Fiche 68
Gérald Chouinard, Francine Pelletier, Daniel Cormier, Franz Vanoosthuyse et Yvon Morin
Les méthodes de dépistage peuvent être regroupées en deux catégories : dépistage par piège ou par observations visuelles. Peu importe la méthode utilisée, le dépistage doit être répété régulièrement : au moins une fois par semaine, mais parfois deux ou trois fois par semaine pour certains insectes ou dans certaines situations particulières décrites dans les pages qui suivent.
Le dépistage par pièges
Le dépistage par pièges est certainement la forme de dépistage la plus pratique et la plus rapide. L’utilisation de pièges peut sembler couteuse, mais la plupart des pièges utilisés au Québec sont réutilisables, ce qui en fait une méthode de dépistage très économique :
Piège |
Type (durée de vie) |
$ |
Accessoires (Quantité/piège) |
$ |
Coût/ha/an* |
Punaise terne et hoplocampe |
Piège blanc englué (1 an) |
2,75 $ |
– |
– |
1,38 $ |
Mineuse marbrée |
Multi-pher II ou III (10 ans) |
17,00 $ |
Phéromone (3/an) |
15,00 $ |
1,56 $ |
Plaquette insecticide (1/an) |
2,00 $ |
Tordeuse à bandes obliques |
Multi-pher I (10 ans) |
17,00 $ |
Phéromone (2/an) |
10,00 $ |
1,14 $ |
Plaquette insecticide (1/an) |
2,00 $ |
Piège Pherocon (1 an) |
6,00 $ |
Phéromone (2/an) |
10,00 $ |
1,33 $ |
Mouche de la pomme |
Sphère rouge de bois (10 ans) |
12,00 $ |
Colle (35 g) |
2,00 $ |
1,60 $ |
Sphère rouge de plastique (5 ans) |
5,00 $ |
Colle (35 g) |
2,00 $ |
1,50 $ |
* Calculé à partir du coût total des pièges et accessoires requis pour un verger de 12 ha. Ce coût n’inclut pas le temps requis pour la pose, l’entretien, les visites et le retrait des pièges.
L’utilisation de pièges est essentielle dans le cas de l’hoplocampe des pommes et de la mouche de la pomme et recommandée pour tous les autres ravageurs du pommier pour lesquels un piège efficace existe, et pour lesquels il existe un risque appréciable de pertes (comme le carpocapse de la pomme, la tordeuse à bandes rouges, la mineuse marbrée et le petit carpocapse de la pomme). S’il y a un antécédent de dommages d’un de ces ravageurs dans votre verger, c’est que ce risque existe et le dépistage devient essentiel.
Toutefois, rigueur et minutie s’imposent lors de l’utilisation de tels outils, car un piège mal installé, un attractif périmé ou inadéquat ou encore un entretien négligé peuvent provoquer des variations de captures importantes et des résultats de 10 à 100 fois supérieurs ou inférieurs aux résultats normalement attendus lorsque la méthode est respectée. Voyez-y!
Trois types de pièges sont utilisés dans les vergers du Québec :
Les sphères rouges engluées
Ces pièges réutilisables sont fabriqués avec une sphère de bois ou de plastique (diamètre : 8,5 cm) enduite d’une peinture rouge foncé et munie d’un crochet de métal. Ils sont utilisés pour dépister la mouche de la pomme. Leur efficacité est basée sur l’attirance de la couleur et de la forme, et agissent à courte distance. Ils doivent être recouverts de colle à insectes (ex. : TANGLETRAP) avant l’installation.
Les cartons blancs englués
Photo: Yvon Morin
Ces pièges sont faits de carton blanc (14 × 18 cm) et recouverts de colle à insectes sur les deux faces. Ils sont utilisés pour dépister la punaise terne lorsque installés à 70 cm du sol et pour dépister l’hoplocampe des pommes lorsque installés à 150 cm du sol. Ces pièges agissent à courte distance, mais de façon différente selon l’espèce. Il sont basés sur l’attirance de la couleur dans le cas de l’hoplocampe, mais dans le cas de la punaise terne, ils n’ont pas d’effet attractif et interceptent simplement les adultes qui les confondent avec une « fenêtre sur le ciel ». La surface du piège ne doit pas refléter les rayons ultraviolets. À cette fin, le type de peinture utilisé est d’une grande importance.
