec les insecticides et les engrais. Ces traitements ne sont pas toujours nécessaires. Quand le niveau de tavelure est très faible après les infections primaires, la marge de manœuvre en été est évidemment plus grande qu’en présence de taches et plusieurs options peuvent être imaginées : éliminer tous les traitements d’été, traiter en fonction d’un seuil mesuré en juin, démarrer les traitements quand la tavelure se met à augmenter, traiter en fonction de protéger les fruits, selon la pluie, etc. Chacune de ces approches a ses adeptes et ses détracteurs.

 

Stratégies à considérer pour les interventions estivales
Utilisation d’un seuil classique d’intervention

Pendant longtemps, le RAP a publié une stratégie basée sur un seuil d’intervention unique, suite à un échantillonnage après les infections primaires. Avec les années, les limites de cette approche sont devenues plus évidentes. D’une part, des études ont démontré qu’il n’est pas possible de certifier en juin que les fruits d’un cultivar sensible resteront exempts de tavelure jusqu’après conservation, même si le verger apparaît très propre au départ. Il n’est tout simplement pas possible de prédire à la mi-juin que les conditions estivales maintiendront les niveaux de tavelure sur fruits inférieurs à 1 % sur McIntosh après entreposage. L’alternative au seuil unique mesuré en juin est d’échantillonner à répétition en cours d’été et de commencer les traitements seulement lorsqu’un seuil est dépassé. Malheureusement, cette approche ne s’est pas avérée suffisamment sécuritaire. Même sans entreposage, l’attente d’un seuil en milieu d’été mène souvent à des traitements jusqu’à la récolte, avec les risques de résidus sur fruits que cela implique.

Résistance croissante des fruits aux infections

Les fruits comme les feuilles deviennent plus résistants avec l’âge (voir la résistance ontogénique dans la fiche 100). Il est donc possible d’imaginer une stratégie de traitements basée sur la résistance croissante des fruits. Or, les études disponibles à ce jour pour nos cultivars ne confirment pas la validité de cette approche. De plus, comme les traitements doivent être effectués avant l’infection, il est difficile de prédire si les critères d’infection seront rencontrés avant que la pluie n’ait lieu. Finalement, la résistance ontogénique n’est plus opérationnelle en fin d’été et les fruits redeviennent sensibles à l’infection, les stratégies basées sur la résistance ontogénique seraient donc de portée limitée.

Renouveler les traitements selon le lessivage

La quantité de pluie tombée est un bon indicateur du lessivage des traitements fongicides, mais n’est pas nécessairement une bonne approche pour planifier les traitements. En moyenne sur la période estivale, on enregistre 23,3 mm de pluie par semaine dans le sud du Québec, soit un pouce de pluie par semaine environ. Les données d’efficacité du CAPTAN (2 kg/ha) tendent vers une perte de 50 % d’efficacité sur fruits après 35 mm de pluie. Donc, les traitements sont lessivés en moyenne à tous les 10,5 jours (8 à 18 jours selon l’année et le site), ce qui représente de 5 à 12 traitements entre le 15 juin et le 15 septembre. Conséquemment, établir les traitements sur la base d’un simple critère de lessivage du traitement (perte d’efficacité du produit) entraîne trop de traitements et n’est pas recommandée quand les niveaux de tavelure sont faibles, mais s’avère la meilleure approche quand les niveaux de tavelure sont plus élevés.

Arrêt progressif des traitements

La stratégie de l’arrêt progressif vise à diminuer graduellement la fréquence des traitements après les infections primaires en tenant compte d’un dépistage allégé et de la météo. L’objectif de ce plan de traitement n’est pas de bloquer toutes les infections, mais de relaxer la fréquence, à mesure que le temps qui reste jusqu’à la récolte ne permet pas à la tavelure d’atteindre des seuils dommageables. La fréquence des traitements est établie en fonction du dépistage, du nombre de jours de pluie depuis le dernier traitement et du temps qui reste avant la récolte (voir le tableau ci-après). Le seuil du nombre de jours de pluie doit être ajusté selon votre choix de gestion.

Seuils d’interventions pour la tavelure du pommier en été
Pousses consécutives observées avant de trouver une première feuille tavelée Attente entre les traitements du 16 juin au 15 juillet Attente entre les traitements du 16 juillet au 15 août Attente entre les traitements à partir du 16 août Nombre total de traitements anticipés selon le climat
80 ou plus 2 kg de captane aux 10 jours de pluie 2 kg de captane aux 15 jours de pluie Aucun traitement 1 à 3
Plus de 40 (ou plus de 75 pour 2 pousses tavelées) 2 kg de captane aux 35 mm (ou 3,75 kg aux 50 mm 2 kg de captane aux 10 jours de pluie Aucun traitement 3 à 6
Plus de 20 (ou plus de 48 pour 2 pousses tavelées) 2 kg de captane aux 25 mm de pluie (ou 3,75 kg aux 35 mm) 2 kg de captane aux 35 mm de pluie 2 kg de captane aux 50 mm de pluie 6 à 12
Tavelure plus élevée (moins de 48 pousses pour 2 pousses tavelées) 3,75 kg de captane aux 25 mm 2 kg de captane aux 25 mm de pluie (ou 3,75 kg aux 35 mm) 2 kg de captane aux 35 mm de pluie 8 à 15

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 104

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

 

Voyez le feu bactérien sur YouTube à https://www.youtube.com/watch?v=4kk7HjBtLkc!
La capsule vidéo de 8 minutes dresse un portrait du ravageur, montre ses caractères distinctifs, identifie les conditions qui influencent son développement, et vous plonge dans l’action du dépistage et des méthodes d’intervention recommandées en production fruitière intégrée.

La seule maladie bactérienne d’importance dans les vergers au Québec est la brûlure bactérienne, aussi appelée feu bactérien (France). D’autres maladies bactériennes s’attaquent aux pommiers et aux poiriers (voir : tache vésiculeuse, flétrissement bactérien) et aux racines (voir : tumeur du collet), mais ces maladies ont des conséquences mineures. Le feu bactérien est sporadique, mais les épidémies peuvent détruire un verger en une saison. Des cas isolés de feu bactérien sont rapportés à chaque année au Québec, mais des épidémies majeures à l’échelle régionale sont possibles (ex. : 2002, 2012, 2016). Le feu bactérien a toujours été présent dans les vergers et a été rapporté dans les manuels de culture du Québec avant même que la tavelure soit identifiée1.

Les épidémies importantes de feu bactérien surviennent quand des foyers de maladie issus des années précédentes sont présents dans le voisinage, que les conditions préflorales favorisent la dissémination de la bactérie et lorsque les conditions météorologiques durant la floraison sont favorables à la maladie. Toutes ces conditions doivent être présentes pour l’infection des fleurs. La nécessité des traitements pendant la floraison est fonction de l’importance de chacun de ces facteurs. Selon les facteurs de risque décrits ci-après, des interventions spécifiques peuvent être indiquées seulement dans certains vergers et dans certains cultivars très sensible (ex. : Cortland, Gala), ou alors à l’échelle d’une région entière certaines années. Quand toutes les conditions de risque sont rencontrées avant la floraison mais que le climat pendant la floraison n’est pas favorable à la maladie, la maladie subsiste mais sans gravité. Il arrive que la maladie puisse néanmoins apparaître en été à la faveur d’épisodes de temps violent. Dans tous les cas, l’apparition de symptômes de feu bactérien est un événement majeur qui ne doit pas être pris à la légère.

 

Origine de la maladie

La bactérie Erwinia amylovora, responsable du feu bactérien, est originaire de l’Amérique du Nord, mais la maladie s’est étendue graduellement à presque tous les pays du monde. La maladie s’attaque à une gamme assez restreinte de plantes hôtes de la famille des rosacées, soit seulement une partie des espèces de la sous-famille où sont classés les pommiers (Amygdaloideae, Maleae). Le classement de ce groupe a changé au cours des années. Le groupe visé comprend toutes espèces de la tribu des Maleae, incluant le pommier et le poirier. Exceptionnellement, certaines espèces des tribus voisines (Amygdaleae et Spiraeeae) sont atteintes lorsqu’elles sont à proximité de foyers importants de la maladie (ex. : spirée, cerisier, prunier). Ces hôtes secondaires ne servent généralement pas de réservoir pour la maladie et il n’est donc pas nécessaire de s’en préoccuper. Parfois, certaines plantes en dehors de cette gamme d’hôtes sont atteintes, mais c’est rare2. Ces hôtes secondaires ne servent généralement pas de réservoir pour la maladie et il n’est donc pas nécessaire de s’en préoccuper. À l’inverse, les hôtes-réservoir doivent être identifiés puisqu’ils sont la source des infections annuelles. Au total, c’est tout de même de 129 à 180 espèces couvrant 37-39 genres3 qui peuvent être atteintes à des degrés divers. En pratique, l’élimination de ces plantes est facilitée tôt au printemps puisque leur floraison est très évidente.

Sous familles des rosacées (et tribus) Exemple : Feu bactérien
Amygdaloideae (Maleae) Pommier, poirier OUI, toutes les espèces
Amygdaloideae (Amygdaleae)
(synonyme Prunoideae)
Prunier, cerisier Rarement
Amygdaloideae (Spiraeeae)
(synonyme Spiraeoideae)
Spirée Rarement
Rosoideae Rosier Framboisier seulement

Les espèces hôtes les plus connues sous nos latitudes servant de réservoir à la maladie incluent des plantes cultivées, ornementales et forestières. Elles sont toutes membres de la tribu Maleae :

  • amélanchier (Amelanchier) (Saskatoon, serviceberry); (voir photos)
  • aubépine (Crataegus) (azerole, senellier (cenellier), nèfle) (hawthorn); photo de l’aubépine du Canada4 (Crataegus canadensis Sargent)
  • aronie noire (Aronia) (black chokeberry);
  • buisson ardent (Pyracantha) (firethorn);
  • cognassier (Cydonia) (coing) (quince);
  • cotonéaster (Cotoneaster) (cotoneaster);
  • pommier (Malus) (apple);
  • poirier (Pyrus) (pear);
  • sorbier ou cormier (Sorbus) (mountain ash) – un hôte fréquent. Ne pas confondre avec le Cornus (cornouiller) (dogwood) qui n’est pas un rosacé et n’est pas un hôte du feu bactérien (voir photos)

Amélanchier au stade débourrement.

Amélanchier à la floraison.

Amélanchier à la récolte. Notez la présence de chancres sur le bois.

Aubépine au stade préfloral.

Aubépine à la floraison (notez la présence d’une momie potentiellement porteuse de bactéries et d’un insecte qui facilite la contamination).

Fruits de l’aubépine.

Sorbier (floraison)

fruits de sorbier (cormier)

Sorbier (fruits).

Le feu bactérien sur framboisier (Rubus sp.) est causé par la même espèce de bactérie que sur le pommier et le poirier. Cependant, la sous-espèce (forma specialis) trouvée sur le framboisier n’est pas pathogène sur pommier. Par contre, les souches du pommier peuvent attaquer le framboisier. Autrement dit, le feu sur pommier peut infecter les framboisiers, mais le feu sur framboisier ne peut pas infecter les pommiers. Le framboisier n’est donc pas un réservoir pour l’infection des pommiers. Le framboisier est la seule espèce de la sous-famille des Rosoideae qui est régulièrement atteinte par la maladie. Le rosier (Rosa sp.) n’est donc pas touché par cette maladie.

