Fiche 113

Daniel Cormier, Robert Maheux, Yvon Morin et Gérald Chouinard

 

Les campagnols des champs sont une menace pour les jeunes pommiers, surtout lorsque leurs populations atteignent des densités élevées. Les populations de ce rongeur sont cycliques et atteignent un pic environ à tous les deux ans. C’est durant la saison hivernale que le campagnol des champs endommage les pommiers en grugeant l’écorce des troncs et des branches sous la couche de neige. L’écorce grugée laisse voir des marques de formes irrégulières et à angles variés, plus petites que celles causées par le lièvre ou la marmotte.

Qui dit « mulot », en général, ne dit pas toujours « campagnol », il est donc sage de dépister les petits mammifères à l’aide de trappes pour bien les identifier et d’intervenir au besoin. Parmi les autres petits mammifères présents dans le verger, il y a la taupe et la musaraigne qui causent peu ou pas de dégâts aux pommiers.

campagnol

 

Dépistage

Il est recommandé d’installer à la mi-octobre 20 pièges à souris standards appâtés de beurre d’arachide dans chacune des cinq zones à risque par section de 10 ha de verger. Les zones à risque sont déterminées selon l’activité du campagnol enregistrée les années antérieures dans les mangeoires (niveau de consommation des appâts empoisonnés) et l’historique des dégâts. Dans chaque zone, les pièges sont placés sous les arbres, à raison de quatre rangées de cinq pièges à une distance d’environ 8 m l’un de l’autre. Relever ces pièges tous les jours durant cinq jours consécutifs suivant leur pose. Un nombre de captures égal ou supérieur à 25 pour 100 pièges indique que les populations nécessitent une stratégie de lutte (voir ci-après).

Une modification de cette méthode permet le dépistage du campagnol des champs sans avoir à recourir à des pièges à souris. Celle-ci consiste à remplacer les pièges par des abris à campagnol (galets, planches, morceaux de pneus, etc.) d’environ 20-30 cm de longueur, qui seront disposés dans l’herbe sous les arbres ou en bordure de la bande herbicide, au début de l’été. Après la récolte, vérifier la présence de chemins ou tunnels dans ces postes d’observation en soulevant les pièces utilisées et identifier de façon visible les postes visités par des campagnols. Dans chaque poste identifié, déposer une tranche de pomme de 2,5 cm d’épaisseur, près du tunnel ou dans un chemin et couvrir avec la pièce utilisée. Le seuil d’intervention est atteint si plus de 25 % des pommes sont manquantes ou présentent des marques de dents 24 heures après la pose.

 

Stratégies de lutte

La stratégie de lutte contre le campagnol des champs consiste à éliminer les sites propices à l’établissement ou à la construction de terriers, à exposer les campagnols aux prédateurs et à empêcher qu’ils se nourrissent des pommiers. Si ces moyens de lutte (décrits ci-après) sont utilisés simultanément et que de l’activité ou de nouveaux dommages demeurent visibles, il est alors possible d’ajouter aux moyens déjà mis en œuvre l’utilisation de rodenticides afin d’abaisser la densité des populations. Avant d’appliquer ces produits, il est cependant important de s’assurer que les densités de population sont assez élevées pour justifier un tel traitement.

Il faut bien comprendre que l’utilisation de poisons pose un risque élevé pour plusieurs mammifères – incluant les humains – et que de nombreux animaux (rapaces, renards, belettes, mouffettes, chats, chiens, etc.) peuvent mourir d’avoir mangé des rongeurs, morts ou vivants, ayant ingéré des rodenticides. De plus, cette forme de lutte ne constitue pas un moyen de lutte durable contre les campagnols, puisque tout espace vide laissé par la mort de quelques-uns d’entre eux sera vite compensé par les femelles prolifiques qui peuvent se reproduire avant d’atteindre l’âge de deux mois. L’utilisation de stratégies comme la modification de l’habitat ou le recours au treillis est donc indispensable.

 

Modification de l’habitat

Lorsque le problème est identifié, il suffit souvent de modifier l’environnement du verger pour réduire les populations de campagnols des champs. Pour ce faire, il faut s’inspirer du comportement du campagnol pour mieux éliminer ses cachettes. Les campagnols détestent rester à découvert, devenant alors trop vulnérables à tous les prédateurs imaginables. Les producteurs et productrices veilleront donc à :

  • éliminer tout fagot de branches issues de la taille des arbres, les murs de pierres situés à proximité des vergers ou tout amas de détritus;
  • maintenir de façon régulière, et plus particulièrement à l’automne, le couvre-sol à une faible hauteur par un fauchage sur le rang et entre les rangs de pommiers.

 

Protection du tronc : utilisation de treillis

Utilisé de concert avec l’élimination des abris préférés du campagnol des champs, le treillis métallique ou de plastique constitue une autre technique pouvant offrir une bonne efficacité contre ce petit mammifère. Cette technique d’exclusion est particulièrement recommandée lorsque le verger se trouve à proximité d’un environnement favorable à la prolifération des rongeurs. Il s’agit de couvrir la base du tronc d’un treillis de 30 à 40 cm de haut, qui s’insère dans le sol et de bien le refermer pour ne pas laisser place à l’intrusion. Le maillage du treillis devra mesurer 0,6 cm tout au plus. Le treillis métallique peut aussi servir à repousser les lièvres et les lapins. Dans ce cas, il doit s’élever à 50 cm au-dessus du sol et s’enfoncer d’au moins 5 cm dans le sol. Assurez-vous qu’il laisse suffisamment d’espace au tronc pour son développement pendant la saison de croissance.

utilisation de treillis pour la protection du tronc contre le campagnol

Les spirales de plastique ne sont pas recommandées :

  • Elles fournissent un milieu favorable à l’établissement de certains insectes nuisibles telles la sésie du cornouiller et la cochenille de San José;
  • Elles deviennent inefficaces contre les rongeurs avec le grossissement du tronc; les languettes de la spirale s’écartent et des parties de tronc ne sont plus protégées;
  • Elles peuvent aussi favoriser certaines pourritures opportunistes si l’arbre est déjà affaibli.

 

Protection du tronc : utilisation de répulsif

L’utilisation d’un répulsif à base de thirame protège les pommiers en éloignant le campagnol ainsi que les lapins et les lièvres du tronc des arbres traités. Cependant ces répulsifs ne sont plus homologués dans la pomme. Seule la préparation commerciale SKOOT est encore homologuée jusqu’au 9 octobre 2024 mais non disponible à la vente depuis 2020.

Utilisation de rodenticides

Les rodenticides homologués en pomiculture consistent en des appâts empoisonnés à l’aide de produits anticoagulants (ex : diphacinone et chlorophacinone) ou des produits toxiques (ex : phosphure de zinc) pouvant être dangereux pour presque toutes les formes de vie. Ils doivent être appliqués avec la plus grande prudence afin d’éviter :

  • que les animaux domestiques ou les jeunes enfants n’ingurgitent le produit et s’empoisonnent;
  • que les prédateurs naturels des campagnols n’ingurgitent le produit et s’empoisonnent.

Un campagnol qui a survécu à un appât empoisonné après en avoir été malade évitera ensuite le premier appât venu. Il faut donc prendre toutes les précautions requises pour que le premier appât soit mortel! D’où l’importance d’utiliser le rodenticide en quantité suffisante pour provoquer un empoisonnement fatal (voir ci-après), tout en évitant d’exposer le produit de façon dangereuse aux autres mammifères. Dans ce but, il est fortement recommandé de regrouper les appâts dans des mangeoires permanentes.

Mangeoires permanentes. Plusieurs méthodes de distribution d’appâts empoisonnés peuvent être employées dans les vergers, mais l’utilisation de mangeoires permanentes est la seule recommandée en PFI en raison de leur efficacité et de leur plus haut niveau de sécurité. De plus, elles offrent une solution à long terme pour lutter contre les populations. La mangeoire en forme de T inversé est composée d’un tuyau vertical recevant les appâts empoisonnés et d’un tuyau horizontal reposant sur le sol, par lequel les campagnols pénètrent pour se nourrir des appâts. Ce type de mangeoire permet de protéger les appâts des intempéries et de conserver l’efficacité du produit plus longtemps. De plus, il est sécuritaire car il garde le poison hors de portée des humains, des gros mammifères et des oiseaux. Pour installer et utiliser des mangeoires permanentes, procédez comme suit :

mangeoire permanente pour campagnol

  • Placer les mangeoires sur le sol non enneigé dans les rangées, entre deux pommiers. L’utilisation de 12 mangeoires par hectare permet de lutter efficacement contre les campagnols et d’éviter des dommages aux pommiers. Des mangeoires supplémentaires peuvent être disposées dans les secteurs du verger situés à proximité d’endroits susceptibles d’abriter des campagnols (ex : les fossés, les amoncèlements de pierres ou les terrains vacants).
  • Fixer la partie supérieure de la mangeoire à un tuteur en bois traité de 35 cm de longueur enfoncé à une profondeur de 15 cm dans le sol ou encore, attacher la mangeoire au tronc du pommier.
  • Remplir le tuyau vertical de la mangeoire à l’aide d’appâts empoisonnés recommandés contre le campagnol des champs et en fermer l’extrémité supérieure avec un capuchon.
  • En été et surtout à l’automne, vérifier à quelques reprises le niveau de la réserve d’appâts empoisonnés dans le tuyau vertical des mangeoires et, au besoin, remplir à nouveau. Ce suivi est particulièrement important dans les secteurs du verger dont l’historique témoigne de la présence d’une forte activité de campagnols des champs. À chaque automne, vider le contenu de la mangeoire et la remplir à nouveau avec du produit frais.

Seuls les rodenticides de première génération sont recommandés en PFI :

  • Phosphure de zinc (ex : RODENT BAIT ou RODENT PELLETS) : à utiliser avec toutes les précautions d’usage, en été ou de préférence après la récolte.
  • Chlorophacinone (ROZOL) et diphacinone (RAMIK) : ces anticoagulants doivent être utilisés après la récolte, mais avant la première neige pour être directement et facilement accessibles aux campagnols pendant l’hiver.

