Auteur de la première édition : Vincent Philion
Auteur de la mise à jour 2024 : Vincent Philion
Dernière mise à jour par l’auteur : 17 mai 2024

 

Les matières fongicides qui altèrent plusieurs mécanismes dans la biochimie des champignons permettent rarement la sélection d’individus tolérants (résistants) au sein des populations. On retrouve dans ce regroupement toutes les matières actives plus anciennes et dont la toxicité environnementale et humaine est élevée, mais aussi les sels comme le bicarbonate qui ne laissent présager aucun risque de résistance et dont la toxicité est faible.

Minéraux et dérivés

Les fongicides minéraux sont les plus anciens en usage. Ils sont utilisés principalement en production biologique. Ils agissent surtout par contact, mais les sels sont également absorbés par des pores moléculaires de la cuticule des feuilles et des fruits1,2, ce qui ouvre la possibilité d’une efficacité restreinte en post infection. Ces produits comprennent le cuivre (depuis 1760), incluant la bouillie bordelaise (1885), le soufre (1824) et la bouillie soufrée (1833). Plus récemment, des essais ont démontré que les sels (ex. : le chlorure de calcium, CaCl2) incluant les carbonates (ex. : bicarbonate de potassium) et la chaux hydratée, pouvaient aussi réprimer les maladies. Les minéraux comme le silicium sous forme soluble (silicate de potassium) ont aussi des effets connus contre plusieurs maladies3. Des mélanges de ces produits sont aussi possibles.

Produits à base de cuivre

Le cuivre est un métal lourd qui s’accumule de façon permanente dans les sols et qui est toxique pour les vers de terre, les poissons, etc. Dans plusieurs pays d’Europe, son usage est désormais interdit, ou alors la dose permise à l’hectare est fortement limitée d’ici au bannissement complet. Néanmoins, l’efficacité du cuivre pour combattre à la fois le feu bactérien, la tavelure du pommier et plusieurs maladies secondaires en PFI pousse les producteurs à intégrer annuellement au moins un traitement de cuivre. Au Canada, un assouplissement des étiquettes des produits est prévu pour permettre un usage moins restrictif du cuivre contre la tavelure et le feu en cours de saison.

Efficacité vs phytotoxicité : Les traitements au cuivre ont démontré depuis plus de 200 ans leur efficacité contre un bon nombre de maladies, mais ils peuvent également être phytotoxiques. Ainsi, les ions de cuivre qui sont toxiques aux bactéries et aux champignons peuvent également causer des dommages aux feuilles et aux fruits. Certains dommages liés au cuivre semblent inévitables, notamment la perte du « lustre » des fruits en été. Au moins quatre facteurs importants jouent sur l’efficacité et la phytotoxicité du cuivre : la formulation, la dose, la disponibilité (pH) et le volume d’application.

Formulation : Le cuivre en solution (sulfate de cuivre pentahydraté) est immédiatement disponible et a le plus gros potentiel de phytotoxicité. Différents mélanges et différentes formulations de cuivre le rendent moins immédiatement disponible. Ralentir ou « fixer » le cuivre diminue mais n’élimine pas la phytotoxicité. Le cuivre « fixe », peu importe sa formulation, est conçu pour laisser un résidu peu soluble à la surface des feuilles. Lorsque le feuillage est mouillé, les ions cuivre s’échappent lentement de ces dépôts et s’attaquent aux bactéries et champignons. Cette libération graduelle du cuivre maintient une efficacité pendant une plus longue période et évite que la concentration d’ions devienne trop grande et provoque l’effet phytotoxique redouté. En pomiculture, on utilise seulement des formulations de cuivre « fixe ». Au Canada, il existe cinq possibilités : hydroxyde, oxychlorure, octanoate, sulfate tribasique et bouillie bordelaise maison. Nos voisins américains ont accès à plusieurs autres formulations (ex. : oxyde de cuivre4) et à des mélanges (ex. : C-O-C-S, oxychlorure + sulfate), avec des adjuvants comme le gypse et d’autres éléments qui ont pour fonction de « fixer » le cuivre à des degrés divers. En Europe, l’éventail des possibilités est encore plus grand. Toutes les formulations de cuivre sont homologuées en production biologique, mais certains producteurs continuent de privilégier la bouillie bordelaise. Cette dernière n’est pas recommandée en PFI puisque les autres produits plus simples à manipuler existent.

L’efficacité des produits cuivrés est surtout liée à la quantité de cuivre traitée et à la finesse des particules en suspension4 et moins à leur forme chimique. Dans ce contexte, il peut être approprié de considérer seulement le coût par kilogramme d’ingrédients actifs pour guider son choix. Cette règle est applicable même pour les produits plus récents comme l’octanoate, puisque les données disponibles ne permettent pas de garantir que ce produit a une efficacité égale avec moins de cuivre métal.

Dose : La quantité de cuivre requise par application dépend du type de traitement et a un impact direct sur la phytotoxicité. Selon l’usage, la dose peut être optimisée. Les doses homologuées (ex. : 3,2 kg/ha pour l’oxychlorure) sont souvent conçues pour laisser un dépôt important sur le bois en début de saison et maintenir une efficacité à long terme, pendant quelques semaines. Le cuivre est alors libéré et lessivé graduellement. Pour des traitements réguliers contre la tavelure ou le feu bactérien, la dose requise est moindre et l’effet recherché est immédiat. Le mélange de cuivre et de soufre est souvent privilégié pour bénéficier de l’efficacité du cuivre et éviter la phytotoxicité. Sans soufre, la dose de 0,4 kg/ha de formulation (50 % cuivre sous forme d’oxychlorure) donne environ 200 g de métal par hectare, une dose plancher pour combattre la tavelure lorsque les applications sont ciblées et que le risque n’est pas trop élevé.

Effet du pH : La vitesse de libération des ions cuivre est fonction de l’acidité de la bouillie de pulvérisation. Plus l’eau est acide (pH faible), plus les résidus libèrent d’ions cuivre. Inversement, lorsque le pH est alcalin, la toxicité du cuivre envers les bactéries et les champignons diminue parce que moins d’ions sont libérés. Comme chaque application peut réactiver le cuivre en place, la sensibilité au pH continue après le traitement initial. Dans les blocs traités au cuivre au printemps (usage unique), il faut éviter les traitements « acidifiants » avec des produits comme le phosphonate et les bouillies acides en général, parce que la libération de cuivre serait accélérée.

Volume d’eau : Réduire le volume de bouillie à l’hectare (ex. : 300 L/ha5) lors des applications et viser des périodes de séchage rapide peut grandement diminuer les risques de phytotoxicité du cuivre lors des applications régulières. Pour éviter la phytotoxicité, le cuivre n’est pas recommandé sur feuillage humide (rosée) ou pendant la pluie. Ce produit n’est donc pas recommandé pendant la fenêtre de germination de la tavelure. Cependant, avant la floraison certains auteurs recommandent malgré tout le cuivre à dose faible en mélange avec du soufre pendant la période de germination des spores5,6. Selon la sensibilité du cultivar et le moment de l’application, cette approche peut être risquée.

Autres contraintes : Le cuivre ne devrait pas être appliqué avant une période de gel ou pendant les heures de dégel des bourgeons. Le cuivre à la surface des bourgeons peut être absorbé par les cellules et accentuer le dommage du gel. Cependant, le mélange de cuivre, de zinc et de bore est parfois rapporté comme bénéfique aux bourgeons affectés par le gel4,7. Les programmes d’applications à base de cuivre pour lutter contre la tavelure peuvent affecter la coloration de certains cultivars8 en comparaison aux programmes de lutte plus conventionnels.

Recommandations d’usage pour les produits commerciaux à base de cuivre :

  • Traitement de début de saison : Pour augmenter l’efficacité fongicide et bactéricide du cuivre et économiser un passage au verger, il est possible de combiner le cuivre fixe et l’huile de dormance dans un même traitement. Ce mélange est préconisé depuis très longtemps9. La fenêtre d’application du cuivre est un peu trop hâtive pour que le mélange réprime entièrement les acariens rouges, mais ce traitement peut réprimer les cochenilles et les pucerons roses (voir la fiche sur Les pucerons). Il faut profiter des conditions favorables pour l’application d’huile quand elles se présentent. Le mélange peut causer une légère phytotoxicité sur feuillage. Comme les traitements à l’huile sont souvent réalisés à basse vitesse ou avec deux passages, la couverture antibactérienne et fongicide n’en sera que meilleure. L’huile est compatible avec toutes les formulations de cuivre fixe, incluant la bouillie bordelaise.
    Plus le cuivre à haute dose est appliqué tardivement (ex. : pré bouton rose), plus il risque par la suite d’être « éclaboussé » sur les fleurs et causer une roussissure (rugosité) inacceptable sur les fruits des cultivars Empire, Idared, Jonagold, McIntosh, Spartan, entre autres, et une baisse de la nouaison. À l’inverse, le cuivre n’occasionne aucun problème sur Gala ou sur les poires qui tolèrent bien le cuivre.
  • Pour le feu bactérien pendant la floraison : Là où c’est légal, le cuivre (ex. : hydroxyde), est efficace à des doses assez faibles (400 g/ha en équivalent métal) pour réprimer partiellement le feu pendant la floraison10. Cependant, cette fenêtre d’application est la plus à risque pour la phytotoxicité. Le mélange de cuivre avec l’agent de lutte biologique Double Nickel pourrait atténuer cette phytotoxicité10,11, mais cette approche n’est pas constante et n’est pas préconisée12.
  • Pour la tavelure du pommier : Là où c’est légal, l’oxychlorure (50 %) est souvent privilégié par les producteurs parce que plus abordable que le CUEVA pour une efficacité jugée similaire. Le mélange de cuivre et soufre en protection est plus efficace que chacune des molécules utilisées seules8, probablement parce que le lessivage du cuivre est moindre que pour le soufre et que le soufre a un meilleur effet en post infection. Le ratio 1:10, (exemple 200 g/ha de cuivre métal et 2 kg/ha de soufre) est souvent utilisé. Avec ce mélange, les producteurs bio en Nouvelle-Zélande13 réussissent à réprimer la tavelure aussi bien qu’avec un programme conventionnel en utilisant de 1,2 à 1,5 kg de cuivre métallique par hectare pendant toute la saison, sur environ huit traitements, soit 200 à 300 g/ha de cuivre par traitement bien ciblé, les autres traitements étant à base de soufre ou de bouillie soufrée. Des doses plus élevées (ex. : 800 g/ha de formulation) sont rapportées pour des applications non ciblées (de type calendrier)14. Même avec une dose faible, toutes les formulations peuvent provoquer une rugosité commercialement inacceptable dans les traitements à fort volume (ex. : 1000 L/ha)8.

Exemples de doses en usage :

4 kg/ha soufre (ex. : 5 kg/ha de KUMULUS) + 450 g/ha de cuivre métal (ex. : 900 g/ha de cuivre fixe formulé à 50 %)15.

2,9 kg/ha soufre (ex. : 3,6 kg/ha de KUMULUS) + 250 g/ha de cuivre métal (ex. : 640 g/ha de cuivre fixe formulé à 40 %)8.

Mélange de cuivre et soufre pendant la période de germination5,6,16 :

4,8 kg/ha soufre (ex. : 6 kg/ha de KUMULUS) + 480 g/ha de cuivre métal (ex. : 960 g/ha de cuivre fixe formulé à 50 %)16.

Produits commerciaux :

  • CUIVRE FIXE / FIXED COPPER SPRAY (50 % de cuivre sous forme d’oxychlorure de cuivre) : n’ajoutez pas de chaux hydratée au cuivre fixe.
  • COPPER 53W (sulfate de cuivre tribasique) : le cuivre « 53W » est un autre cuivre fixe homologué sur le pommier. Comme l’étiquette du « 53W » stipule qu’il faut néanmoins ajouter de la chaux pour usage sur la pomme, il est rarement utilisé et ne présente pas d’avantage particulier.
  • CUEVA (10 % octanoate de cuivre, 63,6 g/mol (Cu)/350 g/mol (octanoate), soit 1,8 % de cuivre métallique) : homologué au Canada depuis 2016. La dose homologuée selon l’étiquette canadienne va de 2,5 L dans 500 L (0,5 %) à 20 L dans 1000 L (2 %) par hectare. La quantité de cuivre homologuée varie donc d’environ 45 g à 360 g/ha, soit un facteur 8x. L’étiquette très vague (#31825, 2015) ne permet donc pas de recommandations précises actuellement. La dose américaine (1 % v/v en dilué) correspond à un maximum de 28-30 L/ha dans une parcelle avec un de 100 %, soit environ 0,54 kg de cuivre métallique par hectare. Une dose similaire est homologuée en Europe. Dans la plupart des vergers, la dose correspondante est donc de l’ordre de 15 à 20 L/ha (TRV entre 50 % et 66 %).
    Cependant, la dose efficace la plus faible obtenue dans les tests pour réprimer le feu bactérien pendant la floraison est d’environ 5 L/ha17–19 de formulation soit environ 90 g de cuivre élémentaire par hectare. Une dose similaire est requise pour réprimer les maladies d’été (suie, moucheture, pourriture amère)17. La dose testée pour limiter la propagation du feu en été est aussi d’environ 5 L/ha20,21 et est celle recommandée12. Il est donc possible de réduire la dose par rapport à celle préconisée sur l’étiquette.
  • KOCIDE 2000-O (pâte granulée, 35 % de cuivre métallique sous forme d’hydroxyde de cuivre) (Cosaco) : homologué à la dose maximale de 1,96 kg/ha contre la tavelure, soit environ 0,7 kg de cuivre par hectare. La dose homologuée pour le feu bactérien est moindre, soit 0,84 kg/ha de formulation. Le Kocide 3000-O, formulation avec particules plus fines et doses réduites, n’est pas homologué dans la pomme au Canada.
  • PARASOL (liquide, 24,4 % de cuivre métallique sous forme d’hydroxyde de cuivre) (Nufarm) : homologué seulement contre le feu bactérien à la dose de 4,7 L/ha, soit environ 1,15 kg de cuivre par hectare. La formulation granulaire et la formulation en poudre ne sont pas homologuées dans la pomme.
  • Bouillie bordelaise : Le botaniste français Millardet a découvert que l’effet phytotoxique du sulfate de cuivre soluble pouvait être grandement atténué en le mélangeant avec de la chaux hydratée (hydroxide de calcium). Ce mélange a pour effet de « fixer » le cuivre, soit neutraliser l’acidité du cuivre mis en solution. Cette « bouillie bordelaise » reste donc une option en agriculture biologique, à condition de vouloir faire ce mélange soi-même. Même si la bouillie bordelaise est plus efficace que l’oxychlorure de cuivre, elle est aussi potentiellement plus phytotoxique et peu compatible avec les autres traitements.

Millardet

Photo du botaniste français Millardet (source : Inconnu).

Il existe plusieurs recettes de bouillie bordelaise et une notation un peu particulière. Par exemple, la formule courante à 1 % consiste à mélanger 1 kg de chaux par kilogramme de sulfate de cuivre dans 100 L d’eau, ce qui donne la formulation 1-1-100, soit la même chose que la formulation 10-10-1000 qui est souvent citée sur Internet. Notez que le pH élevé des résidus de la bouillie bordelaise peut inactiver complètement d’autres molécules, notamment la streptomycine22. Il n’est donc pas possible d’appliquer la streptomycine rapidement après un traitement à la bouillie bordelaise, à moins que la pluie ne délave complètement les résidus du traitement avant la fleur.

Produits à base de soufre

Le soufre (toutes les formulations) est un fongicide à action multisites ayant aussi des propriétés acaricides, surtout, et malheureusement, contre les acariens prédateurs. Son utilisation régulière à dose élevée entraîne souvent des problèmes d’acariens23. Le soufre est cependant utilisé pour réprimer le « rust mite » (ériophyides) (Triloff, comm. pers.) L’effet sur les prédateurs n’est pas rapporté aux doses faibles recommandées en PFI5.

Tous les produits à base de soufre sont efficaces contre plusieurs maladies fongiques. Par contre, le soufre est peu résiduel et généralement moins efficace que les fongicides de synthèse, à moins que les traitements soient réalisés au moment optimum (ex. : traitement de germination).

Phytotoxicité liée à la chaleur : L’utilisation de toutes les formulations de soufre comporte un risque élevé de phytotoxicité (brûlure, roussissure sur les fruits) si utilisées par temps chaud. Le soufre élémentaire cause des problèmes à partir de 30 °C24 et la bouillie soufrée est problématique dès 26 °C25. Les brûlures apparaissent surtout sur les fruits orientés vers le sud-ouest, où la surface des fruits est la plus exposée (Triloff). Le soufre ne devrait jamais être appliqué si des températures très élevées sont prévues au cours des prochains jours. En absence de pluie pour lessiver le soufre en place, la phytotoxicité due à la chaleur peut survenir lors d’une canicule, lorsque le temps est « lourd » (humide, sans vent) et ce, plusieurs semaines après l’application (Trapman, comm. pers.) L’ouverture des stomates par temps très humide est possiblement le point d’entrée pour la sublimation gazeuse de soufre à la surface des fruits (Triloff).

Cette phytotoxicité du soufre n’est pas réduite en pulvérisant avec de petites gouttelettes, n’est pas affectée par le temps de séchage et est possible même à très faible dose (Triloff, comm. pers.) Les risques diminuent très légèrement à la fin de l’été avec la baisse de l’intensité solaire (angle) (Triloff).

Pour minimiser les risques d’insolation en période de risque liés à la chaleur, les produits à base de soufre devraient être appliqués immédiatement avant une période de pluie prévue, ou pendant la pluie, mais non après la pluie.

Les produits à base de soufre sont aussi phytotoxiques lorsqu’ils sont mélangés avec de l’huile ou tout autre produit contenant des distillats de pétrole. Il faut respecter un minimum d’une semaine avant ou après une application de soufre, ou ses dérivés, pour appliquer de l’huile. L’incompatibilité de l’huile avec le soufre élémentaire (S) ne s’applique pas au sulfate (SO4).

Dans le sol, le soufre est oxydé graduellement en acide sulfurique, ce qui entraîne une lente acidification du sol25.

Certains cultivars de fruits sont très sensibles au soufre, alors que d’autres bénéficient des traitements. L’utilisation répétée du soufre à la dose élevée de l’étiquette a généralement un effet cumulatif néfaste sur la physiologie des arbres. L’utilisation répétée du soufre en été peut augmenter les problèmes de pourritures estivales, probablement par un effet phytotoxique sur les lenticelles des fruits. Une partie des problèmes liés au soufre peuvent être atténués, voire éliminés, en diminuant la dose par rapport à celle préconisée sur l’étiquette. À dose faible (4-5 kg/ha en équivalent soufre), les problèmes associés au soufre sont assez mineurs26.

Aux doses faibles proposées en PFI, le soufre garde certains effets négatifs mineurs sur la photosynthèse8, un effet d’éclaircissage8, affecte la coloration de certains cultivars8, mais peut aussi augmenter les rendements par son action fertilisante6.

Il existe trois types de formulations de soufre : 1) le soufre élémentaire presque pur; 2) formulé avec des adjuvants; 3) en mélange avec de la chaux éteinte pour produire la chaux soufrée (voir cette section ci-dessous). Pour une quantité égale de soufre, la chaux soufrée est la plus efficace contre la tavelure5 mais aussi la plus toxique aux arbres. Le soufre élémentaire, et formulé, est parfois recommandé en mélange avec du cuivre5 (voir la section sur le cuivre ci-dessus).

Les produits à base de soufre sont tous admissibles en production biologique. Toutes les étiquettes de soufre stipulent un maximum de huit applications par année.

Soufre élémentaire et formulé : Le soufre élémentaire à 92 % est une poudre mouillable qui peut être appliquée avec un pulvérisateur conventionnel mais qui était aussi traditionnellement poudrée sans eau sur les cultures, notamment pour le blanc. Le soufre à 80 % est vendu sous différentes formulations granulaires qui permettent de faciliter la dispersion du soufre dans l’eau et de créer une suspension uniforme.

Outre son effet sur le blanc et la tavelure, le soufre élémentaire, et formulé, en mélange à l’argile (Kaolin) peut réduire la roussissure pendant la période post florale.