Les pièges à phéromone
Photo: Yvon Morin
Ces pièges de différentes formes font appel à des phéromones sexuelles synthétiques qui leur confèrent un pouvoir d’attraction sur de longues distances. Les phéromones sexuelles synthétiques utilisées correspondent à des substances naturelles émises ordinairement par les femelles de plusieurs espèces d’insectes et qui attirent les mâles pour l’accouplement. Ces phéromones sont disponibles pour la plupart des lépidoptères qui s’attaquent au pommier (carpocapse, tordeuses, mineuses, noctuelles, sésies, etc.), ainsi que pour quelques autres insectes. Dans le cas des lépidoptères, une simple capsule ou bande adhésive chargée de la phéromone synthétique appropriée attirera les mâles de l’espèce visée (et rarement de quelques espèces voisines) sur une superficie d’au moins 5 ha de verger (cette distance peut varier selon les espèces). La plupart des pièges à phéromone ne nécessitent pas de colle.
Installation et entretien des pièges
Il est très important de respecter les dates spécifiées pour la pose des pièges, afin que les éléments attractifs ne soient pas exposés inutilement aux intempéries avant que ne débute la période des captures. Les pièges doivent être fixés aux arbres à l’aide d’une attache flexible, idéalement un double filament de métal dans un ruban de plastique (qu’on peut trouver là où on vend du matériel de dépistage) ou encore un cordon de plastique souple (genre « macaroni long ») utilisé pour l’entraînement des pommiers. Quant aux attaches de sacs de rebut « twisties » vendues un peu partout, elles sont également pratiques si elles sont faites de plastique, mais on doit souvent utiliser une double épaisseur car elles ne sont pas assez durables.
Lors de chaque relevé de piège, le dépisteur (professionnel ou producteur) doit en vérifier l’état et effectuer l’entretien spécifié par la méthode de dépistage. Les surfaces engluées des pièges doivent être nettoyées lors de chaque visite, en enlevant à l’aide d’un couteau ou d’une spatule les principaux insectes et les débris emprisonnés dans la colle. Après un certain temps, un grand nombre de débris ou d’insectes de petite taille peuvent s’accumuler dans la colle et réduire son efficacité. Les surfaces doivent alors être remplacées, si possible, ou alors rafraîchies par grattage et application de nouvelle colle.
En fin de saison, les sphères engluées doivent être débarrassées de leur colle à l’aide d’un solvant approprié. Le solvant par excellence est le solvant « à l’orange », fabriqué à partir d’extraits d’agrumes. À défaut, un diluant à peinture de commerce peut être utilisé, mais il est plus toxique. Très peu de solvant sera nécessaire si vous avez d’abord pris soin de chauffer la surface puis d’enlever autant de colle que possible à l’aide d’un outil approprié (grattoir, couteau, tissu rigide, etc.). Ne pas utiliser de diesel pour nettoyer les sphères rouges car le bois absorbe le produit, ce qui va nuire à l’efficacité du piège.
Captures enregistrées après un premier traitement
Après une intervention phytosanitaire contre un insecte particulier, les captures de ce ravageur enregistrées dans les sept à dix jours qui suivent ne sont normalement pas considérées pour une intervention additionnelle, sauf si de telles captures surviennent après de fortes pluies (plus de 25 mm).
Le dépistage par observations visuelles
Les observations visuelles permettent de déceler la présence d’un grand nombre d’insectes et d’acariens et d’apprécier leurs densités de population. Ce genre de dépistage est utilisé pour les ravageurs difficiles ou impossibles à piéger (ex. : charançon de la prune, cicadelles, pucerons, tétranyques) ou encore lorsque le ravageur est facile à observer (sans besoin de piège). On peut observer le ravageur lui-même ou encore ses manifestations (symptômes ou dégâts) sur le bois, le feuillage et/ou les fruits. Dans la plupart des cas, le dépistage s’effectue sans retirer aucune partie de l’arbre. Toutefois, dans le cas de ravageurs de très petite taille (ériophyides) ou de ravageurs dissimulés à l’intérieur des tissus (larves de mineuse, de carpocapse, etc.), il est parfois nécessaire de récolter un certain nombre de feuilles, de bourgeons ou d’autres organes afin de les examiner de façon plus minutieuse avec une loupe de poche ou une loupe binoculaire.
Procédure d’échantillonnage pour les observations visuelles
La façon dont sont sélectionnés les arbres et les organes à examiner détermine l’efficacité de votre dépistage et doit être respectée scrupuleusement. Premièrement, si votre verger est de grande taille, ou peu homogène, vous devrez le séparer en plusieurs blocs et effectuer le dépistage dans chacun des blocs. Un bloc de verger est un groupe de pommiers ayant le même historique (traitements et pratiques culturales) et dont les arbres sont de même grosseur. Un bloc de cultivars plus sensibles à un ravageur peut aussi constituer un bloc. Si votre verger est très homogène, il peut constituer un seul bloc, mais de préférence chaque bloc devrait avoir une dimension maximale de 12 ha (30 acres).