Quelques précautions essentielles pour obtenir de bons résultats avec les rodenticides :

  • Utiliser ces produits de concert avec les autres méthodes et uniquement lorsque ces dernières ne permettent pas de maintenir les densités de population à des niveaux acceptables.
  • Ramasser toutes les pommes tombées avant d’utiliser un rodenticide contre les campagnols. En l’absence de pommes, l’animal s’intéressera davantage aux appâts.
  • Pour mieux protéger les autres espèces animales, éviter autant que possible les formulations cirées et les appâts à base de maïs, car ces types de produits les attirent davantage.
  • Intervenir avant les premières chutes importantes de neige, qui procurent aux campagnols une protection additionnelle.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 114

Daniel Cormier, Robert Maheux et Yvon Morin

 

Le lièvre d’Amérique est considéré un ravageur mineur en PFI. Pendant l’hiver, il peut se nourrir de pommiers en rongeant les troncs, les branches basses et les bourgeons, principalement sur de jeunes arbres nains et semi-nains. Les dommages prennent la forme d’une coupe en biseau formant un angle de 45° nettement définie, située dans les premiers 50 cm au-dessus du sol.

lièvre d'Amérique

Pour minimiser sa présence, il faut tout d’abord éviter de créer des conditions propices à son établissement et encourager la présence de prédateurs (voir ci-après). Toutefois, si votre verger est situé près d’une zone boisée à forte densité de lièvres, des mesures supplémentaires de lutte devront probablement être envisagées. Dans ce cas, la pose d’un cylindre grillagé (voir ci-après) protégera adéquatement les pommiers des zones à risque. La chasse, le piégeage et l’utilisation de répulsifs peuvent être également utilisés, mais ils ne constituent pas des moyens de lutte durables vis-à-vis du lièvre.

 

Modification de l’habitat
  • À l’intérieur et autour du verger, veiller à éliminer tout matériau susceptible d’être utilisé par ces rongeurs pour se construire un gîte (ex : amas de détritus, broussailles, etc.).
  • Encourager la présence de prédateurs naturels tels que les renards, aigles et hiboux en ne détruisant pas les boisés naturels présents autour du verger. Les arbres matures ou de haute taille sur le pourtour du verger favoriseront également la présence des oiseaux de proie.

 

Protection des troncs : utilisation d’un cylindre grillagé

Les cylindres grillagés placés autour des pommiers offrent un niveau de protection élevé lorsque certaines règles sont respectées. Pour une protection contre le lièvre, le treillis devra avoir des mailles d’une grosseur maximale de 2,5 à 5 cm. Un maillage inférieur à 0,6 cm protégera aussi les pommiers contre le campagnol des champs. La hauteur minimale recommandée est de 50 cm. Pour une protection maximale, il est recommandé d’enfouir le bas du cylindre de 5 cm dans le sol. Au printemps, il faut s’assurer que le treillis laisse suffisamment d’espace au tronc pour son développement pendant la saison de croissance.

La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune s’applique aussi à votre verger. Il est recommandé de consulter la fiche 20 si vous entrevoyez piéger ou chasser des animaux dans votre verger.

 

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Fiche 115

Daniel Cormier, Robert Maheux et Yvon Morin

 

La marmotte creuse des trous et des tunnels sous les arbres, ce qui entraîne le dessèchement des racines. La présence de ces trous à la surface du sol est également une source de danger pour les travailleurs et les cueilleurs, et cause parfois des bris de machinerie. La marmotte peut en outre endommager le tronc des pommiers. Il faut éviter de confondre le terrier de la marmotte avec celui du renard (à proximité duquel se trouvent souvent des animaux morts) ou celui de la mouffette (bordé de fèces contenant des carapaces d’insectes). L’ouverture du terrier de la marmotte possède un diamètre d’environ 25 cm).

marmotte

ATTENTION! Les terriers désaffectés peuvent abriter certains gibiers pendant l’hiver : ratons laveurs, renards, lièvres, etc.

 

Stratégie de lutte
Treillis métallique et clôtures
  • Les cylindres grillagés protègent le bas des arbres, mais malheureusement pas les racines.
  • Les clôtures utilisées contre les cerfs de Virginie ne suffisent pas à éloigner les marmottes, qui creuseront simplement un tunnel en-dessous.
Répulsion

Le piment fort ou le poivre noir moulus saupoudrés autour de son habitat peuvent s’avérer efficace. Des répulsifs commerciaux tels que ROPEL peuvent également repousser les marmottes. Cependant, leur utilisation ne garantit pas que l’animal ne creusera pas un autre terrier dans le verger.

Piégeage

Pour un animal isolé, il faut placer une cage-trappe à bascule de type HAVAHART sur le sentier qu’il utilise régulièrement. Puis, il suffit de l’appâter avec du beurre d’arachide, de la laitue, du maïs sucré, des pommes ou des carottes. Ce type de trappe permet d’éviter la mort d’animaux domestiques ou sauvages non visés. L’animal doit être relocalisé à au moins 30 km de tout jardin ou culture. Les pièges CONIBEAR 120 (pour les jeunes) ou 220 sont déconseillés lorsqu’il existe un risque de capturer des animaux domestiques.

Chasse

Une chasse intensive au printemps peut constituer un moyen rapide et efficace pour réduire les populations de marmottes à un niveau acceptable. Le moment le plus propice pour s’y adonner est lors de journées ensoleillées lorsque la marmotte se tient immobile près de son terrier. Il est recommandé de vérifier la réglementation de votre municipalité concernant la possibilité d’utiliser une arme à feu, car il peut y avoir des interdictions. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune s’applique aussi à votre verger. Consultez la fiche 20, et pour vous procurer un permis de chasse aux petits gibiers, consultez le site Internet du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) : www.mffp.gouv.qc.ca sous la rubrique «&nbspLa faune/Chasse ».

Fumigation

La fumigation des tunnels de marmottes fonctionne efficacement, mais elle doit être utilisée avec les plus grandes précautions. Les produits homologués, à base de sulfate de soufre, ne doivent pas être utilisés à proximité des bâtiments à cause des risques d’incendie et de propagation de la fumée. Cette technique consiste, lorsque l’animal est dans son terrier, à boucher toutes les entrées avec de grosses pierres, sauf une et d’allumer la mèche de la « bombe à marmottes » (ex. : SANEX WOODCHUCK BOMB ou GIANT DESTROYER) puis de la lancer au fond du trou en le rebouchant promptement. Il faut prendre bien soin de se placer dos au vent pour éviter de respirer les émanations.

 

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Fiche 116

Daniel Cormier, Robert Maheux et Yvon Morin

 

Porc-épic

Le porc-épic gruge l’écorce du pommier, principalement dans le haut des arbres. Il affecte généralement plusieurs pommiers dans la même zone.

porc-épic

Ces animaux causent rarement des dommages étendus. Cependant, si l’un d’eux ou toute une famille causent des problèmes, il est préférable de s’adresser à un agent de protection de la faune (voir la fiche 20). Si vous désirez vous en occuper vous-même, la chasse est une option envisageable à condition de posséder le permis requis (voir la remarque à la fin de cette fiche).

 

Écureuils

L’écureuil roux peut endommager les pommes contenues dans les coffres lors de la récolte en insérant ses dents dans plusieurs d’entre elles pour se procurer de petites bouchées. Ce phénomène est très localisé et ne se produit pas à chaque année. L’écureuil gris affectionne quant à lui les pommes qu’il peut ramasser lui-même dans le haut des arbres.

Le piégeage ou la chasse peut régler temporairement un problème causé par les écureuils, mais la méthode reste peu efficace, même si elle est répétée périodiquement, en raison du taux élevé de fécondité de l’écureuil et de l’occupation presque immédiate d’un territoire laissé vacant. Un permis conforme est nécessaire (voir la remarque à la fin de cette fiche).

 

Oiseaux frugivores

Lors d’étés particulièrement secs, quelques oiseaux peuvent tenter de se désaltérer à même les fruits lorsque ceux-ci commencent à se colorer. Les dégâts qui en résultent sont causés surtout par les étourneaux et les corneilles.

Il existe présentement sur le marché des systèmes qui servent à éloigner les oiseaux nuisibles à l’aide de sons puissants émis par des appareils électroniques. Cependant les oiseaux s’y habituent très rapidement et l’efficacité de ces appareils diminue avec le temps. Il est important de s’informer également auprès des autorités locales pour vérifier si la réglementation permet l’usage de tels systèmes.

De gros ballons sur lesquels sont dessinés de grands yeux (semblables à ceux d’un hibou) sont aussi disponibles dans le commerce et peuvent également diminuer les visites dans les secteurs à risque.

Certains oiseaux peuvent aussi être chassés à condition de posséder le permis requis, mais ils sont particulièrement difficiles à atteindre (voir la remarque à la fin de cette fiche).

 

Gélinotte huppée

Dans les régions où sa population est abondante, la gélinotte huppée, communément appelée « perdrix », peut occasionner des dommages non négligeables aux pommiers en se nourrissant des bourgeons à fruits. Ces dégâts, parfois confondus avec ceux du cerf de Virginie, peuvent rarement causer des pertes importantes.

gélinotte huppée

Entretien des abords du verger

Un entretien adéquat du verger et des sous-bois contigus prévient la multiplication de la gélinotte huppée, celle-ci n’y trouvant plus l’habitat requis pour la protection de sa couvée. Pour ne pas favoriser la présence de la gélinotte dans les vergers, il est donc utile d’éliminer fourrés, taillis, broussailles et haies aussi bien à l’intérieur qu’en bordure du verger. Il est en outre judicieux d’enlever les branches basses (situées à 2 m du sol et moins) des arbres des sous-bois bordant le verger.

Chasse

La gélinotte huppée étant un gibier très recherché, la chasse effectuée au moment prévu par la réglementation (avec un permis de chasse au petit gibier) permet de réduire considérablement les populations de cette espèce (voir la remarque à la fin de cette fiche).

 

Dindon sauvage

Cet oiseau de plus en plus répandu dans le sud-ouest du Québec cause des problèmes dans la région de Missisquoi en s’attaquant aux pommes localisées dans le bas des arbres ou tombées au sol à la fin de l’été et en automne. Au printemps, il peut se nourrir des bourgeons dans le bas des arbres.

dindon sauvage

L’utilisation de répulsifs gustatifs et odorants n’est pas efficace contre ce ravageur, puisque le dindon sauvage possède un faible sens de l’odorat et du goûter. Cependant, il existe sur le marché des produits qui servent à éloigner des oiseaux nuisibles à l’aide de sons émis par des appareils électroniques qui peuvent être efficaces.

Il est aussi permis à un chasseur d’abattre chaque année un dindon sauvage porteur d’une barbe (une touffe de plumes sur la poitrine qui s’allonge avec les années). Au printemps 2010, la chasse au dindon sauvage a été uniformisée à une période de 12 jours dans toutes les zones du Québec. La chasse au dindon sauvage est toujours interdite en automne. En plus d’être détenteur d’un certificat, le chasseur doit obtenir un permis de chasse spécifique au dindon sauvage.

La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune s’applique aussi à votre verger. Il est recommandé de consulter la fiche 20 si vous entrevoyez piéger ou chasser des animaux dans votre verger.

Pour en apprendre davantage sur les mammifères et les oiseaux traités dans cette section, veuillez consulter les fiches individuelles produites par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP) traitant des animaux importuns en milieu agricole, disponibles sur le lien Internet suivant : http://www3.mffp.gouv.qc.ca/faune/importuns/index.asp.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 117

Maude Richard et Paul Émile Yelle

 

Une bonne planification de la récolte permet de minimiser les pertes (pertes de qualité, de temps, d’argent, d’employés, etc.) et de maximiser la performance de votre entreprise en matière d’entreposage et de classification. Pour bien préparer sa récolte, il faut aussi commencer très tôt!