D’autres plantes avec des floraisons un peu similaires à celle des hôtes du feu bactérien fleurissent dans la même période. Par exemple, le cornouiller et le pimbina (aubier, obier, viorne) ne sont pas des rosacées et ne sont pas des hôtes du feu bactérien. La maladie ne peut pas survivre à l’hiver sur ces plantes.

Le cornouiller n’est pas un hôte du feu bactérien.

La viorne n’est pas un hôte du feu bactérien.

 

Survie hivernale

Les bactéries survivent à l’hiver sur différents hôtes dans les tissus vivants de l’écorce, aux abords des chancres qui servent de source d’inoculum le printemps suivant. Les tissus morts eux-mêmes ne contiennent pas de bactéries vivantes. Cependant, les fruits momifiés accrochés aux arbres peuvent être infectés et contribuer à la survie hivernale5. Dès que le temps se réchauffe, la multiplication bactérienne s’accélère à la bordure des chancres et un exsudat spectaculaire nous rappelle parfois leur présence.

Exsudat bactérien à la surface d’un chancre de feu bactérien. Stade débourrement du pommier. Crédit photo : Véronique Decelles Dura-club (10 avril 2021)

Le rythme de multiplication des bactéries est lié à la température du bois. Lorsque les conditions sont ensoleillées, la température de l’écorce des arbres est supérieure à celle de l’air6,7 et cet effet est amplifié quand le bois du chancre est noirci. La pluie et les insectes transportent les bactéries présentes à la surface de ces chancres sur les pommiers avoisinants. La population résidente augmente ainsi graduellement entre le stade débourrement et la floraison, sans réelle possibilité d’infecter les arbres avant la floraison.

Au cours de cette période, différents insectes sont attirés par l’exsudat bactérien liquide présent sur les chancres et ensuite par les fleurs ouvertes qu’ils contaminent en les visitant. La variété des insectes impliqués est très grande en début de saison et comprend notamment des diptères (mouches)8. Une fois contaminés, les insectes demeurent des vecteurs de la maladie pendant plusieurs semaines. Les bactéries peuvent survivre sur et dans les insectes pendant une longue période9. Les insectes porteurs de la bactérie peuvent contaminer les fleurs d’une grande variété d’espèces5,10. Les bactéries peuvent sans problème se multiplier sur les fleurs de plusieurs plantes qui ne seront jamais infectées (ex. : dactyle, fraises, pâquerette, pissenlit, trèfle, etc.) mais aussi sur les fleurs des arbres non hôtes (ex. : érable).

Importance des sources de bactérie au printemps

Au moment de la floraison des pommiers, les sources de contaminations sont multiples : les chancres suintants de toutes les plantes hôtes et les fleurs de toutes les plantes visitées par des insectes contaminés peuvent contribuer à disséminer la bactérie dans les vergers. Les abeilles et différents insectes peuvent couvrir plusieurs kilomètres et répandre la bactérie dans des vergers jusque-là exempts. Il est toujours possible qu’une source de bactéries surgisse dans votre entourage à votre insu (nouvelle plantation, aménagement paysager, etc.). Il est très difficile d’estimer l’importance des sources de bactéries. Des efforts d’échantillonnage des insectes porteurs ou des fleurs de pommiers contaminées existent dans certains pays11, mais sont difficiles à mettre en place12 compte tenu de la dissémination rapide des bactéries et le temps restreint pour mener à bien l’échantillonnage lors des années à risque.

 

Brûlure des fleurs

Au début de la floraison des pommiers, la contamination des fleurs est assez rare, mais progresse rapidement. Les abeilles et les autres insectes pollinisateurs propagent les bactéries de fleur en fleur et une floraison abondante permet une dissémination efficace. La contamination des fleurs ouvertes par les bactéries n’entraîne pas nécessairement une infection et la maladie.

Les étapes nécessaires à l’infection des fleurs procèdent toujours dans l’ordre : éclosion, contamination, colonisation, infection.

Éclosion : Aucune bactérie n’est présente lors de l’ouverture de la fleur. La contamination des fleurs n’est possible que lorsque les pétales sont assez ouverts pour permettre la visite des insectes.

Contamination : Les insectes porteurs de la bactérie touchent aux stigmates (organe femelle) des fleurs ouvertes et les bactéries y sont déposées. Quand les sources de bactéries sont abondantes, la contamination a souvent lieu le même jour que l’éclosion ou le jour suivant, selon l’activité des pollinisateurs. Plus la contamination des fleurs est tardive après l’éclosion, moins elle est efficace. La pollinisation est également un frein à la contamination13. Lorsque la contamination a lieu tardivement après l’éclosion (ex. : 4 jours à 19 °C) sur des fleurs pollinisées, la multiplication bactérienne n’est plus possible.

Colonisation (multiplication) : Les stigmates des pommiers et des poiriers sont maintenus humides naturellement et les éléments nutritifs présents (ex. : glucose et fructose)14 permettent la germination du pollen, mais aussi la multiplication des bactéries15. Les bactéries sont concentrées à la surface des stigmates mais peuvent aussi se multiplier à proximité, sur la rainure (sillon) du style16. Sur les poiriers, la multiplication bactérienne peut également avoir lieu dans les nectaires qui sont humides, alors que les nectaires des pommiers ne sont habituellement pas favorables à la multiplication de la bactérie3. Quand le volume de nectar est important, le sucre dilué (sucrose)14 permet la multiplication des bactéries.

La vitesse de multiplication des bactéries est surtout liée à la température. Les seuils de population dangereux ne sont habituellement atteints que si la température dépasse 18 °C pendant la floraison. La température optimale pour la bactérie est de 28 °C. L’humidité de l’air n’a pas d’effet notable sur la vitesse de colonisation15,17. Cependant, la multiplication bactérienne est ralentie à mesure que les fleurs vieillissent et qu’elles sont pollinisées13. L’infection sur pommiers se produit seulement lorsque la population bactérienne des stigmates est suffisamment importante (plus de 10 000 voire 100 000 bactéries par fleur) pour permettre une migration d’un nombre suffisant de bactéries dans les nectaires qui sont le site principal d’infection.

Infection : Une courte période d’humectation par la pluie et/ou une rosée suffit pour la formation d’un film d’eau entre les stigmates au sommet des fleurs de pommiers et les glandes nectarifères (nectaires) qui sont situées au fond de la corolle15. La bactérie ne suit pas la voie empruntée par le pollen et ne pénètre pas dans l’arbre par le style16. La plupart des bactéries descendent le long du style en suivant une rainure naturelle16. Comme les bactéries entrent dans l’arbre par l’ouverture des nectaires, une période minimale d’humectation est requise pour que les bactéries migrent ou soient transportées jusqu’au site d’infection. Sans le film d’eau, les infections sont assez marginales voire inexistantes15. Quand la température au moment de l’infection est entre 20 °C et 28 °C, les bactéries peuvent nager dans le film d’eau en suivant la concentration des sucres du nectar (chimiotaxie). Lorsque la température est plus basse, le mouvement coordonné des bactéries est interrompu et les infections procèdent plus lentement. Le risque d’infection des nectaires diminue à mesure que la fleur vieillie18.

La quantité d’eau requise et/ou la durée d’humectation requise pour l’infection ne sont pas bien définies. Dans l’ouest américain, une période minimale de 2 heures d’humectation est jugée nécessaire pour provoquer une infection importante, alors qu’ailleurs des périodes plus courtes (quelques minutes) suffisent. Dans les tests en laboratoire à la température pièce, une humectation de moins d’une heure (52 min) suffit pour infecter 77 % des fleurs quand la population bactérienne sur les stigmate est élevée (> 106 CFU)17. Sur poiriers, le principe est semblable et la durée d’infection n’est pas non plus un facteur majeur19.

Les pulvérisations pendant la floraison peuvent provoquer une infection de feu bactérien quand les populations bactériennes sont suffisamment élevées et que le volume de bouillie est important (> 500 L/ha).

Les différences régionales peuvent être expliquées en partie par la pression osmotique. La quantité de bactéries qui pénètrent dans l’arbre est fonction de la pression osmotique au niveau des ovaires. Quand la pression osmotique est élevée (eau dans le sol abondante, ex. : -1 MPa), la progression des bactéries est facilitée. À l’inverse, quand la pression osmotique est faible, (temps très sec, déficit hydrique, ex. : -4 Mpa) l’infection est quasiment impossible17. Il est donc possible que le temps d’infection plus long rapporté dans les régions plus sèches soit dû à la plus grande difficulté d’infection.

Les variations au cours de la journée de la pression osmotique jouent aussi sur le moment d’infection. Les infections sont plus faciles tard la nuit ou tôt le matin quand le potentiel hydrique de la plante est à son maximum8.

De l’éclosion à l’infection en 48 heures

Lorsque la température est optimale pour la multiplication bactérienne, le temps requis entre l’éclosion des fleurs et l’infection est court. Le temps minimum entre la visite des fleurs par un insecte porteur de la bactérie (contamination) et l’atteinte d’une population bactérienne suffisante pour provoquer une infection significative est d’environ 36 h. Il est très rare que la séquence d’éclosion, contamination, multiplication et infection ait lieu en moins de 48 h et c’est pour cette raison que des traitements aux 48 h suffisent pour réprimer les infections. Voir la fiche sur les méthodes de lutte.

Mortes de vieillesse

Les fleurs sont au maximum de leur sensibilité au feu bactérien pendant 45 degrés-jours (base 4 °C) suivant l’éclosion et leur sensibilité décline graduellement avec l’âge20. La chute des pétales débute souvent pendant la période de sensibilité et n’est donc pas un bon indicateur de l’âge des fleurs20. Le vent peut aussi facilement faire tomber les pétales prématurément.

coupe transversale de fleur de pommier

La pousse annuelle préformée qui est issue du bourgeon floral est infectée au moment où la bactérie pénètre dans l’arbre, et cette propagation est à toute fin pratique indissociable des infections primaires sur fleurs. Ces pousses présentent les symptômes les plus caractéristiques de la maladie. L’apparition de ces symptômes a lieu de 5 à 30 jours après l’infection, mais la période d’incubation est variable selon la température et probablement la pression osmotique. Les températures plus chaudes et le temps humide favorisent une apparition plus rapide des symptômes.

 

Brûlure autre que florale

Bien que les infections florales constituent la principale porte d’entrée des bactéries dans l’arbre, certains types d’infection peuvent avoir lieu en l’absence de conditions favorables durant la floraison. La bactérie peut passer directement des chancres aux pousses à proximité. Le feu peut aussi être propagé aux autres pousses ou arbres environnants par des insectes et par le vent. Finalement, il peut envahir le porte-greffe.

Invasion systémique par les chancres

La brûlure par les chancres (canker blight) consiste en un mouvement systémique des bactéries des abords des chancres dans les nouvelles pousses immédiatement à proximité. Cette phase de la maladie débute avec la croissance végétative au printemps et a lieu indépendamment de la production d’exsudat externe. Cette phase de la maladie n’est jamais très grave, mais permet de maintenir des foyers de la maladie qui pourront se propager d’année en année.

Infection directe des pousses

La brûlure des pousses (shoot blight), et dans les cas graves, la brûlure dite de traumatisme (trauma blight) est possible dès le début de la saison tôt au printemps, à condition que la température ait permis à la population bactérienne de se multiplier. Elle peut commencer dès l’apparition d’exsudat à la surface des chancres et prend beaucoup d’ampleur lors de l’apparition des premiers symptômes des infections annuelles. Selon le modèle Maryblyt, l’exsudat commence à apparaître au stade pré-bouton rose, lorsque 52 degrés-jours sont accumulés en base 12,7 °C depuis la fin de l’hiver.