Ensuite, lors de la sélection ou de l’observation des feuilles, pousses, fruits, etc., à travers le bloc, vous devez vous assurer que ces choix sont faits AU HASARD, à moins d’indication contraire. Ce n’est pas aussi facile à faire qu’à dire! Toutefois, vous y parviendrez si vous ne perdez pas de vue l’objectif du dépistage : vous ne cherchez pas à trouver un maximum de dégâts ou d’insectes, vous cherchez à déterminer s’il y en a suffisamment pour justifier une intervention.
Observation des fruits
Cette forme de dépistage doit être effectuée avec diligence, car elle vise à vous protéger de ravageurs qui s’attaquent directement à la récolte. On l’utilise surtout pour dépister le charançon de la prune, les punaises phytophages, les tordeuses, le carpocapse de la pomme et le petit carpocapse. Dans le cas d’insectes particulièrement dommageables (comme le charançon de la prune), il est nécessaire de dépister plus d’une fois par semaine lors des périodes critiques.
Observation du feuillage
Cette forme de dépistage est en général plus fastidieuse que les autres, car elle est utilisée pour les ravageurs du feuillage, souvent de petite taille, et pour lesquels il n’existe pas de pièges efficaces. Toutefois, elle peut fournir de précieux renseignements, comme détecter la nécessité d’une intervention AVANT que les fruits soient attaqués ou affectés.
Pour cette raison, il est essentiel de dépister le feuillage sur une base hebdomadaire entre le pré-bouton rose et le début août, pour dépister les acariens et plusieurs insectes comme les tordeuses, mineuses, cicadelles et pucerons.
Observations de colonies sur feuillage
Les pucerons vivent habituellement en colonies, chacune pouvant contenir de quelques dizaines à plusieurs centaines d’individus. Pour les fins du dépistage, on distingue trois types de colonies en fonction de leur densité :
- Faible : le feuillage n’est pas enroulé et les pucerons sont uniquement sur les feuilles;
- Modérée : le feuillage est enroulé et les pucerons sont surtout sur les feuilles. Parfois quelques pucerons sont sur la tige de la pousse;
- Dense : le feuillage est enroulé et les pucerons sont abondants sur les feuilles ET sur la tige de la pousse.
- Lorsque différents types de colonies sont observés simultanément, pour les fins du calcul du seuil d’intervention, on considère qu’une colonie dense équivaut à deux colonies modérées et qu’une colonie modérée équivaut à deux faibles colonies.
Observations visuelles de maladies
Le dépistage du feuillage est tout aussi essentiel pour la bonne gestion de certaines maladies comme la tavelure et l’oïdium (voir les fiches appropriées du présent guide).
Périodes d’activité des ravageurs et des espèces utiles
Les activités de dépistage effectuées par le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) depuis plus de 20 ans ont permis de préciser les dates d’apparition des ravageurs et des espèces utiles dans les grandes régions pomicoles du Québec. Une représentation schématique de l’activité de ces organismes nuisibles et utiles est présentée au guide chronologique du dépistage (fiche 65).
Méthodes de dépistage des principaux ravageurs du pommier
Les méthodes de dépistage et seuils d’intervention pour les principaux insectes et acariens sont décrits aux tableaux synthèse Dépistage par pièges à phéromone, Dépistage par pièges visuels, Dépistage par observation du feuillage et Dépistage par observation des fruits de la fiche 65.
Ces méthodes existent grâce au travail de nombreux scientifiques et conseillers d’expérience en pomiculture (voir la fiche 67).
Ajustement des seuils d’intervention en présence d’espèces utiles
De nombreux prédateurs et parasitoïdes utiles sont présents dans les vergers où se pratique la PFI. Lorsqu’ils sont en grand nombre, ils effectuent une lutte efficace, ce qui permet d’ajuster les seuils d’intervention en conséquence.
Les ravageurs suivants peuvent être contrôlés naturellement par des prédateurs et parasites, que vous pouvez protéger dans votre verger :
- les pucerons verts, par les syrphes, cécidomyies, coccinelles, chrysopes ou punaise de la molène;
- le puceron lanigère, par les prédateurs et les parasitoïdes dans les colonies au début août;
- la mineuse marbrée, par les parasitoïdes (cocons blanchâtres) dans les mines en juillet et août;
- les tétranyques, par les prédateurs de type phytoséiide et stigmaéide, sur et sous les feuilles en été.
Pour les détails sur comment utiliser et ajuster les seuils pour ces espèces, consultez les fiches 95, 96, 97 et 98.
Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.