 

Lors de l’implantation du verger
  • L’installation d’un brise-vent du côté des vents dominants pourra réduire la chute de fruits à l’automne.
  • Lors de la plantation, le choix de cultivars dont les dates de récolte sont étalées sur une longue période facilitera la gestion de la cueillette et des besoins en main d’oeuvre.
  • L’implantation d’un système d’irrigation sera un avantage lors d’étés secs (et un incontournable en parcelles de porte-greffes nain !), car les fruits d’un arbre affecté par la sécheresse tendent à mûrir et à tomber plus rapidement. Pour de plus amples informations à ce sujet, consultez la fiche 36.
  • Valider également les besoins de certification auprès de votre acheteur de pommes comme CanadaGap ou une certification de régie biologique.

 

En saison
  • La pratique d’un suivi rigoureux des ravageurs du feuillage (ériophyides, tétranyques à deux points, tétranyques McDaniel et tétranyques rouges) permet d’intervenir avant qu’ils n’engendrent un trop grand stress aux arbres. Les tétranyques sont particulièrement à surveiller en cas de déficit hydrique, afin d’éviter des pertes de rendement et de qualité des fruits. Pour plus d’informations sur le dépistage des insectes et acariens, consultez d’abord les fiches 65, 66, 67 et 68 du présent guide.
  • Une taille d’été trop sévère et une charge trop élevée peuvent aussi avoir un impact sur le calibre des fruits, la maturation et la chute des fruits à la récolte. Pour plus d’information à ce sujet, consultez les fiches 41 et 43.

 

Un mois avant le début de la récolte
Traitements en vue de l’étalement de la récolte

Des traitements visant à retarder le mûrissement ou la chute des pommes peuvent être appliqués dans certaines parties du verger afin de planifier la récolte et de faciliter l’étalement de celle-ci. Ces produits agissent sur les mécanismes physiologiques du pommier.

Le RETAIN (amino-éthoxyvinylglycine) est un outil de gestion de récolte permettant l’étalement de la récolte  et d’avoir des lots avec une maturité plus homogène (réduction des plages de maturité). Le RETAIN est également intéressant pour les entreprises d’autocueillette, car il permet de maintenir les fruits sur les arbres plus longtemps. Son délai avant récolte est de 7 jours et le délai de ré-entrée est de 12 heures.

Il doit être appliqué en dilué (±1000 L/ha) avec un surfactant organo-siliconé, tel que Xiameter, à quatre semaines avant la date de début de maturité AC LT (Atmosphère Contrôlée Long Terme) pour chacune des variétés. Il  a été démontré sur McIntosh que le Retain est plus efficace à 4 semaines qu’à 3 semaines toutefois, même à 2 semaines avant la date de maturité prévue, il y aura un effet, mais moindre.

Le traitement doit être fait lorsque les conditions sont favorables à l’absorption (feuillage sain –exempt de dommages d’acariens, cicadelles ou autres-, température supérieure à  15 °C, humidité relative supérieure à  85% et au minimum  4 heures sans pluie. IMPORTANT : Référez-vous aux étiquettes de ces produits afin de connaitre les conditions d’application, les possibles mélanges et s’il y a lieu, les risques associés. Si le traitement est réalisé de jour, il doit être fait par temps couvert). Le ralentissement de la maturation peut également permettre aux fruits d’être exposés à quelques nuits froides supplémentaires et ainsi obtenir une meilleure coloration.

Le FRUITONE (acide alpha-naphtylacétique ou ANA) est aussi un agent éclaircissant pouvant être utilisé pour retarder la chute des pommes. Il est utilisé de huit à dix jours avant la chute anticipée des fruits, à un taux de 10 ppm (10 g par 1000 L d’eau) pour les variétés tardives. Un second traitement peut être fait au moins six jours plus tard, le délai avant la récolte étant de 5 jours. Le délai de ré-entrée est de 4 heures.

Le FRUITONE permet de lutter contre la chute prématurée des pommes mais celles-ci continuent à mûrir à un taux accéléré. Notez que l’effet sur la maturité des fruits augmente en fonction de la concentration appliquée ainsi que le nombre de traitements. De plus, les fruits (particulièrement de la variété Mcintosh) traités au FRUITONE pour limiter la chute des pommes se conserveront mal à long terme en entrepôt. Conséquemment, les pommes ayant reçu 2 traitements au FRUITONE devraient être mise en marché le plus rapidement possible.

Évaluation du volume de la récolte

Cette évaluation permettra de prévoir la main-d’œuvre, le matériel et la machinerie nécessaires au bon déroulement de la cueillette. Pour estimer le nombre de bennes nécessaires à la récolte, se reporter à la méthode décrite à la page 4 du Guide pour les superviseurs de cueillette des PPQ.

Prévisions pour le recrutement de la main-d’œuvre

Le producteur doit planifier dès que possible le recrutement de la main-d’œuvre dont il aura besoin. Pour estimer le nombre de cueilleurs requis, se référer à la page 5 du Guide pour les superviseurs de cueillette. Le producteur doit aussi prévoir du personnel pour le transport des bennes ainsi que des superviseurs pour le contrôle de qualité.

 

Quelques semaines avant le début de la récolte
Préparation du terrain

Éliminer les branches, les roches et niveler le terrain en remplissant les trous qui pourraient causer des blessures aux travailleurs ou des meurtrissures aux fruits lors de leur transport dans le verger. La fauche du gazon avant la cueillette permet de détecter facilement les obstacles nuisibles et facilite le ramassage des pommes laissées au sol.

Préparation du matériel

Le producteur doit inspecter ses bennes individuellement et s’assurer qu’elles sont en bon état (saines, solides, sans éclisses de bois ou clou, etc.). Il doit les réparer au besoin, puis les nettoyer.

Le nettoyage des bennes consiste d’abord à déloger tout déchet organique (résidus de culture, sol, excréments d’animaux (souris, raton laveurs, etc.), etc.) qui pourrait être une source potentielle de contamination d’origine microbienne. Ensuite, les parois doivent être nettoyées à l’eau savonneuse, idéalement à l’aide d’une laveuse à pression, puis rincées à l’eau claire et séchées au soleil au grand air. Si cette opération de nettoyage est bien faite, il n’y a pas lieu de désinfecter les bennes. Pour ce qui est des bennes de plastique, elles sont moins propices à la présence de bactéries, mais doivent néanmoins être nettoyées de la même façon chaque année. Les sacs de cueillette doivent aussi être nettoyés.

Les bennes ne doivent servir qu’à la manutention et à l’entreposage des fruits et à aucun autre usage (ex : entreposage d’outils, de produits d’entretien, de produits chimiques à usage agricole, etc.) Elles doivent être sorties à l’extérieur une à deux semaines avant la récolte afin d’être exposées à la pluie et ainsi réhumidifiées, sinon le bois risque de tirer l’humidité des pommes pendant l’entreposage.

Les jours précédant la récolte, les bennes et les échelles doivent être dispersées dans le verger en fonction de l’ordre prévu de la cueillette et des rendements anticipés.

 

Quelques jours avant le début de la récolte
Formation des cueilleurs

Une fois les cueilleurs et superviseurs choisis, le producteur doit les former afin de leur expliquer les bonnes méthodes de cueillette, l’utilisation adéquate du matériel, les critères de qualité à respecter, les méthodes d’évaluation de leur rendement et les notions de salubrité des aliments. Les formations doivent avoir lieu avant le début de la cueillette et doivent se poursuivre au fur et à mesure que la récolte progresse, car certaines notions peuvent nécessiter d’être renforcées et de nouveaux cueilleurs peuvent se joindre en cours de route. Vous pouvez vous référer à ce document pour vous aider à cette formation Outil de formation du cueilleur de pommes.

Lors des formations, le producteur doit prendre le temps de procéder à des démonstrations et de faire pratiquer les cueilleurs devant lui. Les formations doivent traiter, entre autres, des sujets suivants :

  • L’utilisation adéquate des échelles afin d’éviter des blessures.
  • La manipulation des échelles de manière à éviter le bris des arbres et les meurtrissures aux fruits.
  • L’utilisation de sacs de cueillette, en évitant de le déposer au sol afin de prévenir toute contamination.
  • L’ordre de cueillette et la technique de cueillette pour prévenir les meurtrissures, le bris des pédoncules et des bourgeons.
  • L’importance d’une manipulation délicate des fruits en tout temps : en les cueillant, en les déposant dans le sac, en se déplaçant avec le sac et en les transvidant dans les bennes.
  • L’importance de la salubrité, « comment » et « quand » se laver les mains : avant de manipuler les fruits, après être allé aux toilettes, après une pause, une cigarette ou un repas, après l’application de chasse-moustiques ou de crème solaire, après une manipulation d’objets autres que les fruits (ex : poubelles), etc.
  • Les autres obligations reliées à la salubrité : ne pas manger, boire ni fumer dans les vergers, utiliser les poubelles et les toilettes à la disposition des employés et l’obligation de leur part d’aviser leur superviseur lorsqu’ils sont malades.
  • Le niveau de qualité de cueillette exigé (sélection des fruits) et la façon dont leur rendement sera évalué. Les critères de qualité ainsi que les méthodes recommandées pour l’évaluation du rendement des cueilleurs et l’évaluation de la qualité des lots sont décrits à la sous-section « Contrôle de qualité » ci-après.

La façon dont les bennes doivent être identifiées : le producteur doit indiquer au personnel de supervision comment remplir l’étiquette de suivi proposée par les Producteurs Pommes ou une étiquette différente qu’il leur ait fournie. Cette information doit être inscrite même si la cueillette est faite à l’heure, car elle est essentielle pour le contrôle de la qualité. Voir la section « Tenue de registres par le producteur » ci-après pour plus de détails.

Engagements du producteur envers ses employés

Le producteur a la responsabilité de fournir le nombre suffisant d’installations sanitaires, soit une installation sanitaire pour 35 employés. Il doit s’assurer qu’elles sont convenablement équipées et entretenues : provisions de savon, eau potable, serviettes jetables et poubelle ou encore serviettes humides, désinfectant et poubelle. Il doit aussi s’assurer que les employés ont des endroits désignés pour manger, boire et fumer ainsi que pour ranger leurs effets personnels, qu’ils doivent garder loin des pommes. Pour de plus amples informations à ce sujet, se référer au Guide de salubrité des aliments pour les fruits et légumes frais de CanadaGAP.

