Fiche 93

Yvon Morin et Gérald Chouinard

 

Description et comportement

Le tétranyque à deux points (Tetranychus urticae) est un ravageur secondaire en PFI. La femelle hiberne dans le paillis des plantes et dans les crevasses de l’écorce. Elle est de couleur orange brillant, contrairement aux tétranyques présents en été qui sont plutôt jaunâtres ou verdâtres avec une paire de taches dorsales sombres. La femelle active mesure jusqu’à 0,4 mm de longueur et le mâle, 0,3 mm. Elle reprend sa teinte orangée à la fin de l’été juste avant d’hiberner.

Œufs et formes mobiles de tétranyque à deux points
photo J. Moisan-De Serres, MAPAQ

Forme mobile de tétranyque à deux points – photo J. Moisan-De Serres, MAPAQ

Le tétranyque à deux points commence à pondre des œufs (sphériques, de couleur jaunâtre, et partiellement translucides) au stade du débourrement avancé, sous les feuilles du pommier ou sur les mauvaises herbes. Les larves envahissent les pommiers nains et semi-nains lors d’une sécheresse, à la suite du fauchage ou de la pulvérisation des mauvaises herbes avec un herbicide. Cela se produit surtout à la fin juin et au début juillet. Contrairement au tétranyque rouge, le tétranyque à deux points peut tisser de fines toiles sous les feuilles et les individus vivent habituellement en colonies.

Cinq à neuf générations de tétranyques à deux points se succèdent et les populations atteignent leur maximum entre la fin juillet et le début août. Le tétranyque à deux points envahit plus rapidement les pommiers nains que les autres pommiers.

Cycle de vie du tétranyque à deux points – illustration J. Veilleux / IRDA

 

Dommages

Les tétranyques à deux points se nourrissent de sève à même le feuillage du pommier. Ils s’attaquent d’abord habituellement aux feuilles du centre de l’arbre pour aller ensuite vers l’extérieur. Lorsque l’infestation est bénigne, on note l’apparition de taches pâles à la surface des feuilles.

Une attaque plus grave pourra entraîner l’apparition de petites toiles en dessous des feuilles, puis le bronzage du feuillage, un retard de croissance, une réduction du calibre et de la qualité du fruit, ainsi que sa chute prématurée. Une décoloration sévère du feuillage causée par les acariens, particulièrement en juin, nuit gravement à la nouaison des fruits et à la formation des bourgeons à fruits pour l’année suivante.

 

Estimation du risque

La méthode de dépistage est décrite au tableau-synthèse Dépistage par observation des fruits ou du feuillage de la fiche 65. La méthode et les seuils sont les mêmes que pour le tétranyque rouge. Fait à noter, la migration et la multiplication du tétranyque à deux points sont plus rapides que celles du tétranyque rouge.

Pour de plus amples informations, se référer à la fiche 92 dans le présent guide.

 

Stratégie d’intervention
Prévention

Les interventions préventives à privilégier sont les suivantes :

  • éviter une fertilisation azotée excessive;
  • éviter de faucher le couvre-sol durant une période de sécheresse;
  • favoriser le développement des prédateurs naturels du tétranyque par le choix judicieux des pesticides appliqués.

Consultez la fiche 91.

Répression

Consultez la fiche 91.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 94

Yvon Morin et Gérald Chouinard

 

Description et comportement

L’ériophyide du pommier (Aculus schlechtendali) est un ravageur mineur en PFI. Il est allongé et de couleur brun-jaune. Cet acarien est cinq fois plus petit que les tétranyques : l’adulte mesure à peine 0,07 mm. Il n’est pas visible à l’œil nu et les jeunes stades sont difficiles à voir, même avec une loupe.

ériophyide du pommier

Ériophyides du pommier

La femelle adulte hiberne à l’intérieur des bourgeons ou dans les replis de l’écorce. L’ériophyide commence à se nourrir du feuillage au stade débourrement, mais les populations sont rarement assez fortes pour être problématiques avant la fin juin.

Le pic des populations est habituellement observé en juillet. Les populations diminuent en août lorsque les femelles se préparent à hiberner. Il y a habituellement trois générations par année et une quatrième lorsque les conditions climatiques sont favorables.

L’ériophyide a tendance à se reproduire davantage s’il n’y a pas de tétranyque. Cet acarien est souvent toléré, car il sert de nourriture aux prédateurs lorsque les tétranyques rouges et à deux points sont absents.

Cycle de vie de l’ériophyide du pommier – illustration J. Veilleux / IRDA

 

Dommages

L’ériophyide du pommier se nourrit des deux faces des feuilles, provoquant leur dessèchement et leur brunissement. Un léger enroulement des feuilles est le premier symptôme de leur présence. Dans le cas d’infestations plus graves, le feuillage prend une teinte brun-rouille, d’où son nom anglais de « rust mite ». Ce roussissement est davantage rougeâtre ou pourpré que la teinte brun-tabac provoquée par les infestations graves de tétranyques.

De plus amples informations sur ce ravageur se retrouvent dans le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels.

 

Estimation du risque

La méthode de dépistage de ce ravageur est décrite au tableau-synthèse Dépistage par observation des fruits ou du feuillage de la fiche 65. Le seuil d’intervention pour les ériophyides est élevé et varie selon les cultivars.

Le contrôle de l’ériophyide n’est habituellement pas nécessaire. Par ailleurs, sa présence favorise le développement et le maintien d’un excellent prédateur de tétranyques, l’agistème (yellow mite).

 

Stratégie d’intervention
Répression en été

Au besoin, l’ériophyide peut être contrôlé en même temps que les tétranyques par l’utilisation d’un acaricide en saison (sauf APOLLO, KANEMITE et ACRAMITE). Consultez la fiche 91 pour les détails.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 95

Gérald Chouinard, Yvon Morin, Daniel Cormier, Robert Maheux et Sylvie Bellerose

 

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

Les espèces utiles travaillent gratuitement pour vous à produire des fruits et à abaisser les populations de ravageurs. La plus connue de ces espèces est sans contredit l’abeille domestique, pollinisatrice acharnée dont la valeur totale du travail sur la planète a été évaluée à plus de 250 milliards de dollars en 2012 (consultez la fiche 42 pour les détails quant au rôle joué par l’abeille en pomiculture).

Il existe toutefois bien d’autres espèces utiles dans nos vergers, et leur valeur est également très importante. Plusieurs espèces s’attaquent aux acariens, d’autres sont d’excellentes consommatrices de pucerons, alors que certaines ont un menu plutôt varié. Les plus courantes s’attaquent et répriment efficacement la mineuse marbrée et les pucerons verts, d’autres s’attaquent aux pucerons lanigères et plus d’une dizaine d’espèces localisent et tuent les larves de la tordeuse à bandes obliques.

L’activité de certaines espèces utiles, notamment des parasitoïdes, peut être spectaculaire. Il n’est pas rare, par exemple, d’observer des taux de parasitisme de 25 % chez les tordeuses et de 75 % chez les mineuses, dans les vergers commerciaux du Québec qui pratiquent la PFI.

Mais il y a un mais : plusieurs de ces espèces utiles sont très sensibles à l’application des pesticides. Le choix de ces produits est donc crucial si vous voulez favoriser leur présence. En les protégeant, vous bénéficierez ainsi de leur activité qui pourra vous faire épargner des traitements supplémentaires au cours de l’été.

Pour ne pas nuire à leur travail, quelques règles simples, mais précieuses méritent d’être suivies, telles que décrites dans les pages qui suivent.

 

Protection des abeilles et autres pollinisateurs

Dans nos régions, l’abeille domestique ne survit pas à l’hiver. Celles qu’il est possible d’apercevoir durant la saison chaude proviennent de ruches tenues par des apiculteurs. Par conséquent, à l’approche de la floraison, il faut en louer s’il n’y a pas présence de celles venues d’un verger voisin. Les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages favorisent une pollinisation uniforme. Afin de protéger ces insectes utiles, le simple bon sens et la Loi (voir la fiche 19) défendent strictement d’appliquer des pesticides toxiques pour les abeilles lors de la floraison.

abeille

Prévenir l’intoxication des abeilles

L’agriculteur qui utilise des pesticides dans ses cultures a le devoir de prendre les mesures préventives suivantes pour ne pas intoxiquer les abeilles :

  • Avant d’épandre un pesticide, prévenir les apiculteurs des environs afin qu’ils mettent leurs colonies à l’abri. Communiquer avec un centre de services du MAPAQ pour obtenir la liste des apiculteurs voisins.
  • Ne pas pulvériser de pesticides toxiques aux abeilles sur des cultures en fleurs fréquentées par des abeilles. S’il est indispensable d’appliquer des pesticides pendant la floraison, se limiter aux produits relativement peu toxiques ou inoffensifs (voir plus bas pour la liste)  et le faire entre 19 h et 7 h, moment où les abeilles sont rentrées à la ruche.
  • Ne pas traiter par temps venteux pour éviter que les embruns de pesticides soient emportés vers les ruches avoisinantes.
  • Les abeilles mellifères s’intoxiquent souvent en butinant les plantes de couverture, comme le pissenlit ou le trèfle, qui sont en fleurs dans le verger. La tonte ou la taille de ces plantes avant la pulvérisation d’insecticides protégera les abeilles.
  • Retirer les ruches aussitôt que la pollinisation est terminée (ou suffisante) et avant l’application des insecticides en postfloraison.
  • Lire l’étiquette de chaque pesticide pour connaître les précautions à prendre pour protéger les abeilles.
Toxicité des pesticides utilisables en pomiculture envers les abeilles

La toxicité des pesticides envers les abeilles rapportée dans le tableau qui suit est mise à jour constamment en fonction des données disponibles, sur le site web de SAgE pesticides (http://www.sagepesticides.qc.ca).

Au moment de publier ce guide, les produits utilisables pendant la floraison sont peu nombreux, et même ces produits doivent être appliqués préférablement entre 19 h et 7 h : ALTACOR (chlorantraniliprole), DIPEL, FORAY et BIOPROTEC (Bt), INTREPID (méthoxyfénozide), BELEAF (flonicamide), VIROSOFT CP4 et CYD-X (virus de la granulose du carpocapse), les phéromones utilisées en confusion sexuelle et la plupart des agents de lutte contre la tavelure, le feu bactérien et les autres maladies. Des applications de ces produits pendant la floraison sont donc possibles si les produits sont homologués pour cette période. Vérifiez l’étiquette!

 

Protection des prédateurs et parasitoïdes

La présence d’organismes utiles dans le verger est largement favorisée lorsque ceux-ci peuvent trouver la nourriture dont ils ont besoin, c’est-à-dire des ravageurs. La PFI tolère donc la présence de ravageurs jusqu’à un certain seuil de tolérance économique qui permet ainsi la survie des prédateurs et parasitoïdes. Il faut donc être ouvert et savoir qu’il n’est pas possible de réprimer totalement tous les ravageurs du verger. L’approche de la PFI vise davantage à obtenir le meilleur coût de production par pomme récoltée plutôt que la récolte maximale avec une facture plus onéreuse de pesticides.

Plus d’informations sur les prédateurs et parasitoïdes rencontrés en vergers sont présentées aux fiches 96, 97 et 98.

 

Protection des autres organismes utiles
Araignées

Plus d’une cinquantaine d’espèces d’araignées peuvent être rencontrées dans les vergers. Ces organismes sont tous prédateurs, principalement d’insectes. Dans les vergers commerciaux, les araignées errantes et les araignées à toile (comme les épeires) se nourrissent principalement de tétranyques et de tordeuses. Elles sont plus abondantes lorsque les traitements insecticides y sont modérés. Les applications d’insecticides à large spectre dirigées contre la mouche de la pomme nuisent à l’établissement maximal des populations d’araignées en août.

araignée

araignée

Micro-organismes utiles

Oui, il existe de très petits organismes utiles à la pomiculture! Certains nématodes présents naturellement dans le sol, mais aussi des bactéries, des champignons et des virus s’attaquent aux insectes et aux acariens. D’autres champignons utiles s’attaquent plutôt à la tavelure. De nombreuses études en cours à travers le monde visent à mieux connaître ces micro-organismes qui sont la plupart du temps spécifiques, c’est-à-dire qu’ils ne s’attaquent qu’à une seule espèce ou qu’à un petit groupe d’espèces. Certains de ces micro-organismes (les plus connus actuellement) sont présentés à la fiche 11.

 

Comment adapter votre programme de traitements de façon à protéger les organismes utiles

Tout d’abord, le principe général suivant mérite d’être rappelé :

  • Dépistez les ravageurs et traitez uniquement lorsque les seuils d’intervention sont atteints.

Lorsque des applications sont vraiment nécessaires, favorisez les choix suivants :

  • Sélectionnez le pesticide le moins toxique sur les espèces bénéfiques que vous voulez protéger. La majorité des nouveaux insecticides disponibles sont des produits sélectifs qui sont plus efficaces contre le ravageur visé avec une faible toxicité sur les prédateurs présents.
  • Utilisez la dose minimale efficace pour réprimer les ravageurs (voir ci-après).
  • Privilégiez les traitements de bordures lorsque c’est possible, afin de créer une zone centrale exempte de produits toxiques qui servira de refuge pour les espèces bénéfiques.
  • Choisissez si possible le moment de la journée où les organismes utiles sont moins actifs ou vulnérables.

Les tableaux d’efficacité des pesticides contre les ravageurs (fiche 47) et de toxicité des pesticides envers les espèces utiles (ci-dessous) vous permettront de faire les meilleurs choix pour protéger votre récolte tout en favorisant le développement des espèces utiles.

(Cliquez ici pour télécharger le tableau complet​)

(version pdf disponible ici)

 

Notes et légende:
Peu ou pas toxique : bonhomme sourire (peu ou pas toxique)     Modérément toxique : bonhomme triste (modérément toxique)     Très toxique : tête de mort (très toxique)     Toxicité inconnue : carré (toxicité inconnue)

Ces cotes de toxicité désignent l’importance relative des effets toxiques des pesticides sur les insectes et acariens utiles. Elles ont été déterminées à partir de différentes sources bibliographiques / recommandations publiées au Canada, aux États-Unis et en Europe incluant la base de données publiée par International Organisation for Biological Control (IOBC) ainsi que les observations et études effectuées au Québec par les conseillers et chercheurs membres du Réseau-pommier.        

Les informations concernant les nouveaux produits sont fragmentaires et sujettes à révision.

 

Dosage des pesticides

L’application d’une dose supérieure à celle affichée sur l’étiquette du produit est risquée et représente un coût supplémentaire de production. Cette surdose représente aussi un risque pour la récolte (limite maximale tolérée de résidus sur les fruits dépassée, possibilité de phytotoxicité), un risque pour l’applicateur et un risque pour l’environnement. De plus, elle peut contribuer au développement de résistance chez les ravageurs, sans compter ses effets nocifs décuplés sur les espèces utiles.

Pour sa part, une dose insuffisante ne règle pas le problème pour lequel le pesticide a été appliqué, et les applications répétées qu’elle peut engendrer peuvent également favoriser le développement de résistance et le déclin des espèces utiles. Sans compter la perte de tous les recours possibles contre la compagnie car seule la dose inscrite sur l’étiquette est garantie efficace par le fabricant.

La détermination de la dose d’emploi d’un pesticide ne doit jamais être prise à la légère dans le seul but de réduire la facture de pesticides (bien que cet objectif soit défendable). En bout de ligne, il n’y a donc qu’une recommandation possible :

la meilleure dose à utiliser est toujours la dose minimale efficace
qui permet de réprimer adéquatement le ravageur.

Les doses présentes sur l’étiquette des nouveaux produits sont homologuées en fonction de leur efficacité sur le ou les ravageur(s) visé(s) et/ou du degré d’infestation présent. Dans le cas des vergers, elles sont maintenant évaluées avant homologation dans des plantations à haute densité. En vergers de pommiers standards, la dose minimale efficace d’un produit récent risque donc de correspondre à la dose maximum avec un volume de bouillie élevé permettant de bien couvrir tout le feuillage présent.

Les étiquettes de produits moins récents n’indiquent parfois qu’une seule dose, valable pour les conditions les plus difficiles, comme dans le cas de pommiers standards ou dans le cas ou la pression de ravageur est élevée. Cette dose unique peut donc, dans certaines conditions, correspondre à une surdose sur le plan agronomique!