Les gouttelettes colorées d’exsudat sont souvent visibles sur les pousses récemment infectées et sont un excellent outil de diagnostic (voir fiche 105). Elles apparaissent suite à l’éclatement des tissus de la plante provoquée par la pression due à la présence d’un nombre élevé de bactéries21. Les gouttelettes fraîches sont visqueuses, mais leur consistance varie selon les conditions. Ces gouttelettes sont attirantes pour les insectes qui sont responsables de la propagation sur des distances assez courtes. Les mouches et les cicadelles, notamment la cicadelle de la pomme de terre, figurent parmi les insectes susceptibles d’être à l’origine d’une partie de ces infections. Les pucerons, qui sont peu mobiles, n’ont probablement pas de rôle important dans la dissémination de la maladie, surtout lorsqu’ils sont aptères.

Les bactéries peuvent aussi sortir de la plante sous forme « solide », en forme de filaments. Contrairement aux gouttes d’exsudat, les filaments sont extrudés21 par les ouvertures naturelles (ex. : stomates). L’extrudat est fréquemment produit en verger mais est peu visible parce que les filaments sont facilement confondus avec les poils (trichomes)22 et qu’ils sont instables quand l’humidité est élevée23. Les filaments sont entraînés par la turbulence et les vents d’intensité moyenne à forte21 et peuvent parcourir des distances importantes.

L’exsudat liquide et les filaments bactériens extrudés sont conjointement responsables des infections sur pousses en été.

Infection par traumatisme

En présence de symptômes actifs et pendant la saison de croissance, la pluie, le vent, la grêle et le temps violent en général peuvent à la fois déplacer les bactéries et générer des micro-blessures imperceptibles à l’œil nu, qui permettent temporairement aux bactéries d’envahir les pousses. Cependant, quand les arbres sont mouillés les bactéries peuvent aussi entrer directement dans la plante, en passant par les orifices naturels au pourtour des feuilles, les hydathodes. Parfois, un gel (température inférieure à -2 °C) peut provoquer le même genre d’infection. Dans les cas graves où les bactéries sont abondantes et où le temps est violent, l’arbre au complet peut y passer. Dans les cas de brûlure de traumatisme, tous les cultivars peuvent être affectés. De même, si aucune précaution n’est prise, toutes les opérations culturales, incluant l’éclaircissage, la taille et les pulvérisations peuvent contribuer à la propagation de la maladie.

Propagation du feu dans l’arbre

Suite à l’infection, les bactéries se multiplient rapidement et causent une mort rapide des tissus atteints. À la marge des tissus morts, l’affaissement des tissus encore vivants constitue un chancre. L’apparence du chancre diffère selon le moment de l’infection et la vitesse de propagation dans l’arbre. La concentration bactérienne est maximale aux abords des chancres, mais les bactéries restent détectables dans le tissu en apparence sain, beaucoup plus loin sur la branche. La distance parcourue par les bactéries et leur concentration est liée à la croissance de l’arbre. La méthode de migration des bactéries dans l’arbre est assez mal connue24. La voie principale de migration serait le mouvement entre les cellules de l’écorce, mais les bactéries descendent aussi à l’intérieur de l’arbre par les vaisseaux du xylème. Quand les bactéries atteignent le xylème, elles sont aspirées vers le bas de l’arbre8 par la pression osmotique. Les bactéries peuvent résider et se multiplier dans le xylème pendant des mois, sans provoquer de symptômes extérieurs8. C’est pour cette raison que du bois en apparence sain peut contaminer d’autres arbres lors des opérations de greffage.

Croissance et feu bactérien

L’invasion systémique des bactéries est fortement liée à la croissance. Les pousses verticales en forte croissance sont beaucoup plus à risque que les pousses plus horizontales. De même, les vergers trop fortement fertilisés ou en déséquilibre de production sont plus gravement atteints. L’eau dans le sol a une influence majeure sur la propagation du feu2,25,26. Dans les sols secs, la propagation du feu est beaucoup moins grave que dans les sols irrigués. Le feu bactérien est aussi en général moins grave dans les vergers drainés.

Les changements physiologiques associés à la fin de la croissance de l’arbre ont un effet immense sur le feu bactérien. À chaque année, les risques de brûlure des pousses et de traumatisme s’arrêtent quand la croissance annuelle est ralentie27 et que la physiologie de l’arbre change. Avec la fin de la croissance et la formation du bourgeon terminal, les parois cellulaires épaississent et l’écorce commence à se former à la base des pousses. Les pousses acquièrent une résistance dite « ontogénique » (liée à la maturation de la pousse).

Par ailleurs, les bactéries disparaissent graduellement des tissus vasculaires des pousses à maturité et ne se retrouvent qu’aux abords des chancres. Ainsi, un orage de grêle en juin est beaucoup plus à risque qu’un ouragan à la fin août, et ce, même si on observe encore de l’exsudat en fin d’été et à l’automne, notamment sur les porte-greffes et en lien avec les chancres. Ce sont les chancres « de dormance » qui permettront la survie à l’hiver de la maladie.

Invasion des porte-greffes

L’infection du porte-greffe est possible dès l’apparition des premiers symptômes de feu. Elle peut être liée à l’infection des drageons, comme la brûlure des pousses, mais elle est surtout causée par l’invasion par l’intérieur des arbres jusqu’au porte-greffe à mesure que la bactérie progresse de façon systémique à partir des points d’infection extérieurs. Cette invasion rapide ne provoque pas nécessairement la mort du porte-greffe. Des populations élevées de bactéries peuvent être présentes au niveau des racines sans que la maladie ne se déclare nécessairement. Certains porte-greffes (ex. : B9) résistent mieux que d’autres (ex. : M9).

Récolte des fruits

À la récolte, les arbres ne sont pas sensibles aux nouvelles infections et les risques de propagation du feu sont nuls, même si on observe parfois de l’exsudat liquide au niveau du porte-greffe et à la surface des chancres. Les populations bactériennes qui restent à la surface des feuilles et fruits sont très faibles et ne peuvent survivre longtemps. Par ailleurs, différentes études ont conclu qu’il est virtuellement impossible de propager le feu bactérien par les fruits en transit.

 

Références
  1. Provancher, L. Le verger canadien, ou, Culture raisonnée des fruits qui peuvent réussir dans les vergers et les jardins du Canada par L. Provancher. (J. Darveau, 1862).
  2. Zwet, T. & Keil, H. L. Fire blight, a bacterial disease of Rosaceous plants. Agriculture Handbook, Science and Education Administration (1979).
  3. Farkas, Á., Mihalik, E., Dorgai, L. & Bubán, T. Floral traits affecting fire blight infection and management. Trees-Structure and Function 26, 47–66 (2012).
  4. Sabourin, A. L’aubépine du Canada (Crataegus canadensis Sargent), une espèce à part entière, endémique au Québec et différente de l’aubépine subsoyeuse (Crataegus submollis Sargent). Le Naturaliste canadien 142, 6–15 (2018).
  5. Weißhaupt, S. et al. Alternative inoculum sources for fire blight: the potential role of fruit mummies and non-host plants. Plant Pathol n/a-n/a (2015) doi:10.1111/ppa.12431.
  6. Rougerie-Durocher, S., Philion, V. & Szalatnay, D. Measuring and modelling of apple flower stigma temperature as a step towards improved fire blight prediction. Agricultural and Forest Meteorology 295, 108171 (2020).
  7. Graf, B., Hopli, H. & Hohn, H. Improving the prediction of adult codling moth (Cydia pomonella L.) emergence in a natural environment. IOBC WPRS BULLETIN 24, 127–132 (2001).
  8. Billing, E. Testing theories on over-wintering twig blight, pre-bloom disease, shoot blight and stem invasion. Acta Hortic. 105–115 (2008) doi:10.17660/ActaHortic.2008.793.12.
  9. Ordax, M. et al. Medfly Ceratitis capitata as Potential Vector for Fire Blight Pathogen Erwinia amylovora: Survival and Transmission. PLOS ONE 10, e0127560 (2015).
  10. Johnson, K. B., Sawyer, T. L. & Temple, T. N. Rates of Epiphytic Growth of Erwinia amylovora on Flowers Common in the Landscape. Plant Disease 90, 1331–1336 (2006).
  11. Vögele, R. et al. Monitoring E. amylovora using real time PCR. in 14th International Conference on cultivation technique and phytopathological problems in organic fruit-growing. FÖKO eV Weinsberg, FÖKO eV 110–117 (2010).
  12. Kritzman, G. et al. Testing a Rapid Diagnostic Medium for Erwinia amylovora and Development of a Procedure for Sampling Blossoms in Pear Orchards. Phytopathology 93, 931–940 (2003).
  13. Pusey, P. L. & Curry, E. A. Temperature and pomaceous flower age related to colonization by rwinia amylovora and antagonists. Phytopathology 94, 901–911 (2004).
  14. Pusey, P. L., Rudell, D. R., Curry, E. A. & Mattheis, J. P. Characterization of stigma exudates in aqueous extracts from apple and pear flowers. HortScience 43, 1471–1478 (2008).
  15. Thomson, S. V. The role of the stigma in fire blight infections. Phytopathology 76, 476–482 (1986).
  16. Spinelli, F., Ciampolini, F., Cresti, M., Geider, K. & Costa, G. Influence of stigmatic morphology on flower colonization by Erwinia amylovora and Pantoea agglomerans. European journal of plant pathology 113, 395–405 (2005).
  17. Pusey, P. L. The role of water in epiphytic colonization and infection of pomaceous flowers by Erwinia amylovora. Phytopathology 90, 1352–1357 (2000).
  18. Pusey, P. L. & Smith, T. J. Relation of apple flower age to infection of hypanthium by Erwinia amylovora. Plant Disease 92, 137–142 (2008).
  19. Shwartz, H., Shtienberg, D., Vintal, H. & Kritzman, G. The interacting effects of temperature, duration of wetness and inoculum size on the infection of pear blossoms by Erwinia amylovora, the causal agent of fire blight. Phytoparasitica 31, 174–187 (2003).
  20. Philion, V. & Trapman, M. Description and preliminary validation of RIMpro-Erwinia, a new model for fire blight forecast. in Acta Horticulturae vol. 896 307–317 (International Society for Horticultural Science (ISHS), Leuven, Belgium, 2011).
  21. Eden-Green, S. J. Studies in fireblight disease of apple, pear and hawthorn (Erwinia amylovora (burr) Winslow et al. (1973).
  22. Keil, H. L. & Van der Zwet, T. Aerial strands of Erwinia amylovora: Structure and enhanced production by pesticide oil. Phytopathology 62, 355–361 (1972).
  23. Eden-Green, S. J. & Billing, E. Fireblight: occurrence of bacterial strands on various hosts under glasshouse conditions. Plant Pathology 21, 121–123 (1972).
  24. Billing, E. Fire blight. Why do views on host invasion by Erwinia amylovora differ? Plant Pathology 60, 178–189 (2011).
  25. Shaw, L. Intercellular humidity in relation to fire blight susceptibility in apple and pear. (Cornell University, 1935).
  26. Schouten, H. J. Multiplication of Erwinia amylovora in fruit-trees. 1. A simulation study on limitations imposed by temperature and water, weather and soil. European Journal of Plant Pathology 97, 171–186 (1991).
  27. Smith, T. J. Fire blight: barriers to control in the past and present/future control strategies. in Acta Horticulturae vol. XIII International Workshop on Fire Blight 1056 29–38 (International Society for Horticultural Science (ISHS), Leuven, Belgium, 2014).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 105

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

 

Voyez le feu bactérien sur Youtube à https://www.youtube.com/watch?v=4kk7HjBtLkc
La capsule vidéo de 8 minutes dresse un portrait du ravageur, montre ses caractères distinctifs, identifie les conditions qui influencent son développement, et vous plonge dans l’action du dépistage et des méthodes d’intervention recommandées en production fruitière intégrée.