  • Pour la tavelure du pommier : Le soufre utilisé seul est relativement peu efficace en protection. Les traitements en protection peuvent difficilement arrêter une épidémie de tavelure, à moins que le niveau de tavelure de départ soit très faible. La pleine dose homologuée pour le soufre élémentaire ou formulé (>18 kg/ha) n’est pas nécessaire pour être utile, mais à la dose de 4 kg/ha le soufre que les traitements conventionnels à faible dose appliqués aux mêmes dates26,27. La meilleure fenêtre d’utilisation du soufre est en lien avec les traitements durant la fenêtre de germination, pendant la pluie, autant au printemps qu’en été. En fait, le soufre fonctionne jusqu’à quelques heures après le début de l’infection6,28. Le soufre est aussi préconisé en mélange avec le bicarbonate de potassium, la chaux hydratée et le cuivre (voir la fiche sur Les mélanges de fongicides).
  • Produits commerciaux :
    • SOUFRE MICROFIN : poudre mouillable (plusieurs manufacturiers : ex. : Bartlett, UAP).
    • KUMULUS, MICROTHIOL DISPERSS, COSAVET DF EDGE : formulation granulaire des compagnies BASF, United Phosphorus et Engage Agro, respectievement.

Bouillie ou chaux soufrée : Ce produit est aussi connu sous le nom de bouillie nantaise, bouillie versaillaise23, eau de Grison23, bouillie sulfo-calcique, polysulfure de calcium, sulfure de calcium (en anglais, calcium polysulfide, lime sulfur ou LLS pour Liquid Lime Sulfur). Ce produit est obtenu par la réaction de l’hydroxyde de calcium en solution dans l’eau avec du soufre et un surfactant. La molécule obtenue, de dimension variable, est une association entre un atome de calcium et plusieurs atomes de soufre (CaSx où x est variable entre 2 et 7). D’autres sous-produits sont présents dans les mélanges. La bouillie était traditionnellement fabriquée à la ferme, mais les formulations commerciales standardisées sont préférables.

La bouillie soufrée (1851, Versailles, France) est le tout premier pesticide synthétique fabriqué par l’homme, mais est néanmoins admissible en production biologique. Il est utilisé à la fois comme traitement insecticide au stade dormant (psylle du poirier, pucerons, cochenille), comme acaricide, bactéricide, agent éclaircissant et comme fongicide. Son utilité comme fongicide est connue depuis plus d’un siècle29. Jusqu’à l’arrivée du bicarbonate de potassium, la bouillie soufrée était le seul fongicide approuvé en agriculture biologique qui pouvait être appliqué pour réprimer la tavelure comme traitement en post infection. Pour la tavelure, la bouillie soufrée serait moins efficace pour protéger les fruits que les feuilles (Karl Schloffer, comm. pers.). La chaux soufrée est très efficace contre le complexe suie-moucheture30 et le blanc. Cependant, la bouillie n’est pas efficace contre la rouille et peut aggraver les pourritures de fruits (ex. : pourriture amère)30. La bouillie est alcaline (pH > 11) et est donc incompatible en mélange avec la plupart des pesticides.

La bouillie soufrée est beaucoup plus efficace comme fongicide que le soufre élémentaire, mais est aussi beaucoup plus phytotoxique25.

L’utilisation régulière de la bouillie soufrée diminue les rendements en comparaison au soufre élémentaire. L’utilisation répétée de la bouillie soufrée à la dose homologuée est phytotoxique sur feuillage et peut causer une roussissure inacceptable sur certains cultivars (ex. : Gala, Jonagold, Golden23). Une partie des problèmes de phytotoxicité disparaît dans les traitements à volume faible25. De plus, la bouillie soufrée est efficace à partir de 5 L/ha et n’est pas phytotoxique à cette dose réduite. Contrairement aux indications de l’étiquette, la bouillie soufrée peut être utilisée sur feuillage humide, sauf pendant la période critique pour le roussissement (voir la fiche sur Le roussissement). Le cultivar Red Delicious serait sensible à la bouillie soufrée, même en été.

  • Pour la tavelure du pommier : Pour une même quantité de soufre, la bouillie soufrée est plus efficace que le soufre seul16. De plus, la bouillie soufrée est plus versatile que le soufre. Elle est efficace en protection26, pendant la période de germination et en post infection. Cependant, ce produit même à forte dose (15 L/ha) que les traitements conventionnels à faible dose appliqués aux mêmes dates26. À faible dose (5 L/ha), il est préférable de l’utiliser sur feuillage mouillé pendant la fenêtre de germination des spores. La bouillie soufrée est efficace jusqu’à 300 DH après le début de l’infection, mais la dose doit être augmentée à 14 L/ha31. Son effet en post infection est aussi moindre que celui obtenu par les traitements conventionnels de post infection26. Le mélange de bicarbonate de potassium et de soufre est aussi efficace que la bouillie soufrée en post infection27,31.
  • Pour l’éclaircissage et le feu bactérien : La « phytotoxicité » de la bouillie soufrée peut être utilisée avantageusement lors de l’éclaircissage pour brûler les fleurs après pollinisation et réduire les risques de feu bactérien. La dose d’éclaircissage est de 20 L/ha ou plus. L’ajout d’huile de poisson à la bouillie soufrée augmente l’effet d’éclaircissage (voir la fiche sur le Contrôle de la charge (éclaircissage chimique, mécanique et manuel). L’huile de poisson peut être substituée par de l’huile minérale d’été. La bouillie soufrée est cependant incompatible avec le BLOSSOM PROTECT et la séquence des traitements doit en tenir compte. Les traitements de bouillie soufrée sont habituellement appliqués avant le BLOSSOM PROTECT (voir fiche sur la Description des produits bactéricides, de lutte biologique et éliciteurs).

En été, la bouillie soufrée est efficace contre la suie-moucheture à une dose faible (7 L/ha) mais pas contre la pourriture noire32.

Note : Un dérivé de la bouillie soufrée appelé « soufre colloïdal » peut être fabriqué à la ferme en ajoutant simplement du sulfate de fer (500 g/ha) au réservoir contenant la bouillie soufrée commerciale. Cette variation crée par Tafradzhijski est très prisée en Europe de l’Est, mais n’a pas été retenue par la littérature américaine29. Le soufre colloïdal serait moins phytotoxique que la bouillie soufrée standard. Ce mélange serait légal dans la mesure où le fer est appliqué comme engrais foliaire.

ATS : l’ammonium thiosulfate utilisé pour l’éclaircissage des pommiers est aussi un produit soufré avec des propriétés fongicides. Il a une efficacité partielle contre le blanc du pommier33 mais n’a pas d’efficacité connue contre la tavelure ou le feu bactérien (voir fiche sur Le feu bactérien : stratégies de lutte).

Produits commerciaux

Chaux soufrée (polysulfure de calcium 22 % à 30 % selon la formulation) : La concentration en polysulfure varie selon les manufacturiers et la dose doit être ajustée en conséquence. Contrairement à tous les pesticides liquides dont la densité est proche de celle de l’eau, la densité de la chaux (bouillie) soufrée peut atteindre 1,27 kg/L selon les formulations. Il faut donc en tenir compte dans les calculs de conversion entre les recommandations en poids ou en volume.

Sels et autres molécules inorganiques simples

Plusieurs sels sont efficaces pour réprimer différentes maladies. Les sels peuvent agir par contact avec les agents pathogènes à la surface des plantes, mais aussi dans la plante. La cuticule des plantes est une barrière généralement efficace pour l’eau et prévient la déshydratation. Cependant, cette barrière n’est pas parfaite et les sels appliqués en solution sur les surfaces aériennes des plantes peuvent être absorbés (ex : l’urée comme engrais foliaire). Le principe s’applique pour le calcium et d’autres éléments. Cette pénétration des sels est passive et résulte d’un processus physique simple. Les sels et l’eau passent lentement la barrière cuticulaire cireuse par des pores aqueux de dimension moléculaire1. Tant que la plante demeure mouillée ou que l’humidité relative de l’air reste au-dessus du point de déliquescence du sel (hygroscopicité), les sels continuent d’entrer dans la plante par cette voie. Il est possible de prédire la vitesse de pénétration du sel dans la plante par sa constante de déliquescence. Cependant, comme la pluie lessive également les sels, la quantité réellement absorbée par la plante est limitée par l’intensité de la pluie après le traitement. Des tensioactifs (surfactants) sont nécessaires pour maximiser le contact entre les sels et la cuticule et ainsi maximiser leur pénétration dans la plante.

Carbonates : Les carbonates (carbonate et bicarbonate (monohydrogéno)) sont des sels basiques très solubles qui n’ont aucune rémanence sur le feuillage dès qu’il pleut. De plus, les carbonates ont une efficacité généralement assez faible contre les champignons. Par exemple, ils peuvent inhiber partiellement la germination des spores de la tavelure, mais seulement à des doses très élevées (ex. : K2CO3 (9 g/L)34). Cependant, les carbonates sont en partie absorbés par la cuticule2 et ont donc une efficacité en post infection. Quand ils sont bien synchronisés en post infection et qu’ils peuvent agir sans être lessivés, ils sont efficaces contre la tavelure du pommier. Ils sont aussi connus pour leur efficacité à réprimer le blanc dans plusieurs cultures. Selon le sel et la forme de carbonate, leur efficacité est très variable. Par exemple, le carbonate de calcium (CaCO3, calcaire, ou craie non soluble) n’a pas d’effet utile contre la tavelure35.

Selon la fréquence d’utilisation et à dose élevée (ex. : 10 kg/ha), les carbonates peuvent provoquer une chlorose (jaunissement) du feuillage. Les nombreuses formulations commerciales de carbonates dans le monde (ARMICARB, ASTRAL, BI-CARB, KALIGREEN, OMNI PROTECT, TUI ECO-FUNGICIDE) sont souvent plus efficaces que le bicarbonate pur contre la tavelure28, mais peuvent être plus phytotoxiques que la matière active utilisée seule36. Les résultats publiés pour la formulation VITISAN (99% bicarbonate de potassium) sont probablement plus fiables pour une comparaison directe avec le B2K homologué au Canada.

Bicarbonate de potassium : De tous les carbonates (calcium, sodium6, ammonium6, K2CO3, etc.), le bicarbonate de potassium (KHCO3) a été identifié comme le plus efficace28 et le plus utile en pomiculture. En plus de l’effet fongicide du bicarbonate, l’apport de potassium contribue aussi à la répression de plusieurs maladies.

Ne confondez pas le carbonate (potasse, pearl ash, potash, K2CO3) et le bicarbonate (KHCO3) de potassium. Le carbonate de potassium (potasse) est un engrais fréquemment appliqué au sol où il est sans effet sur la tavelure37. Pour des traitements foliaires, le carbonate est efficace 38, mais les quantités requises le rendent inabordable et l’apport de potassium serait excessif. La conversion du carbonate (pH = 11,434) en bicarbonate (pH = 8,4) de potassium est facile en acidifiant la solution, mais seul le bicarbonate avec une étiquette réglementaire est homologué contre la tavelure.

Le bicarbonate de potassium est souvent vendu comme engrais foliaire avec la formulation 0-0-47 et comme ingrédient dans l’industrie alimentaire. Le 0-0-47 et le bicarbonate de potassium alimentaire sont identiques au produit homologué, mais ne sont pas permis pour lutter contre la tavelure sans l’étiquette réglementaire de l’ARLA.

Le bicarbonate de potassium est utilisé en Europe en pomiculture depuis plus de dix ans pour réprimer la tavelure et d’autres maladies. Il est largement utilisé en production biologique puisque ce produit est non toxique, peu coûteux et efficace pour les traitements en post infection. En plus de la tavelure, le bicarbonate est efficace pour réprimer le blanc et le complexe suie-moucheture en été. À dose élevée (> 15 kg/ha) et avec des applications répétées, il peut aussi aider au contrôle de la charge fruitière39. Son action hygroscopique assècherait les stigmates et empêcherait la germination du pollen.

Pour la tavelure du pommier : Au laboratoire, les applications à n’importe quel moment du bicarbonate de potassium sont efficaces contre la tavelure28. En pratique, la pluie le lessive rapidement et il doit donc être appliqué après l’arrivée des spores pour être utile. Le bicarbonate peut être utilisé seul pendant la germination des spores ou en post infection autant sur feuillage sec6,40 que sur feuillage mouillé. Cependant, la couverture peut être améliorée lors des applications sur feuillage mouillé. Comme le bicarbonate de potassium est hygroscopique41 (déliquescent), son absorption par la feuille continue après le séchage. Pour pallier la tendance au lessivage et augmenter l’efficacité, le bicarbonate de potassium est souvent appliqué en mélange avec du soufre élémentaire (voir fiche sur les Mélanges de fongicides) ou vendu formulé pour améliorer sa rémanence et son efficacité. D’autres mélanges sont possibles6,42, mais doivent être validés avant l’emploi à grande échelle. Par exemple, le mélange 1:1 (ex. : 4 kg/ha + 4 L/ha) de bicarbonate et d’huile minérale horticole d’été est intéressant, mais sans ajouter de soufre. Lorsque la dose de bicarbonate est plus élevée, l’huile en mélange réduit les risques de phytotoxicité6. Cependant, l’utilisation d’huile peut interférer avec vos autres traitements. L’huile végétale n’améliore pas l’efficacité du bicarbonate28.

Un avertissement (Le bicarbonate et RIMpro) a été publiée pour aider à bien cibler les traitements.

Le bicarbonate est compatible en mélange avec l’argile blanche (kaolin, Surround). Le mélange de bicarbonate + soufre + Surround est aussi efficace pour réprimer la tavelure que le mélange sans kaolin43.

Restrictions : Ne pas mélanger le bicarbonate avec des agents mouillants non testés ou non homologués, des produits ayant des formulations EC, ou des produits à base de cuivre liquide. Quand les conditions sont propices à la roussissure des fruits, le bicarbonate peut augmenter les symptômes, notamment en présence de résidus de cuivre. Le mélange de bicarbonate et de cuivre réduit l’adhérence du cuivre44.

Ne pas modifier le pH de la solution avec des adjuvants (ex : LI-700). Une partie de l’efficacité du bicarbonate provient de son pH élevé (pH > 8,4)43. L’acidification de la solution entraîne automatiquement une diminution de l’efficacité.

Par ailleurs, le bicarbonate de potassium est incompatible avec le chlorure de calcium puisqu’ils réagissent ensemble pour former de la craie (Carbonate de calcium) (voir la fiche sur La fertilisation sans nuire à la phytoprotection). Chaque molécule de chlorure de calcium présente sur le feuillage neutralise deux molécules de bicarbonate de potassium (2 KHCO3 + CaCl2 → 2 KCl + CaCO3 + H2O + CO2). Un traitement de 4 kg/ha de chlorure de calcium peut donc inactiver jusqu’à 7,2 kg/ha de bicarbonate de potassium. Assurez-vous donc que le chlorure de calcium soit bien lessivé (minimum >5 mm de pluie45) ou qu’une nouvelle feuille soit apparue avant les traitements avec du bicarbonate pour assurer l’efficacité de votre traitement fongicide.

Le bicarbonate de potassium est stable et peut être stocké pendant plusieurs années dans un contenant fermé. Cependant, l’exposition prolongée à une température supérieure à 25 °C et à une humidité relative élevée pourrait dégrader le produit et conduire à une libération graduelle de CO2 et la formation de carbonate, comme c’est le cas pour le bicarbonate de sodium41.

Selon les pays, la dose usuelle de traitement pour le bicarbonate de potassium est de 3 à 9 kg/ha, selon la taille des arbres, et l’efficacité est fonction de la dose6. Dans la plupart des vergers, 4-5 kg/ha suffisent. Cependant, comme la dose homologuée au Canada est déjà très faible, ne coupez pas la dose. Aucun ajustement de dose (ex. : TRV) à la baisse n’est possible. Le bicarbonate a été testé avec succès dans les volumes de bouillie réduit (ex. : 300 L/ha5).

Produits commerciaux :

  • BICARBONATE DE POTASSIUM 100 % : une homologation de bicarbonate de potassium alimentaire « générique » a été obtenue au Québec à l’automne 2016 par Naturpac (coopérative de Deux-Montagnes). (Numéro 32451).
  • SIROCCO ou MILSTOP : une formulation américaine de bicarbonate vendue au Canada jusqu’à 2021. Non disponible en 2022.

Autres sels :

Hydroxyde de calcium : La chaux hydratée (chaux éteinte, en anglais slaked lime) sous forme de suspension (lait de chaux) a un effet reconnu contre la tavelure38,44,46, mais n’a pas d’efficacité contre le blanc15. Certains producteurs commerciaux en Australie et en Nouvelle Zélande utilisent régulièrement la chaux comme traitement fongicide foliaire contre la tavelure47. Cependant, comme la dose d’efficacité équivalente au bicarbonate serait de l’ordre de 50 kg/ha (50$/ha), la manutention et le prix limitent l’utilité de ce produit.

Pendant la période des infections primaires, la chaux est appliquée comme le bicarbonate en traitements foliaires (jusqu’à 14 kg/ha selon la dimension des arbres en Nouvelle Zélande) pour des traitements en post infection. Une solution saturée ne suffit pas pour obtenir l’effet fongicide, il faut une suspension assez concentrée pour laisser un dépôt insoluble (lait de chaux). Une partie de l’efficacité est liée au pH élevé (pH > 12,4). La chaux est rapidement convertie en carbonate de calcium, inefficace, et ne peut donc pas être appliquée en protection34 et des traitements non dirigés de type calendrier ne sont pas assez efficaces15,47, même avec un taux d’application élevé (30 kg/ha8). Contrairement à la bouillie soufrée, la chaux n’est pas phytotoxique35 et ne cause pas de roussissure15. Le dépôt blanc laissé sur les fruits n’affecte pas la coloration8,15 et peut même prévenir l’insolation8. Cependant le résidu doit parfois être lavé à la récolte. L’agitation en cuve est importante pour maintenir la chaux en suspension. Attention : La chaux est corrosive et peut abîmer certaines pompes (ex. : pompe à piston).

Mélanges : La chaux est compatible en mélange avec le cuivre15, mais ce mélange est moins efficace que d’autres combinaisons (ex. : soufre + cuivre). Le mélange de chaux et d’huile est inefficace42. Comme la chaux est un engrais, son statut légal est incertain pour un usage fongicide35.

La combinaison de chaux éteinte et de la bouillie soufrée aurait un effet synergique contre les maladies, notamment celles causées par Alternaria48.

  • Chlorure de calcium : Le chlorure de calcium n’a pas d’effet fongicide, du moins pour la tavelure34, ou bactéricide direct. Cependant, ce produit exerce différents effets bénéfiques pour lutter contre les maladies. Par exemple, lorsqu’il est utilisé pour l’éclaircissage49 durant la fleur, le chlorure de calcium réduit indirectement les risques d’infection du feu bactérien. Comme engrais foliaire, le chlorure de calcium réprime en partie la tavelure (feuilles et fruits)50, le blanc, la suie-moucheture et la pourriture amère. Les apports répétés de chlorure de calcium diminuent les risques de point amer (désordre physiologique), mais aussi les risques de pourritures en entrepôt (gloeosporioses). Le trempage des fruits après récolte dans le chlorure de calcium est également bénéfique. La plupart des autres formulations de calcium en été (ex. : nitrates50, chélatés), n’ont pas ces bénéfices et peuvent même empirer les problèmes de maladie (feu bactérien, pourritures d’entrepôt) et des problèmes physiologiques comme le point liégeux51. Les applications de nitrate de calcium en été peuvent aussi contribuer à l’augmentation des problèmes de cicadelles, pucerons, acariens, tordeuses, etc. Voir la fiche sur La fertilisation sans nuire à la phytoprotection pour une stratégie de fertilisation azotée efficace.Les mélanges de calcium avec les fongicides usuels (ex. : Captan, Sovran) diminuent l’absorption du calcium52 et les adjuvants compris dans ces fongicides ne corrigent pas le problème. Le chlorure de calcium est incompatible avec le bicarbonate de potassium. Le chlorure de calcium est recommandé en mélange avec le bore (Solubor) et augmente l’efficacité de ce dernier53. (Voir la fiche sur La fertilisation sans nuire à la phytoprotection).Pour augmenter l’efficacité, le chlorure de calcium peut être mélangé à un agent mouillant pour réduire la tension de surface. La pénétration accélérée du calcium mélangé à l’agent mouillant permet notamment d’éviter le lessivage54. Cependant, évitez les conditions qui favorisent une trop grande absorption de calcium qui peuvent mener à une phytotoxicité. Les produits à base d’alkyls polyglucoside55 sont à privilégier (voir tensioactifs ci-dessous ). Le tensioactif Silwet L77 (organosilicone) est aussi efficace50, de même que l’huile de canola56.