Avant de commencer la cueillette, les attentes du producteur et les conditions de travail doivent être énoncées clairement (salaire, mode de paiement, horaire et conditions de travail, etc.) Pour s’assurer d’une bonne rétention de sa meilleure main-d’œuvre, le producteur pourrait prévoir des bonis pour une saison complète et des bonis pour un rendement de qualité.

 

Pendant la récolte

Le suivi de chantier est essentiel pour minimiser les pertes de rendement dues aux meurtrissures et éviter l’entreposage et la manutention de fruits non conformes. Une étude menée par Agropomme a révélé que les meurtrissures représentaient près de la moitié (45 %) des défauts observés sur sept chantiers de récolte québécois en 1999.

Par la supervision et la formation adéquate de ses cueilleurs, le producteur s’assure de bonifier la classification de ses pommes, car en plus d’apprendre comment réduire les meurtrissures, les cueilleurs apprennent à ne pas cueillir ou à ne pas conserver les fruits qui ne correspondent pas aux critères de qualité recherchés. Les défauts à éliminer peuvent être une coloration insuffisante, un calibre trop petit, des dégâts d’insectes, de maladies ou de grêle, des pourritures, des malformations, du roussissement, des marques de frottement, etc. Pour plus de détails, voici le Guide pour les superviseurs de cueillette.

Contrôle de qualité

Pour mettre en œuvre un système de contrôle de qualité rigoureux, le producteur doit prévoir une personne chargée de la supervision pour chaque groupe de 10 à 15 cueilleurs. Bien que cela représente des frais considérables, le système de contrôle est rapidement rentabilisé par une amélioration de la classification lors de l’emballage. Deux méthodes d’évaluation ont été développées :

  • L’évaluation individuelle des cueilleurs : cette méthode consiste à évaluer, pour chaque cueilleur, le pourcentage de pommes cueillies non conformes aux critères de qualité. Au total, de 17 à 24 pommes sont retirées au hasard selon la variété et à différents emplacements dans toutes les bennes ramassées par un même cueilleur (idéalement trois contrôles par benne : au fond, au milieu et en surface). Les fruits non conformes à un rendement de 90 % « Canada Fantaisie » sont mis de côté. De cette façon, le pourcentage de non-conformité est évalué et, en fonction des résultats obtenus, cette méthode permet d’ajuster le besoin d’encadrement de chaque cueilleur.
  • L’évaluation des lots : cette seconde méthode consiste à évaluer de façon similaire la fiabilité d’une équipe de cueilleurs à produire un rendement de 90 % « Canada Fantaisie ». Les lots inspectés doivent être homogènes et le nombre de pommes ainsi que la quantité de bennes à inspecter varient selon les variétés. Les pommes sont choisies au hasard et à différentes profondeurs dans les bennes sélectionnées. Les fruits qui ne correspondent pas aux critères de qualité sont mis de côté. Le pourcentage de fruits non conformes permet au producteur de juger du niveau d’encadrement requis par l’équipe évaluée. Cette méthode est complémentaire à la précédente et n’est valide que si l’évaluation individuelle des cueilleurs a été préalablement réalisée.

Ces deux méthodes sont expliquées en détail dans un extrait du Guide pratique pour la formation et l’évaluation des cueilleurs de pommes publié par Les Producteurs de Pommes du Québec.

À la suite de ces évaluations, le producteur doit examiner les pommes mises de côté pour déterminer la nature des défauts sur les fruits et la source des meurtrissures (prise en main des fruits, vidage inadéquat du sac de récolte, mauvais ajustement de la profondeur du sac, mauvaise manutention du sac, placement inadéquat de l’escabeau, etc.), puis il doit expliquer aux cueilleurs comment corriger les problèmes.

 

Après la récolte

Le producteur doit s’assurer que les pommes sont transportées de façon délicate afin d’éviter les meurtrissures. Une bonne façon d’y parvenir est de ne pas rouler trop vite lors du transport des pommes et de s’assurer que les pneus des plateformes de transport sont bien gonflés. Une attention particulière doit aussi être portée pendant le déchargement des bennes au site d’entreposage ou de manutention. Les pommes cueillies doivent être réfrigérées la même journée et toute exposition au soleil et à la chaleur doit être évitée avant la réfrigération. Chaque variété doit être entreposée en respectant certains critères de maturité, qui sont traités à la fiche 118. Par ailleurs, les entrepositaires doivent respecter les paramètres d’entreposage recommandés (se référer aux recommandations d’entreposages diffusées par Les Producteurs de Pommes du Québec).

Tenue de registres par le producteur

La tenue de registres permet au producteur d’améliorer l’organisation de sa récolte et optimise l’efficacité de son travail et la qualité des fruits récoltés.

Selon le Règlement sur la mise en marché des pommes du Québec, le producteur doit identifier ses bennes au moyen d’une étiquette apposée au moment de la récolte. Cette étiquette indique le nom du producteur, la date de cueillette, le numéro de lot standardisé, la variété de pommes et la parcelle. Les Producteurs de Pommes du Québec présente un exemple d’étiquette sur son site Internet et à la page 8 du Guide pour les superviseurs de cueillette. Le numéro de lot indiqué sur l’étiquette doit permettre au producteur de retracer facilement la provenance des pommes dans le verger.

Le producteur peut aussi tenir les registres suivants :

  • une fiche du rendement/qualité de chaque cueilleur;
  • un registre d’évaluation de la qualité des lots au verger;
  • un registre du nombre de bennes (coffres) par parcelle.

Des exemples de fiche du rendement/qualité des cueilleurs et d’un registre d’évaluation de la qualité des lots sont présentés dans le Guide pratique pour la formation et l’évaluation des cueilleurs de pommes.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 118

Maude richard

Avant tout, l’évaluation de la maturité de lots de pommes lors de la récolte est un outil incontournable pour déterminer le type et la durée d’entreposage. Elle permet aux entreprises pomicoles de prendre des décisions éclairées quant à l’ordre de cueillette des différentes parcelles et à la destination des lots. Ils sont des outils essentiels pour déterminer le type d’entreposage approprié (vente immédiate, réfrigération,transformation ou atmosphère contrôlée) et la période de mise en marché visée (vente immédiate, court terme, moyen terme ou long terme). Les entreprises pomicoles limitent ainsi les pertes financières engendrées par l’entreposage de lots de pommes dans de mauvais termes (exemple : entreposage d’un lot rencontrant les critères de l’AC Court terme entreposé en AC Moyen terme). Ces techniques d’entreposage sont décrites à la fiche 119.

De plus, lorsque des régulateurs de croissance sont utilisés, il est très important de faire un suivi précis de la maturation afin d’en retirer tous les bénéfices souhaités soient les délais supplémentaires de récolte, la meilleure plage de maturité des lots et l’amélioration du potentiel de conservation.

Le test de régression à l’amidon et le test de fermeté sont les deux principales méthodes utilisées pour l’évaluation de la maturité et ils sont complétés par l’évaluation du nombre de pépins. Les tests doivent être répétés à un intervalle de trois à quatre jours jusqu’à la fin de la récolte pour toutes les variétés destinées à l’entreposage. Le même échantillon est utilisé pour ces trois tests. L’échantillonnage débute au moins une semaine avant la date prévue de récolte et commence par les secteurs les plus hâtifs du verger. Lors de gels en cours de récolte, un suivi de maturité est d’autant plus indispensable afin de bien orienter les lots de pommes en termes de conservation.

 

Test de la régression en amidon

Au fur et à mesure que la maturité des fruits progresse, l’amidon se transforme en sucres solubles et leur potentiel de conservation diminue. L’iode utilisé dans ce test colore en noir l’amidon, ce qui permet de suivre facilement sa régression et d’évaluer le potentiel d’entreposage des fruits.

Le test de la teneur en amidon, ainsi que les indices d’amidon à respecter pour chaque type et durée d’entreposage, sont décrits en détail dans le document Évaluer la maturité des pommes – Test de l’amidon publié par le CRAAQ. Les taux d’amidon sont catégorisés selon une appréciation visuelle ressemblant à celle illustrée ci-après utilisée par nos voisins du sud (image à gauche ci-bas) :

test de la teneur en amidon: charte

 

Test de fermeté

Ce test s’effectue sur des pommes entières tout juste cueillies et répondant aux critères de qualité pour la pommes de fantaisie. Pour obtenir une lecture juste :

  • La pomme doit être maintenue solidement en place contre une surface plate. Ne pas se servir de sa main comme appui solide !
  • La pelure doit être enlevée à l’aide d’un « peeler » (outil prévu à cette fin) à deux endroits opposés sur la pomme, où les mesures de fermeté seront prises, sur la face la plus colorée et sur la face la moins colorée du fruit. La mesure est prise à l’aide d’un pressuromètre (aussi nommé pénétromètre) avec une tige de 11 mm de longueur. La profondeur de pénétration de la tige doit être constante. La tige doit pénétrer dans la chair jusqu’à la marque incrustée dans la tige. Une pénétration insuffisamment profonde donnera une lecture trop faible versus une pénétration trop profonde, une lecture trop élevée.
  • Calibrer le pressuromètre minimalement 2 fois par saison.
  • La vitesse de pénétration de la tige doit être constante : un temps moyen d’ une seconde pour une pénétration jusqu’à la marque incrustée donnera une bonne lecture.

test de fermeté: pressuromètre

L’utilisation adéquate du pressuromètre est décrite plus en détail à l’annexe 1 du Cahier des charges pour l’amélioration de la qualité des pommes entreposées en atmosphère contrôlée publié par Les Producteurs de Pommes du Québec.

Entre le moment de l’entreposage et celui de la mise en marché, la fermeté des fruits diminue. Afin de respecter les normes de mise en marché qui permettent d’offrir aux consommateurs des fruits suffisamment fermes et moins sujets aux meurtrissures, les pommes doivent être entreposées selon les critères de fermeté recommandés dans le document Évaluer la maturité des pommes – Test de l’amidon publié par le CRAAQ.

 

Dénombrement de pépins

Les fruits comptant cinq pépins et plus ont un meilleur potentiel de conservation. Ainsi, même si les tests de teneur en amidon et de fermeté satisfont les critères de conservation, les fruits contenant moins de cinq pépins risquent de moins bien se conserver. En effet, il a été démontré que la perte de fermeté en entreposage est plus rapide pour les pommes de cinq pépins et moins, puisque ceux-ci ont une plus faible concentration interne en calcium, ce qui joue directement sur la fermeté du fruit (d’où l’importance des agents pollinisateurs en vergers durant la floraison).