 

La brûlure bactérienne affecte d’abord les fleurs (infections primaires), qui constituent le point d’entrée principal de la bactérie dans l’arbre. Après la floraison, on constate des symptômes comme le noircissement des pétales et parfois un signe caractéristique sur le pédoncule, soit une ou plusieurs gouttelettes d’exsudat bactérien, qui peuvent apparaître même en l’absence de noircissement, comme illustré sur la photo ci-après (notez la présence de gouttes translucides et de couleur crème).

feu bactérien: gouttelette d'exsudat sur un pédoncule de fleur de pommier

À l’inverse, il arrive que les infections sur fleurs ne laissent aucun indice visuel (asymptomatique), surtout lorsque les conditions d’infection étaient marginales.

Par la suite, la maladie se propage aux autres parties de l’arbre. Les symptômes les plus typiques sont un exsudat bactérien visible sur les jeunes rameaux en pleine croissance. Une fois atteints, ceux-ci peuvent prendre une couleur orangée, comme le montre la photo ci-après.

feu bactérien: jeune rameau de pommier orangé

Ensuite, les rameaux flétrissent et leurs extrémités se recourbent en forme de canne caractéristique, comme le montrent les photos ci-après. Les symptômes de canne sont facilement détectables, mais n’apparaissent que tardivement.

feu bactérien: rameaux de pommier en forme de canne

Les feuilles et les bouquets floraux touchés se dessèchent et prennent une texture souple particulière rappelant le cuir, comme illustré ci-après.

feu bactérien: feuille de pommier desséchée

Dans certains cas, les fruits infectés pourrissent sur l’arbre et peuvent présenter aussi des gouttelettes d’exsudat, comme le montre la photo ci-après.

feu bactérien: pomme infectée

Les fruits affectés finissent par se momifier et restent attachés à l’arbre toute la saison et jusqu’à l’année suivant l’infection, comme le montre la photo ci-après.

feu bactérien: pommes momifiées

Une zone affaissée (chancre) se développe sur les rameaux affectés; l’écorce est alors de couleur plus foncée. Les chancres de feu bactérien qui sont issus des infections les plus hâtives ont tendance à avoir une bordure bien définie, alors que les infections tardives ont tendance à produire des chancres à bordure indéterminée, comme le montrent les photos ci-après.

feu bactérien: chancre

Chancres de feu bactérien à bordure déterminée (craquée) sur le tronc de jeunes pommiers. À gauche : infection au début de l’année. À droite : infection l’année précédente.

feu bactérien: chancre

Chancre de feu bactérien à bordure indéterminée (lisse).

Les symptômes issus de l’infection du porte-greffe peuvent apparaître dès l’année de l’infection, mais peuvent aussi être décalés à l’année suivante. On note d’abord qu’à la fin de l’été, le feuillage des arbres malades a tendance à changer plus rapidement que sur les arbres sains. Selon les cultivars et la gravité des cas, on observe un rougissement du feuillage ou encore un dessèchement généralisé, comme illustré sur les photos qui suivent (notez également le noircissement du porte greffe à gauche).

feu bactérien: dessèchement généralisé et porte-greffe noirci

Le changement de couleur du feuillage n’est pas nécessairement une indication que le porte-greffe est gravement atteint ou que l’arbre va mourir. On observe très souvent que les arbres malades sont ensuite exempts de symptômes l’année suivante. Par contre, les symptômes sur le porte-greffe sont plus sérieux. Quand le feu atteint le porte-greffe au point de brunir le bois sous l’écorce, l’arbre est condamné. Un suintement d’exsudat sur la surface de l’écorce est aussi une indication que l’arbre est gravement atteint, mais ce symptôme est plus rare. Le simple noircissement superficiel de l’écorce ne prouve rien, il faut gratter l’écorce avec un sécateur pour révéler les symptômes sur le bois.

Les photos qui suivent montrent des porte-greffes infectés par le feu bactérien et un porte-greffe sain. À gauche, le porte-greffe est atteint et on peut voir un exsudat suintant. Au centre, le porte-greffe est atteint en on peut voir du bois bruni sous l’écorce, même si le bois du cultivar est sain. À droite, le bois du porte-greffe est sain.

feu bactérien: porte-greffe infecté et exsudat

feu bactérien: porte-greffe infecté et bois du cultivar sain

Tous les organes affectés par le feu bactérien peuvent produire des quantités immenses de bactéries sous forme d’exsudat liquide de différentes couleurs (blanc, crème, orangé et parfois rouge). L’apparition de cet exsudat est une indication fiable d’une infection par le feu bactérien. Par contre, l’exsudat finit par disparaître en séchant pour former des filaments bactériens qui sont difficiles à observer. En absence d’exsudat visible, les symptômes du feu bactérien peuvent être facilement confondus avec d’autres maladies ou dommages d’insectes et un diagnostic est nécessaire.

Confusion possible

Dans les jeunes plantations, les feuilles enroulées par la mineuse des bourgeons peuvent facilement passer pour des symptômes de feu bactérien. Les feuilles affectées par la mineuse sont sèches et croustillantes et la larve est souvent visible. Voir la fiche sur ce ravageur

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 106

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

 

Voyez le feu bactérien sur YouTube à https://www.youtube.com/watch?v=4kk7HjBtLkc!
La capsule vidéo de 8 minutes dresse un portrait du ravageur, montre ses caractères distinctifs, identifie les conditions qui influencent son développement, et vous plonge dans l’action du dépistage et des méthodes d’intervention recommandées en production fruitière intégrée.

Les changements importants dans l’architecture des vergers, le choix des cultivars et le climat au cours des dernières décennies ont eu pour effet d’augmenter considérablement les risques de feu bactérien. Conséquemment, les stratégies d’intervention ont beaucoup évolué pour faire face à cette nouvelle réalité. En outre, les pratiques valables à l’époque des pommiers de type standard et des cultivars tolérants ne sont pas adaptées aux pommiers à plus haute densité et aux cultivars plus sensibles. L’intensité des mesures qui sont nécessaires pour réprimer le feu doit s’adapter à chaque bloc de verger.

La gestion du risque du feu bactérien débute par un choix éclairé des cultivars et des porte-greffes lors de la plantation et par l’élimination annuelle de toutes les sources d’infection connues. Quand les conditions climatiques sont favorables au feu, les différentes stratégies de traitement doivent être adaptées à l’historique de feu du secteur, au cultivar et à l’âge des arbres. Simplement s’en remettre aux traitements antibiotiques durant la floraison expose au risque d’avoir de mauvaises conditions d’application, une erreur de synchronisation avec les conditions d’infection et une éventuelle résistance des bactéries au produit utilisé. À l’inverse, ignorer les indices de risque de cette maladie expose à la possibilité d’une épidémie majeure qui peut détruire un verger en une saison.

 

Nouveaux vergers
Choix des porte-greffes

L’établissement de vergers à haute densité implique nécessairement des branches latérales courtes et une croissance rapide pour assurer un retour sur l’investissement. Or ces deux éléments sont également des facteurs clefs pour l’invasion des racines par le feu bactérien et la mort de l’arbre. À défaut de choisir un mode de production plus extensif et des arbres de type semi-nains (ex. : MM106, MM111, M7) et/ou une croissance lente, la première ligne de défense est de choisir pour ses nouvelles plantations des porte-greffes résistants ou tolérants face à cette maladie. Les porte-greffes comme Budagovsky 9 & 10 (B9, Bud-9 et B9, Bud-10) et les porte-greffes de la série Geneva (ex. : G.41, G.935, G.30) n’empêchent pas la maladie d’attaquer les arbres, mais ils éliminent la phase la plus destructrice de la maladie, soit la mortalité liée à l’infection du porte-greffe. La probabilité de sauver un arbre en éliminant les parties affectées est beaucoup plus élevée quand le porte-greffe est tolérant à la maladie.

Tous les autres porte-greffes nanisants incluant les séries Malling (M9, M26, etc.), incluant toutes leurs variations (ex. : M9 Cepiland, Lancep, NAKB, Pajam, etc.), et Ottawa (O.3, O.8) sont très sensibles au feu bactérien et augmentent les risques. Même si le choix des porte-greffes ne repose pas seulement sur la sensibilité aux maladies, les risques croissants de feu bactérien doivent être pris en considération. Choisir un porte-greffe résistant peut compenser en partie le choix d’un cultivar sensible.

Choix des cultivars

En pomiculture, le choix du cultivar est rarement réalisé en fonction de la sensibilité aux maladies. Néanmoins, selon la sensibilité du marché visé par rapport à l’utilisation des antibiotiques, il peut être utile de réduire les risques de feu bactérien en choisissant un cultivar tolérant de concert avec un porte-greffe résistant. Par contre, les cultivars les moins sensibles au feu bactérien (ex. : McIntosh) ont souvent une valeur économique moindre que les cultivars les plus sensibles (ex. : Gala). Le tableau suivant propose une classification des principaux cultivars et porte-greffes de pommier en fonction de leur sensibilité à la brûlure bactérienne.

Il existe cependant des cultivars de poiriers très tolérants à la maladie (ex. : cultivars de la série Harrow). Pour d’autres fruits qui ne sont pas commercialisés par cultivar (ex. : coing1), la sélection de cultivars résistants est une avenue intéressante.

Sensibilité Cultivars Porte-greffes
Très sensibles Idared, Paulared, Jersey Mac, Rome Beauty, Gala, Golden Russet, Lodi, Cortland, GingerGold, JonaGold, Mutsu, Wealthy M26, MM106
Sensibles Golden Delicious, Honeycrisp*, Spartan, Lobo, Northern Spy
Peu sensibles Délicieuse, Empire, Liberty, McIntosh, McFree MM111
Tolérants ou résistants B.9, M7, série Geneva

*Les fleurs de Honeycrisp comme celles de tous les cultivars sont sensibles au feu mais comme la floraison de Honeycrisp est hâtive et que le bois est assez tolérant, cette variété est souvent moins affectée.

Même si la propagation bactérienne est favorisée par la succession florale dans le temps et que la température a tendance à augmenter entre la floraison de chaque cultivar, il n’y a pas de lien direct entre la date de floraison des cultivars et leur sensibilité au feu bactérien. Cependant, les cultivars avec une floraison étalée sont plus sensibles au feu bactérien puisqu’ils peuvent être infectés sur une plus longue période. C’est le cas notamment de certains cultivars utilisés pour la pollinisation (ex. : Wealthy) et la Gala.

Choix de la pépinière

Les arbres vendus en pépinière peuvent facilement être porteurs de la maladie, mais sans qu’aucun symptôme ne soit visible (asymptomatique). Les arbres asymptomatiques sont aussi la cause principale d’introduction de souches résistantes à la streptomycine2. Il peut s’écouler quelques années avant qu’un arbre contaminé à la pépinière présente des symptômes (infection latente). Aucun programme de certification n’existe pour assurer que les arbres sont exempts de maladie. Il est donc important de bien choisir la source des arbres. Les pépinières ne devraient jamais récolter le bois de greffe dans des vergers avec un historique de feu bactérien puisque le bois de greffe en apparence sain, est parfois porteur de la maladie (population endophyte)3.