Consultez votre représentant de pesticides si vous rencontrez de telles situations délicates ou problématiques.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 96

Yvon Morin, Gérald Chouinard, Daniel Cormier et Robert Maheux

 

Note : consultez le guide chronologique du dépistage (fiche 65) pour visualiser les périodes d’activité des principaux organismes décrits dans cette fiche.

 

Phytoséiides
Description et comportement

Les phytoséiides (Amblyseius sp., Neoseiulus sp.,Typhlodromus sp.) sont les plus voraces des acariens prédateurs. Ils complètent plusieurs générations par année sous les conditions climatiques du Québec. Neoseilus (=Amblyseius) fallacis et Typhlodromus caudiglans (le typhlodrome) sont les deux espèces les plus souvent rencontrées en vergers.

phytoséiide

Leur corps transparent en forme de poire laisse souvent apercevoir un « H » coloré, de couleur rouge ou jaune, selon qu’ils se nourrissent de tétranyques rouges ou de tétranyques à deux points.

Les différentes espèces de phytoséiides sont impossibles à distinguer l’une de l’autre sans équipement spécialisé. De taille voisine à celle des tétranyques, ces prédateurs sont visibles à l’aide d’une loupe (10X ou plus). Ils se déplacent rapidement, contrairement aux acariens ravageurs.

De plus amples informations sur ces prédateurs se retrouvent dans le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.

Alimentation

La proie favorite de ces prédateurs est le tétranyque à deux points. Le typhlodrome peut aussi se nourrir de tétranyques rouges et d’ériophyides. Cette espèce, contrairement à Neoseiulus fallacis, se nourrit de tous les stades de développement.

Il arrive que leurs populations soient très élevées dans des vergers où la population de tétranyques à deux points est élevée.

Il est alors possible de constater que, lorsqu’une source de nourriture est présente, ces prédateurs colonisent le pommier.

Activité

En début de saison, ces deux prédateurs sont présents surtout au sol. Ils se nourrissent de tétranyques à deux points sur les mauvaises herbes à feuilles larges. En fin de saison, à partir du mois d’août, ils se trouvent plus souvent sur les pommiers.

Efficacité

Souvent, le seuil d’intervention pour le tétranyque à deux points est atteint avant que les phytoséiides montent dans les arbres. Ainsi, s’il est possible de retarder le traitement, il peut y avoir augmentation des populations de phytoséiides. Si celles-ci sont assez abondantes, elles peuvent faire chuter rapidement les populations de tétranyque à deux points.

Sensibilité aux pesticides

Ces prédateurs sont très sensibles aux pyréthrinoïdes (UPCYDE, POUNCE, DECIS, RIPCORD et MATADOR) et au carbaryl (SEVIN). Le RIMON serait également toxique. Les fongicides contenants du mancozèbe (DITHANE, MANZATE, PENCOZEB) leur seraient aussi toxiques.

 

Stigmaéides
Description et comportement

Ces acariens prédateurs (Agistemus sp., Zetzelia sp.) ressemblent aux acariens ravageurs, mais leur couleur, comme celle de leurs œufs, est jaune citron (d’où leur nom anglais de « yellow mites »). Les adultes prennent parfois une teinte orangée (comme lorsqu’ils se nourrissent d’oeufs de tétranyques rouges). Ils se déplacent beaucoup moins vite que les phytoséiides.

Pour de plus amples informations sur ce prédateur, veuillez consulter le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels (cliquer ici pour la version en ligne).

Alimentation

Le plus répandu des acariens prédateurs, l’agistème se nourrit surtout d’ériophyides et d’oeufs de tétranyques mais peut s’accommoder de pollen au besoin pour survivre à une pénurie de proies.

Activité

L’agistème est actif tôt au printemps et peut assez efficacement maintenir les populations de tétranyque rouge sous les seuils d’intervention. Cependant, c’est à partir de juillet et août qu’il se trouve en plus grand nombre, surtout lorsque les ériophyides ont été abondants l’année précédente.

Les stigmaéides peuvent aussi cohabiter avec d’autres acariens prédateurs, comme les phytoséiides.

Efficacité

L’agistème est le principal allié des pomiculteurs québécois contre l’ériophyide et les tétranyques. Il est cependant vulnérable, car sous certaines régies, il peut être décimé par la punaise de la molène (principalement dans des blocs trop vigoureux et peu taillés, ce qui est un environnement très favorable aux punaises) ou par l’utilisation de certains pesticides qui lui sont toxiques.

Si l’agistème est présent, il n’est pas recommandé d’intervenir contre l’ériophyide. Sa présence justifie aussi un dépistage « serré » du tétranyque rouge et du tétranyque à deux points avant d’intervenir.

 

Autres acariens prédateurs

Des photos de ces prédateurs se retrouvent dans le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.

Balaustium

Cet acarien rouge vif est présent en début et en fin de saison sur le pommier. Il est deux ou trois fois plus gros qu’un tétranyque et se déplace rapidement à la recherche de nourriture. En fin de saison, il est très commun dans les vergers.

Balaustium

Allothrombium

Fréquent principalement en fin de saison, cet autre acarien prédateur se nourrit d’œufs de plusieurs insectes et acariens de même que d’adultes et larves de tétranyques. Il est plus gros que le tétranyque rouge et sa couleur est rouge orangée. Il se nourrit aussi de pucerons verts et peut être assez commun dans les vergers.

Allothrombium

Punaise de la molène

La punaise de la molène (Campylomma verbasci) se retrouve dans la majorité des vergers du Québec. En début de saison, elle y réduit efficacement les populations de tétranyques rouges. Malheureusement, elle a aussi tendance à se nourrir de jeunes fruits, et son comportement est difficile à prévoir.

punaise de la molène (adulte)

Pour de plus amples informations sur ce prédateur, se référer au Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.

Description et comportement

L’adulte est vert grisâtre et deux fois plus petit que la punaise terne. Il est possible de l’observer sur les jeunes pousses, où il se nourrit de pucerons et de sève.

À la fin de l’été, les œufs sont pondus sur des arbres où il y a des tétranyques rouges. Ils éclosent la saison suivante pendant la floraison du pommier. Les larves ressemblent au puceron vert, mais se déplacent davantage. Elles se nourrissent de larves de tétranyques.

Tel que mentionné, ce prédateur peut s’attaquer au fruit. Ce comportement dépend, entre autres, de l’abondance de proies, du cultivar et des conditions climatiques.

Il survient habituellement, lorsque la population de punaises de la molène est abondante et qu’il y a peu de tétranyques. La présence d’un cultivar attrayant, comme la Délicieuse rouge et la Spartan, favorise ce comportement. Dans les cas extrêmes, les autres cultivars peuvent aussi être attaqués.

Un temps chaud et sec après la floraison favorise aussi l’attaque des fruits.

Les dommages les plus importants sont faits entre le stade calice et le stade nouaison (10 mm). Après ce stade, il est préférable de ne pas appliquer de pesticides qui sont toxiques pour cet insecte afin de le maintenir dans le verger pour qu’il exerce son action prédatrice.

Sensibilité aux pesticides

La punaise de la molène est peu sensible aux insecticides de la famille des organophosphorés mais est très sensible aux néonicotinoïdes.

 

Punaise translucide
Description

La punaise translucide (Hyaliodes vitripennis) est une punaise d’apparence délicate, de dimension semblable à la punaise terne (4-5 mm). Elle est distinguable grâce à ses ailes transparentes barrées de deux lignes noires et à ses antennes rayées.

punaise translucide

Les stades immatures sont verts et le bout de leur corps, effilé et retroussé, prend une couleur rouge lorsqu’elle se nourrit de tétranyques rouges. La punaise translucide se retrouve presque toujours sur le dessous des feuilles du pommier. Dans nos conditions climatiques, il n’y a qu’une génération par année.

Pour de plus amples informations, se référer au Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.

Activité

Cette punaise était probablement le prédateur du tétranyque rouge le plus efficace et le plus courant dans les vergers du sud-ouest du Québec. Cependant, avec l’utilisation plus fréquente d’insecticides durant l’été contre le carpocapse, la population de ce prédateur a fortement diminué. Il se retrouve surtout dans les pommiers standards, mais aussi dans les pommiers nains et semi-nains.

Les premières larves arrivent seulement à la fin juin et les premiers adultes vers la mi-juillet. La ponte commence vers le début d’août.

Alimentation

En plus du tétranyque rouge, cette punaise se nourrit de cicadelles, de pucerons, de larves de lépidoptères et même de mineuses dans leur mine!

Pour favoriser sa présence

Il est possible de favoriser sa présence en tolérant les tétranyques dans un bloc. Les punaises translucides déposeront leurs œufs dans ce bloc au mois d’août. Il est important que les tétranyques soient encore présents au mois d’août, sinon, la punaise ira pondre ailleurs. Donc, un « grand nettoyage » des acariens ravageurs est à éviter.

Sensibilité aux pesticides

Il y a peu d’information disponible pour les nouveaux insecticides. Il est cependant connu que les néonicotinoïdes lui sont toxiques.

 

Autres punaises prédatrices

D’autres punaises prédatrices (réduvides, nabides, pentatomides, anthocorides et mirides) peuvent se nourrir quasiment de tout ce qui bouge et qui n’est pas trop gros. Elles sont souvent observées dans les vergers qui reçoivent un minimum d’insecticides pendant l’été. Certaines sont très voraces, comme la punaise soldat Podisus maculiventris.

Des photos de ces punaises se retrouvent dans le Guide d’identification des ravageurs du pommier et de leurs ennemis naturels ou sa version en ligne.

 

Introduction de prédateurs d’acariens en vergers

Il arrive malheureusement que les populations de prédateurs d’acariens disparaissent soudainement de certains blocs de vergers, soit en raison de l’application d’un pesticide qui leur est toxique, soit en raison de l’absence des acariens phytophages et des autres petites bêtes qui leur servent de nourriture. De nombreuses études ont démontré que la réintroduction de prédateurs dans ces zones est possible, en transférant du bois de taille d’été, ou simplement des feuilles de pommiers, à partir de vergers-source (spécialement dans le cas des phytoséiides et de la punaise translucide). Pour plus d’informations sur la méthode de transfert d’acariens par le bois de taille d’été, consultez le Guide des méthodes alternatives de protection des pommiers.

Les acariens prédateurs sont même disponibles commercialement au Québec pour lutter contre les tétranyques (FALLACIS-IMPACT d’Anatis Bioprotection). La grande sensibilité des prédateurs d’élevage aux pesticides et leur coût d’achat limitent actuellement leur utilisation, mais la protection des populations de prédateurs indigènes est fortement recommandée et profitable, comme présenté ci-après.

 

Abondance et efficacité des prédateurs d’acariens au Québec

Pour les tétranyques, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a au moins un prédateur de type phytoséiide pour 10 à 15 tétranyques. La présence d’ériophyides sur le feuillage tôt en saison augmente cette probabilité, car les acariens prédateurs les utilisent comme source de nourriture « en attendant » l’arrivée des tétranyques.

Nom Abondance Proie préférée Efficacité Intérêt en PFI
Stigmaéides +++ Tétranyque rouge +++ ++++
Ériophyide ++++ ++++
Phytoséiides ++ Tétranyque à deux points ++++ +++
Punaise translucide1 + Tétranyque rouge +++ ++
Punaise de la molène ++++ Tétranyque rouge ++ ++
Puceron vert ++ ++
Allothrombium ++ Non spécifié + ++
Prédateurs de pucerons2 Variable Puceron vert Variable ++
Balaustium + Variable + +

+ : faible; ++++ : élevé.

  1. Très affectée par certains traitements estivaux contre le carpocapse.
  2. Larves de cécidomyies, de syrphides, de chrysopes et de coccinelles.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 97

Gérald Chouinard, Yvon Morin, Daniel Cormier et Robert Maheux

 

Les prédateurs de pucerons sont très communs dans les vergers et ils peuvent maintenir efficacement les populations de puceron présentes en dessous des seuils de nuisibilité. L’utilisation de pesticides à faible risque pour ces espèces utiles favorise leur présence dans le verger. Plusieurs de ces espèces se nourrissent aussi d’acariens, ce qui n’est pas sans intérêt (voir la fiche 96).

Consultez le Guide chronologique du dépistage (fiche 65) pour visualiser les périodes d’activité des différents organismes décrits dans cette fiche.

 

Cécidomyies prédatrices

Les cécidomyies prédatrices (Aphidoletes aphidimyza), à ne pas confondre avec la cécidomyie du pommier, constituent le plus important prédateur de pucerons verts sous les conditions prévalant au Québec. Elles se nourrissent également de pucerons lanigères, de pucerons roses et d’acariens. Les cécidomyies passent l’hiver dans un cocon enfoui à environ 1 cm sous le couvre-sol du verger. L’adulte est un petit moustique (3 mm) d’apparence banale et difficile à observer, apparaissant en juin. Chaque femelle pond jusqu’à 600 œufs, dont plusieurs sur les feuilles de pommiers, près des colonies de pucerons. Les larves (asticots) sont orange vif et ont l’apparence de petits vers (2 mm) sans tête ni pattes. Les premières larves sont présentes au début de juin et il y a, en général, deux générations par année. Seules les larves sont prédatrices. Celles-ci paralysent leur proie par une piqûre et les ponctionnent ensuite pour se nourrir de leur contenu. Une larve de cécidomyie peut consommer jusqu’à 60 pucerons durant sa vie.

cécidomyie prédatrice (adulte)

En utilisant des pesticides qui vont favoriser leur présence (se référer au tableau de la fiche 95 sur la toxicité), les larves de cette espèce sont généralement suffisamment abondantes pour réprimer efficacement les pucerons verts sans besoin d’intervention. Il est estimé que les populations de pucerons verts peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsque 25 % des pousses affectées par les pucerons contiennent des cécidomyies ou qu’il y a présence d’au moins une larve de cécidomyie par 20 à 40 pucerons.

 

Chrysopes

La larve (8 mm) est prédatrice. Elle ressemble à une petite chenille à l’abdomen effilé, munie de pinces à l’avant. L’adulte (10-20 mm) est d’apparence délicate. Il est reconnu par sa couleur verte ou parfois brune (dans ce cas, ce sont plus précisément des hémérobes), à ses longues antennes fines et à ses grandes ailes translucides posées, au repos, tel un toit en pente au-dessus de son corps allongé. Ses œufs blancs (1 mm) sont dressés un à un au bout de longs fils de soie (1 cm) et sont facilement observables sur la face inférieure des feuilles ou parfois à la surface des fruits.

chrysope (larve)

Environ trois générations de chrysopes sont dénombrées par année au Québec. Les larves sont présentes à partir de la mi-juin et vont fluctuer en nombre selon l’abondance des pucerons jusqu’à la mi-octobre. Elles peuvent consommer jusqu’à 300 pucerons par jour. Il est estimé que les populations de pucerons verts peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a une larve de chrysope pour 70 pucerons. Ce prédateur peut aussi être utile pour maintenir sous un seuil acceptable les populations de certains ravageurs tels que cochenilles, acariens, cicadelles et jeunes stades larvaires de papillons (chenilles) ou d’autres insectes, mais peu de données existent pour quantifier cette utilité.

 

Syrphes

L’adulte (10 mm) est une mouche ressemblant, de par sa coloration, à une guêpe. Il se différencie toutefois facilement par son habitude à faire du vol stationnaire. Sa tête et ses yeux de mouche sont aussi plus gros que ceux d’une guêpe. La larve (6 mm) est un asticot sans pattes ni yeux, à tête effilée comme un cône, qui ressemble à une petite limace (figure). Elle est de couleur variable : gris, jaune, orange, vert ou une combinaison de ces couleurs, celles-ci formant généralement une série de lignes sur le dos. Ses œufs sont blancs et peuvent être facilement observés à travers les colonies de pucerons.

syrphe (larve)

Le syrphe est utile de deux façons. Adulte, il agit comme pollinisateur, se nourrissant de pollen et de nectar. Au stade larvaire, la plupart des syrphes rencontrés en vergers sont d’excellents prédateur de pucerons verts et roses : certaines espèces peuvent en consommer entre 400 et 900 pendant les 3 à 4 semaines de leur développement. Plusieurs espèces de syrphes peuvent être présentes dans les vergers. Près de 18 espèces différentes ont été répertoriées au Québec, sans compter quelques espèces de Chamameidae très semblables. Toutes peuvent se nourrir de cochenilles, de chenilles et d’autres petits insectes. Une espèce régulièrement observée dans les vergers commerciaux se nourrit d’ériophyides et permet fréquemment une répression naturelle de ces ravageurs. Les syrphes sont actifs dès l’ouverture des bourgeons, les différentes espèces se succédant pendant toute la saison. Les plus efficaces sont retrouvées avant la fin de juillet et peuvent, jusqu’à ce moment, maintenir les populations de pucerons à de faibles densités.