Autres molécules inorganiques simples :

  • Urée : L’urée inhibe la reproduction de la tavelure dans les feuilles de litière et a donc un effet « fongicide » (voir la La tavelure : stratégies générales de lutte). L’urée appliqué comme engrais foliaire au printemps inhibe aussi la tavelure (voir la ). Les traitements immédiatement avant la pluie sont les plus efficaces.
  • Silicium (K2SiO3, silicate de potassium) : Le silicium en solution est partiellement efficace contre le blanc et la tavelure du pommier57, notamment lorsque les traitements sont dirigés pendant la germination du champignon58. Le silicate n’est pas plus efficace en mélange avec le bicarbonate de potassium59 (confirmé par Fibl en 2021, comm. pers.)
  • Silicate de potassium seul (2,6 kg/ha), efficacité moyenne, parfois inefficace16,60.
  • Bicarbonate de potassium (B2K) (2,5 kg/ha + Silicate de potassium (0,5 kg/ha actif)58 ),efficacité similaire au mélange B2K (5 kg/ha) + soufre (2 kg/ha).

Le silicate en solution a un pH élevé et est incompatible avec plusieurs produits. Le silicate de potassium est utilisé dans l’industrie alimentaire comme additif (E560) pour ajuster le pH.

Tensioactifs et autres adjuvants (surfactants, agents mouillants) (en anglais : spreader/sticker)

Les adjuvants ont une variété d’effets, mais sont surtout utilisés pour faciliter la répartition de la bouillie de pulvérisation et contrôler la mousse (tensioactifs), « coller » le produit en place (adsorption), faciliter la pénétration dans la plante (absorption), ou simplement ajuster le pH. Ils sont souvent intégrés comme additifs aux formulations commerciales, mais il est également possible d’en ajouter lors des traitements. Certains manufacturiers en font la promotion parce qu’ils peuvent augmenter l’efficacité des traitements. Les adjuvants n’ont en général pas d’effet direct sur les maladies, mais leur effet indirect sur la répartition et l’adsorption des gouttelettes peut être appréciable dans la gestion des maladies. Certains produits ont aussi parfois un effet direct sur les spores, notamment pour lutter contre la tavelure, mais cette efficacité est relativement faible.

Les adjuvants tensioactifs (surfactants) réduisent la tension de surface, ce qui a pour effet d’écraser les gouttes et donc d’augmenter la surface qu’elles occupent. La bouillie prend plus la forme d’un film d’eau que de gouttes individuelles. C’est l’effet « mouillant ». Leur usage est plus important avec les buses à grosses gouttes. Les tensioactifs sont catégorisés selon leur charge ou polarité (ioniques, ou non). Les agents anti mousse (ex. : dimethylpolysiloxane) sont souvent intégrés aux formulations des tensioactifs.

Certains adjuvants ont aussi une propriété « collante » (sticker) qui limitent le lessivage par la pluie61, les pertes par évaporation, ou par le soleil (photodégradation). Finalement, certains adjuvants sont à la fois mouillants et collants. Cependant, les meilleurs agents collants (ex. : latex, et résines) ne sont pas aussi efficaces comme agents mouillants. Même si l’idée de « coller » un fongicide peut sembler intéressante, l’utilité pour des maladies comme la tavelure et le blanc est limitée puisque la durée de protection est plus souvent limitée par la croissance des feuilles que par le lessivage par la pluie.

D’autres adjuvants sont conçus pour réduire la dérive en augmentant la viscosité et le diamètre des gouttelettes. Comme ces produits peuvent altérer la répartition des gouttelettes et nuire à l’efficacité de vos traitements, il est préférable d’adopter d’autres méthodes de réduction de la dérive.

Malgré leur potentiel, les adjuvants ne sont pas toujours utiles et peuvent même être responsables de réactions phytotoxiques. Mélanger des adjuvants avec des pesticides qui en contiennent déjà peut avoir des effets parfois imprévisibles.Par exemple, les produits conçus pour abaisser le pH (ex. : LI-700) peuvent augmenter l’efficacité des fongicides comme le Captan lorsque l’eau est alcaline, mais neutralisent l’effet des produits comme le bicarbonate de potassium et peuvent augmenter l’effet phytotoxique des produits comme le cuivre. Certains tensioactifs non ioniques éthoxylés (ethoxylated surfactants) (ex. : Agral, Enhance, Ag-Surf) peuvent nuire à l’absorption du calcium52 ou modifier la couche cireuse et provoquer une phytotoxicité62 ou une augmentation des maladies. Finalement, les adjuvants doivent être homologués pour la culture. Le choix de l’adjuvant est donc important.

Produits commerciaux (ou ingrédient générique):

  • Xiameter/Silwet L77 (organosilicone) (Stilwet) : facilite la pénétration des engrais. Sécuritaire en pomiculture50. Augmente l’effet des insecticides et fongicides63, mais n’a pas d’effet direct sur la tavelure50. Fonctionne pour des solutions à pH élevé64 et serait donc optimal en mélange avec le bicarbonate de potassium (mais non testé à notre connaissance).
  • Glucopon et Plantacare34 (250 ppm) : ils peuvent inhiber la germination des spores et la croissance du mycelium de la tavelure34. C’est probablement le cas des autres membres de cette famille de tensioactifs (polyglycoside, APG ou Alkyl polysaccharide surfactant (APS)). Ces produits (CAS 68515-73-1) sont sur la liste d’exemption de l’ parce que sécuritaires sur les aliments ( 180.910). Ils sont sécuritaires pour la culture et pour l’environnement.
  • Nu-Film-P (0,1 %, ex. : 0,3 L/ha) : produit à base de terpène. En mélange avec du cuivre ou des fongicides à base de soufre peut contribuer à une réduction de la tavelure65.
  • Liberate : tensioactif à base de lécithine de soya. Effet neutre sur le pH et n’affecte pas la cuticule.
  • LI-700 : effet acidifiant. Non homologué sur le pommier au Canada. Augmente l’effet fongicide du Captan66 mais diminue l’efficacité de la Kasumin.
  • Pod-Stik (Max-Bond) : agent collant à base de latex synthétique. Effet neutre sur le pH. Augmente l’effet fongicide du Captan66.
  • Huile de canola : augmente l’étalement des gouttelettes de pulvérisation, ce qui favorise une plus grande surface de contact et une plus grande absorption du calcium56.
  • Lait écrémé en poudre : (0,05 % m/v de bouillie, ex. : 50 g par 100L) agent collant. Augmente considérablement la rétention de la bouillie pesticide67.
  • Regulaid : couramment utilisé aux États-Unis pour augmenter l’efficacité de la streptomycine, mais non homologué au Canada.

Fongicides de contact multisites

Les fongicides de contact homologués en pomiculture sont issus de deux grands groupes de fongicides (Dithiocarbamates et Dicarboximides) développés il y a une cinquantaine d’années. Le fluaziname a longtemps été classé comme fongicide « de contact » mais comme il est absorbé par les feuilles du pommier il a été reclassé dans la fiche sur la Description des fongicides unisites et à risque de résistance. Les quinones, qui ne sont plus homologués au Canada, sont présentés dans la liste du fait de leur importance historique et leur utilisation actuelle en pomiculture dans la plupart des pays exportateurs de pommes.

Tous les produits issus de ces familles sont des génériques qui ne sont plus protégés par brevet. Ils partagent une efficacité contre une gamme variée de maladies, incluant la tavelure et le complexe suie-moucheture, mais aucun n’est très efficace contre le blanc du pommier. Ces produits agissent surtout par contact, c’est-à-dire qu’ils doivent être appliqués avant l’arrivée des spores du champignon visé ou pendant leur germination puisqu’ils ont une efficacité limitée en post infection. Ces produits adhèrent assez peu à la cuticule des feuilles et ne sont pas absorbés. Ils sont donc lessivés graduellement par les pluies. Vu leurs modes d’action complexes, ils sont rarement sujets à la résistance et la rotation entre les familles de fongicides de contact ou leur mélange n’est donc pas utile à cet égard. Malgré leurs similitudes, les différents produits ont des particularités propres dont il faut tenir compte dans le choix des produits à utiliser.

Dithiocarbamates

Historiquement, les dithiocarbamates ont remplacé le soufre et le cuivre parce qu’ils étaient actifs à des doses moindres et moins phytotoxiques. En plus des maladies réprimées par tous les fongicides de contact, les dithiocarbamates sont efficaces contre la tache ocellée et d’autres maladies mineures. Aux États-Unis, ils sont surtout prisés pour leur efficacité contre la rouille, une maladie quasi absente au Québec. Aucun cas de résistance n’a jamais été rapporté contre les dithiocarbamates. Leur avantage majeur est leur compatibilité en mélange avec la plupart des autres pesticides, les régulateurs de croissance et les engrais foliaires, alors que les autres familles de produits ont souvent des restrictions d’usage importantes pour éviter la phytotoxicité. Par exemple, les dithiocarbamates sont compatibles en mélange avec l’huile.

Par ailleurs, les dithiocarbamates ont tous des effets toxiques à des degrés divers contre les prédateurs d’acariens dont il faut tenir compte en PFI. Aucun fongicide de cette famille n’est admis dans les cahiers de charge de PFI de nombreux pays.

Le premier dithiocarbamate à avoir été homologué est le THIRAM. Par la suite, différentes variations ont été découvertes comme le FERBAM et le ZIRAM. Plus récemment dans les années 1960, un sous-groupe (EBDC) comprenant le mancozèbe, une combinaison de manèbe et de zineb, et le métirame ont été homologués. Chacun se distinguait par les ions (fer, zinc, etc.) coordonnés à la portion dithiocarbamate qui était commune à tous les produits. Les différents ions conféraient aux produits des propriétés particulières et servaient d’engrais foliaire. Les éléments présents dans chaque produit sont indiqués dans la liste.

Le sous-groupe des EBDC partage une même toxicologie incluant leur principal produit de décomposition, l’éthylènethiourée (ETU). Conséquemment, les mêmes restrictions s’appliquent aux EBDC homologués, incluant un délai d’usage de 45 jours avant récolte. Certaines craintes quant à la toxicité du ETU font en sorte que l’homologation du métirame a été entièrement révoquée et que celle du mancozèbe est en révision.

Produits commerciaux

Produits retirés :

  • THIRAM 65WP, GRANUFLO T (thirame) : produit utilisé principalement en mélange avec une peinture au latex pour la prévention des chancres sur le tronc des pommiers. Utilisé comme répulsif contre le campagnol, le lapin et le chevreuil avec des résultats variables. Le THIRAM a été remplacé comme fongicide par d’autres dithiocarbamates parce qu’environ 25 % de la population blanche y est allergique. Le THIRAM n’est plus homologué dans la pomme (décision de l’ARLA RVD2018-38).
  • FERBAM 76WDG (76% ferbame) : (ions fer) le FERBAM est le premier dithiocarbamate à avoir été homologué pour réprimer la tavelure du pommier. Le fer contenu dans ce produit laissait à la récolte des traces noirâtres sur les fruits. Le FERBAM n’est plus homologué dans la pomme (décision de l’ARLA RVD2018-37).
  • ZIRAM, ZIRAM GRANUFLO (zirame) : (ions zinc) les fongicides avec la marque commerciale ZIRAM sont à base du dithiocarbamate « zirame », qui ne doit pas être confondu avec le zinèbe. Le zinèbe n’a pas été homologué au Canada. Le ZIRAM a seulement été homologué sur la pomme en Colombie-Britannique. Le ZIRAM est très facilement lessivé par la pluie et a donc une faible capacité résiduelle par rapport aux autres EBDC. Le ZIRAM n’est plus homologué dans la pomme (décision de l’ARLA RVD2018-39).
  • POLYRAM DF (métirame) : (ions zinc). produit banni en 2020. Cet EBDC aurait moins d’effets toxiques sur les prédateurs d’acariens. En comparaison aux autres fongicides de contact, les fruits traités au POLYRAM ont souvent moins de roussissure.

Produits en usage courant (2020) :

  • DITHANE, FORTUNA, KINGPIN, MANZATE, PENNCOZEB (75 % mancozèbe) : (ions zinc + manganèse) le mancozèbe est le EBDC le plus utilisé en pomiculture. À la dose usuelle (4,5 kg/ha), il est moins efficace que le captane (3 kg/ha) pour réprimer la tavelure, mais aussi moins cher. La matière active du Captan est environ deux fois plus efficace que le mancozèbe. Lorsque les doses sont ajustées de façon à rendre leur prix égal, l’efficacité des deux produits est similaire. Baisser la dose a une incidence immédiate sur le nombre de taches observées lorsque les conditions sont favorables à la maladie. Des doses plus faibles de mancozèbe (ex. : 3 kg/ha) sont parfois recommandées en mélange avec d’autres produits pour augmenter l’efficacité68. Les étiquettes mentionnent une possible phytotoxicité sur Golden.
  • Phthalimides: Classe de fongicides variés issus du groupe des dicarboximides. Dans cette classe, différents fongicides ont été utilisés en pomiculture, dont le DIFOLATAN (captafol) qui a été retiré en 1988. Deux molécules de ce groupe sont encore homologuées au Canada en pomiculture, soit le captane et le folpet.   (folpet) sont très similaires. Le renouvellement de l’homologation du Captan (2018) et du Folpet (2020) ont restreint les possibilités d’usage pour ces deux fongicides.

Produits commerciaux :

  • CAPTAN 80WP, SUPRA CAPTAN 80 WDG, MAESTRO, SHARDA CAPTAN 48SC (captane) : le captane est très efficace contre une gamme variée de maladies sur le pommier. Outre la tavelure, il est efficace contre le complexe suie-moucheture et la tache ocellée. Par contre, le captane est légèrement moins efficace que les EBDC pour réprimer le complexe suie-moucheture. Le captane est aussi homologué contre certaines maladies mineures rarement présentes au Québec et qui ne sont pas couvertes dans ce guide (ex. : tache de Brooks).

Pour la tavelure, le Captan est utile en protection, pendant la fenêtre de germination des spores, mais peut aussi stopper la croissance du champignon sous la cuticule23 dans les heures suivants l’infection.

Ce produit possède d’excellentes propriétés de redistribution sur le feuillage et protège bien les fruits. Par contre, le captane est régulièrement impliqué dans des problèmes de phytotoxicité quand les conditions climatiques et certains mélanges favorisent son absorption69. Le Captan appliqué seul n’est à peu près jamais problématique69.

Le mélange d’huile et de captane est très phytotoxique et ne doit pas être utilisé. Les applications de captane sont aussi à éviter dans les sept à dix jours précédant ou suivant une application d’huile. Les agents mouillants sont à éviter en mélange avec le captane, à moins de l’avoir testé. Le mélange soufre et captane ne doit pas être utilisé sur les cultivars reconnus sensibles au soufre. Le guide de traitements de l’Université Cornell recommande d’éviter les mélanges avec captane dans les semaines suivant la floraison parce que les réactions phytotoxiques pour ce produit sont de plus en plus difficiles à prédire. Augmenter le nombre de produits en mélange augmente certainement la probabilité que le mélange favorisera l’absorption du captane qui mènera à une réaction phytotoxique69.

Des conditions nuageuses prolongées qui nuisent à la formation de la cuticule avant une application de captane peuvent parfois suffire pour provoquer des symptômes de phytotoxicité69, notamment des taches foliaires semblables à la tache ocellée (voir la fiche sur Les maladies secondaires du pommier) (captan spot). À l’inverse, le captane peut aussi parfois provoquer des symptômes de phytotoxicité par temps chaud (> 29 °C)24. Les bouillies avec un pH élevé (ex. : bouillie soufrée, bicarbonate de potassium) peuvent réduire l’efficacité du captane.

La dose homologuée en Amérique jusqu’en 2020 (3,75 kg/ha de Captan 80 %) est très élevée par rapport à la dose usuelle en Nouvelle Zélande (1,5 kg/ha8), la dose homologuée en Europe (1,9 kg/ha en France) ou même la dose jugée « normale » en Angleterre en 1969 (2,75 kg/ha)70. Une dose élevée n’est pas nécessaire pour être efficace. La dose homologuée à partir de 2020 au Canada (3 kg/ha de Captan 80 %) est encore plus élevée que nécessaire.

  • FOLPAN (folpet) : Ce fongicide est homologué au Canada contre les mêmes maladies que le captane et les deux produits sont très similaires. Le FOLPAN est aussi homologué contre la tache alternarienne, mais le diagnostic de cette maladie est ambigu et des traitements ne sont pas nécessairement requis. Comme le Captan, le FOLPAN est associé à différents problèmes de roussissure. Il est classé rouge (inacceptable) selon la cote PFI en lien avec son effet sur la santé humaine (IRS). Le folpet a été discontinué aux Ètats-Unis notamment à cause de ses effets sur la santé humaine71. Des données récentes72 et des modifications à la réglementation internationale sur les résidus permettent l’exportation de fruits traités au FOLPAN dans les pays où cette molécule est interdite, dans la mesure où la limite de résidus est respectée. D’un point de vue agronomique, ce produit pourrait remplacer le Captan dans les parcelles où des restrictions limitent les traitements. Par contre, il faut une dose de matière active 2,1 foisplus élevée de FOLPAN pour obtenir la même efficacité que le CAPTAN (2,6 kg/ha de FOLPAN 80WDG = 1,2 kg/ha de CAPTAN Supra 80). Un maximum de six applications de FOLPAN est possible par année à raison de 3 kg/ha de matière active (3,75 kg/ha de formulation).

Quinones
Cette vieille famille de fongicides comprend différents produits, dont le dichlone (PHYGON) qui n’est plus homologué dans la pomme, mais qui comprend également le dithianon71 (DELAN), encore largement autorisé en Europe73 et ailleurs dans le monde mais jamais homologué en Amérique. Le DELAN est le fongicide multisite le plus utilisé en Europe. Très efficace contre la tavelure à 500 g d’ingrédients actifs par hectare74.

NOTE : La liste est complète en date de publication de ce document. À chaque début de saison, le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) du pommier diffuse les ajouts et retraits de pesticides par le biais de communiqués. Consultez la Fiche 9 Ressources essentielles en PFI pour en savoir plus sur le RAP. Pour une information complète et à jour sur les pesticides, visitez le service en ligne d’information sur les pesticides du gouvernement du Québec et du Canada.

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

 

Références

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Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteur de la première édition : Vincent Philion
Auteur de la mise à jour 2024: Vincent Philion
Dernière mise à jour par l’auteur : 17 mai 2024

 

Cette fiche présente une description sommaire et une liste non exhaustive des fongicides unisites et à risque de résistance qui sont homologués pour les vergers de pommiers au Canada.

NOTE : Pour une information complète et à jour sur les pesticides, visitez le service en ligne d’information sur les pesticides du gouvernement du Québec, SAgE pesticides, et du Canada, Recherche dans les étiquettes de pesticides – Santé Canada.

En comparaison aux autres familles de produits, les produits classés comme « unisites » sont généralement plus récents et moins toxiques. Presque tous les produits jugés à « risques réduits » par l’ARLA sont dans ce groupe. En principe, trois propriétés agronomiques majeures les démarquent des autres produits : la résistance au lessivage, l’efficacité en post infection pour la tavelure et le risque de résistance.

Tous les fongicides unisites sont absorbés par la plante à des degrés divers et résident soit dans la cuticule ou sont systémiques dans la feuille. Conséquemment, tous les produits classés parmi les unisites sont en principe à l’épreuve du lessivage par la pluie et ont une certaine efficacité en post infection pour la tavelure du pommier. En pratique, la résistance au lessivage n’est pas si différente des autres produits et la redistribution au feuillage déployé après l’application est faible. Les différentes familles se distinguent par le spectre des maladies qu’elles peuvent contrôler et leur site d’action sur les champignons visés.

Comme leur nom l’indique, les produits à mode d’action unisite agissent seulement sur un aspect du métabolisme des agents pathogènes (mode d’action) et sont plus sujets au développement de la résistance. La résistance se propage parce que des individus naturellement présents dans la population ont un métabolisme différent qui contourne l’effet fongicide. À chaque mode d’action correspond un mécanisme de résistance qui est généralement indépendant des autres. Les populations devenues résistantes à une famille de produits sont sensibles aux autres familles. Par contre, les populations peuvent éventuellement devenir résistantes à plusieurs familles de produits.

Pour simplifier le choix des produits, les matières fongicides sont classées par le FRAC (Fungicide Resistance Action Committee) et c’est cette classification qui est utilisée dans le Guide. Les populations résistantes à un produit sont résistantes à tous les autres produits de la même famille.

Les problèmes de résistance ont un impact concret sur la gestion de la tavelure et le même principe s’applique au blanc du pommier et éventuellement aux autres maladies, notamment le complexe suie-moucheture. Les individus résistants peuvent soit remplacer rapidement toute la population (résistance qualitative), soit s’accumuler graduellement dans la population (résistance quantitative). En cas de résistance qualitative, la perte d’efficacité est brutale (ex.: benzimidazole, QoI) alors que la perte d’efficacité est graduelle quand la résistance est quantitative (ex. : dodine, IBS). Le type de résistance rencontré pour la tavelure est indiqué pour chaque classe de produit lorsque connu. La progression de la résistance est irréversible pour toutes les catégories de produits. Les individus résistants persistent dans la population même en absence de traitement.