Plantation et arbres non en production

L’année de plantation, la floraison des nouvelles parcelles est presque toujours décalée par rapport à la floraison des parcelles établies. Cet écart favorise le feu bactérien de deux façons : premièrement, les populations bactériennes ont le temps de se développer dans les parcelles avoisinants les nouvelles plantations et le risque de contamination est donc accru; deuxièmement, la température généralement plus chaude lors des floraisons tardives permet aux bactéries de se multiplier sur les fleurs des nouveaux pommiers. Or toutes les infections sur des arbres très jeunes et en forte croissance mènent invariablement à des dommages importants. Conséquemment, il est absolument essentiel d’éliminer cette floraison et différentes solutions sont possibles : a) éliminer les fleurs des nouveaux vergers à mesure qu’elles ouvrent (manuellement ou chimiquement), b) s’assurer de bien les protéger avec des produits efficaces (ex. : cuivre, streptomycine, kasugamycine, BLOSSOM PROTECT), c) acheter des arbres traités de sorte qu’ils ne fleuriront pas la première année. Par exemple, les arbres traités 3 fois en pépinière avec GA3 ou GA4+7 (250 mg·L–1) produisent très peu de fleurs la première année4.

  1. L’élimination manuelle des fleurs est fastidieuse, mais est utilisée largement. Les traitements pour brûler les fleurs (ex. : bouillie soufrée) sont possibles, mais leur efficacité dans ce contexte n’est pas connue.
  2. Sur des arbres non en production, la phytotoxicité du cuivre n’est pas un problème. Cependant, le cuivre a une efficacité limitée durant la fleur. Malgré l’efficacité limitée, un traitement au cuivre sur les nouvelles plantations a l’avantage de réprimer une partie de la population de bactéries résistantes à la streptomycine qu’on peut trouver sur les arbres en provenance des pépinières américaines, même sur des arbres en apparence exempts de symptômes. Comme le cuivre s’accumule et qu’il est toxique pour l’environnement (notamment pour les vers de terre) (fiche 50), son usage est controversé.
  3. L’année précédant la plantation, il est possible de traiter les jeunes arbres avec une hormone de croissance végétale (giberelline) pour inhiber l’induction florale et empêcher la production de bourgeons floraux pour l’année suivante.

En cas d’attaque sur les très jeunes arbres, il est possible d’éliminer les parties atteintes en coupant dans le bois sain en amont, mais souvent l’arbre est condamné et il est souvent plus rentable de l’arracher.

 

Âge des pommiers

Les risques de mortalité liés au feu bactérien sont particulièrement élevés dans les vergers de moins de 7 ans, principalement à cause de l’invasion possible du porte-greffe. Lorsque les pommiers sont plus âgés, les dommages sont limités aux branches et l’invasion du porte-greffe risque beaucoup moins de causer la perte de l’arbre. Dans les cultivars moins sensibles (ex. : McIntosh, Empire, Spartan), la maladie peut passer inaperçue pendant la saison et néanmoins causer la mort de l’arbre parce que la bactérie a pu circuler jusqu’au porte-greffe sans provoquer de symptômes sur les branches. C’est pourquoi lors des années à risque très élevé, les traitements au printemps sont recommandés sur tous les jeunes arbres sur porte-greffes sensibles, sans égard au cultivar.

 

Interventions annuelles

Selon le cas de figure, les principales recommandations d’interventions se résument en trois étapes : l’éradication des foyers par la taille pendant la saison morte, des traitements au printemps en cas de risque pendant la période florale et éventuellement des stratégies d’urgence qui comprennent des traitements et l’éradication des symptômes par une taille spécifique en été.

Taille des chancres bactériens à l’automne et durant l’hiver

Dans les vergers où des symptômes de feu bactérien ont été détectés, l’élimination des chancres par la taille de dormance contribue à réduire le nombre de foyers actifs pour les années suivantes. Le meilleur moment pour effectuer cette taille est avant la chute des feuilles pour faciliter la localisation des branches affectées5.

Les chancres à bordure indéterminée (voir la fiche 105) sont beaucoup plus actifs que les chancres à bordure déterminée et devraient être ciblés pour l’élimination. Il est possible de les éliminer par curetage, mais il faut s’assurer de les éliminer entièrement et donc de cureter jusque dans le bois apparemment sain. . Le curetage peut être fait avec une scie à chaine, des couteaux d’horticulture ou même des gouges5. Quand c’est impossible, il faut éliminer la branche porteuse. Il faut surtout éviter d’éliminer seulement les branches mortes et laisser le chancre à la base en place. Comme la localisation des chancres peut être difficile, il est souvent utile de passer deux fois par rangée, idéalement en sens inverse et à un autre moment de la journée pour éviter l’éblouissement et visualiser les branches par un autre angle. Dans bien des cas, les arbres bien nettoyés ne sont plus porteurs de la maladie. Autrement, le nettoyage contribue néanmoins à diminuer l’inoculum même si les plus petits chancres passent inaperçus. Il arrive parfois que le feu bactérien resurgisse sur les mêmes arbres pendant des années. Dans ces cas, il est préférable d’arracher les arbres atteints. Lors de la taille pendant la saison de dormance, les risques de contagion avec les outils ou par le bois de taille sont nuls.

Pousse infectée par le feu bactérien, issue d’un chancre laissé en place durant l’hiver.

Interventions au printemps (préfloral et floraison)

Nettoyer les abords des vergers : La période préflorale du pommier est le meilleur moment pour localiser et éliminer les pommiers sauvages, aubépines, sorbiers (cormiers), amélanchiers et autres hôtes alternes qui fleurissement un peu avant les vergers commerciaux et qui maintiennent des sources d’inoculum à proximité des vergers. L’élimination des hôtes alternes, lorsque possible, est certainement la méthode préventive la plus ancienne5 et une des plus efficace pour limiter les risques. Quand elle est possible, une gestion sévère des plantes sensibles aux abords des vergers peut réduire le risque de 90 %6.

Irrigation, drainage et humidité dans le verger : Pendant la période de la floraison, la disponibilité de l’eau dans le sol a un impact important sur la sévérité de la maladie. Corriger le drainage peut aider à réduire la sévérité des infections. Limiter l’irrigation (goutte à goutte, etc.) au minimum ou attendre la période post florale avant d’irriguer. Limiter l’apport en eau ralentie la multiplication bactérienne sur les stigmates et limite l’entrée des bactéries dans l’arbre en cas d’infection7,8. L’humidité dans l’air facilite la formation de rosée qui peut provoquer l’infection. Limiter la croissance du couvre sol aide à réduire la transpiration et fait baisser l’humidité dans le verger.

Fauchage des fleurs : Plusieurs plantes qui ne sont jamais affectées par le feu bactérien contribuent par leur floraison à augmenter la population bactérienne en verger9,10. Le fauchage des pissenlits, du trèfle et d’autres plantes en fleurs pourrait limiter la contamination des fleurs de pommiers.

Fertilisation azotée : Les apports d’azote favorisent la croissance qui en retour augmente la sensibilité au feu bactérien. L’azote appliqué au sol au printemps est particulièrement problématique puisqu’il devient disponible à l’arbre seulement en cours d’été, au moment où la croissance favorise la propagation du feu. Limitez au minimum tous les apports d’azote.

Traitements phytosanitaires : Au niveau des pulvérisations, il existe trois fenêtres d’interventions possibles avant l’apparition d’éventuels symptômes. Le choix des traitements et leur combinaison éventuelle est fonction du risque appréhendé et du mode de culture. La décision d’appliquer du cuivre doit être prise au débourrement selon l’historique de feu local, mais avant de connaître les risques climatiques de la saison, alors que les traitements durant la floraison et de fin de floraison peuvent tenir compte des risques climatiques qui ont eu cours pendant la floraison.

  • Cuivre : Un traitement de cuivre fixe (oxychlorure de cuivre) diminue la production bactérienne des chancres et est recommandé pour au moins les deux printemps suivant une infection. Dans la documentation classique, on réfère à un traitement au stade dormant. Or, le cuivre appliqué trop tôt a peu d’impact sur le feu bactérien. Il est préférable de retarder le traitement et de l’appliquer après le débourrement, voire même au stade du débourrement avancé, mais pas plus tard qu’au stade du pré-bouton rose, puisque le cuivre est phytotoxique et peut causer de la roussissure sur les fruits de certains cultivars s’il est appliqué trop tardivement. Le traitement peut être fait en mélange avec l’huile supérieure. Le cuivre appliqué à ce moment est également efficace comme traitement contre la tavelure.
Interventions durant la floraison

Traitements floraux : Pendant la floraison, des applications de bactéricides et/ou de BLOSSOM PROTECT (levure antagoniste) sont recommandées selon l’âge et le cultivar lorsque des sources de bactéries sont présentes, que les conditions climatiques favorisent la multiplication bactérienne et que des conditions d’infection sont prévues avec les modèles (ex. : Cougarblight et RIMpro-Erwinia).

Bactéricides : L’utilisation des antibiotiques en agriculture est un sujet de controverse. Il existe deux bactéricides très efficaces homologués au Canada qui peuvent être utilisés pendant la floraison. Une application de streptomycine ou de kasugamicyne à une dose suffisante dans les 24 à 48 heures précédant ou pour la streptomycine dans les 24 heures suivant le moment de l’infection reste l’intervention la plus flexible et la plus efficace pour réprimer le feu bactérien. Voir fiche 49.

Les antibiotiques protègent surtout les fleurs ouvertes au moment du traitement et les traitements ne sont pas redistribués par les pluies. La streptomycine appliquée sur les fleurs avant leur éclosion est en partie absorbée mais n’a qu’un effet partiel11. Les fleurs nouvellement écloses après le traitement doivent faire l’objet d’applications additionnelles lorsqu’elles sont à risque.

Les traitements avec des antibiotiques devraient idéalement être séparés des autres traitements puisque les mélanges peuvent influencer l’efficacité12. Cependant, cette baisse d’efficacité n’a pas été observée avec des formulations récentes. Même si les antibiotiques sont graduellement dégradés par la lumière, la période de sensibilité de chaque fleur est aussi limitée dans le temps. Au bilan, les fleurs traitées restent bien protégées jusqu’à la fin de leur période de sensibilité à la maladie, malgré la dégradation de l’antibiotique.

Concrètement, les traitements réalisés plus de 48 heures avant le moment de l’infection présumée peuvent laisser un nombre considérable de fleurs non traitées, où les bactéries pourront atteindre des populations suffisantes pour provoquer une infection. Ça n’arrive pas tous les ans. Les fleurs ouvertes moins de 48 heures avant l’infection ne présentent pas trop de risques, puisque la population bactérienne n’a pas le temps d’atteindre les seuils à risque. À l’inverse, retarder le traitement après le moment de l’infection est risqué. En effet, l’efficacité du traitement diminue à mesure que les bactéries envahissent la plante et cette stratégie accélère le développement de la résistance. De plus, les conditions météos peuvent rendre difficiles les interventions. À la dose recommandée sur des arbres de gabarit moyen (ex. : 1 kg/ha), les traitements jusqu’à 24 h après l’infection sont normalement assez efficaces13. Consultez la fiche 49 du guide PFI pour plus de détails.