 

Coccinelles

La plupart des gens reconnaissent facilement les coccinelles avec leur forme arrondie leur donnant l’apparence d’une demi-boule et leur couleur brillante (souvent rouge, parfois orangée, jaune ou noire), ornée de points noirs ou de marbrures. Une dizaine d’espèces peuvent être retrouvées dans les vergers. Elles se nourrissent de pucerons, d’acariens, de cochenilles ainsi que d’œufs de toutes sortes d’insectes. Les adultes (3-7 mm) et les larves (5 mm) sont prédatrices. Elles peuvent se nourrir d’une centaine de pucerons par jour. Au Québec, les coccinelles complètent une génération par année.

Les coccinelles peuvent être reconnues avant même qu’elles n’aient atteint leur forme adulte. Leur présence est facilement remarquable par :

  • des amas de 10 à 50 œufs jaune-orangé, en forme de fuseaux, sous les feuilles, souvent près des colonies de pucerons.
  • des larves à l’allure de minuscules crocodiles se déplaçant sur le feuillage. Les premiers stades larvaires sont uniformément foncés. Les stades subséquents peuvent développer une coloration gris-bleu foncé, souvent ornée de points jaunes, oranges ou rouges, et portent des verrues pourvues de poils (figure).
  • des adultes jaune clair, sans point ni tache : ce sont de jeunes adultes de quelques heures.

coccinelle (oeufs)

coccinelle (larve)

Une fois qu’elles sont bien matures, vous pourrez distinguer plus facilement les principales espèces (figure) des vergers :

Coccinelle à deux points : Adulte rouge avec deux points noirs au centre.

coccinelle à 2 points (adulte)

Coccinelle à sept points : Adulte rouge avec sept points bien comptés. Elle se retrouve principalement au printemps, puis à la mi-septembre.

coccinelle à 7 points (adulte) et pucerons

Coccinelle à quatorze points : Une espèce européenne en expansion rapide dans la vallée du Saint-Laurent. L’adulte est jaune et porte un motif noir ressemblant à un damier. Ne cherchez pas trop à trouver le nombre exact de points!

coccinelle à 14 points (adulte)

Coccinelle asiatique : Mentionnée pour la première fois au Québec en 1994 dans un verger de pommiers de Frelighsburg, cette espèce importée est maintenant la coccinelle la plus fréquente dans la majorité des vergers. C’est aussi la plus vorace, et une des plus grosses (5-7 mm). Elle se nourrit principalement de pucerons et d’acariens, mais aussi de larves de tordeuses et de plusieurs autres petits insectes. Sa coloration varie de jaune à noir, en passant par le rouge et l’orangé. Le nombre de ses taches peut aussi varier de 0 à 20.

coccinelle asiatique (adulte)

Stethorus sp. : La plus petite de toutes les coccinelles (1 mm). L’adulte est complètement noir et la larve, qui ressemble à un minuscule porc-épic, peut dévorer jusqu’à 250 tétranyques de tous les stades chaque jour. Cette coccinelle est rencontrée surtout dans le sud-ouest du Québec. Très vorace, elle est par contre peu fréquente dans nos vergers.

coccinelle Stethorus (adulte)

 

Punaises prédatrices

La punaise de la molène et la punaise translucide, en plus des réduves et de certaines pentatomides prédatrices comme Podisus maculiventris, peuvent aussi se nourrir de pucerons en quantité non négligeable, en plus de se nourrir d’acariens. Pour plus d’informations sur les punaises prédatrices, consultez la fiche 96

 

Abondance et efficacité des prédateurs de pucerons au Québec

Pour les pucerons verts, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs de pucerons (syrphes, cécidomyies, coccinelles, chrysopes ou punaise de la molène) dans 90 % des colonies, et que les colonies sont de densité faibles à modérées.

Pour le puceron lanigère, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs (perce-oreilles et autres listés au tableau ci-après) ou de parasitoïdes dans les colonies au début août (un seuil précis n’est pas disponible).

Nom Abondance1 Proie préférée Efficacité Intérêt en PFI
Cécidomyies ++++ Pucerons ++++ ++++
Syrphes ++++ Pucerons +++ ++++
Punaises prédatrices2 ++++ Acariens +++ ++++
Pucerons Variable +
Chenilles + +
Coccinelles ++ à +++ Pucerons ++ ++
Chrysopes + Pucerons ++ +

Légende : + : faible; ++ : moyen(ne); +++ : bon(ne); ++++ : élevé(e).

  1. L’abondance peut varier d’une saison à l’autre; par exemple, il peut arriver certaines saisons que les coccinelles soient plus abondantes que les cécidomyies et les syrphes.
  2. Punaise de la molène, punaise translucide, etc.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 98

Gérald Chouinard, Yvon Morin et Daniel Cormier

 

Consultez le Guide chronologique du dépistage (fiche 65) pour visualiser les périodes d’activité des différents organismes décrits dans cette fiche.

 

Mouches tachinaires (tachinides)

Ces mouches ont l’apparence d’une mouche domestique, mais sont recouvertes de poils raides. Elles pondent leurs œufs sur le dos des stades immatures de plusieurs espèces de chenilles, dont celles de la tordeuse à bandes obliques (un taux de parasitisme allant jusqu’à 65% a été observé dans les vergers Du Québec). Leurs œufs donnent naissance à des asticots qui se nourrissent à même la chenille, impuissante à se libérer de ses agresseurs. Leur présence est variable d’année en année selon les conditions météo.

mouche tachinaire (tachinide)

 

Guêpes braconides

Les braconides sont de très petites guêpes (1-3 mm) brunes ou noires, plus petites que les moustiques, qui pondent leurs œufs dans le corps de leur hôte, qui n’y survit pas. Plusieurs espèces peuvent se trouver dans un verger, parasitant des insectes comme le puceron lanigère, le puceron vert et la mineuse marbrée. Ascogaster carpocapsae s’attaque notamment au carpocapse et Macrocentrus linearis à la tordeuse à bandes obliques. Les braconides sont d’efficaces agents de lutte biologique.

guêpe braconide

Pholetesor ornigis est un braconide très commun des vergers (photo), particulièrement efficace pour la lutte biologique contre la mineuse marbrée. Il est observé surtout sur la face inférieure des feuilles, à la recherche de larves de mineuses. Il est présent à partir du stade bouton rose, mais il atteint souvent son pic d’activité vers le stade calice. Ce parasitoïde est très efficace pour réprimer la mineuse (souvent plus efficace qu’un traitement insecticide!) Il est cependant sensible aux insecticides de la famille des organophosphorés et des pyréthrinoïdes. Si vous êtes aux prises avec d’importants problèmes de mineuses, effectuez uniquement un traitement de bordure au stade calice, de façon à conserver vos braconides. Pour vérifier si ce parasitoïde travaille pour vous, ouvrez les mines lors de la deuxième génération d’adultes de mineuse (vers la fin juin) pour voir si des cocons du parasitoïde s’y trouvent. Ce cocon est blanc-gris alors que la chrysalide de la mineuse est brune.

Pholetesor ornigis (guêpe braconide)

D’autres braconides parasitent les pucerons verts, notamment vers la fin juillet. Les pucerons parasités prennent une teinte différente, souvent dorée, et sont la plupart du temps observés seuls à l’extérieur des colonies.

 

Guêpes chalcides

Pareillement aux braconides, les chalcides (Chalcidoidea) sont de très petites guêpes (1-3 mm) ressemblant à de petits moustiques. La larve se nourrit du contenu de l’œuf de l’insecte qu’elle parasite pour ressortir sous forme adulte lorsque son développement est complété. Les adultes peuvent aussi se nourrir de larves d’insectes.

guêpe chalcide

Régulièrement, il est possible d’observer des masses d’œufs de tordeuses à bandes obliques parasitées par des chalcides; ce phénomène est révélé par la présence d’une ouverture à la surface des œufs du papillon. Les chalcides rencontrées dans les vergers, telles Agathis sp., Polynema sp. et Sympiesis sp., parasitent respectivement le pique-bouton, la cérèse buffle et les larves de la mineuse marbrée, de même que plusieurs autres espèces.

Aphelinus mali est un chalcide qui parasite très efficacement le puceron lanigère. Habituellement, le puceron lanigère ne cause pas de problème dans les vergers tant que le parasitoïde, et les autres agents de lutte biologique, ne sont pas décimés par les pyréthrinoïdes, les carbamates ou d’autres produits à large spectre (fiche 95).

Aphelinus mali (guêpe chalcide)

 

Trichogrammes et autres guêpes parasites

De nombreuses autres espèces (trichogrammes, ichneumons, mymarides, scélionides, eulophides, etc.) peuvent être présentes dans les vergers recevant un minimum d’applications insecticides pendant l’été. Elles parasitent les œufs d’insectes variés comme les tordeuses, les mineuses, les punaises, les noctuelles et les cicadelles. Par exemple, l’eulophide du nom de Colpoclypeus florus est un parasitoïde commun des chenilles de la tordeuse à bandes obliques certaines années, et le scélionide Telenomus parasite fréquemment les œufs des punaises pentatomides (punaise brune et autres).

trichogramme

Les trichogrammes (Trichogramma minutum) ont fait l’objet de nombreuses recherches en Amérique du Nord et sont même disponibles commercialement au Québec pour lutter contre le carpocapse de la pomme et la tordeuse à bandes obliques (TRICHO-FRUITS). La grande sensibilité de ces insectes aux pesticides et leur coût d’achat limitent actuellement l’utilisation des trichogrammes, mais la protection des populations de parasitoïdes indigènes est fortement recommandée et profitable, comme démontré ci-après.

 

Abondance et efficacité des parasitoïdes au Québec

Pour la mineuse marbrée, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de parasites (cocons blanchâtres) dans 30 % des mines de première génération (en juin), et qu’elles peuvent être ainsi maintenues pour le reste de la saison si les parasitoïdes ne sont pas décimés par les pesticides utilisés pendant l’été.

Pour le puceron lanigère, il est estimé que les populations peuvent être maintenues naturellement en dessous des seuils de nuisibilité lorsqu’il y a présence de prédateurs (voir la fiche 97) ou de parasitoïdes dans les colonies au début août (un seuil précis n’est pas disponible).

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 99

Vincent Philion

 

Contrairement aux ravageurs comme les insectes, qui sont habituellement visibles au moment d’endommager la culture, les maladies des plantes sont causées par des microorganismes invisibles à l’œil nu. Au moment où les symptômes apparaissent, il est généralement trop tard pour intervenir. Une gestion efficace des maladies est donc toujours préventive. Cette particularité des maladies a un impact majeur dans un contexte de gestion intégrée des cultures, puisque les concepts de dépistage et d’utilisation de seuils d’intervention ne sont pas applicables directement et leur application est plus abstraite. Par contre, des applications préventives n’impliquent pas un éloignement de la lutte raisonnée. En effet, les stratégies de traitement de type « calendrier », qui sont sans égard à l’épidémiologie des maladies et qui ne tiennent pas compte des risques et des conséquences réels, ne sont pas rentables. Il est donc important de bien connaître les maladies pour optimiser vos interventions. Les modèles prévisionnels et différents indices de risque décrits dans ce manuel peuvent être utilisés à cette fin.

Les différentes maladies du pommier sont causées principalement par des champignons (ex. : tavelure), des bactéries (ex. : brûlure bactérienne) et parfois d’autres organismes comme les virus (ex. : mosaïque) et les phytoplasmes (ex. : prolifération). Les guides américains énumèrent pas moins de 48 maladies qui attaquent les pommiers et/ou les poiriers. Dans notre contexte de production, plusieurs maladies du pommier sont absentes, mais les changements rapides dans l’architecture de nos vergers, les choix de porte-greffes et de cultivars, ainsi que les conditions climatiques récentes ont permis le développement de maladies autrefois anecdotiques sous nos latitudes (ex. : le feu bactérien et le blanc du pommier). À l’inverse, d’autres maladies demeurent des curiosités même pour nos voisins du sud. La disparité à l’échelle continentale se reflète aussi à l’échelle régionale. Ainsi, les problèmes liés aux maladies sont généralement plus importants en Montérégie que dans la région de Québec. Les moyens requis pour gérer les maladies doivent tenir compte de ces différences.

On pourrait dire de plusieurs maladies qu’elles possèdent de multiples visages, car elles sont causées par le même microorganisme. Pour des raisons historiques, les maladies portent parfois un nom différent selon les symptômes produits. Par exemple, la pourriture noire sur bois (chancre), sur fruits et la tache ocellée sur feuillage sont toutes causées par le même champignon : Botryosphaeria obtusa. Pour compliquer le tout, plusieurs champignons portent plusieurs noms selon la période de leur cycle et certains ont même changé de nom lors des refontes de la nomenclature. Même si les taxonomistes prônent une uniformisation des noms des espèces, certains synonymes, noms plus anciens et leurs traductions en anglais ont été maintenus dans le guide dans un souci de continuité et pour faciliter la compréhension. Finalement, seules les maladies d’importance économique, ou en voie de le devenir au Québec et pour lesquelles des interventions sont possibles en verger, seront traitées dans ce guide. Ainsi, les problèmes circonscrits à la propagation des arbres en pépinière (ex. : virus), n’étant pas d’intérêt général, ne seront pas décrits ici. Les désordres physiologiques qui ne sont pas en lien avec un microorganisme (maladies abiotiques) sont traités principalement aux fiches 37, 119 et 120.

 

Les maladies d’importance économique

Dans les vergers du Québec, la tavelure du pommier, causée par le champignon Venturia inaequalis, est la seule maladie fongique réellement incontournable qui requiert des interventions à chaque année. Ironiquement, cette maladie n’était même pas mentionnée dans le “Verger Canadien”, le premier guide de production à l’intention des producteurs du Québec, alors que le feu bactérien était mentionné.

verger_canadien

Premier guide de “culture raisonnée”, publié en 1862 par l’abbé Provancher

 

Bien que la tolérance pour la tavelure soit quasiment nulle pour le marché des fruits frais, elle peut être considérable pour la transformation, incluant la production de cidre. Les différences de sensibilité variétales ont également un impact majeur sur le nombre d’intervention requises pour l’atteinte des résultats visés. La gestion de cette maladie sera donc plus ou moins agressive en fonction de différents facteurs autres que le climat. Or la fréquence des interventions contre la tavelure du pommier a aussi un impact direct sur l’apparition des autres maladies fongiques et les stratégies d’intervention incluant le choix des produits doivent en tenir compte. Une bonne répression de la tavelure n’implique pas nécessairement une bonne répression des maladies secondaires. Une gestion optimale des traitements fongicides foliaires au printemps doit d’abord être dirigée contre la tavelure et, au besoin, supplée d’interventions spécifiques contre le blanc du pommier (Podosphaera leucotricha) et la pourriture du cœur (Alternaria sp.). Comme les spores de rouille sont normalement produites pendant la saison des infections primaires de la tavelure, la gestion de cette maladie dans les rares vergers atteints s’en trouve facilitée à condition que les produits employés puissent aussi réprimer la rouille.

Jusqu’à récemment, le Québec était l’un des rares endroits dans le monde où il était possible de produire des pommes sans traitement fongicide après juin, à la seule condition que la tavelure ait été bien réprimée. Or depuis quelques années, le complexe moucheture/suie a pris de l’ampleur au point de justifier des traitements dans quelques vergers. Finalement, des traitements sont parfois requis pour la pourriture des racines (Phytophthora sp.). Actuellement, aucune autre maladie fongique du pommier ne justifie des traitements foliaires spécifiques dans les vergers PFI. Les étiquettes canadiennes des manufacturiers de fongicide énumèrent d’autres maladies (ex. : rouille, tache de Brooks), mais cela n’implique pas que ces maladies seraient présentes à des niveaux dommageables en absence de traitement.

La seule autre maladie qui requiert une attention particulière et parfois des traitements spécifiques est le feu bactérien (brûlure bactérienne). Contrairement aux maladies fongiques dont les conséquences se limitent habituellement à la récolte de l’année, le feu bactérien peut rapidement tuer les arbres et il est donc essentiel de prendre toutes les mesures pour l’éviter.