Pour éviter l’accumulation des individus résistants, il est recommandé d’éviter les traitements de secours, de traiter dans les meilleures conditions en maintenant la dose recommandée, de limiter le nombre d’applications par saison pour une même famille et de faire la rotation entre les familles de produits unisites. Les mélanges de produits peuvent aussi ralentir la résistance et la fiche sur les Mélanges de fongicides leur est consacrée. Il est possible d’éviter d’avoir à gérer la résistance en utilisant seulement des produits multisites efficaces contre la maladie visée.

Traitements de secours

Les produits sujets à la résistance ne devraient jamais être appliqués dans les vergers où des symptômes de la maladie sont déjà apparents. Les traitements sur taches de tavelure déclarées, ou dans les vergers envahis de blanc dans le but de « brûler » les symptômes sont efficaces à court terme, mais accélèrent invariablement la sélection des individus tolérants ou résistants. Les traitements de secours ont conduit à la résistance de la tavelure envers la dodine (SYLLIT) et la résistance du blanc aux IBS. En présence de symptômes, il est toujours préférable de recourir à des traitements avec des produits multisites.

Conditions de traitement

Comme tous les produits unisites sont absorbés par la plante, leur efficacité ne dépend pas seulement de la dose appliquée, mais aussi de la dose réellement absorbée par la plante. L’absorption dépend des conditions de séchage. Pour maximiser l’efficacité des traitements, toutes les conditions doivent être réunies pour favoriser l’absorption. En outre, les traitements unisites ne doivent jamais être réalisés pendant la pluie. D’autres restrictions existent selon la catégorie de produits et leur sensibilité aux conditions d’absorption. Les traitements réalisés avec des produits unisites dans de mauvaises conditions (pluie, froid) sont généralement beaucoup moins efficaces que les traitements avec des produits multisites appliqués dans des conditions similaires. En plus des pertes directes liées à un mauvais traitement, les traitements inefficaces entraînent invariablement une pression de sélection accrue pour la résistance. Cette sélection est d’autant plus rapide quand les doses appliquées sont coupées.

Guanidines (FRAC U12)

La dodine est le seul fongicide de la famille des guanidines (FRAC U12) homologué dans la pomme (depuis 1957) et n’est efficace sur le pommier que pour réprimer la tavelure. Il est encore largement utilisé dans la plupart des pays européens. Initialement commercialisé sous le nom de CYPREX, c’est à la fois un fongicide de contact et un fongicide systémique local. La dodine est efficace en protection et en post infection jusqu’à 300 degrés-heures après le début de l’infection, soit environ 36 h après le début de la pluie. L’absorption de la dodine est rapide et le produit peut être appliqué sur du feuillage mouillé ou à basse température. Cependant, la dodine est parfois sujette à causer une phytotoxicité sur fruits quand le séchage est très lent ou quand la température est près du point de congélation. Comme tous les produits sujets à la phytotoxicité, il est recommandé d’éviter de l’utiliser pendant la période de sensibilité critique des fruits juste après la floraison (voir la fiche sur Le roussissement). Pour réduire davantage les risques, il faut le pulvériser lors de bonnes conditions de séchage assez rapide. La dodine est compatible en mélange avec l’huile.

Les guanidines modifient la perméabilité sélective des membranes cellulaires des champignons pathogènes. Malgré ce mode d’action assez complexe, un usage répété a démontré qu’elles sont sujettes à la propagation de souches résistantes de tavelure, notamment lorsqu’utilisées après l’apparition des symptômes. Pour cette raison, les guanidines sont classées dans la catégorie « à risque » parmi les autres produits unisites. La résistance à la dodine est relativement fréquente depuis plusieurs décennies1, mais comme son développement est plus lent que pour les autres produits et que la perte d’efficacité est graduelle (résistance quantitative), la dodine peut s’avérer une alternative utile à d’autres familles de produits devenus inefficaces. Même si le produit a perdu son efficacité moins de 10 ans après l’homologation dans certains vergers1, dans les vergers où l’usage a été moins intensif, le produit est resté efficace. C’est le cas dans la plupart des vergers en Europe et dans une forte proportion de vergers au Québec2.

EQUAL 65 WP, CYPREX : Produits retirés. Ces produits étaient des poudres mouillables, plus phytotoxiques que les formulations modernes. Les données d’efficacité de ces produits restent pertinentes, mais pas les rapports sur la phytotoxicité qui sont en partie liées à la formulation.

SYLLIT 400 FL (dodine) : Formulation moderne de la dodine. L’étiquette canadienne stipule une dose minimale de 700 g/ha de matière active (1,75 L/ha) alors qu’en France, la dose maximale autorisée de 680 g/ha de matière active est jugée très efficace.

Benzimidazoles (FRAC 1)

Cette famille de fongicides génériques a vu le jour dans les années 1960 et a été popularisée dans la pomme avec l’arrivée du benomyl (BENLATE), disparu depuis 2001. Les benzimidazoles bloquent la division cellulaire et nucléaire (mitose) des pathogènes visés. Ils sont très sujets au développement de la résistance, au point où tout le système de classification de la résistance (FRAC) débute avec eux (groupe 1). La perte d’efficacité due à la résistance est aussi soudaine que brutale pour toutes les maladies visées (résistance dite qualitative). Le thiophanate-méthyl originellement vendu sous le nom « EASOUT », TOPSIN-M aux USA et maintenant SENATOR au Canada, est le seul produit de cette famille encore homologué pour des traitements en verger. Le MERTEC (thiabendazole) est issu de la même famille et est encore homologué pour les traitements post-récolte, malgré la résistance généralisée des maladies qu’il est censé réprimer. Les benzimidazoles sont très toxiques aux vers de terre, mais également toxiques aux abeilles, aux oiseaux et à d’autres organismes3 et leur usage est parfois interdit pour cette raison. L’usage répété des benzimidazoles est aussi néfaste aux prédateurs d’acariens.

SENATOR 70WP (thiophanate-méthyl) : Le SENATOR est homologué pour la tavelure et le blanc du pommier. La résistance de la tavelure aux benzimidazoles est généralisée et son usage n’est plus recommandé pour cette maladie depuis plusieurs années. Les mélanges ne peuvent pas rétablir l’efficacité du SENATOR et reviennent à compter seulement sur le produit en mélange. Il est possible que le thiophanate-méthyl soit encore efficace pour réprimer le blanc (voir la fiche sur Le blanc du pommier), mais les risques de développement de la résistance sont élevés. Par contre, SENATOR est très efficace contre la suie-moucheture même si cette maladie n’apparaît pas sur l’étiquette. Le SENATOR est incompatible avec la bouillie soufrée et toutes les bouillies alcalines. Délai d’application avant récolte de 1 jour.

IBS (FRAC 3)

Ces fongicides sont également appelés IBE (pour inhibiteurs de la biosynthèse des ergostérols) ou SI ou SBI (pour inhibiteurs de la biosynthèse des stérols en anglais). Ils forment un grand groupe de fongicides comprenant différentes classes et familles. Les IBS provoquent l’inhibition d’enzymes impliqués dans la synthèse des stérols, entraînant une perturbation du fonctionnement et de la formation des membranes cellulaires des champignons. En pomiculture, tous les IBS homologués se trouvent dans le groupe « G1 », DMI (SBI : classe 1, inhibiteurs de déméthylation) et sont tous sujets à une résistance croisée (code FRAC 3). Cependant, la résistance n’est pas parfaitement corrélée et des variations importantes sont observées.  Différents IBS ont été homologués au cours des années. Au Canada, le fenarimol (pyrimidine, RUBIGAN ou VINTAGE aux États-Unis), le triforine (piperazines, FUNGINEX) et les triazoles, soit le bitertanol (BAYCOR), le myclobutanil (NOVA), le flusilazole (Nustar), le flutriafol (FULLBACK), le difenoconazole (INSPIRE) et finalement le mefentrifluconazole (CEVYA) ont été commercialisés. L’efficacité des IBS pour réprimer la tavelure a été augmentée avec chaque nouvelle génération de produits jusqu’au difenoconazole. Par contre, la résistance naturellement présente des champignons s’est aussi graduellement accrue avec l’usage et l’efficacité générale de chaque IBS a diminué progressivement. Une longue période d’utilisation du myclobutanil (NOVA), souvent à des doses faibles, a accéléré la perte d’efficacité des IBS. Le difenoconazole (INSPIRE) et le mefentrifluconazole (CEVYA) sont les seuls IBS encore recommandables pour réprimer la tavelure dans les vergers où le NOVA a été utilisé.

Les IBS ont une activité systémique locale translaminaire. Ils sont absorbés par la cuticule et redistribués au sein des feuilles traitées. La répartition ou redistribution du fongicide est limitée à une certaine surface autour de son point de contact. Une fois déposé sur la surface foliaire, le produit est absorbé en une heure. Les IBS sont néanmoins très sensibles aux conditions d’absorption. L’absorption des IBS est limitée à basse température et aucun traitement IBS n’est recommandé quand la température est inférieure à 12 °C.

Les IBS ont une activité systémique locale translaminaire. Ils sont absorbés par la cuticule et redistribués au sein des feuilles traitées. La répartition ou redistribution du fongicide est limitée à une certaine surface autour de son point de contact. Une fois déposé sur la surface foliaire, le produit est absorbé en une heure. Les IBS sont néanmoins très sensibles aux conditions d’absorption. L’absorption des IBS est limitée à basse température et aucun traitement IBS n’est recommandé quand la température est inférieure à 12 °C.

De par leur mode d’action, les IBS sont peu efficaces en protection puisqu’ils agissent seulement après la germination du champignon4. Ils sont par contre très efficaces après la pluie en post infection et peuvent arrêter la progression du champignon sous la cuticule des feuilles plusieurs jours après la pluie. En absence de résistance, ils peuvent être utilisés jusqu’à 1000 degrés-heures après le début de l’infection, soit environ 96 h après le début d’une pluie. Passé ce délai, leur efficacité diminue, mais reste mesurable quoique insuffisante. Les IBS ne tuent pas le champignon en croissance, mais le freinent. Ils sont donc techniquement « fongistatiques » et non « fongicides ». Conséquemment, une certaine résurgence a lieu en fin de saison et le champignon peut survivre d’une année à l’autre.

En absence de résistance dans les populations de champignons, les IBS sont efficaces contre une gamme variée de champignons incluant plusieurs maladies usuelles du pommier (tavelure, blanc), mais aussi des maladies pour lesquelles des traitements ne sont habituellement pas requis en PFI (ex. : rouille). L’efficacité contre chacune des maladies est variable selon le produit. Les IBS très efficaces contre la tavelure sont généralement moins efficaces contre le blanc et réciproquement. Par ailleurs, les premiers IBS n’avaient à peu près aucune efficacité contre la suie-moucheture (SBFS) alors que le difénoconazole est très efficace contre cette maladie.

Dans les vergers où les IBS sont encore efficaces contre la tavelure, leur utilisation en mélange est à considérer pour les traitements en post infection, en tenant compte du mode d’action. Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides. L’utilisation du FULLBACK (ou du NOVA) pour lutter contre le blanc pourrait potentiellement accélérer la résistance de la tavelure et mettre en péril l’efficacité des IBS encore efficaces contre cette maladie. Outre leur efficacité comme fongicides, les IBS ont souvent un effet hormonal sur le pommier. Cet effet est variable selon les molécules.

CEVYA (mefentrifluconazole) : Aussi connu comme Revysol (BAS-750-07F, BAS-752). Homologué au Canada en 2019 pour la saison de croissance 2020. Efficacité contre la tavelure équivalente ou légèrement moindre que INSPIRE5,6. La compagnie allègue que le produit est efficace contre les souches tolérantes aux IBS, mais les données ne sont pas publiées. Peu efficace contre le blanc à moins d’être bien synchronisé.

FULLBACK (flutriafol) : Homologué au Canada en 2014, ce produit est connu aux États-Unis sous le nom TOPGUARD ou RHYME. Cet IBS est très efficace contre le blanc du pommier. Par contre, son efficacité pour réprimer la tavelure est moindre5,6, notamment dans les vergers où la tavelure est tolérante au NOVA. Le produit n’est d’ailleurs pas recommandé seul pour réprimer la tavelure.

FUNGINEX (triforine) : Homologué au Canada seulement sur les pommiers non en production. Le triforine inhibe en partie la mise à fruit7.

NOVA 40W (myclobutanil) : Ce fongicide a été initialement commercialisé par Dow Chemicals. Son efficacité pour la tavelure est compromise par la résistance et le produit n’est plus recommandé dans la plupart des vergers. Les résultats d’essais récents illustrent que ce produit est moins efficace que les nouveaux IBS pour réprimer la tavelure6.  Ce fongicide doit être utilisé en mélange avec un fongicide de contact à partir de la floraison car il est peu efficace pour empêcher la tavelure sur les fruits. Il s’avère toutefois un excellent fongicide pour réprimer le blanc.

NUSTAR (flusilazole) : Fongicide jadis commercialisé par la compagnie Dupont. À la dose homologuée, le flusilazole pouvait réprimer efficacement les populations de champignons devenues tolérantes au myclobutanil. Retiré du marché après la saison 2011 même si l’homologation est restée valide jusqu’en 2018.

INSPIRE (difénoconazole) : IBS homologué par la compagnie Syngenta. Le difénoconazole est la molécule de cette famille la plus efficace contre la tavelure du pommier. Néanmoins, des souches tolérantes au difénoconazole sont fréquemment trouvées. Dans les vergers où la résistance au NOVA est bien installée, INSPIRE peut être utile si la pression de la maladie n’est pas trop forte, par exemple sur des cultivars moins sensibles que McIntosh. Par ailleurs, l’efficacité du INSPIRE est limitée pour réprimer le blanc. Efficace contre la suie-moucheture. Le INSPIRE est graduellement remplacé par le mélange INSPIRE SUPER.

INSPIRE SUPER : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

AP (FRAC 9)

Les fongicides du groupe des anilinopyrimidines (AP) provoquent l’inhibition de la synthèse de la méthionine (acide aminé) chez les pathogènes visés. Dans d’autres cultures, les AP sont surtout utilisés contre les champignons apparentés au Botrytis, mais ils ont aussi une assez bonne activité contre la tavelure du pommier. Cependant, les résultats sont variables. Dans une stratégie en « protection » ils ne sont pas recommandables8. Pour la tavelure, les AP sont efficaces jusqu’à 450 degrés-heures après le début de l’infection et perdent 50% de leur efficacité lorsqu’appliqués 750 degrés-heures après le début de la pluie. Les AP ne sont pas efficaces contre le blanc.

Pour être efficaces, les traitements avec AP doivent être absorbés par le feuillage. Leur systémie est locale (translaminaire). Les AP sont notamment présumés bien absorbés à basse température et sont préconisés en début de saison. Par contre, la période de séchage est critique pour assurer l’efficacité des produits de cette famille. Il faut compter deux heures de séchage pour garantir l’efficacité. Les AP ne répriment pas la tavelure sur fruits et ne sont donc pas recommandés après la floraison9. Les lacunes des AP en été sont bien documentées10.  Bien que la résistance croisée entre les AP (groupe 9) et les IBS (groupe 3) ne soit pas démontrée, leur efficacité pourrait être réduite dans les vergers où il y résistance aux fongicides de la famille des IBS. Les deux molécules homologuées dans ce groupe sont d’efficacité équivalente lorsqu’utilisées à la dose homologuée.

VANGARD 75WG (cyprodinile) : Premier fongicide de la famille des AP homologué au Canada (1998). Le produit existe aussi dans d’autres pays, notamment en Europe sous le nom de CHORUS.

SCALA (pyriméthanil) : Outre son homologation préflorale, le SCALA peut être utilisé avant la récolte pour réprimer les maladies comme le Botrytis et le Penicillium.

IMPALA (pyriméthanil) : Formulation générique de pyrimethanil identique à SCALA.

INSPIRE SUPER : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

QoI (FRAC 11)

Ce groupe de fongicides est le résultat d’une fusion des strobilurines et d’autres produits fongicides apparentés. Les QoI sont des produits relativement récents (1996) qui sont des dérivés d’un extrait de champignon naturellement fongicide. Ils agissent en causant l’inhibition de la respiration mitochondriale des cellules et sont efficaces contre une gamme variée de champignons. Les QoI sont très sujets à la résistance et cette résistance peut prendre différentes formes. Dans certains cas, la première résistance aux QoI qui apparaît est graduelle mais par la suite dans tous les cas une résistance très brutale (résistance qualitative) s’installe et les traitements peuvent soudainement perdre toute efficacité. Dans certains pays, la résistance est apparue après seulement quelques années d’usage modéré10.

En absence de résistance, leur spectre d’activité comprend toutes les maladies usuelles en pomiculture, incluant la tavelure, le blanc et le complexe suie-moucheture.

Ces produits ont une forte affinité pour la cuticule des plantes. Les QoI homologués dans la pomme ne sont pas systémiques4, ne sont pas stables dans la feuille et ont en général un faible mouvement translaminaire4. Sur pommier, leur activité translaminaire est quand même assez bonne11 pour protéger les surfaces non traitées.  Les QoI sont redistribués localement à la surface des feuilles par diffusion dans la cuticule. En principe, les QoI peuvent aussi s’évaporer et protéger des feuilles non touchées par la bouillie pesticide. Cependant, ils sont peu volatiles4 et l’effet est négligeable en conditions normales.

Comme ils inhibent la germination des spores4, ils ont d’excellentes propriétés de protection. Leur efficacité en post infection est maximale jusqu’à 427 degrés-heures, soit environ 48 h depuis le début de la pluie11. Même s’ils ont un effet reconnu en post-infection4,11, les QoI ne sont pas recommandés en post-infection en Europe.

Les QoI ont des effets physiologiques utiles à la plante. Ils aident à la photosynthèse, à l’assimilation des engrais et améliorent la résistance au gel. La pyraclostrobine (ex : MERIVON) appliqué avant un gel très léger pendant la floraison peut atténuer les dommages.

Par contre, les QoI ont aussi tendance à provoquer une phytotoxicité soit sur pommiers ou sur vigne. Les produits homologués sur la pomme sont donc souvent phytotoxiques sur la vigne et inversement. En pomiculture, il faut donc user d’une prudence extrême dans les sites à proximité des vignobles et des autres cultures où des fongicides de type QoI sont utilisés. Une dérive très faible du fongicide azoxystrobine (Quadris, Abound) utilisé dans plusieurs cultures peut provoquer des symptômes graves12 sur pommiers. Le partage d’équipement entre les cultures est impossible puisque même un nettoyage approfondi du pulvérisateur n’est pas suffisant pour éviter la phytotoxicité.

Les dommages varient selon le cultivar touché et sont importants notamment sur McIntosh, Gala, Spartan et Cortland, mais pas sur la Délicieuse rouge. La sévérité des dommages dépend du stade phénologique.

SOVRAN (krésoxim-méthyl) : Commercialisé par BASF, premier QoI homologué dans la pomme au Canada (2000). Selon la dose utilisée, ce produit est moins efficace que FLINT. Il faut au moins 280 g/ha de SOVRAN pour obtenir une efficacité comparable à FLINT à 140 g/ha. De plus, le SOVRAN est plus sujet à la résistance graduelle que le FLINT. Phytotoxique sur cerises.

FLINT (trifloxystrobine) : Commercialisé au Canada par Bayer depuis 2004. La résistance aux QoI est responsable de pertes d’efficacité en Ontario depuis 2011. Homologué jusqu’à 175 g/ha.

MERIVON de BASF (pyraclostrobine + fluxapyroxad) : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

PRISTINE de BASF (pyraclostrobine + boscalid) : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

SDHI (FRAC 7)

Les SDHI (succinate dehydrogenase inhibitors) du groupe des carboxamides constituent la dernière famille de produits unisites homologués dans la pomme. Différents produits contenant un SDHI sont homologués au Canada. Les SDHI ont une forte affinité pour la cuticule des feuilles et sont en partie absorbés. La portion absorbée est supposée systémique localement (translaminaire). Le premier SDHI (boscalide, contenu dans PRISTINE) n’avait pas d’efficacité reconnue contre la tavelure, mais les SDHI homologués par la suite incluent la tavelure dans leur spectre d’efficacité. Pour la tavelure, les nouveaux SDHI sont efficaces en protection et ont une efficacité en post infection d’environ 450 degrés-heures, soit environ 48 h depuis le début de la pluie. Certaines étiquettes (ex. : Luna Tranquility) qui incluent un SDHI en mélange peuvent indiquer une plus longue période d’activité en post infection, mais l’effet est obtenu par le partenaire de mélange et non le SDHI. Les fongicides SDHI sont également efficaces contre le blanc et d’autres maladies mineures comme la suie-moucheture.