La résistance de la bactérie à la streptomycine est fréquente aux États-Unis et pourrait nous atteindre un jour. Il existe deux mécanismes majeurs de résistance. La forme la plus fréquente (mutation de rpsl) est surtout confinée à l’ouest des États-Unis. C’est une mutation spontanée dont la propagation est favorisée par un usage fréquent des antibiotiques. La deuxième forme (strA-strB), n’est pas transmissible entre les souches et sa présence est donc associée à des mouvements d’arbres porteurs14. Actuellement, la résistance à la streptomycine est fréquente seulement dans l’Ouest américain, canadien et au Michigan. Depuis 2001, certains cas sont apparus dans l’ouest de l’état de New York et les deux formes de résistances étaient présentes lors d’un dépistage extensif effectué en 2014. Quoique rare, elle subsiste à ce jour15. Selon les informations disponibles, la résistance dans l’état de New York est liée à l’importation d’arbres malades porteurs de bactéries résistantes en provenance de l’ouest américain et d’un usage fréquent de la streptomycine2.

Il n’y a pas de résistance aux antibiotiques rapportée à ce jour au Québec malgré un suivi étroit, notamment en 2016 (V. Toussaint, AAC comm. pers.). Cependant, si vous avez des doutes quant à l’efficacité de la streptomycine, le Laboratoire de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ peut évaluer la résistance à partir de vos symptômes et les résultats sont disponibles en 10 jours.

Certaines mesures simples sont possibles pour retarder l’arrivée de la résistance à la streptomycine. En principe, une rotation entre les antibiotiques pourrait permettre de retarder d’éventuels problèmes de résistance. En pratique, le coût de la kasugamycin n’incite pas à faire des rotations. D’autres mesures plus efficaces consistent à : traiter la streptomycine seulement lorsque c’est nécessaire, limiter les traitements à la période florale, ne pas appliquer de streptomycine dans un verger affecté sans avoir pris d’autres mesures pour éliminer les symptômes et ne jamais utiliser de bois de greffe ou importer des arbres d’un verger où la maladie est présente. Aucun cas de résistance n’a été rapporté quand ces mesures de prévention étaient suivies. À l’inverse, la résistance est fréquente partout où l’usage de la streptomycine est abusif. Or, une fois que la résistance à un antibiotique est installée, elle est permanente.

Alternatives aux antibiotiques : Différentes alternatives aux bactéricides ont été homologuées pour réprimer les infections florales. Les antagonistes bactériens (SERENADE, BLOOMTIME) ont démontré une certaine efficacité, quoique moindre que celles des antibiotiques. Actuellement, la seule alternative aux antibiotiques qui soit aussi efficace qu’eux est le BLOSSOM PROTECT, une levure antagoniste du feu bactérien. Le moment d’utilisation de ce produit est similaire à celui des antibiotiques, sauf que les conditions d’usage sont un peu plus restrictives. Les traitements de BLOSSOM PROTECT doivent être appliqués au minimum 18 h avant le moment de l’infection. Les traitements réalisés plus de 48 h avant l’infection ne permettent pas toujours de couvrir le risque pour les fleurs ouvertes après le traitement. Lorsque les conditions sont très favorables à la maladie, l’intervalle maximum entre les traitements est donc de 48 h. Ce scénario est assez rare. Dans les années très à risque, un traitement par jour pourrait être nécessaire pour éviter un trou de plus de 48 h entre les applications. Par exemple, un traitement le 21 mai AM et impossibilité de traiter le 23 mai AM, alors il vaut mieux traiter le 22 mai en soirée (intervalle de 36 h) que d’attendre le 23 mai PM (intervalle de 56 h). Cependant, multiplier les traitements pour couvrir toutes les fleurs augmente considérablement les coûts et les risque de roussissure, surtout quand les conditions sont pluvieuses. Limitez à 3 ou 4 traitement par bloc au maximum.

De plus, comme il s’agit d’un champignon, ce produit est incompatible en mélange avec la plupart des fongicides, sauf quelques exceptions : le soufre (ex. : KUMULUS), les AP (ex. : SCALA, VANGARD) et les SDHI (LUNA et probablement FONTELIS). Par contre, tous les fongicides peuvent être utilisés un jour avant ou deux jours après un traitement avec BLOSSOM PROTECT sans nuire à son efficacité.

Synchronisation des traitements : Il est possible d’appliquer les traitements antibiotiques et le BLOSSOM PROTECT selon les indications de l’étiquette, soit en lien avec l’ouverture des fleurs plutôt qu’en lien avec le risque de feu bactérien. Cependant, cette approche, qui peut nécessiter jusqu’à trois ou quatre traitements pour chaque cultivar, résulte le plus souvent en des traitements inutiles quand les risques sont faibles et peut néanmoins faire rater le moment optimal quand les risques sont élevés. Selon les années, de zéro à un maximum de deux traitements peuvent être requis par cultivar. Pour optimiser les traitements, l’utilisation d’un logiciel peut être utile. À cet égard, le simulateur RIMpro-Erwinia, disponible en ligne peut vous aider à déterminer si une intervention est nécessaire et cibler le moment le plus propice pour le traitement.

Comme les traitements ne protègent que les fleurs ouvertes, la nécessité d’un traitement additionnel est établie en fonction du risque encouru sur les nouvelles cohortes de fleurs ouvertes après le traitement. Par exemple, pour un traitement le 15 mai, il faut établir si les fleurs en éclosion à partir du 16 mai sont à risque.

En pratique, la contamination des premières fleurs de la saison est très rare (fiche 104) et l’infection des premières fleurs nouvellement ouvertes de l’année ne peut pas provoquer une infection grave. Les traitements en tout début de floraison sont en pratique jamais requis. À l’inverse, les dernières fleurs à ouvrir sont plus souvent contaminées parce que les insectes ont pu distribuer les bactéries sur l’ensemble du verger. Il est donc important de bien identifier les périodes d’infections potentielles sur les dernières fleurs à ouvrir. Les traitements réalisés plus de 4 jours après la date d’éclosion des dernières fleurs ne sont pas utiles.

En résumé, il vaut mieux attendre autant que possible pour viser un maximum de fleurs ouvertes avant de faire un traitement, mais le traitement doit être appliqué environ un jour avant l’infection.

Suivez avec attention les conditions météorologiques et renouvelez les traitements au besoin. Les risques d’infections et les recommandations de traitement sont diffusés sur le réseau de répondeurs régionaux du MAPAQ en pomiculture.

Autres traitements durant la floraison

Le régulateur de croissance APOGEE ou KUDOS qui est normalement utilisé pour atténuer la croissance des arbres est très efficace pour réduire le feu bactérien sur pousses16,17, autant sur pommier que sur poiriers18. Ce régulateur de croissance n’empêche pas les attaques sur fleurs, mais limite énormément la progression de la maladie en cours d’été. Pour être complètement efficace, le début des traitements ne doit pas être retardé. Le premier traitement peut être appliqué aussitôt qu’au bouton rose19 et devrait être appliqué quand les pousses mesurent environ 5 cm, soit souvent avant la chute des premiers pétales.

Ce produit provoque l’augmentation de l’épaisseur des cellules20, ce qui empêche l’entrée des bactéries dans la pousse. Cette protection des pousses n’est pas parfaite, mais réduit grandement la sévérité des attaques lors des épisodes de grêle ou de temps violent. La période de protection débute environ deux semaines après le traitement et dure approximativement un mois. Sous nos conditions, un deuxième traitement environ trois semaines après le premier est nécessaire pour protéger les arbres partiellement jusqu’à la fin juillet. Par exemple, un traitement le 21 mai et 11 juin pourraient couvrir le risque jusqu’au 13 juillet. Par la suite, les risques de feu diminuent grandement.

APOGEE ou KUDOS ne peuvent se substituer entièrement aux antibiotiques ou au BLOSSOM PROTECT dans les vergers les plus à risque. Par contre, il peut être intégré dans une stratégie de combinaison pour les cas les plus problématiques, ou alors comme pare-feu unique dans les vergers moins à risque. Comme ce produit réduit la croissance des arbres, il n’est pas conseillé dans les très jeunes vergers et son utilisation devrait être validée auprès d’un agronome-conseil. Voir la fiche 49 pour plus de détails sur ces produits.

Éclaircissage hâtif : Une fois la fleur reine pollinisée, il est possible de provoquer à dessein une phytotoxicité florale avec du thiosulfate d’ammonium (ATS), du bicarbonate de potassium ou de la bouillie soufrée pour limiter la pollinisation des fleurs secondaires. Dans le cas de la bouillie soufrée, l’effet d’éclaircissage peut être augmenté avec l’ajout d’huile de poisson, d’huile minérale agronomique d’été ou d’huile végétale. Voir la fiche 50 pour les détails. Cette intervention permet de réduire les risques de feu bactérien de 2 façons : 1) les fleurs tuées qui sont inutiles à la production ne permettront pas la multiplication bactérienne, ni l’infection; 2) la bouillie soufrée et l’huile de poisson ont un effet répulsif pour les abeilles.

Les techniques d’éclaircissage mécanique comme l’appareil Darwin peuvent contribuer légèrement à propager les bactéries déjà présentes dans le verger21. Cependant, le risque d’aggraver le feu bactérien avec cet appareil est faible puisque l’éclaircissage mécanique a normalement lieu avant l’arrivée des bactéries. De plus, Darwin pourrait potentiellement réduire l’impact du feu bactérien en diminuant le nombre de portes d’entrées naturelles pour la bactérie. Les blessures transitoires créées par les fils rotatifs sont probablement moins favorables pour l’envahissement bactérien que les glandes nectarifères des fleurs. Notez cependant que l’usage simultané de la bouillie soufrée et de Darwin peut provoquer un éclaircissage trop intensif.

Les stratégies d’éclaircissage floral s’inscrivent en complémentarité dans un plan plus complet de gestion du feu et ne sont pas assez efficaces pour se substituer entièrement aux autres traitements.

Manutention des ruches : Même si les abeilles sont reconnues comme des vecteurs importants des bactéries responsables du feu bactérien, leur rôle dans la pollinisation est souvent incontournable et la gestion du feu bactérien doit en tenir compte en intégrant les traitements appropriés et en retirant les abeilles des vergers dès la pollinisation terminée. Dans tous les cas, la pollinisation dans un verger contaminé n’est pas possible sans propager les bactéries déjà en place. La pollinisation et la contamination sont assurées par les insectes indigènes en absence d’abeille.

Les bactéries ne peuvent pas survivre à l’hiver dans les ruches, mais peuvent subsister en cours de saison22. Conséquemment, les abeilles contaminées par les bactéries peuvent propager le feu par le déplacement des ruches, mais seulement lorsque le déplacement est fait pendant la période de floraison. En dehors de la période de floraison, les abeilles n’ont pas de rôle dans l’épidémiologie du feu. Comme la floraison est presque synchronisée dans les grandes régions de production, le déplacement des abeilles d’un verger à un autre pendant la période de floraison est rare au Québec. Cependant, un déplacement de ruches contaminées vers les régions où la floraison est plus tardive (ex. : Québec) pourrait disséminer la bactérie.

Une fois que les conditions pour une bonne pollinisation ont été atteintes, laisser les abeilles dans le verger constitue un risque inutile de propagation des bactéries responsables du feu bactérien. Le retrait des abeilles du verger une fois la fleur reine pollinisée est une bonne façon de réduire la contamination des fleurs tardives, qui n’ont pas une grande valeur économique et qui sont à l’origine des infections importantes.

La streptomycine et la kasugamycine ne sont pas toxiques aux abeilles et ces antibiotiques peuvent être appliqués sans problème. La streptomycine a d’ailleurs longtemps été utilisée pour réprimer la loque de l’abeille domestique. Par contre, notez que le risque de contamination du miel par les antibiotiques, bien que faible, n’est pas nul. Pour éviter la contamination, il faut de préférence appliquer les traitements après le vol des abeilles, et placer les ruches en bordure du verger afin d’éviter que les résidus n’atteignent la ruche. Il est également possible de recouvrir les ruches d’une bâche avant un traitement en soirée. La contamination possible du miel est un des arguments en faveur du bannissement des antibiotiques, soyez donc vigilants et prudents.