 

Les types d’intervention

Au cours des dernières décennies, la très grande efficacité des fongicides et des bactéricides disponibles dans le commerce, de concert avec la généralisation de l’utilisation des pulvérisateurs à jet porté pour leur application, a eu pour effet de reléguer au second plan différentes pratiques culturales reconnues pour leur efficacité, mais parfois jugées trop contraignantes ou coûteuses par rapport aux pulvérisations classiques. Or l’aggravation constante des problèmes de maladies, de résistance des agents pathogènes, du retrait de certaines molécules pour des raisons commerciales ou suite à une réévaluation des risques par les autorités gouvernementales mettent en lumière les limites d’une stratégie unique basée exclusivement sur les traitements chimiques.

Pour la plupart des cultures, la résistance aux maladies et les mélanges de cultivars résistants constituent la première ligne de défense et la première alternative aux pesticides pour la gestion des maladies. Or en pomiculture le fruit est vendu selon le cultivar, ce qui entraîne une diversité variétale relativement faible changeant peu dans le temps. Conséquemment, les vergers commerciaux sont d’excellents systèmes pour faciliter la sélection des agents pathogènes les plus agressifs et augmenter la pression des maladies. Les gains associés à la réduction des traitements au moment de choisir un cultivar résistant peuvent être facilement annulés par la difficulté de vendre les fruits en absence de marché pour ledit cultivar, ou par son incapacité éventuelle à résister aux attaques d’une population d’agents pathogènes devenue trop agressive. Par exemple, la mise en marché du cultivar résistant à la tavelure Liberty a surtout été limitée aux kiosques et au cidre; des cas de tavelure sur ce cultivar ont toutefois été rapportés depuis déjà quelques années au Québec. L’intégration en PFI des cultivars résistants doit donc tenir compte de ses contraintes et risques.

Heureusement, il existe des avenues autres que le choix des cultivars pour limiter l’impact des maladies. Sans se substituer aux traitements conventionnels, l’intégration de méthodes de lutte alternatives comme l’élimination des hôtes porteurs de maladie dans les abords de vergers ou des sources de contamination dans les vergers peuvent grandement faciliter la gestion des maladies. Par exemple, l’élimination des genévriers prévient efficacement la rouille. Les méthodes éprouvées et jugées rentables dans un contexte de PFI ont été intégrées dans ce guide comme une partie intégrante de la gestion des maladies. S’en tenir seulement aux traitements foliaires risque d’entraîner des traitements additionnels et des risques inutiles à votre récolte.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 100

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

La tavelure est la maladie du pommier la plus importante dans toutes les régions de production du monde où le climat est frais et humide pendant la période de développement des nouvelles feuilles. Dans la plupart des cas, la tavelure est endémique, c’est-à-dire que le champignon qui en est responsable (Venturia inaequalis) est habituellement présent dans l’environnement et que la maladie peut apparaître si les conditions lui sont favorables. La tavelure du poirier (Venturia pyrina) est semblable, mais chaque maladie a ses particularités. Ces maladies sont spécifiques à leur hôte : la tavelure du poirier ne peut pas s’attaquer au pommier et réciproquement1. Les outils développés pour la tavelure du pommier ont tendance à surestimer les infections sur poirier. On trouve un seul autre champignon du genre Venturia sur les pommiers (V. asperata)2, mais les dommages associés à cette espèce sont mineurs3.

Malgré toutes les connaissances et tous les outils de lutte disponibles, la tavelure reste une préoccupation majeure qui a le potentiel de causer de lourdes pertes selon le marché visé. En PFI, la tolérance pour la tavelure est très faible et le moindre symptôme de tavelure sur fruits provoque un déclassement et donc une perte de valeur importante de ceux-ci. La tolérance pour la tavelure est plus grande dans certains marchés de vente directe et pour les fruits destinés à la transformation. Néanmoins, la gestion de la tavelure est inévitable et peut être ajustée selon le niveau de tolérance à la maladie.

Dans cette fiche, le développement de la maladie est expliqué en lien avec les différentes interventions possibles, qui, elles, sont décrites dans les fiches portant sur les stratégies générales de lutte (fiche 101), la répression des infections primaires (fiche 102) et les infections en été (fiche 103).

 

Développement général de la maladie

Pendant la saison de croissance, le champignon qui cause la tavelure est un parasite qui se propage et infecte le pommier. Durant la saison morte, il survit comme saprophyte soit passivement et sans propagation. La phase saprophyte a lieu au sol, dans les feuilles mortes de la litière, où le champignon survit en produisant de petites structures quasi sphériques, nommées pseudothèces, qui serviront à sa reproduction et à la production de l’inoculum primaire. Au printemps, l’intérieur des pseudothèces se tapisse de poches, nommées asques, qui sont le lieu de production et de maturation des ascospores ainsi que de leur stockage. Une fois à maturité, les ascospores sont projetées pendant les pluies, au gré des conditions d’éjection, et sont entraînées par les courants aériens qui assurent le transport des ascospores. Les spores flottent jusqu’à ce qu’elles entrent en contact avec une surface dure qui force la déposition des ascospores. Lorsque les conditions de température et de durée d’humectation sont suffisantes, il y a germination et pénétration qui peuvent culminer jusqu’à l’infection primaire. Les éjections peuvent mener à une infection à partir du stade du débourrement des pommiers et se terminent quand l’inventaire des spores est épuisé ou quand les pseudothèces sont dégradés, soit après la nouaison. Les étapes de maturation des ascospores, l’éjection, la germination et l’infection sont illustrées dans le loficiel RIMpro, disponible sur le Réseau-pommier.

Les infections réussies deviennent visibles après une période d’incubation lors de l’apparition des symptômes. Ces taches assurent la propagation de la maladie en produisant des spores appelées conidies qui sont éclaboussées pendant les pluies sur des feuilles ou des fruits à proximité des sites d’infections primaires. Encore une fois, si les conditions d’infection sont rencontrées, ces conidies s’attaquent au feuillage et aux fruits et sont à l’origine des infections dites secondaires et de la tavelure sur fruits. Contrairement aux infections primaires, les infections secondaires continuent tout l’été au gré du temps frais et humide et jusqu’à la récolte. Dans les vergers très tavelés, les conidies peuvent parfois coloniser les bourgeons en formation et cette tavelure sur bois peut survivre à l’hiver et contribuer aux infections tôt au printemps. Au moment de la mortalité et de la chute des feuilles, la tavelure cesse la propagation par les conidies et produit des filaments mycéliens qui envahissent l’intérieur des feuilles. Le croisement entre ces filaments marque le début de la reproduction sexuée, qui culmine à nouveau par la production des pseudothèces.

cycle de la tavelure

Le cycle de la tavelure du pommier. Traduit et adapté avec la permission des détenteurs de droits.

 

Phase saprophyte
Production de l’inoculum primaire

Dans les semaines suivant la chute des feuilles, les conditions météorologiques influencent la production des pseudothèces dans les feuilles de la litière. Le temps frais et humide favorise la production des pseudothèces alors que les automnes secs y sont défavorables. Lorsque les conditions sont propices et que le feuillage est très tavelé, on peut facilement trouver des centaines de pseudothèces par feuille tavelée au sol. À la fin de l’hiver et au printemps, chaque pseudothèce produit en continu jusqu’à 150 asques contenant toujours huit ascospores chacun, soit un potentiel d’environ 1200 ascospores par pseudothèce. La production de nouveaux asques culmine par l’éjection des spores. La quantité totale d’ascospores réellement produite est tributaire des périodes humides et donc variable à chaque année. En absence de neige ou lorsque le printemps est sec, le potentiel éjectable est réduit. À l’échelle d’un verger, le nombre d’ascospores qui peuvent être éjectées peut donc varier grandement selon l’incidence de la tavelure l’année précédente, les conditions météo en automne, en hiver et au printemps. Quand les conditions sont favorables au champignon, la production peut atteindre des millions d’ascospores par m2 de litière. À l’inverse, quand l’incidence de la tavelure est faible, que des mesures sont prises pour détruire les feuilles de la litière et que la météo n’est pas favorable à la production d’ascospores, la production d’inoculum est fortement atténuée. Dans les vergers très propres, la production d’inoculum peut être inférieure à 100 ascospores par m2 de litière, soit un facteur de 100 000 fois moindre par rapport aux vergers où la tavelure est un problème. La quantité de spores produites est un facteur déterminant pour la gestion de la maladie qui doit servir de guide pour établir votre programme de lutte. La gestion de la tavelure dans les vergers propres est toujours plus simple que dans les vergers à fort inoculum (voir méthodes de lutte pour la réduction de l’inoculum).

pseudothèces de tavelure

Maturation des ascospores

Les ascospores produites dans les pseudothèces arrivent à maturité graduellement et s’accumulent tout au long du printemps. Quand la période entre la fonte de la neige et le débourrement est très courte et/ou que la litière reste humide, les premières ascospores arrivent à maturité avant la période du débourrement du pommier. Inversement, la maturation est retardée et les premières spores matures ne sont visibles qu’après le débourrement des pommiers lors de printemps secs. Le décalage entre la date de maturation des premières spores et le débourrement peut être jusqu’à deux semaines. Bien que le nombre de spores produites varie d’un cultivar à l’autre, la vitesse de maturation des ascospores n’est généralement pas influencée par le cultivar4,5. Il est probable que les différences de vitesse de maturation observées dans certaines études6 soit liée à un grand décalage dans la date de chute des feuilles entre les cultivars.

Dans tous les cas, l’accumulation des spores débute lentement et s’accélère pour atteindre son maximum, habituellement au moment de la floraison. Cependant, le champignon n’est pas toujours synchronisé avec la phénologie de l’arbre et le pic d’éjection peut arriver bien avant ou après la floraison. Lors de printemps plus secs, la maturation des spores est retardée et peut culminer après la floraison. L’accumulation des spores matures diminue par la suite à mesure que la réserve de spores s’épuise. Tant que de nouvelles ascospores arrivent à maturité, les risques d’éjection et d’infection demeurent à chaque nouvelle pluie. Les différents patrons de maturation ont un impact sur la gestion des traitements, notamment pour établir la date du premier traitement et la fréquence des traitements à mesure que le risque progresse.

ascospores de tavelure

 

Phase parasite
Conditions d’éjection

Les éjections sont possibles dès que des spores sont à maturité, qu’un film d’eau est présent sur les feuilles de la litière et qu’il y a présence de lumière. En présence d’eau libre, les pseudothèces sont graduellement imbibés par osmose et les asques à maturité gonflent jusqu’à déborder par une ouverture du pseudothèce nommée ostiole. La pression osmotique de cet apport d’eau finit par faire rompre l’asque et les ascospores sont projetées une par une par l’ostiole. Par la suite, d’autres asques à maturité débordent à leur tour dans l’ouverture et les éjections continuent jusqu’à l’épuisement de la réserve de spores à maturité ou dès que le film d’eau à la surface de la litière disparaît.

La nuit, un mécanisme biologique inhibe presqu’entièrement l’éjection des spores. La plupart des éjections sont donc provoquées par des pluies de jour. Une faible quantité de pluie (ex. : 0,1 mm) peut suffire pour débuter les éjections. Les rosées importantes qui persistent après la levée du soleil peuvent aussi suffire pour provoquer une éjection. Seule une petite fraction des spores est éjectée à la noirceur. Le mécanisme d’inhibition nocturne est fonctionnel jusqu’à ce qu’environ 80 % des spores soient éjectées ou que plus d’un tiers des ascospores de la saison soient accumulées dans le pseudothèce. Quand ces conditions sont rencontrées, l’intensité des éjections la nuit est similaire à celle observée pour les éjections durant le jour. Néanmoins, les éjections nocturnes représentent sur toute la saison moins de 10 % du total.

Il est possible que le mécanisme qui empêche l’éjection la nuit permette principalement aux spores enfouies dans les couches inférieures de la litière d’arriver à maturité sans qu’elles soient à risque d’être éjectées et interceptées par la litière. Ainsi, le déplacement par le vent des feuilles au sol expose d’autres feuilles où des spores à maturité ont pu s’accumuler et les rend disponibles à l’éjection.

L’intensité des éjections dépend du nombre de spores à maturité et de la température. La neige ne permet pas les mécanismes osmotiques et/ou bloque le passage des spores, mais l’eau à 0 °C permet en principe l’éjection. Cependant, la vitesse d’éjection est quasiment nulle près du point de congélation (0 à 2 °C)7 et augmente ensuite graduellement jusqu’à environ 8 °C. Quand la température n’est pas limitative, les spores matures au début de la pluie sont généralement éjectées au cours des trois premières heures d’une pluie continue. Comme les éjections sont fortement influencées par la pluie, la lumière et la température, il est possible d’interférer avec les éjections naturelles, mais cette stratégie n’est pas sans risque.

cycle de la tavelure (éjection)

Transport des ascospores

La rupture des asques par la pression osmotique éjecte les ascospores sur une distance de quelques millimètres à l’extérieur de l’ostiole des pseudothèces. Après l’éjection, les ascospores sont portées sur plusieurs mètres par les vents et différents courants d’air souvent imperceptibles. L’action mécanique (ou l’impact) des gouttes de pluie n’a pas d’effet sur l’éjection ou la distance parcourue par les spores. La longueur du gazon n’a pas non plus d’effet sur l’éjection et n’intercepte qu’une infime fraction des spores éjectées8. La distance que peut parcourir une spore est très difficile à prévoir et est fonction de plusieurs facteurs. Elle dépend, entre autres, de l’intensité du vent et de la quantité de spores éjectées. Plus le vent est intense et plus le nombre de spores éjectées est élevé, plus la probabilité que ces spores voyagent sur de grandes distances augmente. Par exemple, en aval d’un verger abandonné, des ascospores peuvent être capturées en quantités mesurables à plus de 150 m de la source. Dans la plupart des cas cependant, la distance parcourue dépasse rarement 50 m. La propagation sur de très grandes distances est possible, mais n’a pas d’impact mesurable dans les vergers commerciaux puisque la quantité de spores produites localement est toujours beaucoup plus importante que l’apport éventuel par des vergers à plusieurs kilomètres de distance. Les efforts déployés pour réduire l’inoculum à l’intérieur et dans les abords immédiats des vergers ne sont donc pas annulés par l’arrivée de spores extérieures et plusieurs stratégies sont proposées en ce sens (voir réduction de l’inoculum).

Déposition des ascospores

Pour provoquer la maladie, les ascospores transportées par le vent doivent entrer en contact avec des parties vertes nouvellement formées du pommier. Lors de l’impact, les ascospores adhèrent rapidement aux surfaces, qu’elles soient sèches ou mouillées, et sont très difficiles à déloger. En absence d’eau sur la surface, une forte proportion d’ascospores peut survivre plusieurs heures, voire quelques jours. La proportion des spores qui survit en fonction de la durée d’exposition à des conditions sèches n’est pas complètement connue, mais dépend probablement du niveau d’exposition au soleil et de la température. Les traitements de fongicides appliqués avant les pluies forment une couche qui vise à réduire la surface où les spores pourront survivre après déposition, mais cette protection doit être renouvelée en fonction de la croissance, qui est souvent rapide pendant cette période. Les traitements de protection constituent souvent la première ligne de défense contre la tavelure.

ascospore de tavelure

cycle de la tavelure (ascospore)

Germination et pénétration

En présence d’eau libre, les spores germent rapidement et forment des filaments nommés mycélium. À cette étape, le champignon peut profiter de lixiviats sucrés présents naturellement à la surface des feuilles, mais la spore ne dépend pas de la plante; elle utilise ses réserves pour permettre la croissance du mycélium en surface et, assez fréquemment, pour produire une cellule spécialisée appelée appressorium qui va faciliter la pénétration du mycélium au travers de la cuticule de la plante. Quand la surface sèche avant que la cuticule soit percée, le processus est interrompu et les spores meurent graduellement. Selon la durée du séchage, une portion des spores peut survivre jusqu’à la prochaine période d’humectation. Le cumul des périodes d’humectation interrompues par des périodes sèches peuvent entraîner des infections inattendues dont il faut tenir compte dans la gestion de la maladie. Les simulateurs comme RIMpro sont conçus pour comptabiliser les périodes d’humectation interrompues. La période de germination des spores est une cible privilégiée pour tuer le champignon, puisque c’est le dernier stade pendant lequel les spores sont exposées et vulnérables. La stratégie des traitements de germination est décrite dans la fiche 102.

germination d'un ascospore

germination d'un ascospore

cycle de la tavelure (germination et pénétration)

Infection

Le passage du mycélium sous la cuticule marque le moment où le champignon a infecté la plante et devient indépendant des conditions extérieures. Le champignon commence alors à dépendre des ressources de la plante. Le temps requis par la spore pour germer et ensuite passer au travers de la cuticule est la durée d’infection. La durée d’infection est variable selon l’âge de la feuille, la température, mais est aussi variable dans la population du champignon. Le temps minimum d’infection, soit le temps requis par la spore la plus rapide et dans les meilleures conditions (20 °C) sur les feuilles les plus jeunes, est d’environ 5 h9–12.