Comme tous les SDHI sont à risque élevé de résistance (FRAC 7), il est important d’adopter une stratégie de gestion de la résistance avant leur utilisation généralisée.

APROVIA (benzovindiflupyr) : Produit homologué par Syngenta et commercialisé à partir de 2016. Cette molécule est la plus efficace du groupe pour réprimer la tavelure du pommier. Par contre, Aprovia n’a aucune efficacité contre le blanc (Cox, Cornell).

APROVIA TOP (benzovindiflupyr + difenoconazole) : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

EXCALIA (Inpyrfluxam (31,25 %)) : Produit homologué (2020) par Valent/Nufarm, la molécule est aussi connue sous le nom de « indiflin ». À la dose homologuée au Canada, EXCALIA n’est pas très efficace contre la tavelure11. Le traitement doit être complété au moins une heure avant la pluie, deux heures selon la documentation technique de Valent. La dose prescrite varie entre 146 et 219 mL/ha selon la pression de la maladie. L’intervalle minimal entre les applications est de 10 jours et seulement deux applications sont permises par année. De plus, le délai avant récolte empêche tout usage après la chute des pétales. L’étiquette précise qu’un minimum de 500 L/ha est requis lors de l’application, mais les applications à volume réduit fonctionnent. Un adjuvant (ex. : Xiameter, Silwet) est requis contre le blanc, mais les tensioactifs comme Liberate ou LI-700 peuvent nuire à l’efficacité. Selon les tests de Cornell, EXCALIA n’a aucune efficacité contre le blanc du pommier.

FONTELIS (penthiopyrad) : Le premier « SDHI » à voir le jour au Canada (2012) pour réprimer la tavelure. À la dose homologuée au Canada, le produit est très efficace pour la tavelure11 et le blanc du pommier (Cornell). La formulation de FONTELIS (Dupont) contient de l’huile qui peut engendrer des problèmes lors de l’utilisation conjointe avec le CAPTAN13–15. Le Fontelis ne doit pas être mélangé avec les produits d’éclaircissage15.

KENJA (isofetamid) : Peu de données comparatives. Homologué en 2018. Molécule de ISK. Homologué pour la tavelure à la dose de 0,913 L/ha. Pas homologué contre le blanc.

LUNA PRIVILEGE (fluopyram) : La gamme Luna (Bayer) a d’abord été homologuée en mélange (voir Luna Tranquility). En 2016, la molécule active a été homologuée seule. Dans plusieurs tests, cette molécule s’est avérée la moins efficace du groupe contre la tavelure, notamment lors d’un sondage sur la résistance au Canada. Par contre, les produits LUNA sont efficaces contre le blanc.

LUNA TRANQUILITY (fluopyram + pyrimethanil) : Mélange d’un SDHI avec un AP. Voir la   sur les Mélanges de fongicides.

MERIVON de BASF (pyraclostrobine + fluxapyroxad) : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

MIRAVIS DUO (pydiflumetofen + difenoconazole) : Aussi connu sous le nom de technologie « Adepidyn » Homologation Syngenta. Mélange d’un fongicide du groupe 7 avec un groupe 3. Peu efficace contre le blanc, mais homologué contre la suie-moucheture. Maximum de 2,34 L/ha par saison. Pour une dose non optimisée de 0,585 L/ha, 4 applications sont permises (voir résistance). Délai avant récolte d’un mois. Similaire à Aprovia Top. Voir la   sur les Mélanges de fongicides.

PRISTINE : Voir la fiche sur les Mélanges de fongicides.

SERCADIS (fluxapyroxad) : Molécule de BASF, aussi connu sous le nom de XEMIUM selon les pays et marchés. Cette molécule est aussi vendue sous le nom MERIVON (voir la fiche sur les Mélanges de fongicides). Le mélange n’est pas plus efficace que Sercadis16 contre la tavelure. Sercadis est très efficace contre le blanc. L’étiquette mentionne que l’utilisation d’un surfactant non-ionique (0,125 % v/v) est recommandée.

POLYOXINS (FRAC 19)

Les polyoxins (polyoxorim) tuent les champignons en inhibant la formation de la chitine (chitine synthase) qui est une composante essentielle des parois cellulaires des champignons pathogènes. Cette molécule fongicide d’origine naturelle est fabriquée par une bactérie actinomycète (Streptomyces cacaoi var asoensis). Cependant, la molécule est modifiée pour la rendre moins soluble. Les produits homologués (ex. : Oso (Certis), PH-D (Arysta)) ne sont pas automatiquement admissibles en production biologique (OMRI)17.  Vérifiez avec votre organisme de certification. Les polyoxins ont une efficacité limitée contre la tavelure du pommier et ne sont pas utiles contre cette maladie. Un seul produit de ce groupe est homologué au Canada pour la répression partielle du blanc. Cependant, le polyoxin D serait efficace contre la suie-moucheture en été et est homologué aux États-Unis contre une gamme variée de maladies secondaires (ex. : rouille, alternariose, pourriture du cœur, pourriture du calice, pourriture noire, Marssonina).

Le OSO (5 % actif, comme Diplomat) est recommandé aux USA en été à la dose de 19,5 oz/A, soit 1,4 L/ha).

DIPLOMAT 5SC (polyoxin D zinc salt 5%) : La dose homologuée est comprise entre 259-926 mL/ha. Ajustez la dose selon la dimension des arbres, mais tenez compte que la dose homologuée au Canada est plus faible que celle utilisée dans les essais américains. Compte tenu de son efficacité limitée, ce produit n’est pas jugé utile en PFI pour réprimer le blanc mais son efficacité contre la suie-moucheture est notable même si cette maladie n’apparait pas sur l’étiquette au Canada.

PYRIDINAMINE (PYRIDINE) 18,19 (FRAC 29)

Un seul fongicide du groupe 29 (fluazinam) est homologué sur pommiers. Les risques de résistance à ce groupe sont faibles.

ALLEGRO 500F (40 % fluazinam) : Le fluazinam est un fongicide développé dans les années 1980. Fongicide à large spectre qui inhibe la germination et la croissance mycéliale des spores. À l’origine, le fluazinam n’était considéré efficace qu’en protection18. Cependant des tests en laboratoire11, en serres20 et en verger21 ont démontré une efficacité en post infection contre la tavelure. Le fluazinam est absorbé par les feuilles et a une activité translaminaire sur pommiers11 et n’est donc probablement pas lessivé par la pluie. Le renouvellement des traitements est donc en fonction de la croissance. Ce produit est homologué et efficace en prévention pour réprimer la tavelure du pommier21,22, le complexe suie-moucheture et des maladies mineures comme les rouilles, l’alternariose, la pourriture noire, les pourritures estivales (gloesporiose) et le Brooks spot (Mycosphaerella pomi), mais pas contre le blanc. Son utilité pour les maladies mineures est limitée par le délai avant récolte de 28 jours.

Pour la tavelure, l’efficacité à la dose maximale homologuée de 1 L/ha (400 g actif par hectare) laisse une marge de manœuvre pour la réduction des doses. De très bons résultats sont possibles avec 300 g ai/ha8, ce qui correspond à la dose terrain suggérée par la fiche 48.  L’étiquette indique qu’un minimum de 1000 L/ha est requis pour la pulvérisation, mais cette recommandation n’est pas nécessaire et les traitements peuvent être faits à volume réduit comme pour les autres produits. Allegro est régulièrement utilisé à volume réduit lors des tests sur pommiers à l’IRDA.  L’utilisation régulière d’ALLEGRO à la dose maximale réprime partiellement les populations d’acariens phytophages (tétranyque rouge, à deux points, ériophyide)18, mais n’aurait pas d’impact sur les prédateurs21. Le produit est incompatible avec les traitements d’huile23. En PFI, le produit est classé rouge en lien avec l’indice santé alors qu’il est classé « à risques réduits » par l’ARLA.

DHODHI (FRAC 52)

Nouvelle homologation en 2022. Aucune résistance croisée avec les autres familles FRAC.

KINOPROL 20SC (ipflufenoquin 20%)24 :  Données disponibles limitées, mais serait efficace contre la tavelure et le blanc. 355 mL/ha 3 applications maximum par année. Délai de récolte de 14 jours.

 

Références

  1. Szkolnik, M. & Gilpatrick, J. D. Apparent resistance of Venturia inaequalis to dodine in New York apple orchards. Plant Dis. Report. 53, 861–864. (1969).
  2. Philion, V. & Joubert, V. Portrait de la résistance aux fongicides utilisés pour lutter contre la tavelure du pommier. (2014).
  3. Pest Management Regulatory Agency. Re-evaluation Decision RVD2020-13, Thiophanate-methyl and Its Associated End-use Products. Pest Control Prod. Act. (2020).
  4. Bartlett, D. W., Clough, J.M. & Godwin, J.R. The strobilurin fungicides. Pest Manag. Sci. Former. Pestic. Sci. 58, 649–662. (2002).
  5. Aćimović, S. G., Meredith, C. L. & Woelfersheim, N. Evaluation of BAS-750-07F (Revysol), DMI and SDHI fungicides with LI 700 for control of apple scab in 2018. Plant Dis. Manag. Rep. 13, PF040. (2019).
  6. Aćimović, S. G. & Meredith, C. L. Evaluation of SDHI and DMI fungicides in mix with surfactants and of new DMI revysol® for control of apple scab in the Hudson valley. Y. Fruit Q. 27. (2019).
  7. Latham, A. J., Dozier Jr, W. A., Knowles, J. W. & Hollingsworth, M. H. Suppression of apple bloom by fungicides that inhibit sterol synthesis. Plant Dis. (1985).
  8. Bugiani, R., Franceschelli, F., Bevilacqua, T., Antoniacci, L. & Rossi, R. Efficacy evaluation of some fungicides for the control of apple scab [Malus pumila; Emilia-Romagna]. Atti delle Gior. Fito. (2006).
  9. Creemers, P., Brugmans, W. & Vanmechelen, A. The anilino-pyrimidines, an interesting new fungicide family to control fungal diseases in fruit culture [pyrimethanil, cyprodinil, mepanypirim, active substances]. Mededelingen – Faculteit Landbouwkundige en Toegepaste Biologische Wetenschappen Universiteit Gent. (1995).
  10. Eihe, M., Rancane, R. & Vilka, L. Different fungicide combinations against apple scab helping to avoid fungus resistance. Ir Daržinink. 28, 57–67. (2009).
  11. Philion, V., Joubert, V., Trapman, M. & Stensvand, A. Physical Modes of Action of Fungicides Against Apple Scab: Timing is Everything, but Dose Matters. Plant Dis. (2023).
  12. Cowgill Jr, W. P., Oudamans, P., Ward, D. & Rosenberger, D. Not understanding phytotoxicity can damage your bottom line. Fruit Notes. 78, 15–23. (2013).
  13. Dupont Fontelis fungicide technical information. (2012).
  14. Rosenberger, D. The captan conundrum: scab control vs. phytotoxicity. Scaffolds fruits J. 22,6–8. (2013).
  15. Dupont Fontelis® fungicide. EPA registration vol. No. 352-834 NY-130003. (2014).
  16. Sundin, G. W. & Outwater, C. A. Evaluation of fungicide programs for apple scab control on McIntosh apple, 2016. Plant Dis. Manag. Rep. 11, PF001. (2017).
  17. Polyoxin D Zinc Salt. OMRI.
  18. Draber, W. & Fujita, T. Rational approaches to structure, activity, and ecotoxicology of agrochemicals. (1992).
  19. Compendium of Pesticide Common Names.
  20. Battistini, G., Finestrelli, A., Brunelli, A. & Fiaccadori, R. Evaluation of curative activity of old and recent fungicides on Venturia inaequalis. Atti delle Gior. Fito. 2,345–351. (2016).
  21. Mattedi, L., Forno, F., Rizzi, C. & Forti, D. Evaluation of the activity and the side effects on populations of predatory mite (Acarina, Phytoseiidae) of some fungicides for the control of apple scab (Venturia inaequalis)[Malus pumila-Trentino-Alto Adige]. in Atti delle Gior. Fito. 471–476. (1998).
  22. Mattedi, L., Forno, F., Rizzi, C. & Forti, D. Evaluation of the effectiveness of some fungicides to control apple scab (Venturia inaequalis)[Malus pumila-Trentino]. Atti delle Gior. Fito. (2002).
  23. Potato – Phytotoxicity of mineral oil treatments.
  24. Jeanmart, S., Edmunds, A. J., Lamberth, C., Pouliot, M. & Morris, J. A. Synthetic approaches to the 2015–2018 new agrochemicals. Med. Chem. 116162. (2021).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Danielle Bernier, Karine Toulouse, Gérald Chouinard et Francine Pelletier
Auteures de la mise à jour 2024 : Francine Pelletier, Stéphanie Gervais, Catherine Pouchet et Audrey Charbonneau
Dernière mise à jour par les auteures : 31 mars 2025

 

Cette fiche présente une description sommaire et une liste non exhaustive des herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués pour les vergers de pommiers au Canada pour l’année 2024. À chaque début de saison, le Réseau d’Avertissements Phytosanitaires (RAP) du pommier effectue une mise à jour de cette liste et diffuse les ajouts et retraits par le biais de communiqués. Consultez la fiche sur les Ressources essentielles en PFI pour en savoir plus sur le RAP.

NOTE : Pour une information complète et à jour sur les pesticides, visitez le service en ligne d’information sur les pesticides du gouvernement du Québec, SAgE pesticides, et du Canada, Recherche dans les étiquettes de pesticides – Santé Canada.

ATTENTION : Bien qu’homologués au Canada, les produits mentionnés ne sont pas nécessairement disponibles partout au pays, et ils ne sont pas nécessairement autorisés aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Avant de les utiliser, il importe donc de vérifier les conséquences possibles de leur utilisation si la récolte doit être exportée.

Cliquez ici pour consulter le tableau complet.

Extrait du tableau herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Gérald Chouinard, Robert Maheux, Yvon Morin, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Karine Bergeron
Dernière mise à jour par l’auteure : 18 février 2024

 

Les pesticides, ou produits phytosanitaires, servent à protéger les récoltes contre différents ennemis : maladies, insectes, mauvaises herbes, etc. afin de garantir la qualité de la récolte et des rendements. Pour que cette protection soit efficace, les produits doivent atteindre leur cible et ne pas être perdus dans l’environnement. Facile à dire, mais pas toujours simple à mettre en pratique!  Les moments propices aux pulvérisations sont souvent de courte durée et les conditions météo ne sont pas toujours idéales lors des applications. Il est impossible de contrôler la nature, mais on peut s’y adapter.

Pour réduire les risques de dérive, il faut :

  • Comprendre ce qui la cause.
  • Suivre les instructions indiquées sur les étiquettes. Exemple de mentions présentes sur l’étiquette du Captan 80 WSP (consultée le 27 mars 2023) :
    • « Appliquer uniquement lorsque les possibilités de dérive vers des secteurs habités ou des aires d’activités humaines (maisons, chalets, écoles et aires récréatives) sont minimes. Tenir compte de la vitesse du vent, de la direction du vent, des inversions de températures, du matériel d’application utilisé et des réglages du pulvérisateur. »
    • « Application à l’aide d’un pulvérisateur pneumatique : NE PAS appliquer par calme plat ni quand le vent souffle en rafales. NE PAS orienter le jet directement au-dessus des plantes à traiter. À l’extrémité des rangs et le long des rangs extérieurs, couper l’alimentation des buses pointant vers l’extérieur. NE PAS appliquer lorsque le vent souffle à plus de 16km/h au site d’application (d’après la mesure prise à l’extérieure du site de traitement, du côté d’où vient le vent). »
  • Utiliser du matériel approprié : buses produisant des gouttelettes de la bonne grosseur (les gouttelettes de taille inférieure à 150 μm sont particulièrement sujettes à la dérive).
  • Faire quelques ajustements sur le pulvérisateur : déflecteurs, détecteur de végétation, etc. Chaque ajustement ou accessoire comporte des avantages et des inconvénients.

Qu’est-ce que la dérive des pesticides et ses effets ?

La dérive est le transport par voie aérienne de gouttelettes ou de vapeurs de pesticide hors de la zone ciblée par le traitement. Les gouttelettes qui ont dérivé sont perdues dans l’environnement. La dérive peut se produire dès la mise en marche du pulvérisateur et se poursuivre longtemps après la pulvérisation. Elle peut contaminer l’eau, l’air et le sol. Généralement, la dérive est liée aux méthodes d’application et aux conditions locales et non pas à la nature du produit appliqué.

Pour réduire la dérive, il faut bien comprendre comment différents facteurs physiques et météorologiques agissent sur les gouttelettes :

  • La gravité : fait en sorte que les gouttelettes tombent au sol.
  • La taille des gouttelettes : plus elles sont petites (moins de 150µm), plus les risques de dérive sont présents.
  • L’angle de la pulvérisation : les jets orientés davantage à l’horizontal (pulvérisateurs tours) sont moins sujets à la dérive que les jets à angle prononcé des pulvérisateurs de type « radial » (en arc de cercle).
  • La quantité d’air soufflée : l’air qui traverse et sort du couvert végétal peut propulser les gouttelettes sur de grandes distances.
  • L’évaporation : a pour effet de réduire la taille des gouttelettes, les rendant plus sensibles à la dérive.
  • La vitesse et la direction du vent : le vent transporte les gouttelettes parfois sur de très longues distances et dans de nombreuses directions. Il est préférable de pulvériser par vent léger (plus de 1 à 2 km/h) ET de ne pas pulvériser par calme plat. La vitesse du vent est le facteur le plus important en ce qui concerne la dérive des gouttelettes de pesticide. En verger, la vitesse du vent est mesurée dans le haut du couvert végétal, en amont du verger.

Tableau tiré du document La dérive des pesticides : prudence et solutions (source : Marlène Piché).

  • L’air ascendant : déplace les gouttelettes fines vers le haut les rendant sensibles aux déplacements par le vent.
  • L’humidité relative de l’air et la température : ces deux facteurs peuvent diminuer le diamètre des gouttelettes (dérive) et concentrer le produit (phytotoxicité). En général, il faut éviter de pulvériser lorsque l’humidité relative est inférieure à 40 % et la température de l’air, supérieure à 25 °C. Ces conditions favorisent la réduction du diamètre des gouttelettes par évaporation de l’eau dans celles-ci et ces particules alors plus fines sont plus sensibles à la dérive.

La présence d’une station météo qui permet de lire la température, la quantité de pluie tombée, l’humidité relative, la vitesse et la direction du vent, au verger est fortement recommandée pour connaître ce qui se passe sur place.

Plus la distance entre la buse et la cible (feuilles, fruits) est petite, moins les risques de dérive et les impacts sur la pulvérisation seront importants.

Pourquoi réduire la dérive?

Dans les zones tampon, aucune application de pesticide n’est permise. Les zones tampon sont mentionnées sur les étiquettes. Elles peuvent varier selon le stade de développement des cultures à protéger et le type d’équipement utilisé.

Exemple de l’information des zones tampons requises pour le SHARDA CAPTAN 80WSP tiré de l’étiquette du produit consulté en 2024 (source : Sharda Cropchem LTD).

L’outil Calculateur de zone tampon disponible sur le site de Santé Canada peut également vous aider à déterminer ce qui est permis de ce qui ne l’est pas.

Il est aussi possible de combiner plusieurs techniques qui permettront de réduire les zones tampons mentionnées.

Pourcentage de réduction de la dérive des techniques et équipements admissibles. Tableau tiré du document Techniques et équipements admissibles à une réduction des distances d’éloignement prévues à l’article 52 du Code de gestion des pesticides par rapport aux immeubles protégés consulté en 2024 (source : ministère de l’Environnement du Québec).

Comment réduire la dérive?

Il est possible de poser plusieurs gestes qui vous permettront de réduire la dérive lors de vos applications de pesticides.

1. Effectuez les vérifications suivantes avant toute pulvérisation :

2. Effectuez le réglage et l’étalonnage du pulvérisateur (Fiche sur le Réglage et étalonnage du pulvérisateur) :

Cet ajustement devrait être fait en début de saison et en cours de saison si des modifications sont apportées au pulvérisateur. Il permet de réduire le gaspillage et les effets néfastes des pesticides sur l’environnement, de confirmer que tout est conforme :

  • Le débit et la distribution de l’air;
  • La dose qui sera appliquée;
  • Le débit de chacune des buses.