Toutefois, depuis l’arrivée du SmartFresh (1-Méthylcyclopropène : 1-MCP), le nombre de pépins semble avoir moins d’incidence sur le potentiel de conservation.

nombre de pépins: pomme coupée en deux

Coloration des fruits

N’étant pas nécessairement un indice de maturité, la coloration fait impérativement partie des critères importants de qualité et doit être prise en compte lors de la planification de la cueillette. Sachez qu’il est possible de retarder le début de la cueillette d’une parcelle par manque de couleur, et ce, même si les critères de maturité indiquent le début de l’AC Long terme… Les documents suivants publiés par les PPQ contiennent les chartes de couleur pour les principaux cultivars du Québec, sous l’onglet Qualité :

Autres tests

Pour certains cultivars tels qu’Honeycrisp, le moment optimal de maturité est plus difficile à déterminer et nécessite plus d’une récolte. En plus des tests de teneur en amidon, de fermeté et de couleur, le développement du goût sucré et des arômes de la pomme doivent être pris en compte. L’aptitude à détecter les niveaux adéquats de sucre, d’acidité et les arômes recherchés se développe avec l’expérience de production et de récolte, bien qu’elle demeure subjective. Pour la Honeycrisp, les taux de sucre désirés selon l’indice de degré Brix se situent objectivement entre 12,5° et 14°.

Les photographies suivantes montrent des pommes « Honeycrisp » ayant deux patrons de coloration différents, mais des niveaux de maturité similaires à la récolte :

 

pommes Honeycrisp: patron de coloration a

 

Attention !

D’autres facteurs que ceux décrits ci-dessus doivent être pris en compte avant de considérer l’entreposage à long terme des pommes. Ainsi, il ne faut pas entreposer en atmosphère contrôlée :

  • les pommes qui proviennent de jeunes pommiers, d’arbres peu chargés ou taillés sévèrement;
  • les pommes très grosses, meurtries ou tavelées;
  • les pommes qui sont demeurées plus de 24 heures sans réfrigération (à l’extérieur ou à l’intérieur d’un bâtiment).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 119

Monique Audette, Jennifer DeEll et Maude Lachapelle

 

En dépit d’une apparence saine à la sortie du verger, les fruits peuvent subir une dégradation pendant et après la période d’entreposage, occasionnant des pertes financières importantes. Cette fiche propose des pratiques à mettre en œuvre pour aider à prévenir les dommages causés par les agents pathogènes et les désordres physiologiques pouvant apparaître suite à l’entreposage. Lorsque disponibles, les méthodes de lutte sont décrites à la fiche 120.

 

Maladies fongiques

Les parasites responsables de ces maladies se nourrissent de matière organique fraîche ou en décomposition et sont présents à toutes les étapes, de la production à la commercialisation. L’infection peut donc survenir au verger sans qu’il y ait de symptômes apparents à la récolte. Elle peut aussi se produire pendant le transport, durant le conditionnement et le triage, ou encore dans les chambres froides. L’inoculum pénètre habituellement dans le fruit par une blessure à l’épiderme, par les lenticelles ou par la cavité oculaire. Les températures des chambres froides n’arrêtent pas la progression de la contamination. De plus, l’humidité relative ambiante constitue très souvent un facteur favorable au développement de ces maladies.

Les maladies fongiques les plus fréquentes liées à la présence d’organismes pathogènes au verger sont l’Alternaria, le Botrytis, le Penicillium et la tavelure d’entrepôt. Voici certaines des bonnes pratiques à adopter afin de diminuer les infections par ces organismes :

  • Une bonne protection contre la tavelure pendant la saison diminue les risques d’infection;
  • Une manipulation délicate des fruits diminue les lésions;
  • Un fauchage au plus tard 30 jours avant la récolte réduit la quantité de matière organique dont se nourrissent les parasites;
  • Le retrait des fruits momifiés, en décomposition au sol et dans les arbres élimine les sources d’infection;
  • Le nettoyage et la désinfection des sacs de cueillette ainsi que des bennes et des chambres d’entrepôt réduisent les sources d’infection.
  • Une application de fongicides (par trempage ou « douchage ») le plus tôt suivant la récolte.

 

Désordre physiologiques d’ordre nutritionnel

Ces désordres physiologiques surviennent pendant l’entreposage ou à la sortie des chambres, sans l’intervention d’agents pathogènes. Les causes sont diverses et parfois concomitantes, mais toujours reliées à un déséquilibre nutritionnel.

Tache amère

désordre physiologique: tache amère

Symptômes : Des taches brunes de 3 à 5 mm de diamètre, plutôt sèches, légèrement amères et souvent situées à l’extrémité oculaire du fruit peuvent apparaître avant la récolte ou durant l’entreposage. Les premières couches de chair sous les taches brunissent aussi.

Causes : déficit en calcium; les fruits de gros calibre ont une prédisposition pour ce désordre.

Cultivars sensibles : les variétés Honeycrisp, Cortland, Empire et Idared.

Cœur aqueux

désordre physiologique: coeur aqueux

Symptômes : Il n’y a aucun signe extérieur. Des tissus translucides se retrouvent proche du cœur, autour des faisceaux vasculaires. Ceci est dû à une accumulation de sorbitol dans les espaces intercellulaires. Ce désordre augmente le risque de brunissement interne en entrepôt.

Causes : déficit en calcium, récolte tardive.

Cultivars sensibles : les variétés Gingergold et Delicious sont parfois touchées.

Brunissement de sénescence

Symptômes : Un brunissement se produit sous la pelure et parfois celle-ci devient plus foncée. Ceci est relié à la maturité avancée du fruit à la récolte.

Causes : récolte tardive, un délai avant la mise en entrepôt, des températures plus chaudes en entrepôt.

Cultivars sensibles : la majorité des cultivars peut développer ces symptômes.

 

Désordres physiologiques dus à des conditions climatiques adverses ou à des conditions d’entreposage inadéquates

Tout comme les désordres physiologiques d’ordre nutritionnel, ces désordres physiologiques peuvent survenir pendant l’entreposage ou à la sortie des chambres, sans l’intervention d’agents pathogènes. Les causes sont diverses et parfois concomitantes, mais toujours reliées à des facteurs climatiques défavorables ou à des conditions d’entreposage inadéquates.

Échaudure molle

échaudure molle

Symptômes : Des zones brunes apparaissent sur la pelure et atteignent les premières couches de chair sous-jacentes. Les lésions sont souvent envahies par une infection secondaire de Cladosporum ou d’Alternaria qui cause des taches noires diffuses. Ce désordre se produit surtout sur les pommes réfrigérées trop rapidement. La progression des symptômes cesse après la sortie de l’entrepôt.

Causes : récolte tardive, température d’entreposage trop basse.

Cultivars sensibles : la Honeycrisp est la variété la plus sensible.

Brunissement interne dû au froid

désordre physiologique: brunissement interne dû au froid

Symptômes : Ce désordre est caractérisé par la présence de tissus bruns, humides, séparés de la pelure par une zone de tissus sains. Généralement, aucun symptôme externe n’est observable.

Causes :récolte tardive, durée d’entreposage excessive, saison de croissance plus fraîche que la moyenne.

Cultivars sensibles : ce désordre peut survenir chez différents cultivars.

Brunissement vasculaire

Symptômes : Se caractérise par une décoloration des faisceaux vasculaires et des tissus adjacents.

Causes : durée d’entreposage excessive, saison de croissance pluvieuse et plus fraîche que la moyenne, particulièrement durant les mois de juillet et d’août.

Cultivars sensibles : McIntosh et Cortland.

Cœur brun

désordre physiologique: coeur brun

Symptômes : Se caractérise par un brunissement diffus autour de la zone carpellaire. Les symptômes se développent en entrepôt et s’accentuent lorsque les pommes sont mises à la température ambiante.

Causes : récolte hâtive, teneur élevée en O2 en entrepôt, saison de croissance plus fraîche que la moyenne.

Cultivars sensibles : les variétés Empire et McIntosh.

Échaudure supericielle

Symptômes : Un brunissement superficiel apparaît sur l’épiderme, d’abord sur les parties vertes de la pomme. La chair demeure ferme. Les symptômes apparaissent après plusieurs mois en entrepôt et leur progression persiste une fois les pommes mises à la température ambiante.

Causes : déficit d’heures de température fraîche avant la récolte, une récolte hâtive, un délai avant l’entreposage, une température trop élevée et un niveau trop élevé d’O2 en entrepôt.

Cultivar sensible : la variété Cortland est très sensible.

Lésions causées par le CO2

désordre physiologique: lésion causée par le CO2

Symptômes : Les symptômes externes sont des lésions brunes rugueuses sur la pelure, se retrouvant généralement sur les sections vertes de la pomme. Les symptômes apparaissent normalement tôt en période d’entreposage en atmosphère contrôlée.

Causes : concentration faible en O2 en entrepôt, rapide élévation des niveaux de CO2 avant que les pommes ne soient refroidies en entrepôt et récolte hâtive. Un traitement au 1-MCP (voir la fiche 120) peut augmenter la susceptibilité des pommes à ce désordre et/ou aggraver les symptômes de ce désordre.

Cultivars sensibles : ce désordre peut survenir chez différents cultivars.

 

Prévention des désordres physiologiques et maladies d’entrepôt
Au verger

Une régie de culture adaptée aux conditions météorologiques de la saison de croissance ainsi qu’au cultivar réduit les risques de désordres physiologiques. Ainsi:

  • l’incidence de tache amère peut être réduite de façon significative en faisant des applications foliaires de calcium aux moments prescrits pendant la saison de croissance des fruits. D’autre part, il est déconseillé d’entreposer pour une longue période les fruits de gros calibre, de même que ceux issus de jeunes arbres en début de production et d’arbres excessivement vigoureux (voir la fiche 117).
  • selon une étude de l’université Cornell, l’incidence de brunissement pour être réduite en évitant les applications de certains herbicides (ROUNDUP et autres produits à base de glyphosate) passé la mi-juillet

Il incombe au producteur d’assurer la propreté des lieux lors de la récolte. La zone de cargaison doit être exempte de débris organiques, de déchets et d’eau stagnante. En outre, le transporteur doit pouvoir s’y déplacer en toute sécurité; il convient donc d’en interdire la circulation aux employés et aux visiteurs. Le dessous des coffres de pommes en provenance du verger doit être nettoyé de toute matière organique avant le chargement, à l’aide d’un balai ou d’une brosse.

Il est primordial que les pommes soient refroidies le plus rapidement possible après la récolte. En attente du transporteur, les coffres de pommes fraîchement récoltées doivent être placés à l’abri du soleil. Le producteur, en collaboration avec le transporteur, doit s’assurer que les pommes arrivent chez l’entrepositaire au plus tard dans la matinée du lendemain de la récolte. En aucun cas, les coffres ne doivent demeurer en attente plus de huit heures sur les plateformes du transporteur ou du site d’entreposage.

Tout comme chez l’entrepositaire et sur les lignes d’emballage, il est important de minimiser les chocs subis par les pommes lors de la récolte, afin de diminuer les meurtrissures, qui ont tendance à diminuer la qualité des pommes en plus de diminuer leur conservation à long terme.