Le temps d’infection minimum augmente avec l’âge des feuilles12, au point où les feuilles les plus vieilles sont quasiment impossibles à infecter. Cette résistance naturelle liée à l’âge est dite ontogénique et n’est pas contournable par le champignon. C’est pour cette raison que les spores qui atterrissent sur des feuilles plus vieilles ne produisent que très rarement des taches.

Près du point de congélation, la durée minimale d’infection est de 32 h à 2 °C13. La température maximale pour l’infection est de 28 °C, mais est le champignon est complètement arrêtée si la température grimpe à 30 °C pendant plus de deux heures pendant l’infection9. Les spores déposées au même moment sur les feuilles n’infectent pas toutes en même temps, le temps d’infection est variable dans la population12. La durée de la période d’humectation est donc un facteur aggravant. Plus la période d’humectation est longue, plus la proportion des individus qui traversent la cuticule augmente et plus l’infection est sévère. La compilation des durées d’humectation requises pour provoquer une infection et leur sévérité a donné naissance à la « table de Mills », qui a été maintes fois ajustée au cours des années. La nature des interventions requises pour arrêter la tavelure change radicalement après l’infection (postinfection) puisque le mycélium est alors protégé par la cuticule cireuse de la plante et donc inatteignable par plusieurs fongicides (voir la fiche 102).

Incubation

La période entre l’infection et l’apparition des premiers symptômes (taches) est nommée période d’incubation. Pendant cette période, le mycélium du champignon envahit discrètement l’espace sous la cuticule et prépare la production des conidies. L’incubation progresse en trois étapes.

La première étape de cette invasion consiste à former une agglomération de mycélium, nommée stroma primaire, à partir de laquelle les filaments mycéliens se multiplient et partent dans toutes les directions. La formation du stroma primaire est assez rapide et s’observe environ 24 h après l’infection. La formation du stroma primaire est intimement liée à l’épidémiologie de la tavelure. C’est au moment de sa formation que la plante réagit à l’arrivée du champignon.

Les cultivars dotés des gènes de résistance appropriés bloquent le champignon à cette étape (voir la fiche 101), alors que la production du stroma et l’invasion subséquente sont plus ou moins freinés selon la robustesse des cultivars sensibles et l’agressivité des souches de tavelure. Quand un cultivar est prédominant dans un verger ou une région, c’est à ce stade que le mycélium le mieux adapté est favorisé. Il est possible de contrer cette spécialisation de la tavelure en favorisant la mixité des cultivars.

Finalement, les fongicides avec une efficacité restreinte en postinfection perdent graduellement leur efficacité à mesure que le stroma primaire s’établit.

La deuxième étape de l’invasion commence à mesure que les filaments mycéliens issus du stroma primaire progressent et forment à leur tour des stromas secondaires. Les premiers stromas secondaires se forment environ 72 h après l’infection. À ce stade, seuls certains fongicides très spécialisés peuvent encore freiner la progression du champignon (voir AP et IBS). Comme le champignon est alors bien établi, les fongicides utilisés à cette étape du développement ne tuent pas le champignon mais le ralentissent jusqu’à ce que la résistance ontogénique de la feuille qui vieillit l’arrête, parfois juste avant la production de nouvelles spores. Cette survie discrète du champignon a des conséquences en matière de résistance aux fongicides et de progression de la tavelure d’automne. Ces éléments jouent contre une stratégie basée exclusivement sur des traitements de postinfection.

À la troisième étape, les stromas primaires et secondaires débutent la production des conidiophores, qui sont les sites de production des conidies.

Tout au long de l’invasion, le mycélium de la tavelure reste contraint à l’espace entre la cuticule (couche cireuse) et l’épiderme. Le champignon ne passe jamais la barrière de l’épiderme et n’entre donc jamais dans la plante tant que la feuille ou le fruit restent attachés à l’arbre. Tous les dommages causés par la tavelure sur feuillage et la tavelure sur fruits sont donc très superficiels et liés seulement à l’invasion sous-cuticulaire.

cycle de la tavelure (invasion sous cuticulaire et infection)

Apparition des symptômes

L’apparition des symptômes de tavelure révèle de façon visible la progression du mycélium depuis le moment de l’infection. Les symptômes de tavelure deviennent visibles à l’œil nu au moment où les conidiophores percent la cuticule et que les premières conidies sont produites. Tous les organes, incluant les feuilles (limbe et pétiole), les sépales des fleurs et les fruits (incluant pédoncule), peuvent être infectés et ensuite présenter des symptômes.

cycle de la tavelure (apparition des symptômes)

cycle de la tavelure (lésions sur feuilles)

cycle de la tavelure (lésions sur fruits)

Les premiers symptômes se présentent sous la forme de petites taches circulaires de couleur olive ou légèrement brunâtre. Le velouté des taches ou l’aspect « tache de cendre » très caractéristique des lésions de tavelure provient de la myriade de conidies à la surface des taches. Les lésions perdent leur aspect juvénile au cours de l’été et deviennent plus foncées.

lésion de tavelure sur feuille

lésion de tavelure sur feuille

On observe les symptômes liés aux infections primaires principalement sur les feuilles du bouquet floral et sur les premières feuilles des pousses végétatives issues de ces bouquets, selon les feuilles jeunes exposées au moment de l’infection. Le plus souvent, les taches apparaissent sur la face supérieure des feuilles, mais des taches peuvent se manifester sur les deux faces, selon l’angle de la feuille exposée au moment de l’infection.

Quand les conditions sont favorables à la tavelure, les premiers symptômes peuvent apparaître une semaine après l’infection. Inversement, les symptômes peuvent être retardés et n’apparaître que plusieurs semaines après l’infection quand les conditions sont froides ou très sèches. De plus, comme les symptômes sont aussi retardés sur les feuilles plus âgées, la période d’apparition des symptômes issus d’une même infection peut être très étalée.

L’apparition des symptômes de tavelure à grande échelle marque un échec dans la gestion raisonnée de la maladie et entraîne une fréquence de traitement en été beaucoup plus élevée et des coûts appréciables (voir la fiche 103).

Propagation de la tavelure

Les conidies constituent la deuxième source de contamination à apparaître durant la saison. Elles causent donc des infections dites secondaires. Les infections secondaires peuvent débuter dès l’apparition des taches et se terminent à la chute des feuilles. Comme les premiers symptômes de la saison apparaissent avant que la réserve d’ascospore ne soit épuisée, les infections primaires et secondaires peuvent se chevaucher un certain temps. Mais comme les conidies sont toujours plus nombreuses que les ascospores, la gestion de la tavelure est faite en fonction des infections secondaires. Celles-ci procèdent exactement comme les infections primaires, à l’exception que les conidies ne sont pas éjectées, mais simplement éclaboussées et ne sont donc pas soumises aux mécanismes d’inhibition la nuit. La germination et la pénétration des conidies, l’infection et la période d’incubation sont quasiment identiques.

Chaque nouvelle tache produit des conidies pendant deux mois environ. Par la suite, la production diminue fortement. Les conidies sont libérées sous l’effet de la pluie et sont éclaboussées sur les feuilles environnantes. Elles ne voyagent que sur une courte distance (quelques mètres), ne pouvant atteindre par conséquent que les arbres immédiatement à proximité. C’est pourquoi les foyers de tavelure sur les arbres infectés accidentellement à la suite d’une erreur de pulvérisation (bout de rangées, ouverture des buses, etc.) resteront localisés et, dans la plupart des cas, ne causeront pas de dommages à plus de 5 m du foyer initial. Les lésions secondaires se trouvent principalement au niveau des pousses végétatives, sur les feuilles en croissance au moment de l’infection. Elles sont généralement plus nombreuses sur les organes portant déjà des lésions primaires, car les conidies à l’origine de ces taches sont produites par les lésions et elles voyagent peu.

La photo suivante illustre la propagation de la tavelure sur une pousse végétative. On peut observer la présence de taches d’âges différents et des taches multiples selon l’âge des feuilles.

lésions de tavelure sur pousse végétative

Lorsqu’elles sont très nombreuses, les lésions entraînent la chute prématurée des feuilles et des fruits. En effet, ces lésions donnent lieu à un étranglement par le champignon de la structure retenant les feuilles et les fruits à l’arbre (pétiole et pédoncule, respectivement). Plus généralement toutefois, cette chute prématurée est la conséquence d’une baisse de la photosynthèse. Les arbres très atteints peuvent être affaiblis au cours des années, mais ne sont jamais tués par la tavelure. Les arbres affaiblis poussent de moins en moins à chaque année et sont donc graduellement moins infectés.

Différents facteurs limitent la propagation de la tavelure sur le feuillage en été. D’abord, le nombre de périodes d’infection est généralement plus faible durant l’été, notamment pendant les mois de canicule. De plus, les infections n’ont habituellement lieu que sur le feuillage en pleine croissance ou sur les feuilles sénescentes, alors que les feuilles matures sont résistantes. Finalement, les taches les plus vieilles cessent graduellement de produire des conidies et cessent de contribuer à la progression de la maladie.

Tavelure sur bois

Dans les vergers très tavelés, il arrive que le bois soit infecté. La tavelure sur bois est très fréquente sur le poirier, mais les pommiers peuvent aussi être affectés. Des conidies en lien avec les écailles des bourgeons peuvent survivre à l’hiver et deviennent une source d’inoculum primaire lors des premières infections au printemps. Cette source d’inoculum n’a jamais été rapportée au Québec, mais est parfois rapportée au sud de l’état de New York14. Dans les pays où la survie des conidies est fréquente, leur impact en généralement mineur. Dans les vergers commerciaux, on reconnaît les infections primaires liées aux conidies par l’abondance de taches sur quelques fruits en formation, alors que le reste du verger est exempt de symptômes.

Tavelure sur fruits

Les lésions apparaissant sur les fruits font parfois suite à une infection primaire très grave (ex. : RIM > 1000) à partir du stade du bouton rose, mais la plupart des taches sur les pommes sont issues d’infections secondaires et sont causées par des conidies produites par des taches déjà établies sur le feuillage. La propagation de la tavelure sur fruits est donc surtout tributaire de la tavelure déjà présente sur le feuillage et par la suite de la météo en été. Quelques taches à peine décelables sur feuilles et réparties sur chaque arbre peuvent se multiplier et infecter les fruits quand les conditions sont propices à la tavelure. Plus la tavelure au point de départ de l’été est importante, plus le risque de tavelure sur fruits augmente. Ce risque doit être géré avant les infections, puisqu’il n’existe pas de traitement pour éradiquer les symptômes de tavelure sur fruits.

Lorsque les infections sur fruits ont lieu tôt en saison, les symptômes entraînent une déformation telle que montrée sur la photo suivante. Un nombre élevé de taches est habituellement un signe que des conidies sont responsables des infections.

lésions de tavelure sur fruit

Les infections sur fruits tôt en saison entraînent une baisse de calibre ou même la chute prématurée des fruits. L’apparition des taches sur fruits s’opère comme sur les feuilles et débute par des lésions souvent d’allure juvénile, telles qu’illustrées sur les photos suivantes.

lésions de tavelure sur fruit

lésion de tavelure sur fruit

Comme pour les feuilles, la résistance des fruits augmente au cours de la saison, mais cette résistance est transitoire et n’est pas étanche. Quand les conditions sont propices, les infections sur fruits peuvent survenir sur des fruits de n’importe quel calibre. L’apparition des symptômes est parfois retardée sur les fruits plus résistants et est accélérée en fin de saison. On peut voir sur la photo suivante des taches âgées sur fruits matures, mais une absence de déformation.

lésions de tavelure sur fruits

Les infections sur fruits sont favorisées en fin de saison, au moment où les températures plus fraîches et les précipitations plus abondantes favorisent une recrudescence de la tavelure et que la résistance des fruits baisse à nouveau. La tavelure dite d’automne (pin-point, en anglais) désigne justement le type de lésion qui se développe sur les fruits peu avant ou au moment de la récolte. Sur ces pommes, les taches secondaires sont souvent très petites (1 mm) et ne sont pas toujours visibles à la cueillette, mais elles peuvent se développer plus tard en entrepôt. Les fruits atteints sont alors systématiquement déclassés. La tavelure n’est pas transmissible en entrepôt. Toutes les taches observées après entreposage sont issues des infections qui ont eu lieu au champ. L’entreposage en atmosphère contrôlée (AC) retarde la sortie des taches, mais ne les inhibe pas. Dans les lots de fruits infectés juste avant récolte, on observe souvent une sortie des symptômes au moment de la sortie des chambres AC, alors que les fruits étaient exempts de taches durant l’entreposage. Il est parfois possible de gérer le risque en fonction de la durée d’entreposage.

Tavelure d’automne

Les symptômes qui apparaissent à la fin de l’été et à l’automne sont souvent moins typiques et diffèrent des symptômes printaniers. À cette période, la résistance liée à la maturité des feuilles (ontogénique) cesse graduellement d’opérer et on observe une recrudescence de nouvelles infections, notamment sur les feuilles plus vieilles et sur la face inférieure des feuilles. De plus, le mycélium arrêté au printemps par la résistance ontogénique reprend sa progression et des taches apparaissent sans lien apparent avec un épisode de pluie.

lésion de tavelure sur feuille (automne)

Les lésions se développant à l’automne peuvent être très diffuses et rougeâtres et se rencontrent souvent le long des nervures. Il est parfois difficile de les identifier, puisque la coloration des feuilles change et les taches peuvent être confondues avec des dommages d’autres ravageurs, comme la mineuse. L’évaluation de la tavelure à l’automne, dans le but de prédire les risques pour l’année suivante, est donc compliquée à la fois par l’apparition de nouveaux symptômes et la difficulté de les observer. La propagation de la tavelure cesse entièrement au moment où la feuille meurt.

Mortalité et chute des feuilles

La physiologie du champignon change au moment où la feuille meurt, alors que les mécanismes de défense de la plante cessent de fonctionner. À ce moment, le mycélium peut franchir la barrière de l’épiderme et envahir toute l’épaisseur de la feuille. L’invasion translaminaire commence d’habitude une fois que les feuilles sont tombées au sol, puisque les feuilles mortes accrochées dans l’arbre ne sont pas assez humides pour favoriser la croissance du champignon. C’est à ce moment que le champignon débute sa reproduction sexuée pour pouvoir survivre à l’hiver. Selon le moment de la chute des feuilles, il est possible d’interférer avec la survie hivernale du champignon (voir méthodes de réduction de l’inoculum).

cycle de la tavelure (mortalité, chute des feuilles et invasion du limbe de la feuille)

 

Références
  1. González-Domínguez E, Armengol J, Rossi V. Biology and epidemiology of Venturia species affecting fruit crops: a review. Front Plant Sci Internet 2017;8. Disponible sur : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2017.01496/full.
  2. Samuels GJ, Sivanesan A. Venturia asperata sp. nov. and its Fusicladium state on apple leaves. New Zealand Journal of Botany Taylor & Francis, 1975;13:645‑52.
  3. Caffier V, Le Cam B, Expert P, et al. A new scab-like disease on apple caused by the formerly saprotrophic fungus Venturia asperata. Plant Pathology 2012;61:915‑24.
  4. Cruz M. Producción de pseudotecios y ascos de Venturia inaequalis (cooke) en tres cultivares de manzano. Agricultura técnica (chile) 1999;59:196‑204.
  5. Meszka B. Study of Venturia inaequalis pseudothecia development and apple scab severity under Polish conditions. Folia Horticulturae 2015;27:107‑14.
  6. Jeger MJ, Swait AJ, Butt DJ. Overwintering of Venturia inaequalis, the causal agent of apple scab, on different cultivars. Ann appl Biol 1982;100:91‑8.
  7. Stensvand A, Gadoury DM, Amundsen Terje, Semb L, Seem RC. Ascospore release and infection of apple leaves by conidia and ascospores of Venturia inaequalis at low temperatures. Phytopathology 1997;87:1046‑53.
  8. Aylor DE. The aerobiology of apple scab. Plant Disease 1998;82:838‑49.
  9. Sys S, Soenen A. Investigations on the infection criteria of scab (Venturia inaequalis Cooke. Wint.) on apples with respect to the table of Mills and Laplante. Agricultura, Louvain 1970;18:3‑8.
  10. Moore MH. Glasshouse experiments on apple scab I. Foliage infection in relation to wet and dry periods. Ann Appl Biol 1964;53:423‑35.
  11. Schwabe WFS. Wetting and temperature requirements for apple leaf infection by Venturia inaequalis in South Africa. Phytophylactica 1980;12:69‑80.
  12. Philion V, Joubert V, Trapman M, Hjelkrem A-GR, Stensvand A. Distribution of the Infection Time of Ascospores of Venturia inaequalis Plant Disease 2020;104:465‑73.
  13. Stensvand A, Amundsen T. Investigations on the potential ascospore dose of Venturia inaequalis in Norwegian apple orchards. IOBC-WPRS Bull 1997;Bulletin 20 (9):209‑16.
  14. Rosenberger D. Apple scab and quince rust now showing in Hudson valley. Scaffolds fruits journal 2016;25.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 101

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

En 1862, le premier guide de production à l’intention des producteurs du Québec1 ne faisait même pas mention de la tavelure du pommier. Au début du siècle dernier (années 1900), environ trois traitements fongicides appliqués pendant la période des infections primaires avec des produits moins efficaces que ceux disponibles aujourd’hui suffisaient pour réprimer efficacement la tavelure du pommier. Dans les années 1980, un traitement par semaine suffisait toujours pour réprimer les infections.