Pour ce faire, il faut :

  • Positionner et orienter les buses de façon à maintenir le plus possible le jet de gouttelettes vers et à l’intérieur du feuillage.
  • S’assurer que la distribution de l’air qui sort du pulvérisateur soit optimale. Cette étape a normalement lieu en usine ou lors de cliniques de réglage (norme Aircheck).
  • Ajuster le débit d’air en fonction de la densité du couvert végétal : moins il y a de feuillage, moins il devrait y avoir d’air. Dans les vergers, les pulvérisations faites en début de saison produisent plus de dérive que celles faites en juillet.
  • La vitesse du tracteur influence la quantité d’air qui va sortir du couvert végétal. L’ajustement du débit d’air doit être fait en roulant.

Vous pouvez réduire votre débit d’air en diminuant la vitesse de rotation de la prise de force du tracteur (PTO) ce qui vous fera également économiser du carburant.

Le réglage annuel du pulvérisateur peut être fait par une personne accréditée du programme Action réglage.

Vous pouvez aussi visionner les cinq capsules de la série « Réglage des pulvérisateurs à jets portés ». Elles vous permettront de mieux comprendre le réglage de votre pulvérisateur à jets portés. Nous vous recommandons cet ordre de visionnement :

  1. La préparation du pulvérisateur (6 minutes);
  2. Les données requises (8 minutes);
  3. Le réglage du pulvérisateur (12 minutes);
  4. Atteindre la cible: débit, espacement et vitesse (6 minutes);
  5. Atteindre la cible: quantité et traitement (5 minutes).

À la fin de vos visionnements, vous ne verrez plus votre pulvérisateur de la même façon!

Le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) offre aussi des ressources sur leur site MAPAQ – Action-réglage (source : MAPAQ).

3. Ajoutez au pulvérisateur de petits équipements pour améliorer la technique de pulvérisation :

Buses antidérive, buses à faible dérive, buses à réduction de dérive ou buses à induction d’air.

Ces buses produisent des gouttelettes de taille plus homogène et plus grosses aux mêmes débit et pression d’application que les buses conventionnelles à jet plat ou à jet conique. Elles permettent une réduction de la dérive de 50 à 85 %. Elles s’intègrent facilement sur un système conventionnel sans nécessiter d’investissement important.

ATTENTION : Pour s’assurer d’un bon fonctionnement, ces buses doivent être nettoyées efficacement après chaque pulvérisation. Assurez-vous que les deux orifices par lesquels l’air est aspiré restent toujours ouverts et ne se bouchent pas. Pour plus d’information sur la performance et l’utilisation des buses antidérive, une fiche technique de l’IRDA (2012) résume une étude sur le sujet.

La taille des gouttelettes est définie selon la norme ASAE S572.1 et un code de couleur est associé au diamètre moyen des gouttelettes qui seront pulvérisées.

Tableau de taille de gouttelettes en fonction du code de couleur tiré du Dépliant sur le choix des buses de pulvérisation en grande culture consulté en 2024 (source : Coordination services-conseils).

ATTENTION : le code de couleur de la qualité de pulvérisation norme ASAE S572.1 (tableau précédent) ne doit pas être confondu avec la couleur de la buse qui peut varier selon les marques de commerce.

Les gouttelettes extrêmement fines (XF) sont rarement utilisées en pomiculture, mais les gouttelettes très fines (VF) sont courantes (ex : Albuz ATR 80° lilac). Il est possible d’utiliser des gouttelettes avec un VMD inférieur à 150 µm de façon sécuritaire si ce choix est accompagné d’autres mesures pour réduire la dérive. Par exemple, choisir des buses antidérive pour les porte-buses aux positions les plus élevées de votre pulvérisateur tour.

  • Détecteur optique de végétation :

Cet appareil permet la fermeture/ouverture automatique des buses en l’absence/présence de végétation, par exemple un arbre manquant sur un rang. En verger, la réduction de la dérive varie de 20 % en début de saison à 50 % lorsque le feuillage est pleinement développé. Ce système permet de réduire les quantités de pesticides utilisées et leur dérive hors de la zone visée.

détecteur optique de végétation

Détecteur optique de végétation (source : Marlène Piché).

  • Déflecteurs :

De dimensions variables, les déflecteurs ressemblent à des palettes de tôle. Ils sont placés de chaque côté du pulvérisateur axial, en haut de la fente de sortie d’air de chaque buse. Ils permettent d’orienter le jet d’air horizontalement et de mieux cibler le feuillage. Ils font habituellement partie intégrante du pulvérisateur au moment de l’achat mais peuvent être ajoutés. La distribution et l’orientation de l’air peuvent être ajustés avec des équipements spécialisés. Les ajustements de l’air sont très difficiles à la ferme.

4. Utilisez un pulvérisateur permettant la réduction de la dérive :

  1. Pulvérisateur tour avec flux latéral d’air

Ce type de pulvérisateur entraîne les gouttelettes très près du feuillage en produisant un jet horizontal. Un bon ajustement du pulvérisateur et la fermeture des buses dont le jet pourrait passer au-dessus de la végétation permettent de contenir les gouttelettes dans la végétation. Certains modèles permettent d’incliner la section supérieure de la tour vers le bas et de maintenir ainsi la pulvérisation dans le couvert végétal. L’utilisation d’un tel pulvérisateur permet une réduction de la dérive d’environ 50 %.

pulvérisateur tour avec flux latéral d’air

Pulvérisateur tour avec flux latéral d’air (source : Marlène Piché).

    b. Certification Aircheck

Certification de pulvérisateur et/ou de ventilateur qui est présente en Europe.  Cette certification assure l’optimisation de la distribution de l’air afin que la dose appliquée atteigne la cible voulue.

Logo AirCheck (source: AirCheck.eu)

Cette technologie a été utilisée et très appréciée dans le cadre du projet des vitrines pomicoles.

AVANTAGES INCONVÉNIENTS
Augmentation de la déposition du produit sur le feuillage, meilleure qualité de couverture Aucune certification disponible au Québec. Si on veut avoir accès à cette technologie, il faut importer le pulvérisateur ou le ventilateur, ce qui augmente les coûts.
Réduction de la dérive Plus dispendieux
Réduction du bruit
Meilleure efficacité énergétique (temps, vitesse d’application) donc gains monétaires à plusieurs niveaux
 Possibilité de modifier un vieux pulvérisateur pour une même efficacité

c. Pulvérisateur tunnel

Cette technologie utilisée en Europe est la technique la plus sûre pour l’environnement. Elle permet de réduire la dérive d’environ 90 %. Le pulvérisateur de type tunnel produit un jet horizontal, enrobe le pommier des deux côtés et récupère le produit de façon à le faire circuler de nouveau, diminuant ainsi de 30 % la quantité de pesticide utilisée. Au Québec, la présence de pommiers de grosseurs différentes (standards, nains, semi-nains) au sein de la plupart des vergers limite l’utilisation de cette technologie.

Pulvérisateur tunnel (source : Marlène Piché).

    d. Pulvérisateur avec sac(s) de pulvérisation :

Ce type d’appareil peut, en fonction du nombre de sacs de pulvérisation présents, traiter jusqu’à trois rangs à la fois (rampe comportant trois sacs). Ce genre de pulvérisateur a été utilisé en 2011 dans un verger commercial au Québec.

Pulvérisateur avec sac(s) de pulvérisation (source : Paul Émile Yelle et Karine Bergeron).

AVANTAGES INCONVÉNIENTS
Augmentation de 50 à 66% des superficies traitées par un opérateur: Ce type d’équipement doit être utilisé sur de grands vergers pour être rentable. Ce type d’équipement est aussi difficile à trouver sur le marché.
50% = 2 rangs traités simultanément
66 % = 3 rangs traités simultanément) Permet de traiter plus de superficies.
Grande réduction du bruit comparativement à un pulvérisateur conventionnel. Doit être utilisé dans des blocs homogènes de pommiers.
Un opérateur seul peut traiter une plus grande superficie de verger dans de bonnes conditions climatiques. Nécessite un terrain sans aspérité pour éviter les mouvements de la rampe et le déplacement des sacs de récupération.

5. Établissez des haies brise-vent autour du verger :

Des haies brise-vent réduisent la vitesse du vent et contribuent à réduire la dérive sur une distance d’environ trois fois la hauteur des arbres qui la composent.

  • Réduction de 10 à 50% si le feuillage est absent ou en développement.
  • Réduction de 60 à 85 % si les arbres sont en pleine feuillaison ou matures.

Les haies brise-vent ont aussi les effets suivants :

  • La pollinisation sera de meilleure qualité en raison de la présence accrue d’insectes pollinisateurs.
  • La diminution des dommages aux bourgeons, aux fleurs et de la chute des pommes par un ralentissement de la vitesse du vent
  • La protection contre le gel hivernal : l’accumulation de neige en hiver est plus importante.

Pour plus de détails et des exemples d’aménagements, consultez la publication Des haies brise-vent pour réduire la dérive de pesticides en verger  et voir la fiche sur les Ressources essentielles en PFI.

ATTENTION : les végétaux implantés ne doivent pas être sensibles aux pesticides employés et devront être choisis selon le type de sol et la zone de rusticité. L’utilisation de plantes faisant partie de la famille des rosacées est déconseillée, car leur parenté avec les pommiers augmente les risques de problèmes de maladies et d’insectes.

6. Modérez la vitesse d’avancement du pulvérisateur :

Si la vitesse d’avancement du pulvérisateur est grande, il est possible que de la turbulence soit créée, laquelle contribuera à éloigner les gouttelettes de pulvérisation de leur cible. La réduction de la vitesse de déplacement contribuera à améliorer la couverture de l’application ainsi que la pénétration du produit dans le couvert végétal.

7. Augmenter la taille des gouttelettes :

Plus les gouttelettes sont petites, plus elles sont sujettes à la dérive de pulvérisation. Il est possible d’augmenter la taille des gouttelettes par l’utilisation de buses antidérive ou en ajustant différemment la pression d’application. Plus la pression sera faible, plus les gouttelettes seront grossières donc moins sensibles à la dérive. L’augmentation de la taille des gouttelettes peut cependant entraîner des conséquences sur la qualité de la couverture, le volume d’eau requis pour bien traiter la culture et l’énergie requise pour souffler les gouttelettes (et donc le bruit).

Pour en savoir davantage

Aménagement de brise-vent pour réduire la dérive de pesticides lors de l’utilisation de pulvérisateurs à jet porté (quebec.ca)

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Gérald Chouinard, Yvon Morin, Robert Maheux, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Karine Bergeron
Dernière mise à jour par l’auteure : 18 février 2024

 

Pourquoi la qualité de l’eau est-elle importante?

Une mauvaise qualité d’eau peut avoir plusieurs effets néfastes sur l’efficacité des traitements phytosanitaires. Par exemple en causant la dégradation de la matière active ou encore, en la rendant inactive. Or en agriculture, faire des traitements efficaces est l’objectif de tous.

Comment s’assurer de la qualité de l’eau utilisée?

En général, l’eau souterraine est de meilleure qualité que celle de surface : elle est plus froide et plus claire. Si l’eau de surface est utilisée, par exemple celle d’un étang, la prise d’eau ne doit pas être située trop profondément, afin de ne pas pomper de sédiments. D’un autre côté, elle ne doit pas non plus être prélevée trop en surface, là où il y a plus de matière organique sous forme d’algues et où l’eau est plus chaude et risque d’accélérer les réactions chimiques aptes à inactiver les pesticides.

Vérifier la qualité de l’eau est assez simple et devrait être fait au moins une fois par année pour chacune des sources d’eau utilisées pour remplir la cuve du pulvérisateur.  Pour ce faire, faites fonctionner la pompe de votre source d’eau pendant quelques minutes avant de prélever l’échantillon d’eau.

Les paramètres à vérifier sont: le pH, la turbidité ainsi que la dureté de l’eau.

Le pH : il a un effet sur la durée de vie et la stabilité de la matière active dans la bouillie. Généralement, les pesticides sont stables à des pH compris entre 5 et 6. Si le pH de l’eau est supérieur à 7,5, l’ajout d’un acidifiant peut être recommandé.  Consultez les étiquettes des produits utilisés pour connaître les produits correcteurs de pH pouvant être ajoutés et dans quel ordre les ajouter.  Si plusieurs produits sont mélangés dans la cuve (voir la fiche sur Prévenir la phytotoxicité), le pH devrait être repris à la fin et ajusté au besoin. Dans le cas des mélanges, des pH compris entre 5 et 7 sont jugés acceptables.

Sous des conditions alcalines (pH >7) la matière active peut être dégradée (hydrolyse alcaline) sous forme inactive, ce qui peut entraîner une perte d’efficacité du pesticide.  La dégradation de la matière active d’un pesticide peut être mesurée en termes de demi-vie. Par exemple si un produit a une demi-vie de 1h, la quantité de matière active sera réduite de 50% après 1 heure, de 25% la deuxième heure, de 12.5% la troisième heure et ainsi de suite.  Éventuellement, le pesticide deviendra donc inefficace.  Cette donnée de demi-vie varie d’un produit à l’autre et peut être atténuée par l’ajout de produits modifiant le pH de la solution présente dans la cuve.

Demi-vie et pH optimal pour plusieurs produits phytosanitaires (tableau tiré de Effect of water pH on the stability of pesticides – MSU Extension) :

PRODUIT MATIÈRE ACTIVE pH OPTIMUM DEMI-VIE ET TEMPS NÉCESSAIRE JUSQU’À 50% DE DÉGRADATION
Insecticides/Miticides
Agri-Mek Avermectine Stable si pH entre 5 et 9
Ambush Perméthrine 7 Stable si pH entre 6 et 8
Apollo Clofentézine pH 7 = 34 h
pH 9.2 = 4.8 h
Assail Acétamipride 5 à 6 Instable à pH inférieur à 4 et supérieur à 7
Dipel B. thuringiensis 6 Instable à pH supérieur à 8
Imidan Phosmet 5 pH 5 = 7 jours
pH 7 < 12 h
pH 8 = 4 h
Matador Lambda-cyhalothrine 6.5 Stable si pH entre 5 et 9
Pounce Perméthrine 6 pH 5.7 à 7.7 
Nexter (Pyramite) Pyridabène Stable si pH entre 4 et 9
Sevin XLR Carbaryl 7 pH 6 = 100 jours
pH 7 = 24 jours
pH 8 = 2.5 jours
pH 9 = 1 jour  
Entrust, Success (SpinTor) Spinosad 6 Stable si pH entre 5 et 7
pH 9 = 200 jours
Fongicides
Aliette Forsétyl-al 6 Stable si pH entre 4 et 8
Captane 5 pH 5 = 32 h
pH 7 = 8 h
pH 8 = 10 min
Mancozèbe 6 pH 5 = 20 jours
pH 7 = 17 h
pH 9 = 34 h
Nova Myclobutanil Pas affecté par le pH
Herbicides
Venture (Fusilade) Fluazifop-p pH 4.5 = 455 jours
pH 7 = 147 jours
pH 9 = 17 jours
Ignite Glufosinate-ammonium 5.5
Poast Sethoxydim 7 Stable à pH 4.0 à 10
Princep Nine-T Simazine pH 4.5 = 20 jours
pH 5 = 96 jours
pH 9 = 24 jours
Prowl Pendiméthaline Stable dans un grand intervalle de pH
Glyphosate 5 à 6

Quelques options existent pour mesurer le pH de votre eau :

  • Des bandelettes en papier (kit de piscine) :
    • Lecture rapide;
    • Peu dispendieux;
    • Méthode la moins précise.
  • Un pH-mètre électronique :
    • Lecture rapide;
    • Coût et qualité très variables;
    • Doit être calibré.
  • Une analyse d’un laboratoire accréditédu centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ):
    • Très précis;
    • Possibilité de demander plusieurs éléments;
    • Délais d’analyse.

La turbidité : elle désigne la teneur des particules en suspension dans l’eau. Selon la quantité de particules présentes, l’eau sera trouble ou limpide.

Pour les applications de pesticides, on recherche une eau la plus limpide possible.  La turbidité peut être causée par des contaminants dont des algues, de la matière organique ou des particules de sol en suspension dans l’eau.  Ces contaminants ont des charges électriques qui peuvent agir avec la matière active des pesticides et la rendre moins efficace, voire inactive. La matière organique présente dans l’eau peut nuire à l’efficacité de la plupart des pesticides de contact. Les herbicides sont particulièrement sensibles à cette caractéristique. Si l’eau n’est pas claire, un filtre au sable peut être utilisé pour éliminer les matières organiques en suspension.

La turbidité de l’eau varie selon différents facteurs, dont de fortes pluies ou des périodes de sécheresse.

Eau turbide en comparaison à de l’eau trouble.

La dureté : elle est liée à la présence de sels minéraux dans l’eau.

Le calcium (Ca) et le magnésium (Mg), deux éléments avec des charges positives, contribuent à la dureté lorsqu’ils sont présents dans l’eau. Ces ions positifs peuvent interagir avec la matière active des pesticides et la rendre moins efficace, voire inactive.

Il est possible de mesurer la dureté de l’eau (titre hydrotimétrique) avec des bandelettes (différentes de celles utilisées pour le pH) ou par une analyse en laboratoire.

Plage de valeur du titre hydrotimétrique (source : https://anti-calcaire.bio/carte-calcaire-france/).

Pour en savoir davantage

Les six clés de l’efficacité des pulvérisations dans les vergers et vignobles | ontario.ca

Pulvérisation : Comment optimiser la qualité de l’eau

 

Références

La qualité de l’eau: la base d’une pulvérisation efficace. Publireportage. Le Bulletin des agriculteurs. (2021).

Qualité de l’eau pour pulvérisations. Publireportage. Le Bulletin des agriculteurs. (2012).

Giroux, D. Mesure de deux paramètres de qualité de l’eau de pulvérisation (alcalinité et ph). Présentation à la journée petits fruits. Agri-Réseau. (2018).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Gérald Chouinard, Yvon Morin, Robert Maheux, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Gaëlle Charpentier
Dernière mise à jour par l’auteure : 15 janvier 2023

 

Identifier la résistance

La résistance d’un ravageur (insecte, acarien, maladie) à un pesticide réfère au changement de sensibilité d’une population de ce ravageur au pesticide en question. La résistance se manifeste sur le terrain de deux façons : soit par une baisse d’efficacité, soit par une perte totale d’efficacité qui mène à des échecs successifs des applications du pesticide, lorsque celui-ci est utilisé tel qu’indiqué sur l’étiquette. La résistance à un groupe chimique confère parfois de la résistance à un autre groupe chimique : ce phénomène est la résistance croisée.

La résistance se développe souvent lorsqu’un pesticide est utilisé de façon continue sur des générations successives du même ravageur. Quand ce phénomène se produit il peut être tentant d’augmenter la dose et/ou de réduire les intervalles entre les applications. Si cela peut fonctionner en apparence, en réalité ce geste permet à la résistance de progresser jusqu’à ce que l’efficacité du produit soit complètement perdue.

Une baisse d’efficacité des pesticides peut toutefois être causée par plusieurs choses et non pas uniquement par la résistance. Avant de conclure trop rapidement qu’il est question d’un cas de résistance, il importe de se poser les cinq questions suivantes :

  • Est-ce que la pulvérisation a été effectuée sous des conditions météo favorables à son efficacité?
  • Est-ce que le pulvérisateur était bien calibré et a-t-il fonctionné sans problème durant la pulvérisation? Est-ce que le restant de bouillie est plus important qu’habituellement dans le pulvérisateur ?
  • Est-ce que l’eau d’arrosage utilisée est de qualité satisfaisante? Est-ce que le pH de l’eau est adéquat ?
  • Est-ce que le traitement a été appliqué en présence du stade ciblé (par exemple au pic de population ou au stade vulnérable de l’insecte)?
  • Est-ce que le produit utilisé est efficace contre l’ennemi visé?

Si vous pouvez répondre « oui » à ces cinq questions, alors la résistance pourrait effectivement être responsable de l’échec observé d’un pesticide.

Gérer la résistance

Comme on l’a vu plus haut, la solution aux problèmes de résistance n’est pas d’utiliser de plus fortes doses. L’homologation d’un agent de lutte antiparasitaire est un processus long et coûteux pour la plupart des compagnies et de nouveaux produits ne sont pas disponibles à chaque année.

Première ligne de défense : la rotation

La principale manière de ralentir, voire d’éviter, le développement de résistance est de faire une rotation de produits ayant des modes d’action différents.

Lors de leur homologation, les produits phytosanitaires se voient attribués un groupe chimique en fonction de leur matière active, identifiable par un nombre. Lorsqu’un produit contient deux matières actives, deux nombres seront présents. Au sein du même groupe chimique, les modes d’action sont identiques, vous pouvez donc vous servir de ces nombres pour vous aider dans vos rotations. Il se trouve dans un encadré noir présent sur la première page de l’étiquette.