Chez l’entrepositaire

Une fois rendues à l’entrepôt, les pommes sont prises en charge par l’entrepositaire qui est responsable d’évaluer individuellement le potentiel de conservation de chaque lot afin de les diriger vers le type d’entreposage approprié. Pour y parvenir, il utilise les paramètres suivants sur des fruits prélevés selon le plan d’échantillonnage énoncé dans le cahier des charges Amélioration de la qualité des pommes entreposées en atmosphère contrôlée de Gestion Qualiterra :

  • test de l’amidon;
  • test de fermeté;
  • nombre de pépins.

Pour de plus amples informations sur ces tests, se référer à la fiche 118 du présent guide. Des tests semblables doivent avoir été effectués avant la récolte par le producteur afin de déterminer la période optimale de cueillette. Notez que le paramètre qui détermine le mieux la maturité des pommes reste la concentration interne en éthylène. Toutefois, ce paramètre est rarement utilisé puisque peu d’entrepositaires sont dotés des instruments nécessaires à sa mesure, c’est-à-dire un chromatographe en phase gazeuse.

Le refroidissement des pommes doit débuter le jour même de leur arrivée chez l’entrepositaire. Un suivi de la vitesse de réfrigération doit être effectué pour vérifier que la température au cœur de la pomme atteint 5 °C ou moins, en deçà de 48 heures. L’entrepositaire doit veiller à ne pas surcharger le système de refroidissement en plaçant, en même temps, une trop grande quantité de fruits non refroidis dans les chambres de stockage.

L’entrepositaire doit procéder à la mise en régime gazeux au plus tard sept jours après le début de la réfrigération. Plus vite les niveaux désirés d’O2 et de CO2 seront atteints, meilleure sera la qualité des pommes. Les paramètres d’entreposage sont propres à chaque cultivar et sont ajustés annuellement en fonction des conditions climatiques et du potentiel de conservation. Il est donc essentiel que seuls les fruits exigeant les mêmes conditions soient entreposés dans la même chambre de stockage. Les teneurs habituellement recommandées pour l’entreposage en atmosphère contrôlée (AC) se situent entre 2,5 et 3,0 % pour l’O2 et entre 2,0 et 4,5 % pour le CO2. La température optimale peut varier entre 0 et 3 °C.

Des recommandations d’entreposage spécifiques à la saison en cours sont publiées chaque année par la Fédération des producteurs de pommes du Québec et envoyées à tous les producteurs par la poste. Ces avis figurent aussi en ligne sur la page des Communiqués de la mise en marché du site de la Fédération. Les entrepositaires sont tenus de respecter ces recommandations.

Prévision des risques de développement de désordres d’entrepôt

Des modèles prévisionnels permettent de prédire le risque de développer, durant la période d’entreposage, des désordres physiologiques liés aux conditions climatiques saisonnières enregistrées durant la croissance des pommes. Dans le cas du brunissement vasculaire, un premier calcul du risque est effectué en comparant les données météorologiques de l’année en cours aux moyennes normales des 30 dernières années. Grâce à cette information, le producteur est plus en mesure de décider si les pommes de variétés sensibles seront acheminées vers le marché frais plutôt que vers l’entreposage. Ces modèles aident aussi l’entrepositaire à évaluer la pertinence de traitements préventifs au 1-MCP ainsi qu’à ajuster les paramètres d’entreposage.

Deux modèles ont été implantés par le Centre informatique de prévisions des ravageurs en agriculture (CIPRA), (voir la liste des ressources essentielles en PFI (fiche 9) pour plus d’infos sur Cipra) : le modèle de prédiction de risque de brunissement vasculaire, qui peut indirectement s’appliquer au brunissement interne et au cœur brun, et le modèle de prédiction de risque d’échaudure superficielle. Ces deux modèles utilisent des données météorologiques en temps réel, ce qui permet d’obtenir un indice de risque avant la récolte et ainsi de mieux planifier les conditions d’entreposage et la mise en marché des pommes.

Chaque année, en septembre, les indices calculés par le logiciel CIPRA pour les désordres mentionnés sont publiés par la Fédération des producteurs de pommes du Québec.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 120

Monique Audette et Jennifer DeEll

 

Ces traitements sont généralement effectués chez l’entrepositaire. Les produits actifs utilisés sont des pesticides et leur usage est régi par la Loi sur les produits antiparasitaires (voir la fiche 12). Les utilisateurs sont tenus de suivre les recommandations prescrites sur l’étiquette du produit et de prendre les précautions d’usage.

 

Diphénylamine (DPA)

Un traitement à la DPA sert à prévenir l’échaudure superficielle et devrait être exclusivement réservé aux cultivars présentant un risque de développer ce désordre. Le DPA est un composé organique qui possède des propriétés antioxydantes. Il est homologué au Canada à titre d’hormone de croissance. Le traitement s’effectue par thermonébulisation, par trempage ou par « douchage » (drench en anglais).

L’application par thermonébulisation est homologuée au Canada depuis 2011. Cette technique améliorée d’application du DPA consiste à vaporiser le produit pur fondu directement dans la chambre d’entreposage. Son utilisation réduit le risque de contamination bactériologique inhérent à l’utilisation de solutions de trempage et de « douchage ». Cette technique est à privilégier en PFI. Les précautions d’usage et le mode d’emploi énoncés sur l’étiquette du DPA aérosol doivent être suivis pour assurer un traitement efficace et sécuritaire.

Pour le trempage et le « douchage », plusieurs précautions doivent être prises pour assurer un traitement efficace et sécuritaire :

  • Traiter les fruits alors qu’ils sont secs avant leur mise en régime gazeux. De meilleurs résultats sont obtenus lorsque les fruits sont traités immédiatement après la récolte;
  • La température des fruits lors du traitement doit se situer entre 16 et 27 °C. La température de la solution doit être supérieure d’au moins 5,5 °C à celle des fruits si le traitement est effectué par trempage;
  • Utiliser la concentration prescrite pour la variété à traiter;
  • Utiliser une eau potable pour préparer la solution;
  • Agiter la solution avant l’emploi pour homogénéiser le bain. Enlever l’écume qui se forme en surface;
  • S’assurer de toujours maintenir la bonne concentration de DPA en solution en renouvelant le mélange selon les recommandations du fabricant;
  • S’assurer que l’écoulement de la solution hors des coffres n’est pas entravé, qu’il n’y a pas d’accumulation au fond des coffres et qu’aucune mousse ne reste sur les pommes, car cela pourrait les brûler;
  • Limiter à 30 secondes le temps de trempage et à 2 minutes le temps de « douchage »;
  • Ne pas rincer les pommes après le trempage;
  • Suivre les recommandations sur l’étiquette quant à la protection des travailleurs préposés à cette opération.

Le trempage et le « douchage » augmentent le risque de contamination des pommes aux moisissures. L’utilisation d’une eau propre, le renouvellement fréquent de la solution et le nettoyage et la désinfection du système après chaque usage contribuent à réduire ce risque.

traitement à la diphénylamine (DPA)

 

1-méthylcyclopropène (1-MCP)

Le 1-méthylcyclopropène (1-MCP) est une substance volatile utilisée pour inhiber la production d’éthylène et ainsi ralentir la maturation du fruit. Généralement, les pommes sont traitées en chambre d’entreposage à atmosphère contrôlée, avant la mise en régime gazeux. Le procédé est commercialisé mondialement sous le nom exclusif de « Système Qualité SmartFresh ».

Le traitement doit être effectué dans un délai de trois jours suivant la récolte en tenant compte des facteurs suivants, en fonction du cultivar : stade de maturité, niveau d’éthylène optimal, niveau de fermeté optimal. Les recommandations d’entreposage spécifiques aux saisons publiées par la Fédération des producteurs de pommes du Québec (voir la fiche 119) définissent ces paramètres pour la saison en cours.

L’utilisation du 1-MCP peut augmenter le risque de brunissement vasculaire et d’altérations dues au CO2.

 

Les fongicides

En tant que mesure de contrôle des pourritures en entrepôt, la prévention au verger et la mise en application de mesures de salubrité en entrepôt et sur les lieux de triage sont à privilégier.

Au Canada, deux fongicides sont homologués pour le traitement en post-récolte : le thiabendazole (MERTEC) et le fludioxonil (SCHOLAR). Ces produits sont utilisés en solution par trempage ou en « douchage », comme le DPA. Le renouvellement fréquent de la solution en assure la propreté ainsi que le maintien de la concentration voulue. Il est recommandé d’alterner ces produits afin de prévenir l’apparition de souches résistantes au produit.

 

Élimination des résidus de solutions de trempage et de « douchage »

Afin de réduire le volume du résidu des solutions de trempage et de « douchage », il est recommandé de recycler la solution pendant une même opération. Ainsi la solution usagée est filtrée afin d’en retirer les débris et la concentration du produit actif est réajustée pour constituer une nouvelle solution.

Malgré tout, la constitution d’un résidu de solution usagée inutilisable est inévitable. Ce résidu ne doit pas être déversé sur des terrains vagues ou des terres inutilisées, des cours d’eau ou plans d’eau, ni jeté à l’égout sanitaire ou pluvial, ou encore dans un équipement qui s’y déverse. Les surplus de solutions inutilisables doivent être éliminés par des entreprises spécialisées. La liste de ces entreprises peut être obtenue à la page des Titulaires de permis – Matières dangereuses résiduelles sur le site du MDDELCC au lien internet suivant : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/matieres/dangereux/titulaire-permis/.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 121

Monique Audette

 

L’eau utilisée pour les différentes opérations de post-récolte doit être potable. Il est essentiel de connaître la provenance de l’eau utilisée et d’être en mesure de déterminer s’il y a un risque de contamination microbienne ou chimique. Afin de prévenir ce risque, l’eau qui provient d’un puits doit être analysée au moins deux fois l’an (une fois avant l’utilisation, puis une fois en cours d’utilisation). La procédure d’analyse doit suivre les recommandations du Guide de salubrité des aliments à la ferme pour la production, l’emballage et l’entreposage de fruits et légumes de CanadaGAP.

Si l’eau provient d’un réseau municipal, il est important de suivre les avis émis en cas de contamination. Dans le cas où l’eau est entreposée sur les lieux d’utilisation, deux analyses par an sont requises. Si les tests révèlent une eau non potable, la citerne est immédiatement vidée, nettoyée et désinfectée en suivant les instructions fournies à l’annexe H du Guide de salubrité des aliments à la ferme pour la production, l’emballage et l’entreposage de fruits et légumes. De façon systématique, la citerne doit être vidée, nettoyée et désinfectée annuellement. En outre, il faut s’assurer qu’elle est à l’abri de toute contamination, exempte de rouille et dotée d’un couvercle étanche. Par ailleurs, lorsque les pommes à la température du verger sont submergées dans l’eau froide, elles absorbent une partie de cette eau. Des agents pathogènes peuvent ainsi pénétrer à l’intérieur du fruit. Afin de réduire ce risque, il est indispensable que la température au cœur de la pomme lors du trempage soit inférieure de 5,5 °C à la température de la solution, c’est-à-dire que les pommes soient plus froides que la solution de trempage.