Ces stratégies de traitement très allégées conduiraient actuellement à des résultats inacceptables dans la plupart des vergers commerciaux. Différents facteurs expliquent l’augmentation des problèmes de tavelure et leur compréhension est la clef pour intégrer autant que possible des stratégies pour mieux gérer la tavelure à l’avenir. La présente fiche a pour but d’expliquer brièvement l’historique de la situation actuelle et comment modifier les pratiques pour assurer une meilleure gestion de la maladie.

La gestion de la tavelure ne se résume pas aux traitements fongicides. Une bonne compréhension de la biologie de la tavelure et l’intégration de plusieurs stratégies de lutte décrites dans cette fiche sont nécessaires pour gérer cette maladie de façon optimale et à moindre coût. Les stratégies de traitements fongicides au printemps et en été sont traitées aux fiches 102 et 103.

 

Choix des cultivars

La production intensive popularisée au cours du dernier siècle a mené le plus souvent à des blocs monovariétaux qui facilitent une sélection des races de tavelure les mieux adaptées à ces cultivars2. Par exemple, les blocs de vergers de McIntosh au Québec contribuent à produire des souches de tavelure parfaitement adaptées à ce cultivar et conséquemment à des épidémies graves de la maladie, alors que la McIntosh semble presque résistante ou du moins tolérante dans les pays où ce cultivar n’est pas produit en masse. À l’inverse, la Golden Delicious est très sensible à la tavelure européenne, mais elle est beaucoup moins sensible aux races de tavelure produites au Québec, simplement parce que ce cultivar n’est pas planté à grande échelle ici. Les cultivars anciens qui sont tolérants aux races de tavelure présentes actuellement pourraient devenir tout aussi sensibles que la McIntosh si leur culture était intensifiée. La règle est universelle : chaque introduction d’un cultivar et son adoption massive mène inévitablement à une spécialisation de la tavelure pour ce cultivar.

Il est difficile de prévoir jusqu’à quel point un cultivar est assez robuste pour limiter cette spécialisation. Il est possible que des cultivars comme Spartan et Honeycrisp3, qui sont actuellement moins affectés par la tavelure demeurent relativement « tolérants » à long terme. Mais ils pourraient au cours du temps devenir aussi sensibles que la McIntosh si l’intensification de leur production continue. Néanmoins, la fréquence des traitements souvent adaptée aux cultivars les plus sensibles pourrait être réduite selon les cultivars puisque l’augmentation de la sensibilité dans le temps peut prendre des décennies.

Tel qu’indiqué en introduction générale, le mode de production PFI et la commercialisation axée sur des cultivars connus du public limite les possibilités pour contrer le phénomène de la spécialisation des races. Sans revenir à une production extensive ou choisir des cultivars tolérants qui ne correspondent pas au marché souhaité, la première ligne de défense pour limiter la sévérité des attaques de tavelure consiste à augmenter la diversité variétale dans les vergers. Augmenter la diversité des cultivars empêche la spécialisation des races de tavelure et donc diminue directement l’apparition des symptômes (voir incubation), et indirectement la propagation et l’apparition de tavelure sur fruits. La diversité des cultivars n’empêche pas la production d’inoculum, mais l’inoculum produit sera graduellement moins dommageable au pommier parce que moins apte à produire des symptômes.

Résistance

Recourir seulement à des cultivars résistants pour contrer la tavelure va actuellement à l’encontre de la stratégie de la diversité. Tous les cultivars résistants disponibles sont issus d’un ancêtre appelé Malus floribunda 821 et sont porteurs d’un seul gène de résistance appelé le gène Vf (ex. : Liberty, Belmac) dans le cas des descendants de Malus floribunda 821, ou alors du gène Vm (ex. : Murray) pour les descendants de Malus micromalus4. Or les races de tavelure locales ont déjà commencé à contourner ces gènes5. Dès qu’une souche de tavelure compatible apparaît dans un bloc avec un seul gène de résistance, elle peut rapidement occuper toute la place, ce qui revient à une spécialisation des races. Dans les blocs de pommiers Vf où la résistance a été contournée, la tavelure est souvent pire que dans les blocs de cultivars conventionnels, et ce, malgré des traitements. L’utilisation simultanée de plusieurs gènes de résistance dans un même cultivar (pyramidage des gènes) fait l’objet de plusieurs travaux6. Elle permettrait d’atteindre la diversité requise pour atténuer la tavelure, mais de tels cultivars n’existent pas encore et l’acceptabilité sociale des cultivars multi résistants qui seraient obtenus par génie génétique n’est pas acquise.

Mixité des cultivars

À l’inverse des blocs mono-variétaux, les blocs de pommiers entièrement mélangés ne sont pas adaptés aux opérations culturales, qui varient souvent d’un cultivar à l’autre (ex. : taille, éclaircissage), obligent à des traitements sur l’ensemble de la surface du verger et nuisent aux opérations de récolte. Même si le mélange des cultivars peut contribuer à réduire la sévérité des attaques, la mixité des cultivars ne suffit pas à maintenir la tavelure à des niveaux acceptables, et ce, même dans les blocs de pommiers où tous les pommiers seraient différents. Pour cette raison, cette pratique n’a jamais été popularisée.

Néanmoins, diminuer au minimum le nombre de rangées contiguës avec le même cultivar a pour effet d’atténuer légèrement les problèmes de tavelure sans nuire aux autres aspects de la production. Pour que la stratégie soit efficace, les cultivars alternés doivent être de parents éloignés et/ou de sensibilité différente à la tavelure. De plus, la largeur du bloc doit être de moins de 30 m pour permettre l’arrivée des ascospores des blocs adjacents qui pourront constamment diluer le pool génétique de la tavelure produite dans chaque bloc de cultivar. Par exemple, six rangées de 3,65 m de Spartan (McIntosh × inconnu) en alternance avec six rangées de Gala (Golden Delicious × Kidd’s Orange Red) permettrait d’atténuer la tavelure par rapport à des blocs de Spartan ou de Gala plus grands dans lesquels les spores ne se mélangeraient pas.

 

Réduction de l’inoculum (assainissement)

L’utilité de réduire la quantité d’ascospores qui atteignent l’arbre pour augmenter l’efficacité des traitements fongicides du printemps a été reconnue dès 1937. À l’époque, les fongicides disponibles étaient moins efficaces et les stratégies de traitement n’étaient souvent acceptables que dans les vergers où la pression de la tavelure était faible ou dans les vergers où les feuilles de la litière étaient traitées à l’automne pour détruire la tavelure en place. La réduction systématique de la pression de la tavelure par la destruction de l’inoculum dans les feuilles de la litière n’a pas connu d’essor à ce moment parce que l’arrivée graduelle de fongicides de plus en plus efficace en a diminué le besoin. Actuellement, la réduction de l’efficacité des fongicides (résistance) et l’homologation de fongicides de moindre efficacité rend incontournable l’intégration de la gestion de la quantité de spores avant le début des traitements du printemps. La réduction de l’inoculum a un impact direct sur l’apparition des symptômes de tavelure en diminuant les probabilités d’infection, mais a également un effet indirect positif sur presque tous les aspects de la gestion de la maladie. Les mesures prises pour réduire l’inoculum en verger peuvent aider à compenser pour les erreurs de traitement, diminuent la sélection des spores résistantes aux fongicides, facilitent l’utilisation de produits de moindre efficacité et réduisent la nécessité des traitements d’été.

Dans les vergers où l’incidence de la tavelure est en apparence faible, les stratégies d’assainissement n’ont pas toujours d’impact mesurable ou rentable dans la gestion de la tavelure. Par contre, comme la tavelure peut progresser discrètement à l’automne (voir tavelure d’automne) et que les conditions hivernales peuvent amplifier la production d’inoculum même dans les vergers peu tavelés (production de l’inoculum primaire), les mesures d’assainissement sont recommandées à titre préventif comme une habitude à intégrer.

Différentes approches sont possibles pour réduire le nombre de spores qui atteignent l’arbre. Certaines techniques peuvent être indifféremment utilisées à l’automne ou au printemps, mais certaines ne sont possibles qu’à un moment précis. Comme la chute des feuilles est souvent très étalée et n’est complétée souvent qu’à la fin novembre ou même plus tard, les techniques qui requièrent d’atteindre toutes les feuilles au sol ne sont habituellement pas praticables au Québec en automne. De même, les traitements sur l’arbre sont possibles seulement entre le 15 octobre et le 1er novembre environ, soit après la récolte et avant le remisage des équipements pour l’hiver. Il est possible d’accélérer la chute des feuilles, mais cette pratique fréquente chez les pépiniéristes n’est pas usuelle dans les vergers commerciaux.

La fenêtre d’intervention privilégiée pour interférer avec l’inoculum est donc au printemps, après la fonte des neiges mais avant le débourrement. Comme les éjections à risque peuvent parfois commencer dès le stade débourrement, les interventions les plus hâtives sont les plus rentables. Une seule stratégie (épuisement) est conçue pour être utilisée pendant la saison des éjections, mais cette technique inusitée n’est pas en usage.

Les approches visent un ou plusieurs objectifs à la fois : affecter directement le champignon pour limiter la production des spores, provoquer une décomposition de la litière où réside le champignon et finalement, interférer directement avec l’éjection des spores au printemps. La liste des stratégies présentée ici n’est pas exhaustive mais donne un bon aperçu des possibilités. Les méthodes décrites peuvent être combinées pour augmenter leur efficacité. Des mesures non spécifiques qui favorisent indirectement la réduction de l’inoculum, tel qu’éviter les fongicides comme le cuivre et les benzimidazoles qui nuisent aux populations de vers de terre, sont couvertes ailleurs. Certaines approches ont également des conséquences néfastes qu’il importe de souligner. Le tableau qui suit présente un aperçu des méthodes décrites en détail par la suite.

Stratégies de réduction d’inoculum (en ordre décroissant d’intérêt en PFI) Effet direct sur le champignon Décomposition de la litière Interfère avec l’éjection Mise en place Problèmes engendrés ou limites
Urée Oui Oui Non Automne/printemps Gestion de l’azote
Déchiquetage Faible Oui Oui Automne/printemps
Balayage/soufflage Non Non Oui Automne/printemps
Élimination des pommiers sauvages ou abandonnés Non Non Oui Printemps Portée limitée
Ramassage des feuilles Non Parfois Oui Automne/printemps Gestion des résidus
Chaulage Oui Oui Non Automne Automne seulement
Rebouche ornières Non Oui Oui Printemps
Labour Non Oui Oui Automne/printemps Abîme le terrain
Paillage/couvre-sols Non Oui Oui Printemps Pas au point
Épuisement des éjections Non Indirect Oui Printemps Risques d’infection
Autres traitements Oui Oui Non Automne/printemps Problèmes variés
Urée

Très peu d’articles portant sur la tavelure du pommier ont eu le privilège d’avoir été publiés par la prestigieuse revue scientifique Nature7. Le plus connu traite de l’efficacité de l’urée pour lutter contre la maladie. L’article a été publié en 1965, et depuis lors les travaux sur l’urée et la tavelure se sont multipliés. L’engouement des scientifiques ne s’est pas transposé dans les vergers et encore très peu de producteurs intègrent l’urée dans leur arsenal contre la tavelure.

L’urée n’est pas perçue comme un fongicide très efficace, mais a un mode d’action complexe qui garantit que l’un ou l’autre de ses mécanismes sera actif et que le champignon ne pourra pas devenir résistant. D’abord, l’urée s’attaque directement au champignon et interfère avec la production des pseudothèces. De plus, l’urée stimule l’activité microbienne qui dégrade les feuilles au sol et rend celles-ci plus appétissantes pour les vers de terre.

Différentes études ont porté sur les alternatives à l’urée pour combattre la tavelure, incluant d’autres formes d’azote. Les études montrent que l’azote sous forme ammoniacale a une certaine efficacité à l’automne quand le pH est bas (ex. : sulfate d’ammonium), mais pas les nitrates.

La stratégie d’application de l’urée est flexible. Le traitement peut être fait à l’automne ou au printemps. Malheureusement, l’urée de source industrielle n’est pas admise en production biologique mais si une source est disponible (ex. : élevage à proximité), cette approche est envisageable.

Fait peu connu, l’urée n’est pas seulement efficace sur les feuilles mortes. Des applications foliaires d’urée sont aussi possibles pendant la saison des infections primaires8 (voir la fiche sur les infections primaires).

Traitement foliaire ou de litière. Le traitement d’urée peut être appliqué directement sur l’arbre avant la chute des feuilles à l’automne, ce qui assure une meilleure couverture9 que lorsque le traitement est appliqué au sol. Cet apport d’azote automnal n’a pas de conséquence sur l’arbre et peut même être bénéfique. Cependant, l’apport nutritionnel sera négligeable si les feuilles contiennent déjà beaucoup d’azote10. Par ailleurs, un apport d’urée automnal sur des jeunes arbres pas encore productifs pourrait être néfaste9 et dépasser 50 kg/ha à l’automne peut mener à une mortalité partielle des bourgeons11. Finalement, les applications d’urée à l’automne sont associées à une augmentation des problèmes de chancre européen12 et il n’est pas exclu que l’urée qui atteint le bois au printemps puisse aussi causer des problèmes en facilitant l’infection au niveau des blessures de taille d’hiver.

Quand l’application d’automne a lieu trop longtemps avant la chute des feuilles, l’urée est métabolisée et son action contre la tavelure est moindre. L’urée foliaire à l’automne appliquée sur du feuillage encore fonctionnel est absorbée par l’arbre en 48 h13. Pour maximiser l’effet contre la tavelure il faut donc retarder autant que possible le traitement et/ou accélérer la défoliation (voir cette section). Le traitement au sol doit être fait après la chute des feuilles et est donc souvent retardé au printemps, avant le stade du débourrement, ou le plus tôt possible après le débourrement. À mesure que les spores arrivent à maturité, l’effet de l’urée est amoindri et cet azote appliqué au sol peut mener à des effets néfastes au moment où il deviendra disponible à l’arbre (voir la fiche La fertilisation sans nuire à la phytoprotection).

Recette. Appliquez 50 kg d’urée par hectare dans un volume suffisant pour dissoudre l’urée. Les américains préconisent près de 1000 litres d’eau par hectare (40 lbs d’urée dans 100 gallons par acre14), mais il n’est pas nécessaire d’utiliser un volume aussi élevé. En fait, les résultats sont probablement meilleurs quand l’urée est appliqué dans un volume plus faible de bouillie9. Le volume minimal requis pour dissoudre 50 kg d’urée est 75 L d’eau à 0 °C15, mais c’est plus facile avec les volumes usuels (ex. : 250 L/ha). Il n’y a donc pas de problème de préparation, même par temps froid. L’efficacité est proportionnelle à la quantité d’urée appliquée et donc diminuer la quantité d’urée par hectare diminue l’efficacité16.