Interventions d’urgence

Même quand toutes les mesures de prévention sont en place, l’apparition de foyers demeure possible en été, notamment à cause des infections qui ont lieu en dehors de la période florale. Quand la maladie est bien gérée, ces sorties de symptômes sont limitées. À l’autre extrême, en absence de prévention, des foyers peuvent apparaître soudainement dans tout le verger. Entre le moment de l’apparition des symptômes et pendant toute la période de croissance, la maladie peut s’aggraver rapidement sur les arbres atteints et contaminer les arbres avoisinants. Tous les vergers affectés peuvent servir de source d’inoculum et peuvent contaminer des vergers de grande valeur et/ou très sensibles à la maladie (Gala, Honeycrisp, etc.) qui sont à proximité. Conséquemment, l’option de ne «  rien faire en été » est à envisager seulement dans les parcelles isolées où les risques de contamination aux parcelles environnantes est faible. En absence de risque de contamination, les interventions d’urgence ne sont pas nécessaires dans tous les blocs. Dans les blocs très peu vigoureux, la maladie reste souvent cloisonnée aux bouquets atteints et les interventions peuvent attendre à l’hiver.

Le feu bactérien est une maladie communautaire. Comme d’autres vergers sont souvent limitrophes à la parcelle atteinte, il est important de déployer tous les efforts nécessaires pour limiter la propagation.

Toutes les interventions recommandées lorsque des symptômes apparaissent en cours de saison ont été regroupées dans cette section. Une section spécifique sur les traumatismes décrit les interventions recommandées suivant une tempête dans les vergers où le feu est une menace.

Apogee/KUDOS

Jusqu’à tout récemment les interventions avec le régulateur de croissance prohexadione-Ca après le stade calice étaient considérées peu efficaces23. Il existe cependant deux fenêtres utiles d’intervention d’urgence : Dès la sortie des premiers symptômes ou à la suite d’un traumatisme (ex. : grêle) (voir cette section).

Les applications faites rapidement après l’apparition des premiers symptômes (mi-juin) protègent les pousses saines et limitent la production d’exsudat bactérien sur les pousses déjà atteintes24. Pour profiter au maximum de l’effet, les traitements doivent débuter dès les premiers indices de la maladie, soit avant que les symptômes virent bruns. Appliquez la dose la plus forte recommandée et renouvelez le traitement après deux semaines.

Taille d’éradication : principes : Une taille rapide aide l’arbre à circonscrire la bactérie et à l’emmurer. Les chancres qui peuvent apparaître seront dans ce cas le plus souvent à bordure « définie » et produiront moins d’inoculum l’année suivante. Limiter la propagation en été réduit donc les risques pour l’année suivante. À l’inverse, une progression tardive des symptômes mène à des chancres à bordure « indéterminée » qui sont souvent actifs au printemps suivant. S’il est vrai que l’élimination rapide du feu bactérien dans les arbres en forte croissance peut stimuler la croissance de nouvelles pousses sensibles, les conséquences de retarder la taille sont souvent pires. Quand les symptômes ne sont pas trop nombreux, l’éradication rapide des symptômes par la taille en été est toujours préférable à ne rien faire5. Par contre, quand le nombre de branches atteintes est élevé, la taille peut carrément aggraver la maladie et n’est pas toujours rentable24 notamment sur poiriers25. Dans les cas extrêmes, il est donc préférable de ne pas tailler les branches immédiatement et d’attendre après la récolte pour couper les branches malades. Ainsi, dans les vergers de type standard et/ou les vergers à maturité de cultivars « tolérants » (ex. : McIntosh), la taille n’est pas recommandée. Malgré l’abondance des symptômes, ces arbres sont généralement moins affectés, notamment en présence d’une récolte abondante qui arrête la croissance plus rapidement.

À l’inverse, dans les blocs vigoureux de vergers très à risque de mortalité (notamment les jeunes pommiers greffés sur M26 et M9) où des symptômes sont découverts, il faut rapidement éliminer les foyers à mesure qu’ils apparaissent pour limiter les dégâts. Un retard de deux semaines dans l’éradication des symptômes entraîne six fois plus de dommages qu’une intervention immédiate.

La priorisation des parcelles à tailler est fonction des risques de contamination à d’autres arbres, de la sensibilité de la parcelle (âge, vigueur, cultivar) atteinte et la proportion des branches atteintes. Le principe hospitalier du « triage » selon l’urgence est souvent nécessaire lors des opérations de taille d’éradication estivale.

Trois cas de figures usuels :

  1. Symptômes limités aux bouquets et cultivars tolérants (ex. : McIntosh) : Les dangers de propagation aux autres parcelles sont moindres en absence d’exsudat et les arbres atteints ne sont pas à risque de mortalité.
  2. Quelques pousses infectées : Une intervention agressive est toujours rentable.
  3. Pousses multiples infectées = une intervention agressive peut entraîner plus de problèmes, mais ces cas sont aussi les plus problématiques pour la contamination des parcelles avoisinantes. Le régulateur de croissance Apogee/Kudos (voir cette section) est à considérer.

Priorisation des interventions (démarche commune proposée par le comité de suivi du feu bactérien). Dans chaque cas, les interventions devraient commencer par les cultivars les plus sensibles :

  1. Intervenir prioritairement sur les parcelles en implantation (commencer par 1 an, 2 ans… ainsi de suite jusqu’à 5 ans)
  2. Intervenir ensuite sur les parcelles en production ayant une forte croissance végétative (propagation plus rapide)
  3. Intervenir sur les parcelles infestées à proximité des parcelles mentionnées au point 1 et 2 ci-dessus et à proximité de vos voisins.
  4. Intervenir ensuite sur les parcelles adultes à croissance plus faible.

Taille d’éradication : méthode : Il est possible d’arracher les bourgeons ou les pousses infectés à la main ou encore de couper avec un sécateur au besoin. Lorsque les symptômes sont à l’évidence restreints aux bourgeons, il n’est probablement pas nécessaire de tailler plus loin. Quand les pousses sont infectées, on recommande souvent de couper 30–45 cm en amont des symptômes, ou jusqu’à du bois de trois ans ou plus, ou jusqu’à la tige centrale, selon le cas. Il faut adapter la taille aux circonstances. Une taille plus agressive dans des cultivars très sensible sur lesquels la propagation est rapide comme Paulared ou Cortland vous évitera d’avoir à recommencer trop souvent pour arriver au même résultat. Plusieurs recommandent de laisser un moignon de bois plutôt que de faire des coupes agronomiques. En plus de servir de « pare-feu », ce moignon sera facilement localisable lors de la taille d’hiver et vous permettra d’éliminer plus facilement d’éventuels chancres en bordure de la coupe.

Dans la littérature classique, on recommande souvent de stériliser les sécateurs pour éviter la propagation de la maladie pendant les interventions de taille en été. Or cette recommandation a un impact majeur sur la vitesse des opérations et n’est pas nécessaire. Bien qu’il soit possible de transmettre la maladie avec des outils contaminés et que cette possibilité soit connue depuis très longtemps5, les risques réels sont assez limités. Si la désinfection des outils est néanmoins jugée nécessaire (ex. : contact accidentel avec l’exsudat bactérien), privilégiez le LYSOL ou du VIRKON. L’eau de Javel et l’alcool sont efficaces, mais très corrosifs pour les outils. D’autres formulations non corrosives sont possibles.

En autant que les coupes sont toujours faites par temps sec, dans du bois sain, que les équipes de travail sont conscientes des risques de propagation du feu et qu’elles évitent les contacts entre les symptômes, les sécateurs et les branches saines, l’utilisation de sécateurs stériles et l’élimination du bois de taille n’est pas nécessaire. Lorsque les consignes sont respectées, le risque de propagation est faible et la stérilisation a surtout pour effet de ralentir les opérations de nettoyage. À l’inverse, les opérations d’éradication du feu bactérien par temps pluvieux ou sur des arbres mouillés augmentent fortement les risques de propagation. Toutes les opérations de taille devraient être suspendues par temps pluvieux.

Une fois la branche coupée ou arrachée, jetez simplement les ramifications atteintes au sol centre des rangées, où elles pourront sécher et éventuellement être fauchées. Les risques de contamination à partir du bois laissé au sol est très faible même si les bactéries peuvent survivre un certain temps22. Par temps sec, la bactérie peut difficilement infecter l’arbre à partir d’un point de taille, puisque les plaies de coupes sèchent en quelques heures et deviennent résistantes. Le temps requis pour sortir les branches du verger et les brûler a probablement plus d’impact sur la propagation de la maladie que le risque lié à laisser ces branches au sol. Par ailleurs, faire des tas de branches en vue de les bruler peut favoriser le transport par le vent d’un nombre important de filaments bactériens qui peuvent inoculer les arbres dans leur trajectoire.

Il faut plusieurs interventions de taille pour venir à bout des symptômes. Il faut donc persister dans les efforts. L’arrachage des arbres peut être nécessaire, mais en dernier recours. Les arbres fortement endommagés par la taille d’urgence peuvent être rescapés en quelques années. Ne sous-estimez pas la capacité des arbres à se remettre d’une intervention de taille très sévère. La récolte de l’an prochain et la suivante seront affaiblies, mais dans la grande majorité des cas, il est plus rentable de sauver l’arbre que de l’arracher pour replanter.

  • Éclaircissage manuel : Ne combinez pas des opérations comme l’éclaircissage manuel et la taille d’éradication. Tôt ou tard, vous risquez de toucher à de l’exsudat bactérien et d’inoculer les arbres à votre insu. Malgré les pertes au niveau du calibre des fruits, il est préférable de retarder l’éclaircissage jusqu’à la fin de la période de croissance que risquer la propagation du feu.
  • Irrigation et drainage : La disponibilité de l’eau dans le sol a un impact important sur la propagation du feu bactérien en été22,26,27. Corriger les problèmes de drainage peut réduire la propagation du feu. Dans les vergers affectés par le feu bactérien, limiter l’irrigation (goutte à goutte, etc.) au minimum tolérable permet de ralentir la sortie des symptômes et limite la sévérité des dégâts sur les branches atteintes.

 

Traitements en cas de traumatisme

Dans les parcelles voisinant des vergers où des symptômes de feu bactérien sont présents et/ou étaient présents l’an dernier, il est fortement recommandé d’intervenir en cas de grêle en juin ou en juillet. Les tempêtes de grêle avant juin ou après juillet sont beaucoup moins à risque parce que peu de symptômes sont actifs tôt en saison et les risques d’infection disparaissent avec la fin de la croissance tard en été. Dans les blocs où la croissance n’est pas arrêtée, les infections restent possibles en août28.

Deux interventions sont possibles, une application rapide de streptomycine, et/ou une application de Apogee. Il est généralement inutile d’appliquer des traitements fongicides comme CAPTAN ou autre sur les pommiers ou les poiriers suivant un épisode de grêle en juin, puisque les petits fruits verts résistent bien à l’infection par les pourritures. Ailleurs dans le monde, les risques de pourriture noire, de moniliniose ou d’autres maladies peuvent justifier ce traitement, mais ce n’est pas le cas au Québec.

Streptomycine

La streptomycine doit être appliquée dans les quatre heures suivant une tempête, surtout si les conditions climatiques étaient propices au feu pendant la floraison.