Attention : les nombres pour les fongicides ne correspondent pas aux nombres pour les insecticides. Vous pouvez donc utiliser un fongicide du groupe 10 et un insecticide du groupe 10 sans risquer de développer de la résistance.

La rotation peut être faite à l’intérieur d’une même génération ou d’une génération à l’autre du ravageur. Par exemple, dans le cas des acariens (insectes à cycle de vie court), on privilégiera une rotation des acaricides tout au long de la saison car plusieurs générations peuvent être présentes en même temps au moment du traitement. Au contraire, dans le cas du carpocapse de la pomme (insecte à cycle de vie long), si de deux à trois traitements sont nécessaires pour lutter contre la première génération, une alternance devrait se faire entre chaque génération et non entre chaque traitement. Toutefois, il est possible qu’un manque de choix de produits de différents modes d’actions impose une limite à cette pratique de rotation. Dans ce cas une rotation peut être réalisée parmi les sous-groupes d’une famille chimique (identifiés par une lettre après le nombre). Pour connaître les groupes chimiques des insecticides homologués en pomiculture, consultez les tableaux des fiches suivantes : Acaricides homologués en pomiculture au QuébecInsecticides homologués en pomiculture au Québec et Herbicides, rodenticides, régulateurs de croissance et autres produits phytosanitaires homologués en pomiculture au Québec et Caractéristiques des produits utilisés pour réprimer les maladies en pomiculture au Québec.

En pratique, ceci signifie :

  • En cas d’échec d’un traitement ne ré-appliquez pas le même produit de nouveau. Utilisez un insecticide avec un mode d’action différent, soit provenant d’un autre groupe chimique.
  • Dans le cas de mélanges d’insecticides, d’acaricides, de fongicides ou d’herbicides dans le même réservoir, utilisez des produits avec des modes d’action différents et à la dose prescrite par l’étiquette.Évitez la rotation avec des groupes chimiques pour lesquels de la résistance croisée est connue.

Le tableau suivant, adapté de la Resistance Management Insecticide Compatibility Chart de Michigan State University, résume de façon schématique les rotations recommandées pour ralentir le développement de la résistance chez les lépidoptères (tordeuses et carpocapse). Si par exemple vous souhaitez utiliser IMIDAN pour la 1ère génération du carpocapse et un autre insecticide pour la 2e génération, descendez la colonne IMIDAN jusqu’au croisement avec l’insecticide que vous voulez utiliser pour la 2e génération. Si la case est vide, vous pouvez l’utiliser, et si elle est rouge ou jaune ceci indique que ce n’est pas un bon partenaire de rotation.

Charte de compatibilité des insecticides pour contrer la résistance (source : Michigan State University).

 

Remarques importantes :

  • La rotation n’est évidemment recommandée que parmi les produits homologués contre le ravageur visé et suggérés en PFI. Il serait, par exemple, tout à fait insensé de faire des rotations avec des pyréthrinoïdes après la floraison.
  • Il est aussi préférable de s’en tenir aux produits ayant le moins d’effets sur les organismes utiles (consultez la fiche sur les Ressources essentielles en PFI).
  • Bien que l’insecticide Entrust se qualifie comme un biopesticide, il reste sujet au développement de résistance puisqu’il fait partie de la famille des spinosynes.

Deuxième ligne de défense : la diversion

De nombreuses autres pratiques peuvent aussi vous aider à ralentir le développement de la résistance :

  • Lors de la plantation de nouveaux blocs dans le verger, misez sur des cultivars ou porte-greffes qui démontrent de la résistance aux maladies ou aux insectes. Par exemple tous les porte-greffes de la série Malling-Merton (MM) 106 et 111 résistent bien au puceron lanigère. Les porte-greffes B9, MM 111 et plusieurs de la série Geneva (dont G41, G11, et G16) résistent également bien à la brûlure bactérienne, même s’ils peuvent quand même être atteints. Concernant les maladies, des précautions supplémentaires sont à suivre afin d’éviter de perdre la résistance. Consulter les fiches suivantes : La tavelure : stratégies générales de lutte et Le feu bactérien : stratégies de lutte
  • Intégrez de nouvelles méthodes à votre programme de lutte : par exemple l’utilisation de la confusion sexuelle dans le cas du carpocapse de la pomme, l’utilisation du GF-120 dans le cas de la mouche de la pomme ou l’utilisation de BLOSSOM PROTECTdans le cas du feu bactérien.
  • Avant d’effectuer une pulvérisation, assurez-vous que la population du ravageur visé a atteint le seuil économique pour un traitement (seuil d’intervention).
  • Visez le stade le plus vulnérable du ravageur à réprimer. En connaissant bien la biologie, le cycle du ravageur et les données du dépistage, la lutte est plus facile à réaliser. Ciblez par exemple les plus jeunes larves de cicadelles, qui sont plus faciles à réprimer que les stades plus avancés.
  • Dans une situation où cela est possible, sélectionnez des pesticides qui préservent les prédateurs et autres ennemis naturels. En protégeant ces alliés il est possible de bénéficier de leur travail, c’est-à-dire une répression naturelle des ravageurs (consultez la fiche sur Les espèces utiles, une ressource à protéger).
  • Utilisez toujours un pulvérisateur en ordre et bien étalonné (consultez la fiche sur le Réglage et étalonnage du pulvérisateur).
  • Consultez l’étiquette des produits utilisés pour connaître les conditions d’application afin d’obtenir de bons résultats; respectez les intervalles d’applications mentionnés sur les étiquettes.
  • Restez à jour au niveau de vos connaissances sur la résistance des ravageurs en assistant aux journées d’information en pomiculture, aux activités d’information sur la résistance et en lisant les communiqués du RAP (consultez la fiche sur les Ressources essentielles en PFI).
  • Si vous avez un doute sur la résistance possible d’un ravageur à un pesticide, consultez votre conseiller et/ou le représentant commercial du pesticide en question.

Cas de résistance déjà existants

Des cas de résistance ont déjà été répertoriés au Québec pour certains insectes1 :

  • En Montérégie et dans les Laurentides, le carpocapse de la pomme a été confirmé résistant au CALYPSO (thiacloprid, groupe 4A), à l’INTREPID (méthoxyfénozide, groupe 18) et au Guthion (azinphos-méthyl – groupe 1B, qui n’est plus homologué aujourd’hui).
  • Dans les Laurentides, la tordeuse à bandes obliques a été confirmée résistante au LANNATE L et GUTHION 50 WSB (groupe 1A et 1B), qui ne sont plus homologués aujourd’hui, et à la cyperméthrine (groupe 3A).

Pour ces ravageurs, il est donc important de faire attention aux familles chimiques des produits phytosanitaires utilisés contre ces insectes. Par exemple, l’azinphos-méthyl n’est plus disponible sur le marché mais il présente une résistance croisée avec l’acétamipride (ASSAIL 70WP) donc il faut être très prudent dans l’utilisation de ce contre le carpocapse de la pomme.

Toutes ces informations sur les cas de résistance déjà présents et les mécanismes de résistance sont détaillés dans la publication La résistance des insectes et acariens aux produits antiparasitaires pour les espèces agricoles présentes au Québec, disponible ici

 

Références

  1. Vanoosthuye, F., Firlej, A., Ménard, É., Dieni, A., Charbonneau, A., & Cormier, D. Revue de littérature – La résistance des insectes et acariens aux produits antiparasitaires pour les espèces agricoles présentes au Québec. Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. (2018).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Robert Maheux, Yvon Morin, Gérald Chouinard, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Karine Bergeron
Dernière mise à jour par l’auteure : 18 février 2024

Pourquoi faire des mélanges en cuve1?

Mélanger des produits antiparasitaires entre eux ou avec des engrais foliaires dans le réservoir du pulvérisateur est une pratique utile afin de réduire le nombre de passages de la machinerie dans le verger, ce qui se traduit en gain de temps, de carburant et d’argent pour les producteurs, tout en augmentant l’efficacité des produits appliqués (effet synergique : 1+1 = 3 !). Mais attention, plus on ajoute de produits au mélange, plus les risques d’incompatibilité augmentent.

Des produits physiquement incompatibles peuvent épaissir la bouillie ou provoquer la formation de mousse. Les ingrédients risquent aussi de se séparer ou de se déposer, ce qui nuit à l’uniformité de la pulvérisation. Il peut aussi y avoir de la déposition du produit sur le feuillage ou des risques de bloquer ou endommager le pulvérisateur. L’incompatibilité chimique peut réduire l’efficacité des pesticides et causer des dommages aux cultures dans des délais variables après la pulvérisation.

Consultez les étiquettes ou communiquez avec les fabricants ou les distributeurs pour des informations sur la compatibilité des produits que vous souhaitez mélanger. Ne prenez pas de décision sur les mélanges en cuve dans le pic des activités de traitement, mais plutôt prévoyez quelques scénarios possibles de mélanges lorsque vous aurez le temps pour bien analyser s’ils sont permis et valider leur compatibilité.

Exemple de la section compatibilité sur l’étiquette du Sharda captan 48SC. 

Permis ou non les mélanges en cuves ?

Depuis 2009 jusqu’au nouveau document d’orientation pour les mélanges en cuve de Santé Canada en 2024, les mélanges de pesticides, même ceux non-inscrits sur l’étiquette des produits antiparasitaires, étaient utilisables légalement aux conditions suivantes :

  • Il devait s’agir de produits homologués pour la culture et pour l’usage visé.
  • Toutes les conditions d’application mentionnées sur l’étiquette des produits devaient être respectées (stade de la culture, mode d’emploi, mises en garde, zones tampons, etc.). Dans les cas où les renseignements inscrits sur les étiquettes des substances mélangées divergeaient, les directives les plus restrictives devaient être suivies, par exemple le délai de réentrée le plus long devait être respecté.
  • Le mélange ne devait pas être contre-indiqué sur l’étiquette des produits concernés.

Les étiquettes des produits homologués au Canada peuvent être consultées et téléchargées à la page suivante : Recherche dans les étiquettes de pesticides – Santé Canada.

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada indiquait toutefois que quiconque recommandait ou appliquait un mélange en cuve qui n’était pas sur l’étiquette le faisait à ses propres risques et responsabilités, puisque le mélange n’avait pas été examiné par cette dernière. De plus, les mélanges devaient apporter une valeur ajoutée à l’utilisateur, par exemple une augmentation du nombre d’organismes nuisibles ciblés, une contribution à la gestion de la résistance ou la lutte intégrée et des économies de coût et de temps.

Le 20 décembre 2022, Santé Canada a publié un document d’orientation pour les mélanges en cuve afin de clarifier l’étiquetage des produits de mélanges en cuve pour tous les intervenants.

Selon l’alinéa 6(5)b de la Loi sur les produits antiparasitaires, il est interdit d’utiliser un produit antiparasitaire d’une manière non conforme au mode d’emploi de l’étiquette. Il est donc interdit d’avoir recours à un mélange en cuve si l’étiquette ne contient aucune instruction à ce sujet.

Ainsi, pour que le mélange en cuve soit autorisé, l’étiquette du produit doit contenir un énoncé qui permet expressément le mélange en cuve.  La mention peut être faite de deux façons :

  • Une mention explicite des produits entrant dans la composition du mélange en cuve : le produit X peut être mélangé en cuve avec le produit Y. Ex. Captan 80DF.
  • Un énoncé général qui permet le mélange en cuve : Ce produit peut être mélangé avec des produits antiparasitaires homologués dont les étiquettes permettent aussi les mélanges en cuve, à la condition que la totalité de chacune des étiquettes soit suivie pour chaque produit. Ex. Allegro.

Les agronomes sont autorisés à recommander, à promouvoir, à annoncer les mélanges en cuve qui figurent explicitement sur une ou plusieurs étiquettes de produits entrant dans la composition de mélanges en cuve, ainsi que les mélanges en cuve de produits dont l’étiquette comporte l’énoncé général relatif au mélange en cuve à la condition que TOUTES les étiquettes des produits entrant dans la composition du mélange en cuve comportent cet énoncé.

Exemple de situations concernant des énoncés de mélanges en cuve et leurs effets sur l’admissibilité du mélange en cuve de deux produits antiparasitaires homologués. Tableau provenant du document d’orientation de l’ARLA, Étiquetage des mélanges en cuve.

Les compagnies titulaires avaient jusqu’au 20 décembre 2024 pour mettre à jour leurs étiquettes de produits et les documents publicitaires les promouvant.

Si les étiquettes permettent les mélanges, vérifiez la compatibilité des produits par un essai de floculation, lequel est décrit plus loin dans le texte.

Certaines étiquettes peuvent contenir des énoncés qui interdisent ou limitent le mélange en cuve. Exemple de texte pouvant être présent sur une étiquette : Ne pas mélanger ni appliquer ce produit avec un autre additif, pesticide ou engrais.

ATTENTION, depuis quelques années, les compagnies de pesticides offrent des produits contenant des matières actives, des groupes chimiques déjà mélangés. Par exemple, Pristine est un mélange des groupes 7 et 9.  Si ces produits sont utilisés aussi en mélange en cuve, les risques d’incompatibilité sont ainsi augmentés.

Plusieurs étiquettes de pesticides indiquent les compatibilités et les incompatibilités avec d’autres pesticides. Cependant tous les mélanges n’ont pas été testés par les compagnies sur toutes les cultures et sur tous les cultivars. Il faut rester à l’affût des mauvaises expériences dans ce domaine ou mieux encore, faire son propre test de compatibilité physique, surtout si on effectue ce mélange pour la première fois.

La section de gauche du tableau suivant présente l’ordre recommandé pour ajouter diverses formulations dans la cuve du réservoir. La section de droite vous informe comment réaliser un test de floculation. Si aucune mention concernant les compatibilités n’est précisée sur les étiquettes, ou qu’un nouveau mélange en cuve est envisagé, effectuez un test de floculation pour vérifier la compatibilité physique des produits. Prenez note que cet essai ne vérifie pas la compatibilité chimique. Les essais de floculation doivent se dérouler dans un endroit sécuritaire et bien ventilé, à l’abri de toute source d’inflammation. Portez toujours de l’équipement de protection individuelle (ÉPI). Assurez-vous de maintenir constamment l’agitation et d’attendre quelques minutes entre chaque ajout.

Laissez reposer le mélange une quinzaine de minutes dans un endroit bien aéré puis observez ce qui se passe.

Si le mélange dégage de la chaleur, s’il se forme un gel, de la mousse ou si des solides se déposent au fond du contenant, ou tout autre symptôme physique, les ingrédients du mélange ne sont pas compatibles (revoir l’ordre d’ajout des produits peut parfois régler l’incompatibilité).

L’ordre dans lequel les produits sont ajoutés, le délai entre l’ajout des produits au mélange, la température des produits, la température de l’eau, sont tous des facteurs qui peuvent influencer la compatibilité des produits.

Si rien n’apparaît, essayez votre mélange sur une petite superficie, sur différents cultivars et recherchez des symptômes de phytotoxicité sur les feuilles et les fruits.

Pensez à conserver des notes sur les résultats obtenus. Ils pourront vous être utiles dans le futur.

ORDRE PRODUIT, FORMULATION P TEST DE FLOCULATION

POUR 500 ML D’EAU OU 500 G DE PRODUIT DANS 1 LITRE DE BOUILLIE 

Eau 50% du volume total
 1 Agents de compatibilité 5 ml (1 c. à thé)
 2 Sachets solubles

Formulations sèches : WDG, WG, WP, SG

·        Granulés dispersables dans l’eau (WDG)

·        Granulés mouillables (WG),

·        Granules solubles (SG)

·        Poudres mouillables (WP).

15 g (1 c. à table)
 3 Conditionneurs d’eau

Retardateurs de dérive liquides

5 ml (1 c. à thé)
 4 Formulations liquides hétérogènes : SC, OD, ME, SE

·        Dispersable dans l’huile (OD)

·        Concentrés solubles, concentrés en suspension (SC)

·        Suspo-émulsions (SE)

·        Microémulsions (ME)

 

5 ml (1 c. à thé)
 5 Formulations liquides homogènes : EC, SL

·        Concentrés émulsifiables (EC)

·        Liquides solubles, concentrés solubles (SL)

 

5 ml (1 c. à thé)
 6 Concentrés hydrosolubles ou solutions 5 ml (1 c. à thé)
 7 Surfactants et adjuvants 5 ml (1 c. à thé)
Oligoéléments
Le reste de l’eau

Types d’incompatibilités :

  • Physique : les éléments ne se mélangent pas (immiscibles), coagulent ou précipitent. Souvent observé lors de mélanges qui comportent une poudre mouillable (WP) et un concentré en solution (EC).
  • Chimique : les éléments du mélange se dénaturent entre eux, se neutralisent ou décuplent leurs effets. Cette incompatibilité est sournoise, car il n’y a pas nécessairement de signes visuels comme dans le cas d’une incompatibilité physique (mousse, grumeaux, etc.). L’efficacité du traitement pouvant être fortement altérée, voire annulée, on doit toujours consulter l’étiquette pour s’assurer de la compatibilité chimique et en cas de doute, contacter les fabricants des produits.
  • Agronomique :Même si deux produits peuvent se mélanger sans réaction physique ou chimique, leur utilisation combinée n’est pas nécessairement une bonne idée. Le mélange de deux insecticides contenant la même matière active en est un bon exemple. En cas de doute sur la compatibilité agronomique, consultez un conseiller en pomiculture.

Ce test ne garantit aucunement la compatibilité chimique ou agronomique. Si après ces étapes vous êtes encore incertain de la compatibilité du mélange, contactez votre fournisseur de pesticides.

Pour vérifier votre mélange et l’ordre d’ajout des produits l’application Mix Tank et le site web de Mix Tank ou  Tankmix de Corteva (iphone) pourront vous aider.  Attention tout est en anglais (texte et unités) et provient des États-Unis. Certains produits homologués au Canada pourraient ne pas se retrouver dans la liste.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Auteurs de la première édition : Robert Maheux, Yvon Morin, Vincent Philion, Gérald Chouinard, Francine Pelletier et Maude Lachapelle
Auteure de la mise à jour 2023 : Karine Bergeron
Dernière mise à jour par l’auteure : 18 février 2024

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

La phytotoxicité se définit comme tout effet indésirable sur les plantes causé par une ou des substances spécifiques (ex.: les pesticides) ou des conditions de croissance défavorables. Ces effets peuvent aller jusqu’à un arrêt de la croissance des plantes, dans les pires cas.

Certaines phytotoxicités sont causées à la suite d’applications de pesticides (sensibilité variétale, mélange, dérive, etc.) tandis que d’autres sont la résultante d’applications sous des conditions météo défavorables (température, humidité, vents et pluie).

Parmi les principaux symptômes de phytotoxicité on peut voir de la roussissure, des brûlures, des déformations, etc.

Symptômes sur fruit de cuivre bio appliqué après le débourrement (gauche), de Cueva et calcium sur Honeycrisp (centre) et de séchage lent de fongicide (droite)(source : Robert Maheux, Serge Mantha et Nicole Gagné).

Symptômes sur fruits d’une interaction inconnue (gauche) et d’huile et captan appliqué à moins de 10 jours d’intervalle (droite)(source : Vicky Filion).

Symptômes sur feuilles de séchage lent de Sevin sur Paulared (gauche), de Streptomycine (centre) et de chlorure de calcium et Kumulus (droite) (source : Robert Maheux et Nicole Gagné).

Dérive d’herbicides

Effets sur feuilles d’herbicides quelquonques (source : IRIIS phytoprotection et Vicky Filion).

Pour connaître les conditions de succès des pesticides utilisés, référez-vous aux étiquettes de ceux-ci.

Beaucoup de facteurs peuvent entrer en ligne de compte pour que la phytotoxicité se développe.  Il est possible qu’aucun symptôme ne soit visible immédiatement et que leur apparition ne survienne que quelques jours plus tard.

Voici quelques conseils tirés des étiquettes de produits afin de prévenir la phytotoxicité de certains pesticides.