Pour les traitements au sol, vous pouvez l’appliquer avec votre pulvérisateur conventionnel de deux manières : soit en utilisant seulement les jets du bas, ou mieux encore en branchant une simple rampe horizontale (style herbicide) avec des buses qui couvrent au mieux la largeur de la rangée. Il est également possible d’utiliser votre pulvérisateur d’herbicide conventionnel et de le modifier pour couvrir plus large. Cette dernière solution est moins intéressante à cause des volumes d’eau importants à transporter. L’objectif est de bien mouiller la zone où on trouve les feuilles de litière, souvent le long du rang. Il est aussi préférable d’éviter d’atteindre le bois dans les vergers avec des problèmes de chancres. Utilisez 200-400 L/ha au maximum pour éviter le ruissellement. L’urée après le déchiquetage donne les meilleurs résultats. Évitez d’appliquer l’urée juste avant une pluie. Comme l’urée est très soluble, il serait alors rapidement éliminé par ruissellement. Cependant, le temps de contact requis entre l’urée et les feuilles de litières pour maximiser l’efficacité n’a pas été étudié spécifiquement. L’urée appliquée à la volée en granules n’est pas absorbée également par la litière et n’est donc pas aussi efficace.

L’urée de grade « foliaire » a une faible teneur en « biuret », un composé azoté phytotoxique. Ce grade de qualité n’est évidemment pas nécessaire pour des traitements au sol, mais c’est ce qui est proposé pour éviter de confondre les deux grades et abîmer le feuillage lors des traitements d’engrais à base d’urée foliaire.

Fertilisation en prime. Les apports d’urée pour réprimer la tavelure doivent être comptabilisés. L’apport de 50 kg d’urée (46 % N) représente 23 kg d’azote par hectare. Cet apport est modeste, mais il faut en tenir compte avant d’intégrer cette approche à vos pratiques. Consultez le bulletin sur la fertilisation et la phytoprotection.

Déchiquetage

L’objectif du déchiquetage est de détruire mécaniquement les feuilles et de les laisser au sol. Même si le déchiquetage n’attaque pas directement le champignon, la réduction de la taille des fragments foliaires accélère grandement leur décomposition. De plus, inverser l’orientation des fragments de feuilles au sol peut nuire à l’éjection des ascospores.

Selon l’équipement disponible, cette opération peut être assez facile et peu coûteuse. Par exemple, l’utilisation d’une faucheuse « à fléau » conventionnelle permet aussi d’éliminer une partie de la litière. Il faut régler l’appareil assez bas pour bien rejoindre les feuilles collées au sol et les déchiqueter. Une faucheuse rotative ne permet pas cette opération9.

faucheuse à fléau (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: déchiquetage)

Idéalement, toute la surface du verger doit être travaillée mécaniquement en déportant l’appareil le plus près possible des rangées d’arbres.

Quand l’opération est faite au printemps, il est possible de déchiqueter le bois de la taille hivernale et de réduire l’inoculum de la tavelure simultanément. Il est même possible que cette opération combinée permette de réprimer d’autres maladies, comme la pourriture noire, le chancre européen et le feu bactérien, qui sont présents sur le bois de taille. Par contre, cette opération ne doit pas être réalisée dans les sites où le sol laissé à nu risque de créer des conditions boueuses qui risquent de nuire ensuite au passage des équipements.

Balayage/soufflage

Le balayage des feuilles avec des brosses rotatives ou des souffleries puissantes peut être utilisé pour mieux décoller les feuilles du sol, incluant celles qui sont inaccessibles par le déchiquetage, et les andainer dans le centre des rangées où elles pourront être fauchées ou déchiquetées. Cette stratégie est notamment très utile dans les vergers de pommiers nains, puisque les feuilles de litière s’accumulent sur la bande désherbée. Comme pour le déchiquetage, le simple déplacement des fragments de feuilles au sol peut aussi nuire à l’éjection des ascospores.

soufflerie (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage)

brosses rotatives (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage)

Le balayage/soufflage peut être fait séparément du déchiquetage ou avec un appareil combiné. L’intégration d’une brosse horizontale à un broyeur conventionnel améliore à faible coût l’efficacité des broyeurs conventionnels. L’appareil modifié en ce sens, baptisé Eliminae, peut être fabriqué directement par les producteurs à partir de plans publics ou sur commande. Un document d’accompagnement pour la modifications des broyeurs est disponible en ligne17.

plan de l'appareil Eliminae (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: balayage/soufflage/déchiquetage)

Élimination des pommiers sauvages ou abandonnés

Les pommiers en bordure des vergers peuvent constituer une source non négligeable d’inoculum de tavelure et d’autres ravageurs du pommier. L’élimination des arbres dans un périmètre de 50 m autour du verger devrait suffire à éliminer la plupart des sources d’ascospores extérieures au verger. Les pommiers abandonnés des propriétés voisines peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures si la situation ne peut être réglée à l’amiable (voir la fiche 15).

Ramassage des feuilles

Le ramassage des feuilles a pour but d’interférer avec les éjections en verger en retirant la source de contamination du verger pour en disposer dans un site éloigné. La méthode est jugée plus efficace que le seul déchiquetage pour réduire l’inoculum. Même si le volume de feuilles à déplacer n’est pas très important et peut être comprimé, cette approche entraîne un problème de gestion des résidus ramassés. Soit les résidus sont enlevés de façon permanente, ce qui réduit la matière organique des vergers, soit les résidus sont retournés au verger après la période des risques (ou après compostage), ce qui entraîne des coûts additionnels. De plus, les appareils disponibles, comme le Combi-Trailer (photo suivante) utilisé en Europe pour le broyage et le ramassage des feuilles de litière a été brièvement testé au Québec et s’est avéré pas assez robuste pour broyer le bois de taille hivernal. Pour ces raisons, le ramassage n’est pas recommandé en PFI.

Combi-Trailer (stratégie de réduction d'inoculum de tavelure: broyage/ramassage)

Chaulage

Le chaulage d’automne, réalisé dans le but d’augmenter le pH du sol, inhibe aussi la formation des pseudothèces et peut être une alternative à l’urée, quoique moins efficace. Le chaulage au printemps est possible, mais la contribution à la réduction de l’inoculum est encore moindre. L’apport de 5 tonnes de chaux ou plus par ha (200$/ha) ne doit pas être considéré comme un substitut équivalent aux autres méthodes de réduction de l’inoculum.

Accélération de la chute des feuilles

Le cuivre chélaté (EDTA de cuivre) est fréquemment utilisé par les pépiniéristes pour accélérer la chute des feuilles. En production commerciale, cette pratique pourrait augmenter l’efficacité de l’urée foliaire à l’automne (voir cette section), faciliter l’élimination des feuilles de la litière et réduire les infections foliaires de chancre européen à l’automne12. Un seul traitement de 14 L/ha (chélaté à 14 %, soit 2 kg/ha de cuivre métal) est efficace, mais le fractionnement (2 applications de 7 L/ha) est encore mieux (Fanny Le Berre, comm. pers). Une dose plus élevée (20 L/ha) a été testé avec succès à l’IRDA.

Épuisement des éjections

La technique de l’épuisement des éjections vise à profiter de périodes sèches au printemps pour accélérer la maturation et l’éjection des spores. Un système d’irrigation par aspersion près du niveau du sol est utilisé pour mouiller la litière, sans pour autant permettre la germination et l’infection des spores déposées sur l’arbre qui reste sec. L’objectif de l’épuisement est de diminuer le nombre d’ascospores éjectées durant les pluies d’infection. Une heure ou deux d’irrigation à tous les deux ou trois jours pendant les périodes sèches suffisent en théorie à épuiser le potentiel d’éjection des spores et à réduire les risques d’infection lors des pluies.

En pratique, l’apport continu d’eau aux pseudothèces peut favoriser la production d’asques qui seraient autrement avortés pendant les périodes sèches prolongées. De plus, l’irrigation ne doit pas être faite moins de 24 heures avant une pluie, pour éviter que les ascospores éjectées pendant l’irrigation puissent survivre et infecter les arbres durant la pluie. La technique de l’épuisement des éjections est utilisée dans certains vergers en Europe, mais est de portée limitée. De plus, les risques d’accroître l’infection en cas d’utilisation trop près d’une pluie font en sorte que cette stratégie n’est pas actuellement recommandée en PFI.

Rebouche ornière

Les passages fréquents du tracteur compactent le sol et forment des ornières dans les rangées. Si la réparation des ornières est faite tôt au printemps, cette opération peut contribuer à ensevelir les feuilles de la litière et accélérer leur dégradation.

Labour

L’incorporation dans le sol des feuilles de la litière par un labour superficiel est pratiquée dans certains pays pour favoriser la décomposition des feuilles et interférer avec les éjections au printemps. Cette pratique n’est pas envisageable dans les vergers pierreux et peut nuire au passage des équipements en créant des conditions boueuses. Conséquemment, cette stratégie n’est pas recommandée en PFI.

Paillage et couvre-sols

Certains chercheurs ont imaginé qu’il pourrait être possible d’intercepter les spores au moment de l’éjection avec des paillis naturels ou artificiels installés par-dessus la litière avant les éjections au printemps. De même, des plantes couvre-sol à croissance rapide qui couvriraient les feuilles de la litière avant la période des éjections ont également été testées mais ne sont pas prometteuses18. Ces approches ne sont pas au point et ne sont donc pas actuellement recommandées en PFI.

Autres traitements pendant la saison morte

Certains traitements fongicides d’automne appliqués directement sur l’arbre après la récolte ou au sol sur la litière peuvent pénétrer les feuilles et interférer directement avec la survie du champignon. Les traitements de litière au printemps avec différents produits sont aussi rapportés19. Ces stratégies sont parmi les plus anciennes répertoriées. Or les fongicides utilisables à l’époque étaient très toxiques ou ont des effets adverses sur la faune auxiliaire et seraient aujourd’hui inadmissibles en PFI. Les fongicides disponibles actuellement qui sont efficaces pour cet usage20 sont pour la plupart sujets à la résistance. Le Captan20 serait efficace et non sujet à la résistance, mais les restrictions d’usage limitent l’utilité de cette option. Au global, la stratégie d’utiliser des fongicides après la récolte n’est pas reconnue utile en PFI. D’autres substances, incluant des herbicides9 ont un effet reconnu pour la réduction de l’inoculum mais ces pratiques ne sont pas homologuées.

Des antagonistes microbiens ont aussi été suggérés comme stratégie de lutte biologique à l’automne pour réprimer la production d’inoculum21. Malheureusement, aucun projet n’a abouti à un produit homologué. Les antagonistes sont souvent efficaces au laboratoire, mais perdent leur efficacité en vergers22. Néanmoins, certains projets sont toujours actifs et pourraient mener à des solutions viables au cours des prochaines années. Par exemple, des extraits de levures de brassage appliquées à la litière ont un effet inhibiteur reconnu sur la tavelure23 et leur application augmente indirectement l’activité des vers de terre. D’autres produits à forte teneur en acides aminées (caséine dégradée) ont le même effet24.

Comme ces extraits sont parfois des déchets de l’industrie alimentaire (ex. : production brassicole) et certifiables en production biologique24, leur disponibilité à bon marché pourrait être utile à l’industrie pomicole.

Finalement, l’utilisation de brûleurs au propane, d’appareils générateurs de vapeur, ou d’eau chaude a été proposée pour détruire l’inoculum à l’automne ou au printemps. Aucune de ces solutions n’a connu de suite et n’est utilisée.

 

Gestion de la croissance estivale

Les infections secondaires sur feuillage ont surtout lieu sur les pousses en croissance et parfois en fin de saison sur les feuilles qui ont perdu leur résistance naturelle (voir la fiche sur la biologie). Toutes les interventions visant à diminuer la quantité de feuillage sensible ont donc un impact direct sur la propagation de la tavelure en été et indirectement sur l’infection des fruits. Réduire la croissance et un programme de taille estivale sont donc des éléments importants pour la gestion de la tavelure.

Réduction de la vigueur

Dans les limites de ce qui est acceptable d’un point de vue horticole, toutes les interventions favorisant une fin de croissance plus hâtive diminuent la vitesse de propagation en été. En Allemagne, la fin des programmes visant à garder les arbres « verts » jusqu’après la récolte ont eu un impact majeur sur les besoins de traitements fongicides en été. Ainsi, la fertilisation, le contrôle de charge et les hormones de croissance peuvent jouer un rôle. Par exemple, les traitements à l’Apogee (voir la fiche sur les traitements d’été), la taille des racines et des coupes dans le phloème « scoring » sont à considérer.

Taille estivale

La taille permet d’aérer les arbres, et donc accélère le séchage des feuilles. Comme la durée d’humectation est un facteur aggravant (voir infection), toute mesure qui réduit le temps de séchage aura un impact sur la propagation de la tavelure et l’incidence de la tavelure sur fruits. Par contre, l’effet de la taille est beaucoup moins prononcé sur les infections primaires, parce que la quantité de feuillage à cette période n’est habituellement pas suffisante pour influencer de façon notable la durée de séchage, même dans les vergers mal entretenus. La taille a donc peu d’effet sur l’apparition des symptômes d’infection primaire. De même, comme la tavelure primaire n’est pas diminuée par la taille, la production d’inoculum à l’automne suivant n’est pas affecté. Néanmoins, la taille d’été a un impact sur l’apparition d’autres maladies estivales, comme le complexe suie–moucheture et est donc une mesure utile pour la gestion des maladies. Un bon émondage facilite la pénétration de la bouillie fongicide pendant les pulvérisations.

 

Références
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  9. Rosenberger D. A stitch in time …? Fall treatments for reducing scab inoculum for 1997. Scaffolds fruits journal 1996;5.
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  22. Stadler M, Tiedemann A von. Biocontrol potential of Microsphaeropsis ochracea on microsclerotia of Verticillium longisporum in environments differing in microbial complexity. BioControl 2014;59:449‑60.
  23. Pfeiffer, B., Alt, S, Häfner, C., Hein, B., Schulz, C., Kollar, A. Investigations on alternative substances for control of apple scab – results from sanitation trials. In: Ecofruit Internet Fördergemeinschaft Ökologischer Obstbau eV (FÖKO), 2004.79–84. Disponible sur : http://orgprints.org/id/eprint/14078.
  24. Porsche FM, Pfeiffer B, Kollar A. A new phytosanitary method to reduce the ascospore potential of Venturia inaequalis. Plant Dis 2017;101:414‑20.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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Fiche 102

Vincent Philion

 

Cet ennemi du pommier est réglementé en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des cultures (Fiche 15) et les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter la propagation aux cultures avoisinantes.

ATTENTION DOSES RÉDUITES : l’ARLA ne prend pas action contre ceux qui préconisent de telles pratiques, si elles n’entraînent pas de danger pour la santé ou la sécurité humaine ou pour l’environnement et qu’elles ne sont pas destinées à promouvoir la vente de produits antiparasitaires. Si toutefois l’utilisation de doses réduites ou adaptées devait entraîner des pertes pour les utilisateurs, les conseillers ou les organisations qui les recommandent pourraient être tenus responsables de leurs recommandations dans des actions civiles.

Les risques d’infection de la tavelure peuvent débuter dès l’apparition des premiers tissus verts au stade débourrement, être présents à chaque pluie et se terminer seulement à la récolte (voir la fiche 100 sur la biologie). Conséquemment, la gestion efficace de cette maladie passe inévitablement par des interventions ciblées qui ont pour but de casser son cycle et d’éliminer à moindre coût les pertes liées à cette maladie. La meilleure stratégie pour y arriver consiste d’abord à prévenir l’apparition de la maladie en réprimant les infections primaires et au besoin, compléter la protection des fruits par des traitements d’été.

Une excellente gestion des infections primaires est donc la clef d’une stratégie efficace de la tavelure. Pendant la période des infections primaires (environ 7 semaines), le moment précis des interventions peut faire toute la différence et va décider du nombre de traitements qui seront nécessaires pour protéger les fruits jusqu’à la récolte (14-16 semaines). La gestion du risque doit donc être très conservatrice pendant le premier tiers de la saison pour pouvoir ensuite minimiser à la fois les coûts, les risques environnementaux et les résidus sur fruits. La gestion des infections primaires sera facilitée dans les vergers propres où l’inoculum est faible par rapport à ceux dont l’inoculum est élevé. Il est également possible d’y réduire le nombre d’interventions, notamment quand les infections sont à risque faible.

L’objectif de cette fiche est de couvrir les stratégies de traitements pendant les infections primaires et selon l’apparition des symptômes, orienter les interventions en été.