 

La salubrité des lieux d’entreposage et de triage

Il est recommandé de procéder à l’assainissement des lieux d’entreposage et de triage afin d’éliminer toute source de contamination tels les champignons, les bactéries et les résidus organiques. Un programme d’assainissement comprend les étapes suivantes : nettoyage, désinfection, rinçage et séchage. Ces opérations s’appliquent non seulement aux murs, planchers et plafonds, mais à tous les éléments des systèmes de réfrigération, d’aération et de drainage, ainsi qu’à tout l’appareillage électrique.

Les sites de triage doivent être tenus propres en tout temps et assainis deux fois l’an. Le nettoyage de l’entrepôt s’effectue dès qu’il est vide, tandis que les autres étapes sont exécutées juste avant la rentrée des pommes, à l’automne. Lors du nettoyage, il faut débarrasser les lieux de la poussière et de la matière organique. La désinfection permet de détruire les microorganismes. Pour qu’elle soit efficace, il faut se conformer aux durées d’exposition et aux concentrations prescrites pour chaque produit. Pour de plus amples informations à ce sujet, consultez le document d’Agriculture et Agroalimentaire Canada intitulé Mesure d’hygiène dans les entrepôts à fruits et légumes à l’adresse Internet suivante : http://publications.gc.ca/collections/Collection/A42-84-1999F.pdf. Après le rinçage à l’eau, il faut laisser sécher complètement avant de réutiliser les pièces ou l’équipement. Une température élevée et une humidité relative faible, entre les périodes d’entreposage, limitent la croissance de microorganismes.

 

La qualité des fruits vendus à la ferme et la salubrité des lieux

Les producteurs qui vendent leurs pommes à la ferme doivent s’assurer qu’elles sont manipulées et entreposées de façon à minimiser les risques de contamination d’ordre microbiologique, chimique ou physique. Ils sont aussi tenus de vérifier que les pommes répondent à des normes de qualité élevées.

Les lots doivent être réfrigérés ou mis au frais le jour même de la récolte; ils sont triés, puis classés. Il faut éliminer les débris de récolte, les corps étrangers et les fruits pourris ou endommagés. Ces déchets sont retirés des lieux d’entreposage ou de vente. À la fermeture, les pommes invendues sont entreposées au frais pour la nuit, plutôt que laissées sur les étalages, à la température ambiante. Le producteur vérifie la qualité des pommes mises en vente par une inspection visuelle ainsi que par des tests de fermeté quotidiens. Un fruit impropre à la vente est détourné vers les lots de fruits destinés à la transformation ou jeté.

Les lieux de triage et d’entreposage situés sur la ferme doivent être entretenus en respectant les mesures d’hygiène énoncées à la section précédente. Les lieux de vente doivent être maintenus propres en tout temps et désinfectés au début de la saison des ventes.

Il est important de stocker les produits d’emballage dans un lieu propre et sec, de préférence chauffé. Le matériel d’emballage ne doit jamais être stocké avec des produits chimiques, des engrais naturels ou des produits d’alimentation animale.

Le personnel affecté aux opérations de triage, d’emballage et de vente doit avoir accès à des installations sanitaires adéquates. Ces installations doivent être pourvues d’eau potable, de serviettes en papier et de lotion désinfectante pour le lavage des mains ainsi que d’une poubelle avec couvercle fermé. Ces lieux doivent être maintenus propres en tout temps.

Le producteur qui permet l’autocueillette doit s’assurer que la clientèle ne constitue pas une source de contamination des fruits. Ainsi, il mettra à la disposition des visiteurs des installations sanitaires équipées d’une station de lavage des mains telle que décrite au paragraphe précédent.

Avant la cueillette, le producteur avisera la clientèle, par écrit ou de vive voix, des règles suivantes :

  • Utiliser les installations sanitaires prévues à cet effet.
  • Se laver ou se désinfecter les mains avant la cueillette.
  • Utiliser des contenants propres pour la cueillette.
  • Cueillir les fruits dans les arbres et non les fruits au sol.
  • Demeurer dans le secteur de cueillette désigné.
  • Ne toucher que les fruits qui seront achetés.
  • Ne pas amener d’animaux domestiques dans la zone de cueillette.
  • Jeter les déchets dans les contenants prévus à cette fin.

 

La tenue de registres par l’entrepositaire

L’entrepositaire dont les entrepôts à AC sont soumis aux exigences du cahier des charges doit, en vertu de ce cahier, tenir différents registres et les garder pour vérification pendant au moins deux ans. Ces registres sont les suivants :

  • Suivi des tests de maturité réalisés au site d’entreposage.
  • Suivi des paramètres d’entreposage.
  • Fiche technique des sites d’entreposage en AC.
  • Fiche technique des chambres à AC.
  • Suivi des températures des lots de pommes entreposés.
  • Étalonnage des équipements.

Le cahier des charges et des exemples de ces registres peuvent être obtenus en ligne sur le site de la Fédération.

Le producteur qui effectue des traitements post-récolte au verger ainsi que l’entrepositaire doivent tenir un registre des traitements effectués après la récolte. Ce registre doit comprendre les renseignements suivants :

  • La nature du traitement et le motif de son utilisation.
  • Le produit utilisé et sa quantité.
  • La date et le lieu du traitement.

Pour le producteur, ces renseignements peuvent être ajoutés au registre des intrants de produits chimiques à usage agricole, ils n’ont pas à être consignés dans un registre distinct.

 

Pour en savoir plus

 

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Fiche 52

Vincent Philion

 

Les mélanges de fongicides peuvent avoir trois utilités complémentaires : ils peuvent étendre le spectre des maladies réprimées avec un seul traitement, combler des lacunes mutuelles des produits ou retarder le développement de la résistance. Les mélanges peuvent être suggérés dans le cadre d’un programme, imposés par le manufacturier en l’indiquant sur l’étiquette ou en vendant un mélange déjà prêt. Depuis 2009, l’ARLA permet de déroger sous certaines conditions des directives des étiquettes et autorise les producteurs à combiner des produits en mélanges qui n’étaient pas prévus par les manufacturiers (voir la fiche 57). La directive de l’ARLA vise d’abord à encadrer le mélange de fongicides avec d’autres types de produits, mais il est possible de profiter de cette autorisation pour combiner les matières fongicides selon les circonstances et les besoins. Par contre, cette autorisation dégage les manufacturiers des conséquences éventuelles de l’application en mélange. Toutes les combinaisons ne sont pas possibles ou souhaitables. Les produits en mélange peuvent interagir et perdre leur efficacité, mener à une phytotoxicité sur feuillage ou même sur fruits. Néanmoins, certains mélanges peuvent avoir une utilité selon le prix des composantes des mélanges.

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

 

Mélanges impliquant des fongicides sans risque de résistance

Les éliciteurs, les fongicides minéraux et les fongicides de contact multisites ne sont pas sujets au développement de la résistance et il n’y a donc pas d’avantage à les mélanger dans un programme de gestion de la résistance. Par contre, les mélanges peuvent servir à réprimer plusieurs maladies à la fois ou à augmenter l’efficacité. Également, l’utilisation des éliciteurs comme les phosphonates ou l’APOGEE dans un programme de gestion des maladies est actuellement assez restreinte, car ils ne sont habituellement pas assez efficaces pour être utilisés seuls; toutefois les éliciteurs peuvent être utiles en mélange avec des fongicides usuels.

Seules les combinaisons les plus fréquentes ou prometteuses sont présentées ici à titre d’exemples.

  • APOGEE + captane. Le deuxième traitement d’APOGEE a normalement lieu après la période des infections primaires et peut être combiné au captane. Dans les vergers où la tavelure secondaire n’est pas trop grave, la portion captane du mélange pourra couvrir les deux semaines suivant l’application et par la suite, la portion APOGEE permet d’augmenter l’intervalle entre les traitements.
  • Phosphonate + captane. Dans les vergers où le complexe suie-moucheture est un problème, les traitements d’été avec un mélange de phosphonate et de captane sont très efficaces.
  • Soufre élémentaire + bicarbonate. Le soufre et le bicarbonate de potassium sont efficaces contre une gamme similaire de maladies, mais sont néanmoins complémentaires au niveau des modes d’action. La portion soufre du mélange est très efficace pour tuer les spores encore présentes à la surface des feuilles, alors que le bicarbonate est actif légèrement après le début de l’infection. Comme les spores déposées à la surface des feuilles sont souvent à différents stades d’avancement, les modes d’action agissent conjointement.
  • « CAPTOZEB ». Depuis quelques années, un mélange des fongicides de contact captane et mancozèbe (chacun à demi-dose) est recommandé dans les avertissements américains. Ce mélange baptisé « captozeb » par les producteurs n’est pas vendu mais préparé à la ferme. Aux États-Unis, le mélange est justifié pour réprimer la rouille avec le mancozèbe et maintenir une bonne efficacité contre la tavelure avec le captane. Comme la rouille n’est pas un problème ici, l’intérêt théorique du mélange tient au fait que la portion « captane » a une efficacité supérieure contre la tavelure mais est plus facilement lessivable, alors que la portion « mancozèbe » est censée coller mieux au feuillage. Or, les seules données disponibles tendent à démontrer que le mélange n’est pas plus efficace que le captane utilisé seul à demi-dose. De plus, le mancozèbe a un effet néfaste sur la faune auxiliaire qui élimine les gains éventuels pour la tavelure. Ce mélange a déjà été vendu sous le nom de POMURAN en Europe et ensuite retiré du marché.

 

Mélanges dans un programme de gestion de la résistance

La gestion de la résistance des maladies envers les pesticides est différente de celle préconisée pour gérer la résistance des acariens et des insectes (voir la fiche 56). Pour les maladies, la meilleure stratégie pour éviter la résistance aux fongicides est de multiplier les modes d’action en mélange pour réduire la probabilité qu’un individu résistant de la population puisse s’échapper. Les rotations sont moins efficaces parce qu’elles permettent à quelques rares « individus » résistants parmi les très nombreuses spores produites par les champignons de s’établir avant d’être atteints par un autre produit, alors que les mélanges ne le permettent pas. Autrement dit, la probabilité qu’une spore soit résistante à deux molécules au moment du traitement en mélange est beaucoup plus faible que la probabilité que des spores qui ont survécu à un produit puissent par la suite acquérir une résistance à un autre produit utilisé en rotation.