N’intervenez que si tous les facteurs de risque sont réunis et seulement en cas de tempête assez violente (vent). Les traitements réalisés jusqu’à 12 heures après la tempête sont probablement encore efficaces à 50 %, mais passé ce délai, la bactérie est internalisée dans le bois et échappe à l’action des antibiotiques. Le traitement peut être fait sur du feuillage encore humide, mais à condition que la pluie soit terminée et que le feuillage soit en cours de séchage.

Notez que l’utilisation de la streptomycine est limitée à un total de 5,7 kg/ha par année, soit environ 6 traitements par année, incluant les traitements floraux, et qu’aucun traitement n’est permis dans les 50 jours précédant la récolte. Pour des cultivars d’été réputés sensibles comme Paulared, cette restriction implique un arrêt des traitements au début de juillet. En pratique, la propagation du feu bactérien est limitée à la période de croissance des arbres et les orages à la fin juillet et en août sont donc beaucoup moins à risque pour la propagation du feu. L’éclaircissage manuel est interdit dans la parcelle dans les 14 jours suivant une application de streptomycine.

Il faut seulement traiter les parcelles où les symptômes ont été enlevés par la taille et les blocs sains à proximité. Traiter des vergers où l’on trouve de nombreux foyers actifs est la meilleure façon de sélectionner des populations de bactéries résistantes à la streptomycine. Une approche plus conservatrice quant à l’utilisation de la streptomycine a permis de garder cet outil de lutte, alors que dans les états où la streptomycine a été utilisée abusivement, ce produit n’est plus efficace.

Dans les blocs de verger où le régulateur de croissance APOGEE a été appliqué lors de la floraison, la propagation du feu bactérien est beaucoup moindre que dans les blocs non traités. Réservez vos interventions à la streptomycine là où elles sont le plus nécessaires.

Apogee/Kudos

Un traitement avec le régulateur de croissance dans les jours suivants une tempête de grêle est recommandé pour trois raisons : pour ralentir la progression du feu, limiter la poussée de croissance des arbres qui survient quand les arbres sont endommagés et ainsi limiter la perte des bourgeons floraux sur le bois de 2 ans. Ce dernier effet permet de régulariser la production dans l’année suivant la grêle29.

 

Pratiques inefficaces

En raison des conséquences potentiellement désastreuses de cette maladie, différentes pratiques ont été suggérées et rapidement adoptées par les producteurs sans que leur efficacité n’ait été démontrée. Parmi les pratiques les plus usuelles, certaines ont fait l’objet d’études qui ont démontré leur inefficacité ou même leur nuisibilité.

Usage abusif des antibiotiques

La pire pratique consiste à traiter les arbres porteurs de nouveaux symptômes avec des antibiotiques. Il ne faut jamais appliquer de streptomycine ou de kasugamycine dans les vergers où des symptômes de brûlure sont déjà apparents. Ces applications de « désespoir » ne peuvent qu’empirer votre problème à moyen terme. D’une part, les antibiotiques ne sont pas assez systémiques ou efficaces pour « guérir » et il est donc trop tard pour appliquer ces produits. D’autre part, une application après l’apparition des symptômes a comme effet de sélectionner les bactéries les plus résistantes à ces produits. La vitesse de sélection de la résistance sous ces conditions est rapide. Presque tous les cas confirmés de résistance à la streptomycine aux États-Unis ont été causés par des traitements sur des symptômes déclarés.

Par ailleurs, la streptomycine est peu efficace pour empêcher l’infection des pousses végétatives. Seules les fleurs peuvent adéquatement être protégées par les antibiotiques. Dans les blocs de verger où les symptômes sont déjà visibles, il est préférable de se contenter d’éliminer les sources d’inoculum.

L’utilisation abusive des antibiotiques ne réduit pas davantage la maladie, mène à la résistance et nuit à l’image de l’industrie.

Application d’insecticides pour éliminer les insectes vecteurs

Même si plusieurs insectes ont un rôle reconnu ou soupçonné dans la propagation estivale du feu bactérien, les traitements insecticides en été, même appliqués à répétition, ont rarement un impact mesurable sur la sévérité de la maladie. L’effet combiné du vent et de la pluie ont plus d’impact sur la propagation des symptômes que les insectes vecteurs en cours d’été30.

Applications florales ou automnales de cuivre

Le cuivre a une efficacité reconnue au printemps pour limiter les infections de feu bactérien. De même, les traitements en été peuvent ralentir la propagation du feu. Cependant, le cuivre à faible dose (ex. : 900 g de formulation, soit 450 g de cuivre métallique) est peu efficace durant la floraison31 et ne peut pas remplacer la streptomycine. Les applications à dose plus forte risquent de provoquer une rugosité inacceptable sur fruits. Par ailleurs, les traitements de cuivre appliqués après la récolte qui servent à lutter contre les chancres d’origine fongique n’ont pas d’effet notable pour diminuer la quantité de bactéries hivernantes.

Applications estivales et automnales de SERENADE

Le produit SERENADE est d’efficacité variable et réputé peu efficace en été.

 

Pratiques non validées

L’inoculation des racines avec des mychorizes lors de la plantation pourrait réduire les risques de feu bactérien32. Cependant, ces résultats n’ont jamais été confirmés ou infirmés.

L’utilisation d’huile en été ou de pesticides formulés en partie avec de l’huile augmente la production des filaments bactériens et peut donc accroître les risques de dissémination de la maladie33. Les vergers non traités avec des pesticides à base d’huile auraient moins de problèmes que les vergers traités33.

 

Références
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Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 107

Vincent Philion

 

Les phytoplasmes sont apparentés aux bactéries (Mollicutes), mais sont plus petits, dépourvus de paroi cellulaire et leur génome est très simplifié. Ce sont des parasites obligatoires, c’est-à-dire que leur survie est impossible sans une plante hôte et qu’il est impossible de les cultiver au laboratoire. Les phytoplasmes s’attaquent à une gamme variée de plantes. Les symptômes associés aux différentes maladies à phytoplasmes sont diversifiés, mais assez similaires d’une culture à l’autre et comprennent des chloroses (jaunissement) ou un rougissement des feuilles, une croissance anarchique des bourgeons axillaires résultant en « balais de sorcière », une croissance démesurée des stipules à la base des feuilles, une réduction de la floraison (phyllodie) qui affecte les rendements, un ramolissement des pousses (bois caoutchouc) et une diminution générale de la vigueur (déclin) qui peut mener jusqu’à la mort. Les conséquences des phytoplasmes peuvent être désastreuses. Chez le pommier, le phytoplasme de la prolifération (Candidatus mali) peut entraîner une réduction de 50 % du calibre des fruits et une sensibilité plus grande au blanc et à la maladie du plomb. Par contre, on observe une grande variation d’agressivité d’une souche à l’autre et les symptômes peuvent aussi être bénins ou se résorber entièrement. Les infections peuvent donc passer inaperçues. Par ailleurs, le type de symptômes présents ne peut pas servir d’outil de diagnostic, puisque l’un ou l’autre des symptômes peut être associé aux différents phytoplasmes à des degrés divers.

Les phytoplasmes sont généralement transmis par des insectes de type piqueur-suceur (surtout cicadelles et psylles) et parfois par des ponts racinaires entre les arbres. Ils peuvent aussi être transmis en pépinière lors du greffage. La plupart des phytoplasmes peuvent s’attaquer à une multitude de plantes hôtes, mais ne sont transmis que par une seule espèce d’insectes. Néanmoins certains phytoplasmes (ex. : Candidatus asteris) peuvent être transmis par plusieurs vecteurs. Finalement, quelques rares phytoplasmes, dont celui du pommier (Candidatus mali), ont une gamme d’hôtes et de vecteurs très restreints. Outre le pommier, le phytoplasme du pommier peut également infecter certaines variétés d’aubépine (Crateagus) et a été rapporté sur le noisetier (Corylus), le cerisier (Prunus avium) et la prune (Prunus domestica).

Les psylles principalement responsables de la dissémination du phytoplasme du pommier (Cacopsylla melanoneura et C. picta) ne sont pas présentes au Québec. Par contre, la cicadelle brune (Fieberiella florii), qui est aussi reconnue comme l’un des vecteurs, est présente localement. De plus, le psylle du poirier (C. pyricola), vecteur du déclin du poirier, qui est une maladie très proche du phytoplasme du pommier, est également présent.

Une fois dans l’arbre, les phytoplasmes résident et se multiplient seulement dans les tubes criblés du phloème vivant. Comme les vaisseaux conducteurs de sève des arbres fruitiers dégénèrent en fin de saison, les phytoplasmes disparaissent également des parties aériennes. Pendant l’hiver, seules les racines sont porteuses de populations élevées et les parties aériennes de l’arbre sont donc réinfectées à chaque année. Les phytoplasmes survivent aussi à l’hiver dans les insectes vecteurs, qui peuvent donc commencer à propager à nouveau la maladie dès leur reprise d’activité au printemps.

Une fois l’arbre infecté, il n’existe actuellement aucun traitement efficace. Les éliciteurs de mécanismes de défenses (SAR) ont démontré une certaine efficacité dans la vigne et l’utilisation de porte-greffes résistants brise le cycle de cette maladie, même si le cultivar est sensible. Malheureusement, ces deux avenues ne sont pas encore prêtes en pomiculture. Étrangement, les phytoplasmes et les symptômes peuvent disparaître naturellement des parties aériennes de l’arbre pour plusieurs années (rémission) et la production des arbres se rétablit subitement. La rémission est favorisée par une baisse de la population des insectes vecteurs. Malgré les épisodes de rémission, les racines restent porteuses toute leur vie. Dans ces cas, la propagation par les insectes est limitée. Cependant, le bois d’un verger douteux ne devrait jamais être utilisé pour des greffes.

La maladie de prolifération est considérée comme la menace la plus grave à la pomiculture en Europe. Sa présence n’est pas confirmée en Amérique (2013). Cette maladie fait l’objet d’un suivi lors de l’importation par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et est mentionnée sur la liste des parasites réglementés du Canada. Au Québec, les maladies à phytoplasmes sont fréquentes dans la vigne et d’autres plantes, mais pas dans la pomme. Seule la variante de la jaunisse de l’aster a été confirmée au Québec en 2011. Les phytoplasmes sont difficiles à détecter, à moins d’utiliser des outils moléculaires modernes (PCR) et de bien cibler la prise d’échantillons.

 

Maladies à phytoplasmes pouvant être rencontrées en verger
Réglementées par l’ACIA :
  • prolifération du pommier (Apple proliferation phytoplasma ou AP), Candidatus Phytoplasma mali (16SrX-A);
  • bois caoutchouc ou bois souple du pommier (Apple rubbery wood ou ARW), phytoplasme probable du groupe 16SrIII-B;
  • déclin du poirier (pear decline ou PD), Candidatus Phytoplasma pyri (16SrX-C).
Non réglementées :
  • jaunisse de l’aster (Aster yellows ou AY), un phytoplasme du groupe 16SrI.

 

Gestion PFI
  • S’assurer que les porte-greffes et le bois de greffage proviennent de sources réputées, notamment lors de l’importation d’arbres.
  • Maintenir les populations de cicadelles sous les seuils d’intervention.
  • Comme les risques de propagation sont élevés et que les conséquences pour les parcelles avoisinantes peuvent être graves, l’arrachage systématique des parcelles infectées est la seule méthode de contrôle actuellement reconnue. Les racines doivent aussi être éliminées. L’introduction d’une culture de rotation pour un an permet aussi leur dégradation.

 

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