 

Stratégies d’intervention contre les infections primaires

Il existe trois stratégies de traitements fongicides foliaires pour empêcher directement le champignon de causer des symptômes et une stratégie indirecte qui vise à activer les mécanismes de défense de la plante (éliciteurs). La figure ci-après donne une représentation graphique des quatre stratégies de traitement en lien avec une infection primaire simulée par le logiciel RIMpro.

stratégies de traitement de la tavelure en lien avec une infection primaire simulée par RIMpro

Les éliciteurs doivent être appliqués avant les pluies, alors que les fongicides peuvent agir à différents moments. Les éliciteurs sont décrits à la fiche 49. Les traitements qui visent le champignon sont les traitements préventifs appliqués en PROTECTION avant les pluies, les traitements pendant la pluie ou juste après la pluie visent à enrayer la GERMINATION des ascospores sur le feuillage, alors que les traitements en POSTINFECTION sont appliqués une fois que le champignon a pu traverser la cuticule de la plante.

Les trois stratégies d’application de fongicides comportent des avantages et des inconvénients et peuvent être utilisées conjointement lorsque le risque le justifie.

Stratégie de protection

La protection (approche préventive) vise à maintenir à la surface du feuillage une couche protectrice de fongicide avant les pluies et l’arrivée des spores. La stratégie des traitements en protection est à la base de tout programme de lutte contre la tavelure. Par contre, les traitements en place perdent rapidement leur efficacité à mesure que de nouvelles feuilles apparaissent et que la pluie lessive certains produits. Comme la sortie des nouvelles feuilles peut-être très rapide pendant la période des infections primaires et que parfois le lessivage peut survenir avant même l’arrivée des spores, les traitements en protection ne suffisent pas toujours à prévenir les infections. De plus, comme la couverture fongicide n’est pas parfaite, des taches peuvent apparaître même quand la fréquence des traitements de protection est ajustée pour ne laisser aucune feuille à découvert. Les failles dans les stratégies de protection sont aggravées par l’abondance d’inoculum.

La fréquence des traitements de protection peut être ajustée selon les prévisions de pluie. Lors des périodes sans pluie, les traitements peuvent être espacés. Cependant, des traitements répétés à intervalles plus ou moins réguliers permettent d’assurer une couverture plus uniforme. De plus, les périodes sans pluie sont favorables au blanc du pommier et des fongicides efficaces contre le blanc peuvent être nécessaires selon le cultivar (voir la fiche 109).

En période de croissance active, entre deux et quatre nouvelles feuilles peuvent faire leur apparition en l’espace de cinq jours. Les traitements de protection doivent donc être appliqués le plus près possible de la pluie pour minimiser les surfaces laissées à découvert par la croissance entre le traitement et la pluie. Lors de conditions particulièrement à risque (abondance de l’inoculum, surface foliaire laissée à découvert et risque de l’infection) des traitements complémentaires pendant la fenêtre de germination ou en postinfection peuvent s’avérer essentiels pour éviter l’apparition des symptômes.

Comme les prévisions météorologiques ne sont pas toujours fiables et que les surfaces de vergers à couvrir sont parfois trop grandes pour le temps disponible avant la pluie, il est possible de gérer le risque en ne couvrant qu’une partie des surfaces. Par exemple, il est possible de traiter en protection les rangées alternes (un rang sur deux) et décider pendant la pluie de s’ajuster au risque avec un traitement pendant la fenêtre de germination, ou éventuellement en postinfection.

Fongicides de protection. Les fongicides les plus efficaces en protection empêchent la germination des spores, sont peu sujets au lessivage par la pluie et peuvent être redistribués partiellement aux endroits non couverts au moment du traitement ou à mesure que de nouvelles feuilles apparaissent et que les feuilles et fruits prennent de l’expansion. Presque tous les fongicides ont une certaine efficacité lorsqu’appliqués préventivement en protection (voir le tableau d’efficacité des fongicides, fiche 48). Les produits non recommandés en protection sont soient inefficaces pour réprimer la germination des spores (ex. : IBS) et/ou trop facilement lessivables (ex. : bicarbonate). Les fongicides de protection sont conçus pour plus ou moins coller à la surface des feuilles (voir contacts multisites, fiche 50), ou sont absorbés par la cuticule (voir unisites, fiche 50). Selon le coût du produit, le lessivage des produits par la pluie peut être compensé par des applications répétées pour maintenir une couche de protection (ex. : contacts multisites). Les fongicides unisites (guanidines, AP, QoI, SDHI) ne sont pas sujets au lessivage, mais leur efficacité est tributaire du niveau de résistance présente dans la population du champignon. Les fongicides appliqués en protection sont tous partiellement redistribués. Le lessivage permet aux fongicides de contact d’être éclaboussés sur d’autres feuilles alors que différents mécanismes assurent la redistribution des fongicides absorbés. Les fongicides absorbés sont habituellement mieux redistribués au sein des feuilles déjà traitées, alors que les produits non absorbés peuvent plus souvent atteindre les feuilles apparues depuis le traitement. Certains produits ont des propriétés mixtes. Néanmoins, aucun fongicide ne peut assurer une bonne protection des feuilles apparues après le traitement. La protection sur les feuilles qui se déroulent après le traitement est toujours déficiente, peu importe le produit utilisé ou la dose appliquée.

Stratégie de germination

Les traitements pendant la fenêtre de germination des ascospores sont conçus pour profiter des patrons d’éjection des spores et sont appliqués lorsque les éjections du jour sont terminées, idéalement avant que les premières spores n’aient le temps de pénétrer la cuticule. Ces traitements aussi appelés « stop » sont généralement plus efficaces que les traitements préventifs. Contrairement aux traitements de protection, ils couvrent toute la surface foliaire à risque, puisqu’ils sont appliqués tout juste après la déposition des spores. De plus, ils ne sont pas affectés par le lessivage parce qu’ils tuent les spores dès l’instant où ils sont appliqués. Finalement, l’intensité de la pluie au moment du traitement n’est pas déterminante pour l’efficacité, tant que les spores sont déjà déposées sur le feuillage. Par contre, comme le moment optimum d’intervention est souvent court, il est difficile de couvrir l’ensemble du verger pendant la fenêtre d’intervention. De plus, il arrive que la fenêtre de germination surviennent pendant la nuit, ce qui rend la logistique de traitement très ardue. Finalement, ils n’ont souvent aucune efficacité résiduelle après le traitement. Conséquemment, une stratégie basée exclusivement sur des traitements de germination repose sur des applications répétées pour chaque période d’éjection. Quand la pluie débute en soirée par temps frais et provoque un lessivage des traitements de protection avant l’éjection des spores, les traitements de germination ont un avantage indéniable. Par contre, quand la température est assez élevée, les pluies en soirée mènent à une infection avant les éjections importantes du jour suivant. Dans ces cas, la fenêtre de germination disparaît puisque les premières spores ont traversé la cuticule avant l’éjection principale et l’infection débute avant que toutes les spores ne soient sur le feuillage. Néanmoins, il est toujours préférable de traiter en germination, quitte à ce que ce traitement laisse une partie des spores pénétrer le feuillage, que de dépendre entièrement sur un traitement de postinfection.

Fongicides de germination. Les produits les plus efficaces pendant la période de germination empêchent ou arrêtent la germination des spores. Comme ces traitements sont prévus pour tuer seulement les spores déjà sur le feuillage et non de coller en attendant les éjections, leur résistance au lessivage n’est pas un facteur important. Par contre, les produits préconisés doivent être abordables, puisqu’ils ne sont efficaces qu’un très court laps de temps. Pour cet usage, de très faibles doses de fongicides de contact multisites (demi-dose) ou de soufre (4 kg/ha de matière active) peuvent être utilisées.

Stratégie de postinfection

L’objectif des traitements de postinfection est d’arrêter la croissance du mycélium après l’invasion sous la cuticule. L’avantage de cette stratégie est qu’elle n’est pas affectée par la qualité des prévisions d’infection, puisque les traitements sont faits après les pluies. Cette stratégie repose sur l’utilisation de produits capable d’arrêter la progression du mycélium sous la cuticule et de conditions météorologiques qui permettent l’application et l’absorption du produit avant que ne s’écoule leur période d’efficacité. Comme les traitements de postinfection doivent atteindre directement leur cible et qu’ils ne sont pas redistribués avant d’agir, une bonne couverture et de bonnes conditions d’absorption sont nécessaires lors de l’application.

Pour pallier à une mauvaise couverture, certains manufacturiers (ex: Inspire Super, Syngenta) recommandent une seconde application après 7 jours (applications “back to back”. Cette recommandation n’est pas nécessaire si les traitements sont faits dans de bonnes conditions et que l’infection a d’abord été réprimée par un traitement de protection.

Par ailleurs, comme les traitements en postinfection ne font souvent que ralentir la progression du champignon, des infections latentes peuvent survenir, dont les conséquences sont similaires à la stratégie du « cheval de Troie ». D’abord, des symptômes de tavelure issus des infections partiellement réprimés peuvent apparaître plus tard en saison, souvent au moment où la résistance ontogénique du pommier diminue à la fin de l’été. Ces symptômes retardés peuvent alors contribuer à infecter les fruits à la fin de l’été et augmentent l’inoculum pour l’année suivante. Comme les taches les plus résistantes aux fongicides sont favorisées, les symptômes retardés peuvent être plus tolérants aux fongicides et contribuer graduellement à l’accumulation de la résistance dans la population.

Pour toutes ces raisons, la stratégie de postinfection ne devrait jamais être le pilier de votre programme de tavelure mais peut être utile pour compléter au besoin une stratégie de protection et de germination.

Fongicides de postinfection. Les produits efficaces en postinfection pénètrent à des degrés divers sous la cuticule et/ou interagissent avec le mycélium sous la cuticule. La plupart des produits recommandés pour cet usage sont sujets à une perte d’efficacité liée à la résistance du champignon. Contrairement aux recommandations des étiquettes, pour la tavelure mélanger un produit systémique à un fongicide de contact n’est pas une stratégie optimale pour ralentir la résistance. Voir la fiche 52 sur les mélanges.

Les produits de postinfection sont pour la plupart absorbés par la cuticule et ne sont pas affectés par le lessivage (voir fongicides unisites, fiche 50). La bouillie soufrée et le bicarbonate sont les seuls produits efficaces en postinfection qui ne soient pas sujets à la résistance. Par contre, ils sont facilement lessivables et n’offrent aucune efficacité résiduelle.

 

Intégration des facteurs de risque dans la prise de décision

Le tableau ci-après présente l’effet des paramètres qui contribuent le plus au risque sur la prise de décision pour appliquer un traitement additionnel pendant la fenêtre de germination ou en postinfection. Le niveau de l’inoculum dans la parcelle, la surface exposée non traitée lors de la pluie, l’indice de risque (RIM), la mixité des cultivars et la sensibilité variétale du pommier ont tous un effet important sur l’apparition de taches de tavelure. Bien qu’il n’ait jamais fait l’objet d’une validation au Québec et qu’il doive donc être utilisé uniquement à titre informatif, ce tableau reste néanmoins utile pour déterminer le niveau de risque associé à une infection et d’évaluer si la protection fongicide présente est suffisante ou si des traitements complémentaires pendant ou après la pluie sont nécessaires.

Détermination empirique du potentiel d’apparition de la tavelure en fonction de l’inoculum, de la surface non protégée, de l’indice d’infection et la sensibilité du cultivar

Inoculum Surface en croissance non protégée Indice d’infection (RIM) Sensibilité locale du cultivar et dilution des races de tavelure
Peu sensible, mixte Moyennement sensible Très sensible, monovariétale
+ Minime < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 0
> 300 0 0 1
1 feuille par pousse < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 0
> 300 0 1 1
2 feuilles et + < 30 0 0 0
30 à 300 0 1 1
> 300 1 2 2
++ Minime < 30 0 0 0
30 à 300 0 0 1
> 300 0 1 2
1 feuille par pousse < 30 0 1 1
30 à 300 1 1 1
> 300 1 2 2
2 feuilles et + < 30 1 1 1
30 à 300 1 2 2
> 300 2 2 3
+++ Minime < 30 0 0 1
30 à 300 0 1 1
> 300 1 2 2
1 feuille par pousse < 30 0 1 1
30 à 300 1 2 2
> 300 2 3 3
2 feuilles et + < 30 1 2 2
30 à 300 2 2 3
> 300 2 3 3

Légende :

Niveau d’inoculum : + = très faible : aucune tache observée la saison précédente, mesures d’assainissement; ++ = faible : quelques taches observées; +++ = tavelure abondante.

Indice d’infection : dans ce tableau, la valeur RIM fournie par le logiciel RIMpro.

La méthode intégrée tient compte de l’état de protection fongicide du verger. Cependant, la protection effective dépend de plusieurs variables qui n’apparaissent pas dans le tableau comme le produit utilisé, la dose appliquée, le délavage par la pluie, la qualité de l’application, la redistribution etc.

Dans certains cas, des applications successives de fongicide pourraient être requises à quelques jours d’intervalle pour contrer les infections à risque élevé.

Quelques exemples pour un verger de pommiers très sensibles à la tavelure :

Exemple 1 :

  • Potentiel d’inoculum : très faible, le verger est toujours propre et de l’urée est appliquée à tous les printemps (+).
  • Aucun traitement effectué à date, le verger est au stade du débourrement avancé et a donc une importante surface foliaire sensible exposée.
  • Infection : l’indice d’infection de RIMpro, qui tient compte de la maturité des ascospores, de l’éjection et de la période d’humectation, donne une valeur de RIM de 100.

Selon le tableau, le risque d’apparition de symptômes pour cette pluie est de 0. Donc, même en l’absence de résidus de fongicide, le risque de tavelure est négligeable parce que l’inoculum du verger est très faible et l’indice RIM qui résume les risques d’infection est également faible. C’est un scénario rencontré régulièrement par les producteurs et productrices qui retardent le premier traitement de la saison, sans augmentation de tavelure.

Exemple 2 :

  • Potentiel d’inoculum : élevé, la tavelure était visible l’année précédente et le traitement d’urée n’a pas été fait (+++).
  • Aucun traitement effectué à date, le verger est au stade du débourrement avancé et a donc une importante surface foliaire sensible exposée.
  • Infection : l’indice d’infection de RIMpro, qui tient compte de la maturité des ascospores, de l’éjection et de la période d’humectation, prévoit pour demain une infection, mais avec une valeur de RIM inférieure à 30.

Selon le tableau, le risque d’apparition de symptômes pour cette pluie est de 2. Comme le risque d’apparition de la tavelure est supérieur à 0, un traitement est nécessaire, de préférence en protection avant la pluie.

Cet exemple illustre qu’en présence d’une abondance d’inoculum, même les infections avec un indice d’infection faible mènent à des taches en absence de traitement.

Par ailleurs, entre le débourrement avancé et le pré-bouton rose, les feuilles repliées par-dessus le bourgeon se déplient comme une fleur qui s’ouvre. Par conséquent, une application fongicide effectuée au stade débourrement avancé ne protège pas adéquatement le pommier contre une infection qui survient au stade pré-bouton rose, car la face supérieure des feuilles des bourgeons est alors exempte de résidus de fongicides.

En absence de taches, le modèle RIMpro peut guider vos interventions jusqu’à ce que l’indice d’infection (RIM) des pluies devienne faible, à mesure que les éjections d’ascospores cessent. Le risque lié à l’éjection des dernières ascospores est marginal. L’effet combiné du fauchage, de la litière qui se décompose et du faible inventaire de spores qui subsiste minimisent la probabilité d’infection.

La fin des infections par les ascospores ne veut pas dire la fin des traitements. La fréquence des interventions entre la fin des éjections et la fin de la période d’apparition des symptômes doit dépendre de la qualité de votre dépistage et votre confiance quant à la qualité des traitements réalisés pendant la période des infections primaires. Dans les vergers bien dépistés et où la qualité des traitements est présumée bonne, la fréquence et la dose des traitements peut être diminuée. Par contre, dans les vergers où la qualité des traitements est incertaine, il est possible que des taches passent inaperçues lors du dépistage. Il est donc recommandé de maintenir une stratégie de protection allégée jusqu’à la fin juin.

 

Cette fiche est une mise à jour de la fiche originale du Guide de référence en production fruitière intégrée à l’intention des producteurs de pommes du Québec 2015. © Institut de recherche et de développement en agroenvironnement. Reproduction interdite sans autorisation.

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