  • Bouillie bordelaise :
    • Ne pas appliquer après le stade du débourrement avancé.
    • Appliquer dans des conditions de séchage rapide.
  • Soufre :
    • Ne pas mélanger avec des composés azotés et des huiles.
    • Ne pas appliquer si la température est élevée à l’ombre (> 26-30 °C) et par temps humide dans les 3 jours suivant l’application.
    • Ne pas appliquer par temps très ensoleillé.
    • Ne pas appliquer dans les 30 jours suivant un traitement à l’huile ou à la bouillie bordelaise.
    • Ne pas appliquer si on prévoit de la pluie ou du gel.
    • Les cultures sont plus sensibles durant la période de floraison.
    • Appliquer en conditions de séchage rapide.
  • Huile (minérale et/ou canola):
    • Ne pas appliquer juste avant ou pendant une période de gel.
    • Certains cultivars sont plus sensibles que d’autres. Ex. Délicieuse et Empire
    • Ne pas appliquer si les plantes montrent des symptômes de stress, de sécheresse.
    • Ne pas appliquer avec des composés azotés du captane (délai de 14 jours), du carbaryl, des composés cuivrés, du folpet (délai de 14 jours), et des produits contenant du soufre (nombre de jours variable selon les produits).
    • Traiter tôt le matin ou en soirée, pas en plein soleil ou si la température est supérieure à 30 °C.
    • À partir du stade de pré-bouton rose, réduire la dose d’application de moitié. Ne pas l’appliquer à une concentration supérieure à 0,8 % après le stade bouton rose.
  • Folpet :
    • Les traitements effectués juste avant la floraison et jusqu’à 30 jours après la chute des pétales peuvent causer du roussissement sur des variétés sensibles.
  • Dodine :
    • Incompatible avec la chaux.
    • Son application doit se faire lors de conditions de séchage rapide.
  • Captane :
    • Les matières alcalines (bouillie soufrée), le sulfure de calcium et la bouillie bordelaise réduisent l’efficacité du fongicide.
    • Peut provoquer des taches nécrotiques sur les jeunes feuilles tendres si appliqué en post-floral lors de conditions chaudes, humides et nuageuses.
    • Peut provoquer du jaunissement, de la roussissure et des chutes de feuilles sur certaines variétés s’il est pulvérisé en combinaison avec du soufre.
    • Ne pas utiliser dans les 7 à 10 jours avant ou après un traitement à l’huile.
    • Éviter d’utiliser de fortes doses par temps chaud et humide sur certains cultivars, dont Spartan, pour diminuer les risques de phytotoxicité sur feuillage.
    • Ne pas appliquer ce produit en mélange avec le soufre.
    • Les dommages foliaires peuvent être accentués s’il est appliqué en combinaison avec la dodine et/ou du malathion.
    • Pour les cultivars sensibles, tel que Spartan, ne pas utiliser de captane pour une courte période suivant la floraison, surtout s’il y a un faible ensoleillement et que la formation de cuticule est faible. Durant cette période, les cellules des jeunes fruits peuvent être particulièrement sensibles à la phytotoxicité s’ils possèdent une mince cuticule.
    • L’utilisation d’un adjuvant ou un mélange avec des engrais foliaires peut augmenter le mouvement transcuticulaire du captane, et donc favoriser la phytotoxicité (nécrose foliaire, roussissure, etc.).
  • Carbaryl :
    • Produit homologué seulement pour l’éclaircissage des pommes.
    • Risques accrus de déformations des fruits si les applications sont réalisées à des températures moindres que 18 °C.
    • La variété Rouge délicieuse peut subir des déformations en lien avec les conditions météo présentes au moment de l’application.
    • Il est recommandé d’éviter d’utiliser ce produit à forte dose sur les cultivars sensibles (ex. : McIntosh), sauf dans des conditions de séchage rapide.
  • Fertilisants foliaires :
    • Ne pas mélanger l’urée et le sel d’Epsom car ils peuvent endommager le feuillage des jeunes arbres.
    • Ne pas faire d’applications de fertilisants foliaires, dont le solubar, en même temps qu’une huile.
    • Éviter les applications de sel d’Epsom en conditions de séchage lent ou de température élevée pour diminuer les risques de dommages aux feuilles.
  • Chlorure de calcium:
    • Ce fertilisant foliaire peut causer des dommages aux feuilles et/ou aux fruits s’il est appliqué en conditions de temps humide qui retardent le séchage. Des dommages sont aussi possibles dans des conditions de température élevée (plus de 26 °C) et/ou d’humidité relative élevée (80%), lesquelles retardent aussi le séchage des produits appliqués.
  • Cuivre:
    • De la roussissure sur fruit et/ou des taches sur le feuillage peuvent apparaître si du cuivre est appliqué par temps froid et humide. Attention aux variétés à pelure pâle.
    • Des applications de composés cuivrés après la sortie des boutons floraux ont quelquefois causé des dommages aux fruits et aux feuilles.

De plus, pour prévenir la phytotoxicité assurez-vous de lire la fiche sur la Compatibilité des mélanges de pesticides.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

Fiche 59

Robert Maheux, Gérald Chouinard, Yvon Morin, Sylvie Bellerose, Francine Pelletier et Maude Lachapelle

 

Sécurité avant tout
  • Informez quelqu’un de votre entourage que vous préparez une pulvérisation et demandez-lui d’être disponible en cas d’urgence.
  • Lisez les étiquettes des produits qui seront utilisés.
  • Enfilez votre équipement de protection (voir la fiche 31).
  • Assurez-vous qu’un équipement de protection de rechange, de même que de l’eau propre et du savon, se trouvent sur les lieux où s’effectuent les manipulations de pesticides. Une douche de secours devrait également se trouver à proximité.
  • Une cuve lave-mains d’une capacité de 15 L devrait également être présente sur le pulvérisateur. Elle est disponible sur les nouveaux modèles et elle est facile à installer sur les pulvérisateurs qui n’en possèdent pas.
  • Assurez-vous qu’il n’y aura pas de lien physique direct entre la source d’eau et le réservoir du pulvérisateur, afin de ne pas contaminer la source d’eau en cas de déversement accidentel ou lors du retour d’eau à la pompe. Pour éviter ce problème, utilisez une valve anti-retour ou emmagasinez l’eau dans un réservoir que vous situerez tout juste à côté de l’entrepôt à pesticide.
  • Remplissez le réservoir à moitié avec de l’eau. Utilisez un simple tuyau sans embout pour réduire les éclaboussures lors du remplissage. Si vous utilisez des produits qui ont tendance à mousser, vous pouvez le remplir au ¾ avec une légère agitation et/ou ajouter un agent anti-moussant.
  • Actionnez l’agitateur du pulvérisateur.

 

Réduire votre exposition

Par définition, la grande majorité des pesticides sont des produits dangereux. Consultez les fiches 31 (Utilisation sécuritaire des pesticides) et 32 (Mesures d’urgence) : vous y trouverez de l’information pour vous aider à vous protéger et aussi à reconnaître rapidement les signes et symptômes d’une exposition à divers groupe de pesticides, pour savoir comment intervenir en cas d’intoxication.

exposition cutanée aux pesticides

exposition orale aux pesticides

N’attendez pas de ressentir ces symptômes avant de vous protéger; ceux-ci peuvent apparaître après quelques minutes d’exposition ou après quelques heures.

Le port d’équipement de protection approprié est essentiel pour diminuer votre exposition aux pesticides et protéger votre santé. De plus votre équipement doit être en bon état et bien ajusté! Si vous utilisez un masque par exemple, il doit être parfaitement ajusté au niveau du nez et des yeux afin de ne pas laisser entrer les vapeurs de pesticide. Un simple test peut être réalisé avec de l’huile de banane ou un autre produit sécuritaire qui vous permettra de vérifier l’étanchéité de votre masque. Pour plus d’informations consultez le site web de la CNESST ou le Guide d’élaboration d’un programme de protection respiratoire.

 

La pesée des produits
  • Installez-vous sur une surface plane, non poreuse et imperméable, facilement nettoyable.
  • Mesurez précisément les quantités nécessaires en utilisant une tasse à mesurer ou une balance. Servez-vous de plus d’un contenant s’il y a plus d’un produit.
  • Rincez les contenants trois fois et versez l’eau de rinçage dans le tamis du pulvérisateur.
  • Les autres objets ayant servi à la manipulation de pesticides doivent aussi être nettoyés après chaque utilisation afin d’éviter de laisser des concentrés de pesticides dans votre environnement de travail.

 

Le mélange des produits
  • Si vous utilisez plus d’un produit, ne les mélangez JAMAIS sous leurs formes pures et ne les versez jamais directement dans la cuve du pulvérisateur. Versez-les plutôt l’un après l’autre, dans le tamis du pulvérisateur. Sur les modèles plus récents de pulvérisateurs, le tamis peut être équipé en option d’un mélangeur qui servira à pré-mélanger les produits avant qu’ils ne se retrouvent dans le réservoir. Vous pouvez également vous servir de la sonde d’aspiration, dont sont munis certains nouveaux modèles de pulvérisateurs, qui aspirera les produits granulaires ou en poudre directement de leur contenant d’origine pour les diriger directement dans le tamis.
  • Assurez-vous de travailler dos au vent, dans un environnement ouvert et bien éclairé.
  • Respectez méticuleusement l’ordre suivant :
    1. Ajoutez les sachets solubles* en premier et laissez-les se dissoudre complètement (environ deux minutes) avant d’ajouter tout autre produit;
    2. Si vous utilisez la totalité d’un contenant de pesticides, effectuez un triple rinçage du contenant et versez la solution de rinçage dans le réservoir;
    3. Ajoutez les poudres mouillables (WP);
    4. Ajoutez les produits en granules dispersibles (DG, DF, WDG);
    5. Ajoutez les produits liquides (FL ou « Flowable ») et les pâtes fluides;
    6. Attendez cinq à dix minutes pour vous assurer que les produits sont complètement dissous;
    7. Ajoutez les produits liquides à base d’huiles et les émulsions concentrées (EC, SC);
    8. Ajoutez les adjuvants suivis des engrais solubles (bore, urée, magnésium, par exemple);
    9. Complétez le remplissage du réservoir.

* Le plastique des sachets solubles réagit avec le bore (B) et certains autres engrais foliaires s’ils n’ont pas été dissous au préalable. L’huile imperméabilise les sachets hydrosolubles s’ils n’ont pas été dissous au préalable. Si un réservoir est mal lavé ou contient des résidus d’huile ou de bore provenant de l’arrosage précédent, il sera important de dissoudre les sachets solubles dans une chaudière avant de les mettre dans le réservoir, afin d’éviter toute formation de gel ou de particules susceptibles d’obstruer les filtres et les buses. N’oubliez pas qu’on doit quand même porter des gants pour manipuler ces sachets et que ces gants doivent être secs afin de ne pas dissoudre et percer les sachets lors des manipulations! Ces sachets sont fragilisés par un hiver passé en entrepôt non chauffé, il faut donc faire attention en les manipulant

 

Application sécuritaire
Si votre tracteur est équipé d’une cabine avec un système de filtration de l’air :
  • Enlevez l’équipement de protection utilisé lors de la préparation de la bouillie avant d’entrer dans la cabine. La cabine est un lieu d’habitation qui ne doit jamais être contaminé par les pesticides.
  • Installez et activez le filtre à air au charbon présent sur la cabine.
  • Vérifiez qu’une trousse de sécurité contenant des équipements de protection individuelle propres et fonctionnels (masque, lunettes, gants, etc.) est présente dans la cabine. En cas de contamination de la cabine (odeur ou premiers symptômes d’intoxication) ou lors d’un bris qui nécessiterait que vous quittiez la cabine, utilisez cet équipement pour circuler dans la zone traitée.
  • En cas de fuite mineure dans le système de pulvérisation, il est préférable d’attendre que le réservoir du pulvérisateur soit vidé de ses pesticides avant d’effectuer les réparations.
Si votre tracteur n’a pas de cabine :
  • Après avoir préparé la bouillie, vous pouvez enlever votre tablier de protection qui a été utilisé. Si vous aviez enfilé une combinaison de protection sous votre tablier, il est important de vérifier si elle a été souillée lors de la préparation de la bouillie. Si c’est le cas, nettoyez-la avec de l’eau claire ou si la contamination est plus que légère, changez-la pour une neuve. Si vous ne portiez pas de combinaison sous votre tablier, vérifiez s’il y a eu contamination de vos vêtements et changez-les au besoin.
  • Vérifiez et enfilez l’équipement de protection; s’il s’agit d’un équipement réutilisable, veillez à ce qu’il soit fonctionnel et propre, sinon, enfilez un nouvel équipement.

 

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Fiche 60

Robert Maheux, Gérald Chouinard, Yvon Morin, Francine Pelletier et Maude Lachapelle

 

Les trois types de pulvérisateurs à verger
  • Pulvérisateur « classique » : Il s’agit d’un pulvérisateur à jets portés équipé de buses disposées en éventail autour d’une hélice, laquelle génère un courant d’air qui propulse les gouttelettes vers les pommiers. Il est possible d’équiper ce pulvérisateur avec des buses classiques ou à dérive réduite.
  • Pulvérisateur pneumatique : Ce pulvérisateur est semblable au pulvérisateur à jets portés. Par contre, le courant d’air qu’il produit est formé par une turbine plutôt qu’une hélice, et des éclateurs remplacent les buses. Par conséquent, c’est un jet d’air qui forme les gouttelettes et non la pression du liquide. Ces pulvérisateurs ne sont pas conçus pour appliquer de grandes quantités de bouillie par hectare et ils fonctionnent mieux en concentré. Ils génèrent un plus faible débit d’air et produisent des gouttelettes plus fines, donc plus sensibles à la dérive.
  • Pulvérisateur antidérive avec flux d’air latéral : Il s’agit d’un pulvérisateur à jets portés spécialement conçu pour réduire la dérive des pesticides. De types variés, ils sont souvent munis de tours tangentielles de différentes hauteurs sur lesquelles sont fixées des buses à dérive réduite (souvent appelées « antidérive »). Ces pulvérisateurs peuvent être utilisés pour effectuer des applications de pesticides à proximité de zones à risque ou ailleurs dans le verger. Cependant, la distance entre les rangs et la hauteur des arbres ne doit pas dépasser les spécifications de l’appareil utilisé. L’application dans des parcelles homogènes (c’est-à-dire ayant le même porte-greffe, la même densité de plantation et la même hauteur des arbres) facilite grandement le travail de ce pulvérisateur, étant donné sa faiblesse à combattre le vent et son plus faible volume d’air produit, comparativement à un pulvérisateur classique.

Peu importe le type de pulvérisateur choisi, la garantie d’une bonne pulvérisation efficace repose sur les points suivants :

  • Le bon choix de pulvérisateur en fonction des types de parcelles.
  • La calibration adéquate de celui-ci en fonction des parcelles et du produit utilisé.
  • Un personnel formé et compétent pour effectuer la pulvérisation.
  • La qualité de la taille dans les parcelles à traiter (hauteur des arbres, largeur des arbres et densité du feuillage).
  • Les conditions météorologiques lors de la pulvérisation (vitesse et direction des vents).

Le tableau suivant compare les principales caractéristiques des trois types de pulvérisateurs :

Paramètre Classique Pneumatique Antidérive (avec flux d’air latéral)
Pression d’opération 10-20 bars 1,5 bars 8-20 bars
Bouillie/ha 200-1000 L 100-750 L 500-750 L
Vitesse maximale 7 km/h 5 km/h 5-7 km/h*
Sensibilité au vent Moyenne Forte Moyenne-forte
Utilisation Tous pommiers Nains et semi-nains** Nains et semi-nains**
Réglage Plus difficile Plus facile Plus difficile

* Selon la densité de plantation, la vitesse des vents et le produit utilisé pour obtenir une couverture efficace.
** Certains de ces appareils peuvent être utilisés pour des pommiers de type standard lorsqu’il n’y a pas de vent et que la largeur des rangs ainsi que la hauteur des arbres ne sont pas excessifs. Pour connaître les limitations de chaque appareil, consultez leur guide d’utilisation. De plus, avant de vous procurer un appareil plus puissant, assurez-vous de posséder un tracteur pouvant fournir la force nécessaire pour le faire fonctionner adéquatement.

 

Quantité de bouillie par hectare

Afin d’éviter les surplus de bouillie inutilisée, il est important d’évaluer le plus exactement possible les quantités de bouillie à épandre selon l’étendue à traiter, le type de pesticide, la dose recommandée ainsi que le ravageur visé. En général, les interventions qui requièrent une meilleure couverture, comme c’est le cas des applications d’acaricides ou de fongicides appliqués en éradication, nécessitent davantage de bouillie que les applications d’insecticides de contact ou de fongicides en protection. Le tableau suivant suggère des taux d’application (en L/ha) pour différents types de pesticides et de pulvérisateurs utilisés pour des pommiers de dimension standard  :

Pulvérisateur À jets portés Pneumatique
Fongicide appliqué en protection 400a-600 250-400
Fongicide appliqué en éradication 750-1000 500-750
Insecticide de contact 400a-600 250-400
Insecticide systémique 750-1000 500-750
Acaricide (incluant l’huile) 750-1000 500-750
Agent d’éclaircissage 750-1000 500-750
Engrais foliaire 400a-1000b 250-750b
  1. Compte tenu du faible diamètre des pastilles utilisées lors de pulvérisations en concentré, il est nécessaire d’avoir une eau très propre pour ne pas qu’elles s’obstruent.
  2. Certains engrais foliaires peuvent causer de la phytotoxicité (brûlure des feuilles et des fruits) s’ils sont pulvérisés en concentré.

Il est important d’effectuer la pulvérisation immédiatement après avoir fait le mélange et de ne pas laisser reposer les produits dans le réservoir. Veuillez consulter les étiquettes pour chaque produit utilisé.

Le taux d’application suggéré est un compromis permettant d’obtenir une couverture acceptable pour une durée raisonnable d’application. Ces suggestions sont basées sur la pratique actuelle en verger de pommiers standard. Pour des pommiers nains et semi-nains, la quantité de bouillie à appliquer peut être ajustée en fonction du gabarit des arbres (voir la fiche 61).

 

Inspection et entretien du pulvérisateur

L’inspection visuelle du pulvérisateur est essentielle avant tout réglage et ce pour deux raisons :

  • une fuite non diagnostiquée faussera l’évaluation du débit total réel, car une partie de la bouillie se retrouvera au sol plutôt que sur les arbres.
  • un problème de fuite ou de pulvérisation peut entraîner un manque d’efficacité des traitements et un danger pour l’opérateur et pour l’environnement.

Une inspection en profondeur devrait être effectuée avant chaque début de saison et une inspection rapide devrait également être réalisée avant chaque pulvérisation. L’inspection est une partie essentielle d’un bon entretien!

À l’automne, lors du remisage :

  • Nettoyez bien la cuve, les buses et les filtres.
  • Remplissez la pompe d’antigel si le pulvérisateur passe l’hiver dans un local non chauffé.
  • Commandez les pièces qui devront être remplacées.

Au printemps (* et avant chaque pulvérisation) :

  • * Vérifiez la présence de fuites : avant tout, assurez-vous que le pulvérisateur est propre! Remplissez ensuite le pulvérisateur à moitié et faites fonctionner la pompe. Inspectez la cuve, les canalisations, les porte-buses, les buses et tous les endroits où de la bouillie pourrait s’échapper.
  • Vérifiez le fonctionnement du pulvérisateur : regardez à l’intérieur de la cuve et vérifiez si le système d’agitation fonctionne bien. Vérifiez les valves, le manomètre, le régulateur de pression et le ventilateur. Si les pales du ventilateur sont ajustables, assurez-vous qu’elles sont bien positionnées. Inspectez et lubrifiez au besoin les pièces mobiles, tel les cardans de l’arbre de prise de force et les essieux de roues.
  • * Vérifiez le fonctionnement des buses : avec le ventilateur fermé, placez-vous derrière le pulvérisateur, dos au vent, dans un endroit qui permet l’observation des jets. Ouvrez les valves de pulvérisation et observez si le croisement des jets est adéquat. Si le croisement se fait trop près du pulvérisateur, cela peut entraîner un ruissellement sur le réservoir, alors que s’il se fait trop loin, il peut y avoir des trous dans la couverture si les rangs sont proches du pulvérisateur. L’angle d’ouverture des jets peut être réglé en modifiant la combinaison pastille-hélice (plus l’ouverture de la pastille est grande, plus l’angle de pulvérisation est grand et inversement avec les hélices) et/ou en modifiant la pression (normalement plus la pression augmente, plus l’angle d’ouverture des jets augmente). Vérifiez également l’uniformité de la pulvérisation de chaque buse. Les buses ayant une pulvérisation inégale devront être vérifiées et remplacées au besoin.
  • Vérifiez le positionnement des buses : en observant les jets, il est possible de voir s’il y en a qui pulvérisent directement au sol ou au-dessus de vos pommiers.
  • Vérifiez la couronne de ventilation : assurez-vous que le ventilateur et son coffrage sont propres. Fermez les valves de pulvérisation et faites fonctionner le ventilateur. Vérifiez le débit d’air tout autour de la couronne ou de la tour avec votre main pour évaluer l’uniformité de la ventilation. Au besoin, ajustez les déflecteurs qui sont localisés tout autour de la couronne.
  • Faites une dernière vérification avec le ventilateur et les buses ouvertes.
  • * Vérifiez l’usure et la pression des pneus.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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