Les mélanges de fongicides sont donc préférables en théorie à la rotation des familles de produits, à condition que la dose de chacun des partenaires du mélange ne soit pas trop faible. Par contre, pour assurer l’efficacité du mélange et le ralentissement du développement de la résistance, toutes les composantes du mélange doivent être efficaces au même moment, sur les mêmes spores. Les mélanges entre les fongicides de contact qui empêchent la germination des spores (ex. : mancozèbe) avec un produit qui inhibe la croissance du champignon mais qui n’a pas d’effet sur la germination des spores (ex. : NOVA) n’agissent pas au même moment et sont donc la plupart du temps inefficaces pour ralentir la résistance, même s’ils sont suggérés par les étiquettes. Les mélanges entre produits unisites avec des modes d’action différents mais qui agissent au même moment, (ex. : INSPIRE SUPER) sont préférables. Par contre, les mélanges imposés par les manufacturiers (pré-mélanges comme INSPIRE SUPER) limitent les choix et ne permettent pas de combiner les meilleurs produits des différents manufacturiers pour chaque famille.

Certaines étiquettes de produits imposent d’utiliser leur produit en mélange avec un autre produit fongicide, même si le mélange n’est pas toujours justifié. Cette contrainte d’usage augmente à la fois les coûts de traitement et l’impact environnemental sans nécessairement atteindre les objectifs de ralentir la résistance et/ou d’augmenter l’efficacité. Il est toujours préférable d’intégrer chaque produit séparément dans une stratégie adaptée qui vise le meilleur moment d’application, quitte à faire soi-même le mélange optimal. Les mélanges proposés par les manufacturiers et/ou appropriés en PFI sont décrits ici :

Contact multisite + IBS

Tel que décrit en introduction, quand les modes d’action des produits en mélange ne permettent pas d’atteindre le champignon au même moment, le traitement peut être efficace pour réprimer la maladie, mais les produits ne travaillent pas ensemble et donc le mélange ne peut pas être efficace pour ralentir la résistance. Le mélange d’un fongicide de contact multisite et d’un IBS (ex. : NOVA + mancozèbe) est fréquemment recommandé et sera utilisé pour l’exemple. C’est un cas classique de stratégie inefficace pour contrer la résistance qui a conduit à la dégradation de l’efficacité des IBS. Aucune stratégie de traitement impliquant cette combinaison n’est efficace pour gérer la résistance.

Quand le mélange NOVA + Dithane est appliqué avant la pluie, la portion mancozèbe du mélange permet de réprimer la maladie en empêchant la germination des spores, alors que la portion NOVA qui n’a pas d’effet sur la germination de devient efficace qu’après l’éventuelle infection, au moment où les spores “échappées” par le mancozèbe auront traversé la cuticule (post-infection). L’effet du NOVA commence donc seulement plusieurs jours après l’application. Entre-temps, la croissance et l’expansion foliaires contribuent à diluer le produit. La dose de NOVA qui entre alors en contact avec le champignon est réduite, ce qui contribue à la sélection des individus les plus tolérants.

À l’inverse, quand le mélange est appliqué après la pluie, la portion mancozèbe est incapable de réprimer les spores puisque ce produit de contact n’est pas efficace après l’infection. L’effet fongicide en post infection est donc concentré exclusivement sur la portion NOVA. Le NOVA est alors à sa pleine efficacité, mais doit travailler seul sans partenaire de gestion de la résistance. Au mieux, une partie du mancozèbe dans le mélange est utile seulement si une autre pluie survient dans les jours suivants, à condition que la croissance entre le moment du traitement et la pluie ne soit pas trop importante.

Le mélange NOVA-DITHANE avait une utilité dans la mesure où le DITHANE, contrairement au NOVA, était efficace sur fruits et pouvait se redistribuer aux nouvelles feuilles. Le mélange a donc certainement facilité la gestion de la maladie pendant de nombreuses années, mais au détriment de la gestion de la résistance.

Contact multisite + unisite autre que IBS (AP, QoI, SDHI)

Les mélanges impliquant des produits de contact ne sont pas efficaces en post infection. Les mélanges impliquant un fongicide de contact multisite ont donc un intérêt seulement pour les traitements de protection. Tous les produits unisites, à l’exception des IBS, ont une bonne efficacité pour réprimer la germination des spores et sont donc efficaces pour les traitements de protection. Le mélange d’un produit de contact multisites à un fongicide unisite (autre qu’un IBS) est donc en théorie une bonne façon de multiplier les modes d’action pour les traitements de protection dans le but de gérer la résistance. En pratique, les fongicides de contact multisites n’ont pas besoin d’être mélangés puisqu’ils ne sont pas sujets à la résistance. De plus, ces mélanges n’apportent pas nécessairement une meilleure efficacité qu’un traitement avec un produit de contact utilisé seul.

Le lessivage des produits de contact par la pluie est souvent invoqué comme argument en faveur d’un mélange avec un fongicide absorbé. Or, l’effet du lessivage est moindre que l’effet de la croissance et tous les produits (contact et absorbés) laissent la nouvelle croissance à découvert.  De plus, même en cas de lessivage du produit de contact, seule la portion absorbée par la feuille du fongicide unisite reste efficace, ce qui ne permet pas une gestion adéquate de la résistance. Dans les cas où un traitement additionnel est appliqué en post infection avec une autre famille de fongicide, la complémentarité d’action sur les mêmes spores répondrait aux impératifs de la gestion de la résistance, mais avec un prix assez élevé.

Exemple : Un traitement CAPTAN + FLINT (vendu sous le nom de FLINT PLUS dans plusieurs pays) avant une pluie importante, suivi de SCALA ou FONTELIS dans les 48 h suivant le lessivage du CAPTAN. Dans cet exemple, le CAPTAN et le FLINT sont conjointement efficaces jusqu’à concurrence du lessivage du CAPTAN et le traitement en post infection avec un fongicide d’un autre groupe de résistance vient s’ajouter à l’action du FLINT pour éviter d’exposer les spores à une seule famille de produits. L’alternative à prix égal serait d’appliquer CAPTAN seul avant la pluie et traiter au besoin après le lessivage du CAPTAN avec un mélange de AP + QoI ou mieux encore, un mélange AP + SDHI. Par exemple, SCALA + FONTELIS (décrit plus loin).

Unisite + unisite

La gestion de la résistance des fongicides unisites est applicable pour tous les traitements (protection et post infection), mais est cruciale pour les traitements en post infection qui sont plus souvent responsables de la sélection des individus résistants. Les traitements dirigés en post infection ne devraient jamais être à la base d’une stratégie de lutte contre la tavelure (voir les fiches 102 et 103). Cependant, il arrive parfois qu’un traitement en post infection soit requis après la pluie pour combler une faille dans la stratégie déjà déployée (croissance excessive, lessivage). Les combinaisons décrites dans ce guide ne sont pas toutes disponibles au Canada, mais sont vendues dans différents pays. Au Canada, l’arrivée des fongicides en pré-mélange est récente et les choix sont restreints. Néanmoins, pour chaque famille de produit unisite, il existe au moins un produit commercial qui n’est pas vendu en pré-mélange et il est donc possible de combiner à la ferme les produits pour créer une combinaison donnée. Le remplacement graduel du INSPIRE par le INSPIRE SUPER (mélange) élimine la possibilité de créer des mélanges avec les IBS puisque la molécule (difénoconazole) ne sera plus vendue seule.

Le choix des produits pour chaque famille dans les combinaisons suggérées a été réalisé en fonction de l’efficacité des produits utilisés seuls et du risque de résistance anticipé. Les combinaisons présentées excluent les mélanges avec la dodine qui sont valables, mais d’usage limité. Finalement, les mélanges proposés n’ont pas tous été testés localement et comme pour tous les mélanges des incompatibilités ou une phytotoxicité peuvent survenir.

Dans les exemples qui suivent, IBS = INSPIRE; AP = SCALA ou VANGARD; QoI = FLINT ; SDHI = FONTELIS ou SERCADIS. Par exemple, un mélange AP + SDHI correspond à soit à SCALA + FONTELIS, SCALA + SERCADIS, VANGARD + FONTELIS ou VANGARD + SERCADIS.

Dans tous les cas, les combinaisons de familles comprennent deux matières actives efficaces contre la tavelure. Cependant, les mélanges impliquant un AP n’ont qu’une matière active efficace contre le blanc, puisque les fongicides AP ne sont pas efficaces contre cette maladie (voir la fiche 109).

Mélanges de fongicides unisites en post infection < 750 degrés-heures (76 h) :

IBS + AP. La combinaison IBS + AP est la seule qui soit efficace pour des traitements en post infection contre la tavelure plus de 48 h après le début de la pluie. Cette combinaison existe sous plusieurs formes dans différents pays.

INSPIRE SUPER (difénoconazole + cyprodinil). Ce mélange de la compagnie Syngenta est en vente aux États-Unis et au Canada depuis 2014.

Mélanges de fongicides unisites en post infection < 450 degrés-heures (48 h) :

IBS + QoI. Cette combinaison est vendue actuellement dans différents pays. Par exemple, le fongicide ADAMENT de Bayer est un mélange de trifloxystrobine (comme dans le FLINT et de tébuconazole (comme dans ORBIT, non vendu au Canada). Combinaison suggérée : INSPIRE + FLINT.

IBS + SDHI. Cette combinaison est vendue actuellement aux États-Unis sous le nom LUNA EXPERIENCE (tébuconazole + fluopyram). Combinaison suggérée au Canada : INSPIRE + FONTELIS.

AP + QoI. Cette combinaison est vendue ailleurs dans le monde sous le nom de FLINT STAR (pyriméthanil + trifloxystrobine) et la dose d’emploi pour les deux molécules en mélange est similaire à celle des produits individuels. Il est possible de créer exactement le même mélange. Combinaison suggérée : SCALA + FLINT.

AP + SDHI. Cette combinaison est vendue au Canada sous le nom de LUNA TRANQUILITY (pyriméthanil + fluopyram). Par contre, le SDHI contenu dans le FONTELIS ou le SERCADIS a une meilleure efficacité pour réprimer la tavelure. Ex:  SCALA + FONTELIS.

QoI + SDHI. Il existe plusieurs produits à l’échelle mondiale qui contiennent un QoI et un SDHI en mélange. Par exemple, le LUNA SENSATION de Bayer (trifloxystrobine + fluopyram) et le MERIVON de BASF (pyraclostrobine + fluxapyroxad) sont vendus aux États-Unis. Combinaison suggérée au Canada : FLINT + SERCADIS.

PRISTINE. Ce fongicide homologué au Canada est aussi un mélange QoI + SDHI. En pratique, le SDHI contenu dans le mélange (boscalide) n’a pas d’efficacité contre la tavelure du pommier. Conséquemment, l’utilisation du PRISTINE pour réprimer la tavelure revient à appliquer seulement un produit du type QoI (groupe 11). De plus, même si PRISTINE n’est pas dirigé contre la tavelure, il est possible que l’utilisation de boscalide en verger en été accélère la sélection des individus résistants aux autres SDHI. Pour cette raison, PRISTINE devrait être évité en PFI.

 

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